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Les dessous du projet de loi sur les services financiers déposé par Ottawa

Par François Legras
9 février 2001

Le gouvernement libéral fédéral a déposé cette semaine le projet de loi C-2 sur la réglementation des services financiers, qui vise à autoriser une fusion, au moins partielle, entre les grandes banques canadiennes.

Alors que le débat public sur la question très délicate des fusions bancaires est ainsi relancé, il importe d'autant plus de faire la lumière sur la nature des discussions menées en coulisse concernant ce projet de loi. Un mémorandum tombé entre les mains des médias et publié le 4 décembre dernier par le National Post a soulevé quelque peu le voile sur cette question.

Le mémorandum résume l'essentiel d'une conversation tenue lors d'une rencontre privée entre Kevin Lynch, sous-ministre des finances et Peter Day, président de la firme Morgan Stanley Canada, division canadienne d'une firme basée aux Etats-Unis et spécialisée dans la gestion des fusions et des acquisitions.

Le mémorandum, qui affirmait notamment « qu'Ottawa était maintenant prêt à seconder les banques dans leurs projets de fusion » a été envoyé par Day aux directeurs financiers des cinq plus importantes banques canadiennes, ainsi qu'à Lynch lui-même.

Le sous-ministre a immédiatement répudié le contenu de ce mémo. Dans une lettre au ton sans équivoque adressée à Day, Lynch déclare : « soyons clair : je n'ai jamais participé à une quelconque discussion avec vous ou des membres de votre personnel sur un quelconque aspect des fusions bancaires ». Dans sa lettre d'excuse, Monsieur Day tente de nous convaincre que : « Clairement, il semble y avoir eu un malentendu dans nos communications quant à la nature de la rencontre du 25 septembre.»

Mais le contenu du mémorandum, sa forme, les détails qu'il contient et le projet de loi même dont a finalement accouché le gouvernement sont tous des indications évidentes que cette rencontre a bien eu lieu.

Le mémorandum de six pages est présenté sous la forme de 21 questions précises posées par Lynch, et un résumé pour le moins détaillé des réponses que le sous-ministre aurait données lors de la rencontre. Il comprend de plus des notes supplémentaires provenant d'une séance de compte-rendu entre les employés de Day et de Morgan Stanley qui aurait eu lieu le 29 septembre. Le mémorandum lui-même a été préparé par les employés de Morgan Stanley.

Il n'est pas surprenant que sa légitimité ait été vivement niée. Il contient des détails sur la manière dont le gouvernement compte s'y prendre pour faire avaler à la population une politique visant les intérêts étroits du monde de la haute finance au détriment de la population en générale, qui instinctivement lui est hostile.

Par exemple, pour faire face à l'opinion publique le mémorandum précise que « Bien que le gouvernement ne puisse contrôler l'opinion publique et ses députés d'arrière-banc, la façon dont le processus de fusion va être organisé devrait permettre de contrôler l'opinion publique. Les banques qui voudront fusionner auront l'opportunité de donner le ton au débat en produisant une déclaration publique d'intention (Public Impact Assessment Statement). Ce document devrait expliquer pourquoi les fusions devraient être autorisées et comment cela va aider le Canada. De plus, il a été suggéré que les banques consultent le gouvernement pour des conseils/suggestions, etc., pour la rédaction de la déclaration afin qu'elle soit conforme aux objectifs que le gouvernement va défendre. »

Le mémorandum laisse aussi entendre que le gouvernement Chrétien et ses hauts fonctionnaires, n'ont pas apprécié la façon dont les banques avaient initialement tenté d'imposer leur agenda sans les consulter au préalable. Citons un autre passage : « Les leçons apprises de la dernière ronde de fusions tournent autour de la question des communications et des relations publiques ; autant avec le bureau du ministre, les politiciens en général qu'avec le public. Ce qui comprend : 1) les futures partenaires potentiels dans les fusions devraient discuter avec le gouvernement avant d'annoncer publiquement une possible fusion autant pour assurer le succès de la fusion que pour en négocier au préalable les conditions avec le gouvernement;() Le gouvernement aimerait que le processus soit beaucoup plus fluide entre lui-même et les banques que la dernière fois.»

La question des fusions bancaires est devenue un sujet très sensible au sein du gouvernement lorsqu'en 1998, la banque Royale, la plus importante des 6 banques du pays, a pris le gouvernement par surprise en tentant d'imposer sa fusion avec la banque de Montréal, suivie peu après par l'annonce de la fusion entre la banque Toronto Dominion et la Banque canadienne impériale.

Pour une population qui s'est appauvrie au cours de la dernière décennie, les banques sont généralement considérées à juste titre comme des institutions ultra riches et avares devant qui les politiciens sont à genoux. D'autant plus, qu'André Bédard, président de la Banque Nationale, prévoyait que les fusions allaient entraîner la perte de 60.000 emplois.

Malgré les profits records annoncés à chaque année, les banques se justifient en soutenant que les fusions sont nécessaires pour leur permettre de faire encore plus d'argent et ainsi demeurer concurrentielles dans le monde de la globalisation. Elles disent par exemple, qu'actuellement elles ne pourraient pas financer les méga-fusions d'entreprises, dont les besoins en capitalisation dépassent de loin leurs capacités actuelles.

Face à une décision qui aurait été très impopulaire, le gouvernement Chrétien a décider de procéder prudemment pour faire passer l'agenda des banques. Le mémorandum illustre jusqu'à quel point rien n'est laissé au hasard lorsqu'il s'agit d'imposer une politique qui est impopulaire. Un prochain article présentera en détails le contenu du projet de loi C-2 déposé cette semaine ainsi que la réaction qu'il a suscitée.


 

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