Retour vers l'index

Révolte des travailleurs du Cap Breton contre le chômage de masse

 

Par Keith Jones

Outragés par le chômage massif et une politique anti-syndicale, frustrés par le cul-de-sac où les formes de lutte traditionnelles les ont menés, des centaines de travailleurs de l'île du Cap Breton ont incendié un édifice en train d'être construit par des ouvriers non syndiqués.

Le matin du 24 février, 500 travailleurs de la construction, accompagnés par d'autres travailleurs et les membres de leurs familles, se sont rendus sur le chantier de construction à Sydney, la plus grande ville de l'île du Cap Breton. Ils y ont délogé les deux gardiens de sécurités et les 17 travailleurs non syndiqués qui s'y trouvaient, avant de mettre le feu au chantier, un édifice à logement de 50 appartements. La nouvelle de cette action a rapidement attiré une foule de plus de 1000 personnes.

Durant plus de deux heures, les manifestants ont empêché les pompiers d'intervenir. La Police Régionale du Cap Breton, craignant d'être débordée par la foule advenant une confrontation, s'est contentée de filmer la manifestation et d'empêcher d'autres travailleurs de se joindre à la manifestation.

Le taux de chômage au Cap Breton, historiquement le centre de la lutte politique et syndicale de la classe ouvrière des provinces Maritimes, atteint officiellement les 26%. Les trois secteurs industriels de base de l'île, les mines, la fabrication de fer et les pêcheries, ont perdu des milliers d'emplois durant les années 90. Sur une population totale de 170 000 personnes, 14 000 sont sans emplois.

A cause des coupures dans les prestations de chômage, plus d'un millier d'ouvriers de la construction sans emploi ont été obligés de demander de l'aide sociale. De plus, les travailleurs syndiqués de la construction ont été la cible d'une campagne dirigée par le gouvernement encourageant le « cheap labor ». En 1994, les libéraux provinciaux ont adopté une loi interdisant aux ouvriers syndiqués de refuser de travailler avec des ouvriers employés dans des entreprises non syndiquées.

 

75% de chômage dans l'industrie de la construction

 

Selon le Conseil des métiers de la construction de la Nouvelle-Écosse, depuis l'adoption de cette loi anti-syndicale, le chômage parmi les ouvriers de métier de la province est passé de 30% à 75%.

Les entrepreneurs en construction veulent maintenant utiliser l'incendie de Sydney pour pousser plus loin la politique de désyndicalisation de l'industrie. Prenant la parole durant une tribune radiophonique, l'entrepreneur de Sydney dont le chantier a été incendié déclarait: «je suis ici pour pointer du doigt les responsables..., les dirigeants syndicaux.»

Jusqu'à maintenant quatre travailleurs ont été accusés et la police a promis de poursuivre son enquête et de porter peut-être des accusations criminelles contre plusieurs autres.

Cliff Murphy, président de la Chambre de Commerce des Entrepreneurs en Bâtiments et en Construction de l'île du Cap Breton, a dénoncé les responsables de la manifestation comme étant « une poignée de radicaux ». Lors d'une rencontre avec le maire de Sydney, Murphy et d'autres dirigeants syndicaux ont promis qu'ils allaient empêcher toute nouvelle manifestation de ce genre et se sont joint au gouvernement et aux hommes d'affaires pour attirer de nouveaux investissements dans l'île.

L'éruption de Sydney reflète le mécontentement des membres de la base envers la politique poursuivie par les syndicats et leurs alliés, les sociaux démocrates du NPD. En réponse à l'assaut de la classe dirigeante contre les emplois, les droits syndicaux et les programmes sociaux, le mouvement ouvrier officiel a combiné de timides protestations à une politique toujours plus ouverte de collaboration de classe.

Le syndicat des ouvriers de la construction est allé jusqu'à encourager ses membres à adhérer au Parti Libéral. Ils prétendaient qu'en adhérant au parti, ils pourraient, lors du vote pour la nomination du chef, voter contre le premier ministre John Savage et son chef de cabinet, et de cette façon, forcer le gouvernement à abandonner la loi dirigée contre les syndicats de la construction.

Les dirigeants des syndicats ont uni leurs voix à celles de la presse pour dénoncer la manifestation en la qualifiant de «lundi noir». La manifestation a détruit leurs efforts, combinés avec ceux du gouvernement et de la grande entreprise, pour effacer la réputation de militantisme et de lutte ouvrière de l'île.

 

La lutte contre le chômage

 

Les événements de Sydney soulignent la nécessité pour les travailleurs d'adopter une nouvelle stratégie politique pour lutter contre le chômage et la détérioration des conditions de travail. Ces explosions de colères sont inévitablement produites par ces attaques. Mais en soit, ces manifestations ne peuvent pas contrer l'offensive que mène la classe dirigeante contre les emplois, les salaires, les programmes sociaux et les droits syndicaux.

De plus, le fait pour les travailleurs syndiqués de considérer les ouvriers non syndiqués, incluant ceux qui se trouvent sur les chantiers de construction, comme leurs ennemis naturels, ne peut mener qu'à de nouvelles défaites. Si de nombreux jeunes travailleurs se sentent forcer de travailler pour des salaires deux fois moindres que ceux offerts aux ouvriers de métier, c'est à cause des dirigeants syndicaux et du NPD, qui ont été incapables de mener une offensive pour la défense des emplois.

Seule une stratégie, qui conteste le droit d'une poignée d'individus de décider pour tous, selon leurs propres intérêts au lieu des intérêts de la population en général, peut unifier les travailleurs, jeunes, âgés, en chômage ou à l'emploi, contre les employeurs et leurs partis politiques.

Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés