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Les syndicats en déclin à l'échelle du globe

 

Les statistiques fournis ce mois-ci par l'Organisation Internationale du Travail (OIT) montrent un effondrement dans le membership syndical à l'échelle du globe.

Ces organisations qui, durant toute une époque, recevaient l'allégence active de larges sections de la classe ouvrière, ont dégénéré à tel point qu'elles ne rassemblent plus qu'une petite minorité. Le rapport annuel de l'OIT sur le travail international révèle que la proportion des travailleurs syndiqués a fondu de moitié au cours des 10 dernières années. En 1995, seulement 164 millions de travailleurs, approximativement 8.5 % de la force mondiale de travail estimée à 1.3 milliards de travailleurs, sont membres de syndicats, comparé à 16 % en 1985.

Le taux de syndicalisation se hisse au dessus de 50 % dans seulement 14 des 92 pays inclus dans l'étude, alors que dans 48 pays les taux sont inférieurs à 20 %. Partout, sauf pour 20 pays, le membership syndical s'est effondré.

Le déclin de la syndicalisation des pays ayant un taux traditionnellement élevé est massif: de 77 % en Israël à 55.1 % en Nouvelle Zélande, 29.6 % en Australie et 27.7 % au Royaume-Uni.

Des chutes semblables ont pris place en France (37.2 %), en Argentine (42.6 %) et aux États-Unis (21 %). Le même processus se produit dans les pays autrefois dirigés par la bureaucratie stalinienne: en Pologne (42.5 %), dans la République Tchèque (44.3 %) et en Hongrie (25.3 %).

On ne peut pas traiter une chute aussi vertigineuse et universelle d'organisations qui se sont développées dans la classe ouvrière depuis plus de 150 ans, comme étant le résultat d'une tendance temporaire, ou en invoquant des particularités nationales ou encore par les agissements de tel ou tel bureaucrate syndical.

C'est le résultat de profonds changements dans l'organisation du processus de production du système capitaliste. La perspective nationale réformiste - consistant à faire certaines concessions aux travailleurs pour les calmer et limiter la lutte de classe dans un cadre acceptable pour le système de profit - s'est effondrée.

Le tournant vers la production globalisée, basé sur l'utilisation des développements technologiques associés aux micro-processeurs et aux changements révolutionnaires dans les télécommunications et le transport, a miné toute perspective élaborée dans le cadre national.

L'OIT, une agence des Nations Unies, composée et dirigée par des représentants des gouvernements, d'employeurs et de syndicats, n'a aucun intérêt à analyser en profondeur cette crise, encore moins à attirer l'attention des travailleurs sur ses implications.

Bien que l'OIT tente d'expliquer ce phénomène en faisant référence à plusieurs facteurs secondaires, par exemple, le rapport attribue le déclin en Israël &laqno; essentiellement au fait que le gouvernement ait retiré la gestion du financement des services de santé des mains des syndicats », elle est forcée néanmoins de faire référence au processus fondamental derrière ce phénomène.

Il est dit: &laqno; Les contraintes de la globalisation imposées aux interventions de type keynésien laissent les syndicats et leurs alliés politiques sans programme macro-économique viable. » Plus loin il est noté que: &laqno; La mobilité du Capital déstabilise la structure nationale des rapports industriels et salariaux, structure produite lorsque la concurrence pour les marchés était en large mesure une question nationale. »

En d'autres termes, lorsque la production était enracinée dans le sol national et dans la mesure où le capital était en expansion et les profits à la hausse, les syndicats étaient capables d'obtenir des concessions limitées des grandes entreprises en brandissant la menace d'action industrielle, l'arrêt temporaire de la production et les pertes de profits. Ils pouvaient aussi forcer le gouvernement à intervenir dans le processus, obtenir des subventions pour les industries en difficulté ou imposer des tarifs douaniers pour protéger l'industrie nationale. Ils pouvaient même pousser le gouvernement à adopter des lois (le code du travail, salaire minimum, etc.) pour régulariser les pires aspects de l'exploitation capitaliste.

Mais avec l'avènement de la globalisation de la production et la capacité du Capital de rapidement transférer ses opérations vers les régions offrant une main d'oeuvre à bon marché et le plus léger fardeau fiscal, la situation s'est complètement transformée.

Cette mobilité a créé un marché global de la main-d'oeuvre. Les syndicats n'ont jamais eu pour perspective l'abolition de l'esclavage salarié. Ils ont historiquement agi comme des vendeurs de la force de travail collective des travailleurs, demandant, à certaines périodes, une plus grande part du revenu national pour la classe ouvrière. Mais le prix de la force de travail, comme celui de toutes les autres marchandises sous le système de profit, est en dernier ressort déterminé par le marché.

Dans les conditions actuelles de grande mobilité du capital, les syndicats sont utilisés pour mettre de la pression sur les travailleurs afin qu'ils rendent les gains passés, dans une spirale à la baisse pour se maintenir au prix le plus bas que coûte la main-d'oeuvre sur le marché mondial.

Un autre aspect de l'impact de la globalisation de la production est abordé par le rapport. Il s'agit de la demande croissante de la part des compagnies transnationales et des autres employeurs, pour une &laqno; force de travail encore plus flexible » afin de réduire les coûts et augmenter la productivité.

Le rapport de l'OIT révèle aussi une augmentation du &laqno; secteur informel » de la main-d'oeuvre, soit les travailleurs sous-payés, à temps partiel et sur appel, par rapport aux travailleurs ayant un emploi à plein temps.

En Amérique Latine, sur les 15,7 millions de nouveaux emplois créés entre 1990 et 1994, 84 % étaient à temps partiel ou sur appel. En Asie, le soi-disant secteur informel, comprend entre 40 et 50 % de la force de travail urbaine, alors que, dans les pays les plus pauvres, comme au Bangladesh, il s'élève à 65 %. Les syndicats ont facilité ce processus, qui se développe maintenant dans les pays industrialisés.

La coterie des &laqno; groupes radicaux » de la classe moyenne va certainement souligner la croissance de la syndicalisation dans des pays comme la Corée du Sud, le Chili, la Thaïlande et l'Afrique du Sud - le rapport de l'OIT révèle une croissance de 130.8 % dans ces endroits - pour faire la preuve que la perspective syndicale est toujours viable. Cependant, l'arrivée de nouveaux membres dans ces pays peut être attribué à l'effondrement des précédents régimes qui supprimaient physiquement les droits démocratiques et toutes formes de syndicalisme.

Les travailleurs de ces pays ont déjà commencé à vivre d'amères expériences avec les syndicats. En Afrique du Sud, par exemple, au lendemain de la formation du gouvernement de Mandela, la direction du COSATU a signé des accords avec le Congrès National Africain pour assurer la &laqno; compétitivité internationale » de l'industrie sud-africaine.

Les travailleurs ont besoin de nouvelles organisations pour lutter contre le Capital global et l'assaut continu mené contre leurs emplois et leurs niveaux de vie. Les politiques syndicales ont mené les travailleurs dans un cul-de-sac. La question centrale est la suivante: sur quelle base programmatique ces nouvelles organisations devraient-elles être construites pour véritablement représenter les intérêts de la classe ouvrière ?

Le rapport sur le déclin des syndicats démontre que la défense des conditions de travail les plus élémentaires et du niveau de vie, requiert de nouvelles organisations et un parti prêt à défier les diktats du profit et à établir, au-delà des frontières nationales, une offensive unifiée. Dans chaque pays, les syndicats s'efforcent de subordonner les travailleurs aux exigences de profit de &laqno; leurs » employeurs nationaux. Les travailleurs, quant à eux, ne pourront faire valoir leurs intérêts indépendants qu'en adoptant la perspective de l'internationalisme socialiste dont le but est de réorganiser la société et l'économie pour servir les intérêts humains au lieu des profits corporatifs.

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