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Le premier ministre ontarien, Mike Harris, regimbe à l'enquête sur la tragédie de Walkerton

par Keith Jones et Lee Parsons
20 juillet 2001

Le premier ministre ontarien, Mike Harris, a été interrogé le 29 juin dernier sur le rôle qu'avait joué le programme de coupes budgétaires et de déréglementation de son gouvernement dans la contamination de l'eau potable de Walkerton par le E. coli, une tragédie qui a causé sept morts et envoyé plus de deux mille personnes à l'hôpital.

Treize mois après le désastre, une masse imposante de preuves a été présenté qui démontraient le lien indubitable entre le démantèlement du système d'examen de l'eau et les événements de Walkerton. Même dans les médias favorables aux conservateurs, il a été concédé que «l'arme du crime encore fumante» qui liait le gouvernement Harris à la tragédie de Walkerton avait été trouvée.

Mais lors de son témoignage devant la commission d'enquête, Harris a rejeté toute suggestion que son gouvernement avait la moindre responsabilité dans les événements de Walkerton. Lorsqu'on lui présentait une preuve qu'il avait ignoré des avertissements répétés que ses politiques de gestion de l'eau potable mettaient en danger la sécurité publique, Harris a plaidé qu'il n'avait jamais été averti ou que les avertissements avaient des causes idéologiques. Indifférent au sort des centaines de familles qui ont été dévastés par la contamination de leur eau potable, il a philosophé à un moment donné que le « risque » faisait partie de la vie, et plus tard, qu'il était facile de voir les erreurs en rétrospective.

Lorsque le conseiller de la commission, Paul Cavalluzzo, lui a demandé si la privatisation des laboratoires d'analyse de l'eau en Ontario n'avait pas été effectué trop rapidement (elle fut mis en oeuvre en deux mois plutôt que les trois ans que le ministère de l'Environnement avait proposé), Harris a répondu : « Je n'en ai aucune preuve. Ceux qui m'en ont le plus parlé étaient surtout ceux ... qui s'opposaient à ce que le secteur privé fasse ce genre de chose. »

Lorsqu'il lui fut demandé comment son gouvernement avait réagi au rapport annuel du commissaire à l'environnement de l'Ontario de 1996, rapport qui critiquait les conservateurs pour ne pas avoir demander une enquête indépendante sur le coût de la privatisation ou sur son impact sur la qualité de l'eau potable, se fiant «simplement aux promesses des laboratoires du secteur privé», Harris a feint l'ignorance. «Il faut que je suppose, a-t-il dit, que ... [le ministre de l'Environnement] ne croyait pas qu'il pouvait y avoir un problème parce que ... ils sont allés de l'avant avec les laboratoires privés. »

Incapable de répondre aux éléments de preuve qu'on lui présentait, Harris essaie de sauver sa carrière et l'avenir incertain de son gouvernement en cherchant à gagner l'appui de la classe dirigeante en faisant valoir les nombreuses attaques qu'ont menées les conservateurs contre la classe ouvrière. Dans les semaines qui ont précédé la parution du premier ministre devant la commission d'enquête sur Walkerton, les conservateurs ont annoncé qu'ils envisageaient favoriser l'école privée, augmenter l'implication du secteur privé dans le système de santé, assouplir la réglementation sur la santé et la sécurité au travail et continuer à dénigrer ceux qui reçoivent de l'aide sociale.

Lors de son témoignage, Harris a rappelé plusieurs fois que son gouvernement avaient coupé le budget de plusieurs ministères et considérablement diminuer les impôts pour les mieux nantis. Il s'est vanté que les conservateurs ont pu introduire une «nouvelle philosophie» du secteur privé au sein du gouvernement, et déclaré que les coupes budgétaires et les diminutions d'impôts «avaient entraîné la création d'emplois et une immense augmentation des revenus pour le gouvernement».

Alors qu'Harris n'a pas osé le déclarer ouvertement, il était sous-entendu de son témoignage que les sept morts à Walkerton était un prix raisonnable pour la croissance économique de l'Ontario de la deuxième moitié des années 1990 - les «dommages collatéraux» de la campagne des conservateurs pour que l'Ontario soit «compétitive au niveau internationale».

En vérité, la tragédie de Walkerton était prévisible et aurait pu être prévenue. Elle fait partie d'une crise sociale de grande ampleur. La poussée de la grande entreprise et de ses représentants politiques pour enlever à la classe ouvrière, toutes ses conquêtes sociales et pour lever toutes les contraintes sur la recherche du profit par le capital a entraîné une augmentation considérable de la pauvreté, de l'inégalité sociale et de l'insécurité économique. Les services publics essentiels, y compris la santé et l'éducation, ont été amener au bord de l'effondrement, et les libertés démocratiques sont soumises à une attaque croissante.

Ce n'est que la deuxième fois dans l'histoire de l'Ontario qu'un premier est appelé à comparaître devant un organisme judiciaire pour rendre compte des gestes de son gouvernement. Et pourtant, la presse traditionnelle a traité son passage devant la commission d'enquête sur Walkerton comme la nouvelle d'un jour, vite consommée, vite oubliée. Il est encore plus remarquable que la presse n'est pas fait mention des nombreuses contradictions du témoignage de Harris.

Toutefois, ni les mensonges, ou les réponses évasives des conservateurs, ni l'auto censure des médias ne feront disparaître Walkerton de la mémoire populaire. La tragédie de Walkerton a profondément ébranlé la confiance des travailleurs dans le programme de démantèlement des services publics et la domination sans borne des marchés que les grandes entreprises et tous les partis politiques traditionnels, à un degré ou l'autre, défendent.

Loin de démontrer la force intrinsèque de son gouvernement, le fait que Harris n'ait pu faire acte de contrition est une mesure du gouffre qui sépare l'élite dirigeante des masses populaires de la classe ouvrière et des classes moyennes.

Mensonges, hypocrisie et obscurcissements

La journée avant sa comparution devant la commission d'enquête, Harris a offert un petit théâtre aux médias. Il affirmait, volontaire, qu'en tant que tête du gouvernement conservateur d'Ontario, il est imputable pour toutes ses décisions. Mais aussitôt qu'il a été sous serment, ce ne fut qu'obscurcissements et purs mensonges.

Il a déclaré qu'avant de couper de moitié le budget du ministère de l'Environnement et de privatiser l'analyse de l'eau potable, il n'avait eu aucune raison de croire que cela pourrait compromettre la sécurité publique. « Je peux vous dire, a déclaré Harris, qu'en aucun temps, il n'a été porté à l'attention du cabinet ministériel ou à mon attention, que l'implantation de ces ... plans pourrait résulter en une augmentation du risque pour la santé ou la sécurité d'un citoyen où que ce soit dans la province.»

Le procureur de la commission, Paul Cavalluzzo, n'a eu aucune difficulté à prouver qu'Harris mentait. Il a d'abord cité une note de service qui avait pour titre «Avis confidentiel au cabinet» dans laquelle on pouvait lire : «Le risque pour la santé humaine et l'environnement pourra augmenter.» Il a ensuite fait référence au plan d'affaires du ministère de l'Énergie et de l'Environnement présenté au caucus conservateur. Ce dernier avertissait «d'un risque accru pour la santé humaine et l'environnement en conséquence d'une diminution des obligations et de l'inspection», et «d'une réduction du niveau de service de première ligne, un temps de réponse plus long aux plaintes, une réduction de l'aide technique.»

Oubliant ce qu'il avait dit dans son témoignage seulement quelques minutes auparavant, Harris a reconnu que les conservateurs étaient au courant qu'il y avait des risques à réduire la taille du ministère de l'Environnement. Mais Harris a déclaré que ses ministres et lui-même ont pensé que les risques pourraient être «gérés».

Cavalluzzo a continué en demandant où était les documents qui indiquaient comment le gouvernement entendait gérer les risques ? «Pouvez-vous m'indiquer aujourd'hui un seul document qui vous aurait persuadé en ce temps-là que l'accroissement du risque à la santé publique pouvait être géré ?» En réponse, Harris se contredit encore une fois. «Non ... je ne pourrais pas. Mais, au même moment, je ne peux me rappeler m'être jamais fait dire par le ministère de l'Environnement ou par des hauts fonctionnaires qu'il y aurait un accroissement du risque.»

Après que Cavalluzzo eut démontré que le gouvernement a essayé de «gérer» l'opposition à ses compressions en retirant toute mention de risque accru dans le plan d'affaire du ministère de l'Environnement qui fut rendu public, Harris a déclaré «il y a du risque en tout, il y a un risque à traverser la rue ...»

Alors qu'il interrogeait Harris, Cavalluzzo a indiqué que l'enquête avait identifié quatre liens causals possibles entre les actions du gouvernement provincial des conservateurs et le fait que les autorités publiques n'aient pas averti à temps la population de Walkerton que l'eau potable était contaminé : il n'a jamais été clairement établi par écrit que les laboratoires privés d'analyse de l'eau devait avertir le responsable de la santé publique dans le cas où il trouverait que l'eau potable est contaminée; jamais un tel protocole n'avait été inscrit dans une loi; il n'était pas obligatoire que les laboratoires privés d'analyse de l'eau soient accrédités; la hâte avec laquelle le gouvernement a privatisé l'analyse de l'eau.

À chaque fois qu'il a été sur un des quatre points précédents, Harris a déclaré n'avoir connaissance de rien qui pourrait les lier à la tragédie de Walkerton. Pourtant, il est de notoriété publique que le laboratoire privé non accrédité qui a détecté la présence de E. coli dans les échantillons provenant du Service public de Walkerton n'en avait jamais informé le responsable de la santé public. En conséquence, ce n'est que plusieurs jours plus tard que les résidents de la petite ville ont été averti de la contamination et ont reçu l'indication de faire bouillir leur eau.

Quant aux avertissements répétés sur les politiques de gestion de l'eau qu'ont ignorés les conservateurs dans les années qui ont précédés la tragédie de Walkerton («un document après l'autre» et «quatre drapeaux rouges» dans les mots de Cavalluzzo), Harris en fait porter la responsabilité sur ses subalternes, en même temps qu'il laisse entendre que les conservateurs n'avaient aucune raison de croire en leur sérieux puisqu'ils étaient le fait de bureaucrates intéressés à conserver leurs emplois ou leurs budgets, ou par des individus idéologiquement opposés à la privatisation.

Harris est devenu plus irritable lorsque Cavalluzzo, citant des précédents témoins, a suggéré que c'était plutôt les conservateurs qui avaient fait passer leur programme idéologique avant le bien-être public.

Le procureur de la commission a accusé le gouvernement Harris de n'avoir ni obligé l'accréditation des laboratoires de l'analyse de l'eau ni obligé ces derniers à informer les autorités concernées s'ils détectaient une contamination de l'eau, parce que les conservateurs «détestaient les règlements».

En particulier, Cavalluzzo a mis en lumière le rôle joué par la Commission de réduction des formalités administratives (mieux connu sous le nom de « Red Tape Commission ») pour implanter une «nouvelle culture quant aux règlements». Une équipe de choc des conservateurs avec beaucoup de pouvoirs, la Commission de la réduction des formalités administratives a été établie peu de temps après qu'Harris ait pris le pouvoir en 1995 avec le mandat clair de coopérer avec la grande entreprise pour diminuer le nombre et l'étendue de la réglementation gouvernementale dans les secteurs économiques et environnementaux.

«Ne croyez-vous pas, a demandé le procureur de la commission d'enquête, que les fonctionnaires du ministère de l'Environnement auraient été empêchés de proposer de nouveaux règlements à cause de tous les problèmes que leur aurait causé la Commission de réduction des formalités administratives ? »

Ce à quoi Harris a répondu : «Ils n'auraient absolument pas dû l'être.» Il a ensuite déclaré que le but de la commission était de s'assurer que les règlements gouvernements étaient formulé de façon à rencontrer leurs objectifs, ce qui est une façon bien élégante de décrire un organisme dont le but est de réduire la réglementation qui contraint le monde des affaires.

«Signal d'alarme» ou négligence criminelle ?

Lors de son témoignage, Harris a décrit Walkerton comme un «signal d'alarme», ce qui est à la fois une insulte, à cause de la banalisation de la mort de sept personnes, en même temps qu'une remarque intéressé, en ce que cela laisse dans l'ombre le refus des conservateurs de considérer les nombreux avertissements qu'il a eu avant le désastre. Harris a plus tard refusé de concéder que la nouvelle réglementation sur l'analyse de l'eau que son gouvernement avait introduite en août 2000 avait été implanter en réponse aux événements de Walkerton. «Je ne dirais pas, a-t-il déclaré, qu'aucune des actions ... ont été prises parce que nous croyions que si elles avaient été prises avant, Walkerton n'aurait pas eu lieu.»

Pour dire le moins, Harris et le cabinet conservateur sont coupables de négligence criminelle. En voulant mettre en place des mesures de droite qui visent à lever tout frein à l'exploitation par le capital de la classe ouvrière et de l'environnement, ils ont sciemment ignoré des avertissements répétés des responsables gouvernementaux et sont allé de l'avant avec la réduction des effectifs au ministère de l'Environnement et le démantèlement du système d'analyse de l'eau potable.

Toutefois, les travailleurs seraient dans l'erreur s'ils croyaient que l'enquête officielle tiendra Harris et son gouvernement coupable. La commission n'a pas d'autres pouvoirs que celui d'émettre ses recommandations et son mandat a été défini par le gouvernement conservateur lui-même.

Déjà, la commission d'enquête a fait savoir qu'il n'était pas question de mettre en jeu le programme de privatisations des services publics des conservateurs, mais qu'elle n'étudierait que la façon dont la privatisation des laboratoires d'analyse de l'eau ont été mises en oeuvre.

Les syndicats n'ont pratiquement rien dit sur Walkerton. Ils ont depuis longtemps abandonné toute lutte, même sous la forme limitée des manifestations publiques, contre le gouvernement Harris.

Le Nouveau parti démocrate (NPD), le parti social-démocrate, ne s'est préoccupé du dossier de Walkerton que dans la mesure où il lui était nécessaire de cacher sa propre complicité dans cette affaire. Comme Harris n'a pas manqué de le rappeler, le gouvernement néo démocrate de Bob Rae, au pouvoir de 1990 à 1995, a déblayé le terrain pour la privatisation des laboratoires d'analyse de l'eau par les conservateurs en permettant aux municipalités de faire appel à des laboratoires privés et en enlevant à la responsabilité de l'Agence ontarienne des eaux au ministère de l'Environnement.

Plus fondamentalement, ce fut le NPD qui a ouvert la voie à l'arrivée au pouvoir des conservateurs de Harris en initiant des coupes profondes dans les services sociaux et en imposant des lois anti-syndicales. Rae, en larguant le programme réformiste traditionnel du NPD, a ouvertement porté allégeance au marché capitaliste.

Rendre Harris et les conservateurs responsables pour les politiques socialement criminelles est inséparablement lié à l'établissement d'un véritable parti politique indépendant de la classe ouvrière. Un tel parti ne se construit que sur la base d'un programme socialiste qui prend comme point de départ les besoins des travailleurs et non le profit privé.

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