125.000 personnes ont défilé samedi à Londres lors de la 18e manifestation nationale contre le génocide à Gaza organisée par la Campagne de solidarité avec la Palestine, le Forum palestinien en Grande-Bretagne, les Amis d'Al-Aqsa, la Coalition Stop the War, l'Association musulmane de Grande-Bretagne et la Campagne pour le désarmement nucléaire. Leur action s'est déroulée sous les slogans suivants : « Arrêtez le génocide ! Arrêtez d'armer Israël ! Pas de guerre au Moyen-Orient ! Non à l'islamophobie ! »
La prochaine manifestation nationale aura lieu à Liverpool, plutôt qu'à Londres, le 21 septembre, pour protester contre le congrès du Parti travailliste. Le 12 octobre, une manifestation pour le premier anniversaire des rassemblements aura lieu à Londres, que les organisateurs entendent être la plus grande marche de l'histoire britannique.
La manifestation de samedi a débuté à Regent Street St James's, puis a marché le long de Piccadilly et de Hyde Park jusqu'à l'ambassade d'Israël. La semaine précédant l'événement, la police métropolitaine de Londres est revenue sur ses accords antérieurs en cherchant à imposer des restrictions sur l'heure de départ de la marche. Une déclaration des organisateurs a expliqué :
« Depuis que nous avons informé la police de nos intentions le 8 août, nous avons dû faire face à une série de retards, d’obstacles et de comportements peu coopératifs. Des réunions ont été annulées sans préavis et notre proposition raisonnable d’un itinéraire alternatif pour rejoindre l’ambassade d’Israël a été rejetée d’emblée. Aujourd’hui, avec seulement quatre jours de préavis, la police a imposé ces nouvelles conditions sans explication, créant des obstacles inutiles à une manifestation qui devrait attirer plus de cent mille personnes. »
À moins de 24 heures avant le départ de la manifestation, la police de Londres a levé ses restrictions.
Des membres du Socialist Equality Party (SEP, Parti de l'égalité socialiste) ont distribué un tract intitulé « Les manifestations et la grève générale en Israël soulèvent la nécessité de rompre avec le sionisme » et ont installé un stand de littérature. Des entretiens avec les manifestants peuvent être trouvés ici.
Les intervenants de la tribune ont de nouveau avancé la perspective de marcher jusqu'à ce que le Premier ministre Keir Starmer « ressente le poids de son inaction » face au génocide, les dirigeants syndicaux en particulier évitant soigneusement toute suggestion de grève.
La suspension par le ministre des Affaires étrangères David Lammy de moins de 10 pour cent des contrats d'armement du Royaume-Uni avec Israël a été généralement présentée comme un « pas en avant », plutôt que comme un acte cynique calculé, mais « pas suffisant ». Il fallait donc « accroître la pression » dans la rue.
Andrew Murray, membre dirigeant de la Coalition Stop the War, a déclaré à la foule : « Il n’y a rien, aucune force, dans ce pays qui nous empêchera de marcher pour la justice pour la Palestine […] Tant qu’il n’y aura pas de justice pour le peuple palestinien, nous serons ici dans les rues pour marcher, protester, défendre la Palestine. »
Sophie Bolt, vice-présidente de la Campagne pour le désarmement nucléaire, a exhorté : « Maintenons la pression pour que ce gouvernement mette fin à sa complicité dans le génocide […] Nous refusons d’arrêter de manifester. »
Du côté du Parti travailliste, Jess Barnard, membre de l'exécutif national, a lancé un appel : « À mes collègues travaillistes, conseillers municipaux et députés, à qui on dit de ne pas se présenter à ces manifestations, de ne pas s'exprimer contre le gouvernement, il est désormais temps de se présenter, de s'exprimer, de demander des comptes à notre propre parti [...] Starmer, ne soyez pas complaisant, car nous vous demanderons des comptes. »
Ils ne le feront pas ! Seuls deux députés du Parti travailliste élus lors des dernières élections ont pris la parole à la tribune à ce sujet, sachant que tous deux ont été suspendus de leur fonction de représentant du parti pendant six mois : Apsana Begum et John McDonnell.
Begum a déclaré que « ce qui se passe à Gaza remet en cause la notion même d’engagement des puissances occidentales envers les droits de l’homme et la dignité ». Elle a décrit la suspension des armes par Lammy comme un « pas en avant » qui est arrivé « trop tard » et qui n’est « tout simplement pas suffisant », avant de conclure : « nous continuerons à demander des comptes aux pouvoirs publics ».
L'ancien ministre fantôme des Finances John McDonnell a proposé d'offrir « quelques phrases de calme tristesse », largement axées sur le meurtre de l'activiste politique turco-américaine Ayşenur Ezgi Eygi en Cisjordanie vendredi.
Il a affirmé : « Vous avez fait bouger ce gouvernement. Pas assez, mais vous l'avez fait bouger grâce à votre détermination. » Ce fut « l'un des moments dont je suis le plus fier » de sa vie « de simplement marcher à vos côtés », ce qui est, en fait, le maximum dont il est capable.
Aucun des deux n’a même osé mentionner le nom de Starmer ou de tout autre membre du cabinet.
Le député indépendant Iqbal Mohamed a eu l'occasion de déclarer : « Malgré les faux pas du Parti travailliste et son approbation de la punition collective quand il était dans l'opposition, il y avait l'espoir qu'il respecterait son engagement déclaré de faire respecter le droit international et l'ordre fondé sur des règles [...] Il y avait l'espoir qu'il prendrait des mesures significatives pour aider immédiatement à mettre fin aux massacres et à obtenir un cessez-le-feu permanent. Nous sommes toujours dans l’attente. »
Mohamed a continué pendant plusieurs minutes à énumérer des « espoirs » de plus en plus ridicules devant un public qui semblait à ce stade agité. Il servait de porte-parole du jour de la nouvelle Alliance indépendante de députés composée de Jeremy Corbyn, Mohamed et trois autres indépendants élus au parlement sur un programme pro-Gaza. Corbyn était en déplacement à l’étranger pour une conférence internationale et a envoyé des salutations pour la forme.
Du côté des syndicats, Fran Heathcote, secrétaire générale du syndicat des services publics et commerciaux (PCS), s’est déclarée « extrêmement fière que, depuis de nombreuses années, le PCS soit à la tête des appels du mouvement syndical pour exiger la paix et la justice pour le peuple palestinien », ajoutant : « Nous continuerons à marcher, nous continuerons à protester et nous continuerons à soutenir la campagne de boycott, de désinvestissement et de sanctions. »
L’exclusion délibérée de grèves syndicales de cette liste a été soulignée par Heathcote qui a fait remarquer plus tard que « les membres du PCS travaillent dans des services gouvernementaux qui délivrent des permis d’armement ». Et que proposait de faire la bureaucratie syndicale à ce sujet ? « Si le gouvernement ne respecte pas le droit international, nous continuerons d’explorer la possibilité d’engager des actions en justice pour défendre nos membres. »
Dans le contraste le plus flagrant entre les paroles et les actes, le secrétaire général adjoint du syndicat ferroviaire, maritime et des transports (RMT), Eddie Dempsey, a averti dans son discours : « La situation devient si tendue qu’elle risque de dégénérer en un conflit régional majeur, entraînant potentiellement les grandes puissances du monde dans une confrontation qui pourrait potentiellement conduire à un conflit nucléaire. »
Il a ajouté : « C’est une question syndicale, et c’est pourquoi le RMT soutient la Campagne de solidarité avec la Palestine, ainsi que les marches et les manifestations qui ont eu lieu. » Et pourtant, le RMT limite [article en anglais] la grève parmi ses 500 membres de la Royal Fleet Auxiliary, qui fournit un soutien logistique essentiel à la Royal Navy, et s’oppose à toute suggestion d’une grève contre la guerre.
Les propos de Dempsey ont en tout cas mis en évidence le discours creux de clôture du directeur de la Campagne de solidarité avec la Palestine, Ben Jamal, qui a annoncé que « nous, à la Campagne de solidarité avec la Palestine, intensifions nos campagnes appelant [...] les collectivités locales à se désinvestir [d’Israël] ». Jeudi prochain, ils allaient organiser leur « prochaine action, appelant les gens à fermer leurs comptes bancaires à la banque Barclays ». Mais « surtout », les gens devaient « continuer à accroître la pression sur Keir Starmer ».
Comme l’ont fait valoir les membres du SEP parmi les manifestants, aucune pression morale ne forcera Starmer et ses complices impérialistes à retirer leur soutien à Israël, et leurs plans de faire la guerre à l’Iran. Il faudra les stopper net ; ce qui nécessite l’intervention de la classe ouvrière pour paralyser les États qui soutiennent le régime israélien et faire chuter leurs gouvernements.
La lutte pour arrêter le génocide à Gaza est la lutte pour construire un parti socialiste de masse de la classe ouvrière et un mouvement mondial contre la guerre.
(Article paru en anglais le 9 septembre 2024)