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 À la veille du vote du 2 juin:

 

Les politiciens canadiens fomentent le chauvinisme

 

La campagne pour les élections fédérales canadiennes du 2 juin a marqué un autre tournant de l'élite politique vers la droite.

Les cinq principaux partis (les libéraux au pouvoir, les conservateurs, le parti réformiste, le Bloc Québécois sécessionniste et le NPD social-démocrate) se sont tous engagés à continuer de réduire les services publics et les programmes sociaux. Ils ont tous centré leurs plate-formes respectives sur la nécessité d'équilibrer le budget fédéral d'ici l'an 2000 ou plus tôt, en dépit du fait que la pauvreté a beaucoup augmenté dans une période de soi-disant reprise économique.

De nombreux sondages confirment que l'électorat est surtout préoccupé par la détérioration des réseaux de la santé, de l'éducation et des autres services sociaux, et par la persistance du chômage, dont le taux officiel n'est jamais descendu sous la barre des 9 p. cent depuis 79 mois. Mais les politiciens et les médias de la grande entreprise ont mené la campagne électorale autour de questions telles que « l'unité nationale » (le mouvement d'opposition à la sécession du Québec), les coupures de taxes et le crime.

Par leurs appels chauvins, leurs dénonciations du « gouvernement trop gros » et leur démagogie autour de l'ordre et la loi, les valets politiques de la grande entreprise cherchent à diriger la colère populaire et la frustration causée par l'insécurité économique et l'inégalité sociale contre les pauvres, les immigrants, et d'autres régions et groupes linguistiques.

Dans la mesure où de tels appels ont le moindre succès, c'est parce que la classe ouvrière a été paralysée par ses directions traditionnelles: les syndicats et le NPD. Les bureaucrates syndicaux et les politiciens social-démocrates du NPD ont participé à l'assaut de la grande entreprise sur les emplois et les services publics et bloqué le développement d'une opposition ouvrière unifiée par-delà les différences linguistiques. Dans l'actuelle campagne électorale, le NPD, financé par le Congrès du Travail du Canada, présente le gouvernement NPD de la Saskatchewan dirigé par Roy Romanow comme un modèle pour tout le Canada. Romanow, qui exhorte le NPD à « suivre l'exemple » de Tony Blair en Angleterre, a équilibré le budget de la Saskatchewan en fermant plus de 50 hôpitaux ruraux, en réduisant les services gouvernementaux et en augmentant les taxes sur le monde ordinaire.

C'est le parti réformiste qui donne le ton au tournant général vers la droite. Dirigé par Preston Manning, ex-prédicateur chrétien fondamentaliste et fils d'un ancien premier ministre créditiste de l'Alberta, le parti réformiste a attiré l'attention au début des années 90 en se présentant comme un parti anti-establishment dédié à la défense des « Westerners » (habitants des quatre provinces de l'ouest canadien) et en attisant le chauvinisme anti-immigrants et anti-Québec et l'opposition aux taxes élevées.

Les libéraux ont par la suite miné une partie du soutien accordé par la grande entreprise à Manning en adoptant essentiellement la plate-forme économique du parti réformiste et en coupant les dépenses fédérales de $15 milliards par année. Manning cherche maintenant à ranimer les chances de succès de son parti en présentant celui-ci comme le seul parti capable de « remettre le Québec à sa place » et de préserver « l'unité nationale ». Jamais depuis au moins un demi-siècle un politicien canadien en vue n'a-t-il cherché si ouvertement à encourager le chauvinisme anti-québécois. Manning a accusé les autres partis fédéralistes d'être « mous » à l'endroit du Québec et donné l'étiquette de « dirigeants basés au Québec » au chef libéral et premier ministre Jean Chrétien ainsi qu'au chef conservateur Jean Charest.

Les autres partis fédéralistes ont répondu en accusant Manning d' « extrémisme ». Mais ils cherchent eux aussi à faire appel au chauvinisme canadien. Alors que le parti réformiste est le seul à faire de la partition du Québec une condition pour la sécession, les libéraux, les conservateurs et le NPD ont tous brandi le spectre de la partition dans leur opposition à la souveraineté du Québec. Le gouvernement NPD de la Saskatchewan s'est associé à Ottawa dans une démarche à la Cour Suprême appelant celle-ci à déclarer illégale toute déclaration unilatérale d'indépendance de la part du Québec.

Dans les derniers jours de la campagne, Chrétien a cherché à renforcer sa crédibilité en tant que principal défenseur du Canada en déclarant qu'il n'accepterait pas la sécession même si une majorité de Québécois votait pour dans un référendum dont la question aurait été rédigée par Ottawa.

Les menaces réciproques occasionnées par le débat autour de « l'unité nationale » sont tombées comme un cadeau du ciel pour le Bloc Québécois, dont la popularité a chuté à cause de l'opposition populaire aux féroces coupures budgétaires imposées par son parti frère, le Parti Québécois, au pouvoir à Québec. Comme le parti réformiste, le BQ cherche à se présenter comme un parti anti-establishment; comme le parti réformiste, il fait appel au sentiment anti-taxes et anti-gouvernemental, prônant la sécession comme un moyen de réduire la taille du secteur public; et comme le parti réformiste, c'est un parti chauvin, qui cherche à détourner la colère à l'endroit des conditions misérables créées par le capitalisme contre d'autres groupes sociaux. Le BQ-PQ représente une section du grand patronat québécois et des couches privilégiées de la classe moyenne qui pensent que l'établissement d'un Québec indépendant permettrait de forger des liens plus lucratifs avec Wall Street et le capital international.

Les politiciens de la grande entreprise utilisent le débat autour de « l'unité nationale » pour contenir les tensions sociales croissantes. Mais la campagne électorale a aussi servi à approfondir les divisions réelles qui existent au sein de l'élite politique canadienne et parmi diverses factions régionales du capital. La mondialisation de la production, et en particulier la fusion des économies canadienne et américaine, a miné les relations économiques sur lesquelles reposait l'état-nation canadien, et rendu de plus en plus difficile la possibilité de contenir les divergences existantes au sein des structures politiques traditionnelles.

Même la presse capitaliste a dû admettre que la majorité des travailleurs ordinaires ne ressent pas le moindre intérêt pour le processus électoral. Le principal chroniqueur politique du Globe and Mail a récemment intitulé sa chronique: « Élections marquées par le désengagement des électeurs et la perte de tout espoir ».

Pour mettre fin aux deux dernières décennies de reculs et de défaites, les travailleurs doivent transformer ce sentiment d'aliénation en rupture consciente avec la politique capitaliste. C'est pour offrir aux travailleurs une nouvelle orientation, un nouveau programme et un nouvel outil de lutte que le Parti de l'égalité socialiste a été fondé le mois dernier sur la base des principes suivants: l'unité internationale des travailleurs, l'égalité sociale, la propriété collective des moyens de production et l'indépendance politique de la classe ouvrière.

« Les reculs subis par les travailleurs au cours des deux dernières décennies », explique notre déclaration de principes, « ne prouvent pas que la lutte est impossible. Ils prouvent que les travailleurs ne peuvent plus défendre leurs intérêts au moyen d'organisations moribondes telles que les syndicats et le NPD, ni sur la base d'une perspective limitée à ce qui est possible et permis dans les limites du capitalisme.

« Le Parti de l'égalité socialiste a été fondé pour donner à la classe ouvrière un nouvel outil de lutte pour riposter à l'assaut de la grande entreprise contre les emplois, les conditions de vie et les services publics.... Il cherche à galvaniser la vaste opposition aux restructurations et à la politique de coupures des gouvernements en l'armant d'une nouvelle perspective: la classe ouvrière doit devenir une force politique indépendante et mettre de l'avant un programme radical de réorganisation de l'économie dans le sens des intérêts de la majorité. »

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