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Les élections générales présagent un changement en profondeur de la politique britannique

Déclaration du Parti de l'égalité socialiste du Royaume-Uni


Le 14 juin 2001

Malgré l'apparence de continuité, le second mandat que viennent d'obtenir les travaillistes laisse présager des changements en profondeur des relations politiques au Royaume-Uni. Le premier ministre Tony Blair et le New Labor Party , qui a eu l'appui formel de la grande entreprise, restent au pouvoir sans véritable mandat populaire pour continuer la destruction de l'État providence et des services publics.

Le système électoral britannique uninominal à un tour donne invariablement une représentation biaisée de l'état politique du pays. Le nombre de sièges remportés par un parti est en grande partie déterminé par l'état de l'opinion d'une couche étroite de la classe moyenne, surtout dans les comtés marginaux clés. [Un comté marginal est un comté où le vote est historiquement serré entre les travaillistes et les conservateurs.]


Ce fut particulièrement le cas lors des élections du 7 juin dernier. Ainsi, les 42 pour cent de voix remportées par les travaillistes leur accordent 64 pour cent des sièges à Westminster, alors que les 33 pour cent recueillis par les conservateurs ne leur donnent que 26 pour cent des sièges. Les démocrates-libéraux quant à eux ont atteint un nouveau sommet avec 19 pour cent des voix, mais n'ont obtenu que 8 pour cent des sièges.

Avant les élections, Blair a réitéré son appel aux « One Nation Conservatives » [les conservateurs ultranationalistes anglais] de considérer le Parti travailliste comme leur. Consolidant le soutien du parti chez les sections les plus aisées de la classe moyenne, cet appel a donné la victoire aux travaillistes. Les médias qui ont appuyé les travaillistes contrôlent ensemble plus de 91 pour cent de la circulation de la presse quotidienne nationale et on trouvent parmi ceux-là les piliers traditionnels du Parti conservateur que sont The Economist, le Financial Times et le Times.

La principale caractéristique de ces élections est l'abstention en masse. En effet, seulement 59 pour cent de l'électorat a voté, par rapport à 71 pour cent en 1997. Les travaillistes ont remporté 10 740 000 votes à cette élection, soit près de trois millions de moins qu'en 1997, et moins que les 11 560 000 que Neil Kinnock avait récolté lors de la défaite travailliste de 1992. La part des voix travaillistes dans les régions à majorité ouvrière a décliné, alors que des millions de travailleurs habitant les principaux centres urbains sont restés chez eux. Le fait que les travaillistes n'ont récolté le soutien que de seulement 25 pour cent de l'électorat signifie que le nombre de personnes en âge de voter qui se sont abstenues est supérieur à celui des personnes qui ont voté pour le New Labor.

Pour toutes les couches sociales, on remarque que le taux de participation au vote a baissé. Dans les régions ouvrières les plus pauvres, il a baissé en moyenne de 12,8 pour cent, alors que même dans les comtés des biens nantis, il baissait de 12,1 pour cent, et que dans les comtés marginaux, il perdait 11 pour cent.

Il a souvent été dit que la participation aux dernières élections est la plus faible depuis 1918, mais cette affirmation est encore trop généreuse. Selon les professeurs Patrick Dunleavy, Helen Margetts et Stuart Weir qui ont écrit dans les pages du courrier des lecteurs du Guardian du 12 juin, « c'est pire encore. C'est la participation la plus faible de tous les temps au Royaume-Uni car en 1918, 40 pour cent des hommes avaient le droit de vote pour la première fois, ainsi que certaines femmes, et les gens étaient en plus dispersés à cause de la guerre. Donc c'est environ 60 pour cent du total du nouvel électorat qui n'avait en fait jamais voté auparavant.

« Les comparaisons avec 1918 ne tiennent pas par conséquent. Nous sommes au point le plus bas de notre histoire en tant que démocratie libérale ».

Reconnaissant qu'une faible participation compromettrait non seulement le nouveau gouvernement, mais également tout le processus politique, les derniers jours de la campagne électorale ont été marqués par des appels lancés par tous les grands partis pour que les gens votent. Blair a pressé les travailleurs d'aller voter en disant qu'il importait peu combien de gens accordent leur voix, mais que l'essentiel c'est qu'ils aillent voter. Les gens se sont battus « jusqu'à la mort pour le droit de vote » a-t-il déclaré, et les générations d'aujourd'hui doivent à leurs ancêtres de chérir ce droit précieux. Mais il s'est bien garder de nommer concrètement ceux qui avait lutté pour ce droit de vote ou pourquoi ils l'avaient fait. Alors qu'on a sorti Nelson Mandela des boules antimites pour qu'il explique la lutte des Noirs africains contre l'apartheid, l'histoire de la classe ouvrière britannique et sa lutte pour la démocratie et l'égalité demeure livre fermé.

Depuis les débuts du mouvement chartiste dans les années 1830, c'est la lutte contre les classes possédantes pour assurer les droits sociaux et politiques des travailleurs qui a motivé avant tout la lutte pour l'extension de la droit de vote. Le chartisme constituait un mouvement politique de masse, comprenant à la fois une aile révolutionnaire et une aile démocratique libérale, ainsi que des forces petites-bourgeoises et prolétariennes. Les éléments les plus radicaux voyaient alors dans l'obtention du droit de vote le moyen par lequel la classe ouvrière pouvait se constituer en force politique dans le pays. Les chartistes ont subi une répression étatique féroce et leur mouvement a finalement été neutralisé suite à l'extension limitée du droit de vote à des sections de la classe moyenne.

La lutte des travailleurs pour obtenir la représentation politique au Parlement environ 60 ans plus tard fut un facteur déterminant dans la création du Parti travailliste. Encore une fois, l'action politique était déterminée par la lutte élémentaire de la classe ouvrière pour assurer ses intérêts face aux employeurs. Les syndicats furent contraints d'abandonner leur soutien aux libéraux suite aux pressions de leurs membres qui exigeaient qu'ils s'opposent à une vague de lois antisyndicales et antigrèves. Le Parti travailliste a été créé pour devenir l'aile politique des syndicats, mais son programme articulait le point de vue de l'aristocratie syndicale privilégiée, loin d'être opposée aux politiques au système de profit.

Les travaillistes ont rendu un service capital à la classe dominante en insistant sur le fait que l'émancipation sociale et politique de la classe ouvrière pouvait être obtenue peu à peu au moyen de réformes parlementaires. Les travaillistes avaient pour perspective de chercher à conclure des arrangements plus favorables avec les employeurs par la limitation de la lutte des classes à une combinaison d'action syndicale militante et de parlementarisme. L'établissement du socialisme était vu en termes purement évolutifs, les rares fois où il en était question, et ne devait se réaliser que dans un avenir lointain.

Néanmoins, malgré toutes ces limitations, les travailleurs n'ont jamais considéré que pouvoir voter était un droit abstrait, mais qu'il était plutôt un moyen de défendre leurs intérêts, en plaçant au pouvoir ce qu'ils considéraient comme leur parti.

La transformation du Parti travailliste en un parti ouvertement de la grande entreprise et l'aliénation des grandes masses ouvrières du processus politique sont ainsi intimement reliées. Les inégalités sociales sont de plus en plus criantes, alors qu'un nombre croissant de personnes est confronté à l'insécurité et aux difficultés financières. Alors que les grands partis se battent pour s'attirer le soutien des biens nantis, la classe ouvrière se voit politiquement désaffranchie et privée de tout moyen d'articuler ses intérêts propres.

Le seul parti a avoir enregistré des gains à l'échelle du pays en termes de sièges est le Parti démocrate libéral, qui a connu une maigre progression de 2 pour cent, ce qui peut difficilement être qualifié de retour à l'action politique pour la masse de la population. Le vote important obtenu par les deux candidats indépendants qui dénonçaient le démantèlement du système de santé national est plus une expression de frustration politique que l'adoption d'une nouvelle perspective.

Règle générale, les groupes radicaux tels que Socialist Alliance, le Scottish Socialist Party et le Socialist Labour Party ont mal fait. Très peu de gens ont été convaincus de leur appels pour la création d'un Parti travailliste II et le retour aux « vieilles valeurs travaillistes ». Il est impossible de construire un nouveau parti de la classe ouvrière sur cette base.

Pour une section importante de la classe ouvrière, l'idée du Parti travailliste en tant que parti réformiste est ou bien un souvenir distant, ou bien quelque chose dont leurs parents ou leurs grand-parents leur ont déjà parlé. Blair et le New Labour représentent la continuité d'un processus politique qui remonte à la fin des années 1970, époque où les forces au sein de la bureaucratie syndicale ont commencé à briser le lien historique du parti avec la classe ouvrière en refaçonnant le parti travailliste comme une version britannique du Parti démocrate américain, ou de « Parti populaire » à l'européenne.

Pour réussir à construire un nouveau parti, les travailleurs dotés d'une conscience politique doivent non seulement réaliser ce qui s'est passé, mais aussi comprendre ce qui n'a pas marché avec leur ancien parti, et pourquoi. C'est précisément ce point que les divers groupes radicaux ne peuvent traiter sérieusement.

Ce serait une grave erreur que de penser que l'abstention de la politique officielle représente un développement progressif. Jusqu'à maintenant, les travailleurs ont principalement été passifs face à ces changements politiques. Nombre de personnes n'ont pas vu de raison de voter car ils considèrent que tous les partis sont pareils. Parmi ceux qui ont voté travailliste, l'humeur était de donner à contre-coeur une dernière chance à Blair de redresser les torts sociaux causés au cours des 18 années de règne conservateur.

À Oldham, le British National Party a remporté 11 000 voix dans deux comtés. Cela démontre qu'en l'absence d'une réponse politique consciente de la classe ouvrière, les groupes fascisants peuvent exploiter les tensions sociales pour leur propres desseins. Mais il ne faudrait pas conclure pour autant que la croissance de ces forces d'extrême-droite est inévitable. Bien au contraire, l'humeur politique générale est caractérisée par un désir profond d'assurer un niveau plus grand d'équité et de justice sociale. La droite ne peut dominer que dans la mesure ou le vide laissé par la gauche reste vide.

La combinaison du ralentissement économique mondial, des profondes divisions à propos de l'adoption par le Royaume-Uni de la monnaie unique européenne et des engagements pris par Blair d'effectuer encore d'importantes privatisations dans le secteur public est la recette parfaire pour entraîner d'importants bouleversements politiques.

Dans ces circonstances, l'édifice de la politique officielle qui se retrouve séparé de la vaste majorité de la population, sera incapable de contenir la lutte des classe dans ses anciennes formes. Les efforts de la bourgeoisie pour « moderniser » le Parti travailliste entraîneront son anéantissement. Une nouvelle ère se lève sur la vie politique britannique, dans laquelle les travailleurs cherchant à défendre leur niveau de vie et leurs droits démocratiques doivent se tourner vers la perspective socialiste et internationaliste avancée par le Parti de l'égalité socialiste.


 

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