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Les enjeux politiques soulevés par le sommet de Gênes

Par Nick Beams
Le 26 juillet 2001

Incapables d'offrir la moindre perspective, encore moins un programme pouvant satisfaire les besoins et les aspirations des masses qu'ils prétendent représenter, les leaders du capitalisme mondial, tapis dans leur enclave emmurée, ont répliqué aux demandes de justice sociale par la matraque, le gaz lacrymogène, les raids policiers et le meurtre.

Le sommet du G8 à Gênes a démontré qu'une décennie seulement après leurs proclamations triomphantes sur la « mort du socialisme » et la « victoire de l'économie de marché », les leaders de la bourgeoisie mondiale adoptent de plus en plus les formes historiques de domination bien connues assumées par les représentants des ordres sociaux décadents en banqueroute.

Les manifestations ont rassemblées 150 000 personnes et étaient les plus importantes depuis le début du mouvement de protestation commencé lors de la rencontre de l'Organisation mondiale du commerce à Seattle en novembre-décembre 1999. Plus significatif encore que le nombre de manifestants, derrière ces protestations se cache l'hostilité croissante de centaines de millions de personnes contre l'ordre social prévalent actuel, tant dans les pays capitalistes avancés que dans les pays pauvres.

Bien qu'elle ne soit pas encore articulée politiquement, cette hostilité n'en est pas moins palpable. Comme le président français Jacques Chirac devait le reconnaître : « aucune manifestation ne peut attirer 100 000 ou 150 000 personnes sans raison valable ». Au Portugal, le premier ministre Antonio Guterres a été encore plus direct. Appelant le G8 à abandonner sa « vision égoïste et à court terme des relations internationales » et à rendre le processus de mondialisation plus humain, il a lancé cette mise en garde : « les riches doivent se préoccuper de la santé des pauvres, autrement un jour ce sera le pauvre qui prendra soin de la santé du riche ».

Si les événements de Gênes ont dévoilé la déchéance flagrante de la bourgeoisie, ils n'ont pas moins soulevé de façon décisive des questions fondamentales de perspective qui doivent être résolues pour développer un mouvement politique contre le capitalisme mondial. Ces questions ne peuvent être résolues que si on comprend l'importance historique du processus de la mondialisation et son rapport avec les rapports sociaux capitalistes.

Marx disait que le développement des forces productives sous le capitalisme semblait tout mettre la tête en bas. « Il existe d'un côté, écrivait-il, des forces industrielles et scientifiques jamais vues dans l'histoire alors que de l'autre se trouvent les symptômes d'une décadence surpassant de loin en horreur les dernières années de l'empire romain.

« De nos jours, poursuivait Marx, tout semble engrossé de contradiction. La machinerie, dotée du pouvoir merveilleux de raccourcir le temps de travail et de faire fructifier le travail de l'homme, l'affame en fait et lui impose une cadence de travail folle. Les nouvelles sources de richesse, par un étrange sortilège, se transforment en source de besoins... Cet antagonisme entre l'industrie moderne et la science d'un côté, et la misère moderne et la dissolution de l'autre, cet antagonisme entre les forces productives et les rapports sociaux de notre époque, sont un fait palpable, omniprésent et indéniable ».

Un siècle et demi plus tard, ces mots sont plus pertinents que jamais. Les grandes questions résolues par Marx relatives au développement de la lutte pour le socialisme sont toujours d'actualité. Comment surpasser ces antagonismes ? Comment les vastes développements technologiques et des forces productives, qui ont énormément accrus la productivité du Travail, peuvent être utilisés pour satisfaire les besoins de l'humanité plutôt que d'être subordonnés à la demande insatiable du Capital pour l'accumulation du profit et l'enrichissement d'une minorité ? Comment les nouveaux moyens de communication peuvent être développés dans l'intérêt de tous ? Comment peuvent-ils être utilisés pour établir une forme véritablement démocratique d'organisation économique et politique ? Comment peuvent-ils contribuer à remplacer l'ordre politique actuel dans lequel des millions de personnes sont privées de tout contrôle sur leur propre vie et leur existence sociale parce qu'elles sont subordonnées à une puissance étrangère qui prend la forme du marché mondial et à laquelle leurs soi-disant représentants élus démocratiquement sont les agents ? Telles sont les questions brûlantes d'aujourd'hui .

La crise historique de l'ordre capitaliste provient en dernière analyse du fait que les forces productives créées par le capitalisme se développent en conflit avec les rapports sociaux basés sur la division du monde en États-nations rivaux dans lesquels la production est dominée par la course aux profits.

Ou bien les rapports sociaux actuels sont renversés et une nouvelle structure économique et sociale rendant possible l'organisation rationnelle de la vie économique et sociale à l'échelle mondiale est établie, ou bien l'humanité coure au désastre ­ un désastre dont les signes avant-coureurs sont de plus en plus apparents. Il n'y a pas de « troisième voie ». C'est seulement en résolvant cette question fondamentale que le développement d'un mouvement politique contre le capitalisme mondial peut progresser.

Bien qu'il y ait une reconnaissance croissante au sein du mouvement de protestation contre le monde des entreprises que ce n'est pas la mondialisation en tant que telle qui est nuisible, mais plutôt la domination toute puissante des entreprises industrielles et financières. Les leaders, et dans une grande mesure les participants du mouvement de protestation antimondialisation, ont comme position qu'il est en quelque sorte possible de réconcilier le marché mondial avec les organes de contrôle politique des États-nations. Autrement dit, ils acceptent sans réserve comme un phénomène historique donné l'État-nation, la formation politique centrale du système capitaliste.

Avant même que les protestations à Gênes ne commencent, cette perspective était résumée lors d'une interview télévisée par l'activiste canadienne Naomi Klein, auteure du best-seller No Logo. Selon Klein, bien qu'il soit impossible de modifier l'activité des entreprises avec des arguments convaincants, « on peut toujours exiger leur responsabilisation... en trouvant des moyens internationaux pour réglementer les entreprises de la même façon que nous avons trouvé des moyens nationaux pour les réglementer ».

L'ordre de l'Après-guerre

Mais tant Klein que les autres partisans de tels règlements internationaux ne se sont attardés à examiner pourquoi le cadre précédent s'est écroulé. La seule explication qu'ils ont présenté jusqu'à maintenant est que la montée du programme du « libre marché » est un produit de l'arrivée au pouvoir de Reagan et de Thatcher au début des années 1980.

Affirmer cela, c'est comme regarder le cours véritable du développement historique avec la tête en bas. Comme l'histoire du capitalisme le démontre bien, l'ordre économique de l'Après-guerre, basé sur l'accord monétaire de Bretton Woods de 1944 et le Plan Marshall de 1947-1948, était déjà un système complexe de règlements nationaux et internationaux. Bien qu'il prônait le libre-échange, le régime de l'Après-guerre a mis en place des leviers de contrôles du marché des capitaux et des devises qui ont freiné le développement d'un système financier international identique à celui qui domine toutes les économies nationales actuelles.

Ce système de régulation a été l'un des fondements centraux des politiques réformistes nationales appliquées par la bourgeoisie pendant près de trois décennies après la fin de la guerre. Mais il s'est effondré sous l'impact de la baisse des profits qui en retour ont poussé au développement de nouvelles technologies, accompagnées par la mondialisation des processus de production, afin d'accroître la productivité du Travail et les profits.

Au niveau le plus fondamental, l'abolition des leviers de contrôles sur les mouvements de devises et de capitaux à la fin des années 1980 fut une expression de la poussée inhérente des forces productives mêmes pour briser les confins du système de l'État-nation. Reagan, Thatcher, et les partisans du « libre marché » qui ont suivi n'ont pas fait grand chose pour faire avancer ce processus car ils étaient eux mêmes portés par lui.

Autrement dit, la mondialisation de la production sous le capitalisme est un phénomène contradictoire : elle est l'expression prédatrice d'une tendance historique progressive ­ la poussée des forces productives pour se libérer des entraves contraignantes du système de l'État-nation, cadre politique de la domination capitaliste. Ce fait a des implications politiques décisives. Cela signifie que tout programme historiquement progressif ne peut viser à tenter d'adapter les nouvelles forces productives à l'ancien système de réglementation national ou à une version remaniée.

Une perspective viable doit être basée sur la reconnaissance que, tout comme le féodalisme avant lui, l'État-nation capitaliste et son système de propriété privée est devenu un anachronisme historique du fait de la croissance des forces productives mêmes.

Cette perspective historique n'est en aucune façon une simple abstraction théorique. Elle doit devenir la tendance guide pour un programme de lutte politique contre la crise sociale et économique croissante que confronte les masses de la population mondiale autant dans les pays avancés que dans les pays dits sous-développés.

La crise ne peut être résolue par les représentants politiques de la bourgeoisie, même si telle est leur intention. La mondialisation de la production, poussée par la lutte désespérée pour les marchés et les profits, loin de diminuer les conflits entre les États-nations capitalistes, les intensifie plutôt. Ce processus était visible au coeur même du sommet du G8.

Malgré la menace d'une récession économique sans précédent depuis que les sommets ont commencé en 1975, aucune politique coordonnée n'a été proposée, aucun accord n'a été conclu relativement aux émissions de gaz à effets de serre, la discorde a régné à propos de la décision des États-Unis d'établir un système de défense antimissiles nucléaires et les divisions relatives aux échanges internationaux sont restées aussi profondes qu'elles l'étaient lors de l'échec des pourparlers de l'OMC à Seattle.

La crise historique provoquée par la mondialisation de la production ne peut être surpassée si on se tourne vers l'État-nation, un mécanisme essentiel des rapports sociaux et politiques de l'ordre capitaliste à renverser. Elle ne peut pas plus être résolue en lançant des appels, aussi sincères et militants puissent-ils l'être, à la bourgeoisie pour plus de justice sociale. Les leaders du G8 ont déjà répondu à ces appels à Gênes.

Pour résoudre la crise, il faut développer un mouvement politique international de la classe ouvrière, la seule force sociale, créée et forgée par le processus de production mondiale même, capable de défier la domination mondiale du Capital. Loin de diminuer d'importance, la classe ouvrière a grossi en termes absolus, tout comme son poids social ­ un fait qui revêt la plus haute importance politique.

Tout au long du XXe siècle tumultueux, la bourgeoisie a pu rester au pouvoir en faisant des sections de la classe moyenne des pays capitalistes avancés et de la paysannerie dans les pays arriérés les principaux soutiens de sa domination sur lesquels elle s'est appuyée. Mais le processus de mondialisation de la production a sérieusement miné ce programme.

Dans les pays capitalistes avancés, suites à d'importantes transformations technologiques, des sections entières de la population qui se considéraient autrefois comme faisant partie de la classe moyenne se sont en fait prolétarisées. Parallèlement, dans les pays économiquement arriérés, la classe ouvrière s'est renforcée de centaines de millions de personnes. Cela signifie que pour la première fois dans l'histoire, la classe ouvrière ­ c'est à dire tous ceux gagnant leur vie en vendant leur force de travail ­ constitue maintenant la vaste majorité de la population mondiale.

La classe ouvrière n'est pas encore entrée en scène. Mais les contradictions montantes de l'ordre capitaliste mondial démontrent qu'elle le fera plus tôt que tard. L'aboutissement de ses luttes sera déterminé avant tout dans la mesure où elle sera réarmée politiquement.

Les expériences du XXe siècle, notamment les trahisons de la classe ouvrière par ses vielles directions bureaucratiques stalinienne, social-démocrate et syndicale- ont laissé un héritage de confusion politique et une crise de perspective. Mais les conditions permettant une clarification et une réorientation politiques sont maintenant réunies.

Le processus même de la mondialisation dévoile la banqueroute des programmes nationalistes qui ont joué un rôle si destructeur dans le déraillement du mouvement socialiste international au siècle dernier. Les développements dans le domaine des communications ont créé non seulement les conditions objectives pour unifier la classe ouvrière, mais également les moyens d'y parvenir.

L'un des aspects les plus instructifs du sommet de Gênes est qu'il a révélé la crise profonde qui touche l'ordre bourgeois entier. En s'aggravant, cette crise va ouvrir de nouvelles possibilités politiques. Lorsque la classe ouvrière sera réarmée politiquement en assimilant les leçons du XXe siècle, elle pourra commencer à développer un mouvement politique indépendant basé sur le programme de la révolution socialiste mondiale. Le World Socialist Web Site s'efforce de faciliter ce processus et contribue ainsi au renouveau du mouvement socialiste international sur de meilleures fondations.

 

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