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Les républicains perdent le Sénat américain à cause de l'approfondissement de la crise économique

par Patrick Martin
2 juin 2001

La perte du contrôle du Sénat américain par les républicains au profit des démocrates, qui met soudainement fin à la domination qu'avaient les droitistes républicains sur l'ensemble des organes dirigeants du gouvernement américain, représente un tournant majeur de la politique américaine.

Avec l'inauguration de Bush le 20 janvier dernier, le Parti républicain contrôlait la Maison blanche, le Sénat, la Chambre des représentants et la Cour suprême pour la première fois en cinquante ans. Mais seulement quatre mois plus tard, ce qui semblait être une hégémonie politique s'est effondré à cause d'un seul sénateur américain, James Jeffords du Vermont. En quittant le Parti républicain, il a fait basculer le Sénat, auparavant exactement divisé en deux avec cinquante sénateurs de chaque côté, dans le camp du Parti démocrate.

Ce revirement politique n'était pas une réponse, du moins pas une réponse directe, à un quelconque large mouvement contre les politiques de droite de la Maison blanche de Bush. Un tel mouvement ne s'est pas encore développé, en grande partie parce que le Parti démocrate, les syndicats et les groupes de défense des droits civils ont diffusé plutôt que mobilisé l'opposition populaire.

Le changement de garde au Sénat doit plutôt être compris comme une nouvelle étape du conflit qui fait rage au sein de la classe dirigeante américaine, qui s'est déjà manifesté dans la tentative de destitution de Clinton et ensuite dans la crise électorale de Floride. Il s'agit d'une tentative de faire prendre un autre cap à la nouvelle administration alors que les signes que le capitalisme américain glisse vers une profonde crise sociale, économique et politique deviennent de plus en plus pressants.

Comme un des observateurs les plus perspicaces de la vie politique à Washington, David Ignatius du Washington Post, le notait ce 27 mai : «La défection de Jeffords a temporairement transformé les États-Unis en démocratie parlementaire. C'était l'équivalent d'un vote de non confiance, et il a fait voler en éclat l'illusion des républicains qu'ils détenaient un "mandat" conservateur, eux qui avaient oublié le fait que leur candidat avait en fait perdu le vote populaire lors des dernières élections en novembre.»

La décision de Jeffords est une indication de l'inquiétude grandissante au sein des cercles dirigeants qu'a suscitée la performance de l'administration Bush au cours de ses quatre premiers mois au pouvoir. Du point de vue des représentants les plus perspicaces du capitalisme américain, il y a amplement matière à inquiétude. Aussi bien à l'intérieur qu'à l'étranger, l'administration Bush a fait preuve d'imprudence et de myopie.

Les cents premiers jours de Bush

Au plan international, en cent jours, l'administration Bush a réussi l'exploit de susciter l'hostilité de la Russie, de la Chine, du Japon, de l'Europe et du monde arabe.

Il a signifié son intention de répudier unilatéralement le Traité sur la limitation des missiles antibalistiques signé avec la Russie, tout en provoquant une confrontation avec la Chine sur la question des vols d'espionnage au-dessus des côtes de la Mer de Chine. Le revirement brusque de la politique de rapprochement avec la Corée du Nord de Clinton a été reçu comme une gifle au Japon et en Corée du Sud.

Au Moyen-Orient, Bush a tacitement encouragé l'Israël dans ses positions belligérantes contre la résistance palestinienne qui ont amené les tensions dans la région au niveau de ce qui y régnait en 1967 ou en 1973, alors que plusieurs capitales arabes parlent ouvertement de guerre.

L'administration Bush a soulevé une colère générale en Europe en répudiant unilatéralement les accords de Kyoto sur le réchauffement mondial de la planète, en refusant de soumettre le personnel de l'armée et des services du renseignement américain à la juridiction de la Cour pénale internationale, et en suggérant que les États-Unis retireraient leurs troupes de la Bosnie, du Kosovo ainsi que d'autres opérations de maintien de la paix.

La détérioration rapide de la position internationale des États-Unis s'est manifestée le 3 mai dernier lors du vote aux Nations Unies qui priva les États-Unis d'un siège à la Commission des droits de l'homme. Les alliés initiaux des États-Unis, la France, la Suède et l'Autriche ont tous refusé d'abandonner leur propre candidature, et chacun de ces candidats ont gagné plus de votes que le candidat américain. Au même moment, les USA multiplient les conflits sur des questions commerciales avec l'Europe, le Japon et la majorité des pays du Tiers-Monde.

En politique intérieure, l'administration Bush a été tout aussi obtuse, apparemment incapable de se rendre compte de l'opposition générale à des politiques comme l'assouplissement des normes sur le taux d'arsenic dans l'eau potable, l'interdiction de discuter de l'avortement pour les organisations de planification des naissances outremer et la fin de l'entérinement des nominations au juridique par l'Association du barreau américain qui sera remplacer par un droit de veto pour la très à droite Association fédéraliste.

Bush n'a jamais publiquement fait mention des émeutes de Cincinnati du mois dernier, qui sont le produit d'une longue histoire de violence et de racisme de la part de la police. L'attitude de l'administration sur la question de la crise énergétique en Californie est encore plus frappante, démontrant une indifférence délibérée à un État où l'on compte quinze pour cent de la population américaine, aussi bien que des industries cruciales dans les secteurs de l'informatique, de l'aérospatial, de l'agriculture et du spectacle.

Le plus important développement depuis que Bush a pris le pouvoir il y a quatre mois est l'effondrement de la valeur sur papier du Nasdaq. Les billions de dollars qui se sont évaporés avec l'effondrement de la bulle spéculative pour les valeurs technologiques et la possibilité de plus en plus grande d'une récession importante ont secoué la bourgeoisie. L'onde de choc de la débâcle financière commence à se faire sentir alors que les plus grandes compagnies qui ne sont pas dans le secteur technologique ont annoncé des mises à pied massives et des diminutions de l'investissement. Malgré quatre diminutions en cinq mois du taux préférentiel de la Réserve fédérale américaine, un fait sans précédent dans l'histoire, le ralentissement économique se poursuit.

La diminution des impôts de Bush, bien qu'elle représente le gros lot pour toute l'élite dirigeante, est perçue comme une aventure économique, parfois pire, par les sections de la bourgeoisie qui peuvent voir à plus long terme. Il est largement compris, à la fois à Wall Street et à Washington, que les immenses surplus budgétaires dont il est fait mention pour justifier les diminutions d'impôts disparaîtraient comme neige au soleil s'il fallait que l'économie ralentisse.

Business Week a récemment publié en couverture une histoire d'emberlificotage financier des dots.com qui fut exposé lors de l'effondrement du Nasdaq. Les diminutions d'impôts qui furent finalement votées le 26 mai dernier représentent en terme de politique publique les mêmes tripotages de livres. La législation a été modifiée la journée avant la date prévue du vote pour permettre de rapprocher le temps où les congés d'impôts seront octroyés aux riches. Pour contrecarrer l'impact de ce changement sur le budget et limiter la note à 1,35 billion tel que le mentionne la résolution devant le Congrès américain, les dirigeants républicains ont fait l'hypothèse bizarre que la totalité de la diminution d'impôt ne serait comptabilisée qu'en 2010, autrement dit, en faisant un emprunt sur les diminutions d'impôts de 2010.

Comme le chroniqueur économique Paul Krugman le faisait remarquer de façon acerbe dans un commentaire paru sur l'édition en ligne du New York Times, la nouvelle loi sur les impôts fait usage «d'une fausseté financière qui aurait mené tout droit en prison le dirigeant d'une compagnie cotée en bourse qui s'aviserait de l'utiliser ... C'est ce que l'on appelle un crime de col-blanc, purement et simplement. Nous devrions appeler la Commission des valeurs boursières et envoyer toute la bande, des sénateurs démocrates comme John Breaux et Max Baucus à leurs complices républicains, dans la prison à sécurité minimum la plus déplaisante.»

Vers une coalition gouvernementale

Les manoeuvres politiques à Washington n'ont pas pour but de remplacer l'administration Bush, mais l'établissement d'une coalition virtuelle avec les démocrates qui, pour parler comme les médias officiels, forcera Bush à gouverner «du centre» plutôt que de «la droite». La plupart des commentaires sur la défection de Jeffords critiquaient Bush pour ne chercher l'appui et les conseils que d'une petite faction de fondamentalistes religieux de droite et des fanatiques anti-taxes.

Les dirigeants du Parti démocratique eux-mêmes cherchent un partenariat avec la Maison blanche plutôt que la confrontation. On ne trouve pas la moindre trace de radicalisme ou même de libéralisme dans les déclarations de celui qui deviendra le 5 juin le leader de la majorité au Sénat, Tom Daschle, en remplacement du républicain Trent Lott. Ancien officier du renseignement de l'armée de l'air et ayant fait toute sa carrière à Washington (assistant de congressiste, congressiste et sénateur), Daschle a immédiatement promis son entière collaboration à l'administration Bush.

Même sur la question des nominations au juridique, le domaine où il était prédit qu'il y aurait une confrontation avec la Maison blanche de Bush, Daschle a été conciliant. «Alors que nous nous attendions à ce que le président propose ou nomme des juges conservateurs, a-t-il dit lors d'une entrevue accordée à CNN, je crois que c'est plutôt une section moins extrémiste que nous verrons.»

En d'autres mots, un Antonin Scalia ou un Robert Bork pourrait ne pas passer, mais des juges de la même eau qu'un Anthony Kennedy et une Sandra Day O'Connor, qui se sont ralliés pour offrir leurs votes cruciaux dans la décision de la Cour suprême de 5-4 qui a donné l'élection à Bush, ne rencontreront aucune opposition d'un Sénat contrôlé par les démocrates.

Moins d'un jour après l'annonce surprise de Jeffords, Daschle et d'autres démocrates d'importance ont décidé d'accepter que la nomination de Théodore Olson au poste de solliciteur général puisse passer au vote. Olson est un des personnages les plus odieux de Washington. Il fut au coeur de la campagne en destitution de Clinton et le représentant en chef sur les questions légales lors de la campagne électorale de Bush et du vol des élections 2000. Sa nomination a été acceptée par un vote serré de 51-47.

Cela montre bien que les démocrates ne sont aucunement opposés en principe aux républicains. Daschle pourrait facilement avoir bloqué la nomination d'Olson pour bien faire sentir que ce sont les démocrates qui avaient pris le contrôle du Sénat. Mais plutôt, il a permis que ce truand criminel occupe le poste du principal procureur pour le gouvernement américain.

Daschle est ensuite dit qu'il serait intraitable sur une autre initiative de Bush, déclarant que les sénateurs démocrates «ne permettraient jamais» l'extraction du pétrole dans l'Arctic National Wildlife Refuge en Alaska. Les récentes déclarations de Daschle nous offrent un échantillon des politiques de Bush qui mériteront une opposition des démocrates et de celles qui n'en mériteront pas.

Il n'y a aucun engagement à défendre les droits démocratiques. Un Sénat contrôlé par les démocrates ne mènera pas d'enquête sur le vote en Floride, ne parlons pas des liens entre le conseiller indépendant Kenneth Starr et les éléments de l'extrême-droite au sein du Parti républicain. Les démocrates ne s'opposeront à la Maison blanche que sur les questions qui préoccupent les couches les plus aisées des classes moyennes : l'environnement, les droits à l'avortement et peut-être contenir les pires abus des HMO (des assurances-maladie privées).

Pourquoi les démocrates ne combattront pas Bush

Comme l'acceptation de la nomination d'Olson le démontre, ce n'est pas la force de l'administration Bush qui amène les démocrates à être si conciliants, mais bien sa fragilité. Aussitôt qu'il est devenu évident pour tous qu'il était possible, même facile, de bloquer la nomination d'Olson, les dirigeants démocrates ont décidé qu'il fallait arrêter là.

L'administration Bush est un régime faible. Un président sans légitimité, choisi par la Cour suprême dans un vote divisé de 5-4 qui a contrecarré le vote populaire serait une cible facile si jamais les démocrates décidaient de construire une opposition sérieuse. Il y a une grande différence entre la timidité actuelle des démocrates et la férocité des républicains en des circonstances similaires.

Lorsque que Clinton a pris le pouvoir comme président minoritaire en 1993 (il avait quand même obtenu plus de votes que n'importe lequel de ses adversaires), les républicains ont monté une campagne incessante d'obstruction. Pas un seul républicain n'a voté pour le premier budget de Clinton, son régime public d'assurance-maladie a été torpillé et lorsque les républicains ont réussi à s'assurer le contrôle du Congrès en 1994, ils ont lancé une suite d'enquêtes sur des manquements supposés de l'administration Clinton, qui a culminé avec le scandale sexuel de Lewinsky et le procès en destitution.

Le point de vue le plus courant aux seins des cercles libéraux du Parti démocrate a été exprimé par le New York Times du 27 mai. Les adjoints à la campagne électorale de Clinton, James Carville et Paul Begala y demandaient dans une chronique qu'ils signaient une campagne agressive d'opposition politique à l'ensemble des politiques de Bush, mettant en doute la légitimité de la présidence de Bush. Dans son éditorial, le Times a textuellement rejeté une telle approche et a appelé le Parti démocrate à faire un usage «judicieux» de son nouveau pouvoir et à rejeter «la politique de la revanche».

Derrière cette prudence, on trouve la crainte que les appels à la colère populaire contre les politiques de droite de Bush et des républicains ne finissent par ouvrir la porte à un mouvement politique qui ne s'arrêtera pas aux mesures très timides proposées par les libéraux.

La plupart des commentaires des démocrates ont été remarquablement modérés et coopératifs, alors que les critiques les plus durs de Bush et compagnie sont venues des rangs mêmes du Parti républicain. Jeffords lui-même dans son discours du 24 mai, a plus fortement condamné l'extrémisme de droite de l'administration que les démocrates.

Le sénateur de l'Arizona, John McCain, a dénoncé la rigidité de la direction républicaine au Congrès. «La tolérance de la dissidence est le signe caractéristique d'un parti mature, a-t-il dit, et il est plus que temps que le Parti républicain vieillisse un peu.» Le sénateur du Nebraska, Chuck Hagel, a déclaré «Il y a ici la même arrogance que celle qui avait coûté le contrôle aux démocrates en 1994 ... J'aimerais que le président considère cela comme un indicateur qui est important lors de son gouvernement.»

S'il fallait se fier à la réaction de l'administration Bush à Jeffords, on peut penser qu'elle s'effondrera devant une opposition sérieuse. La presse laisse entendre qu'au moins un conseiller du vice-président Cheney avait signalé en avril dernier que Jeffords pourrait faire défection, mais qu'il avait été ignoré. Le «trust des cerveaux» de Bush, les mêmes devins politiques qui l'avaient assuré qu'il gagnerait les élections avec une avance confortable, ont minimisé les menaces de Jeffords et ont suggéré d'adopter un cours de brimades et d'exclusions qui l'ont finalement poussé à quitter le Parti républicain.

Dans le cas de l'avion espion qui fut forcer d'atterrir en Chine et du vote pour la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, l'administration Bush a semblé déconcerté par toute forme d'opposition, y compris celle d'un seul sénateur d'un petit État.

Cela dépasse la question de l'incompétence et reflète le point de vue myope d'acteurs politiques qui s'appuient sur une base sociale extrêmement étroite, ne prenant l'avis que des lobbyistes et des politiciens de droite et des pontifes des médias qui infestent le Washington officiel et ne croyant que leur propre propagande.

Il serait approprié de rappeler les remarques de Jeffords lorsqu'il a quitté le Parti républicain. Il a opposé le Parti républicain d'aujourd'hui au Parti républicain de Lincoln. Il est peut-être vrai que le Parti républicain a cessé de représenter les principes de Lincoln bien avant la naissance du sénateur âgé de 67 ans, mais même dans les 1960 l'appui des républicains fut crucial pour l'adoption des lois sur les droits civils. Les républicains du Midwest comme le leader de la minorité au Sénat, Everett Dirksen de l'Illinois et le leader en de la minorité en Chambre, Charles Halleck de l'Indiana, ont appuyé Lyndon Johnson alors que tous les démocrates des États du sud ont voté non.

Une réalité de la politique américaine très peu discutée mais d'une extrême importance est la question que le Parti républicain d'aujourd'hui est noyauté par des éléments fascistes qui viennent de la droite chrétienne, du lobby pro-armes, des regroupements anti-taxes et des sections de mouvement des milices paramilitaires. On trouve parmi leurs porte-parole certains des républicains les plus influents au Congrès, y compris le sénateur Jesse Helms and les congressistes Bob Barr et Tom Delay pour ne nommer qu'eux.

Plusieurs commentateurs de la presse ont noté la semaine passée les récentes déclarations de l'ancien sénateur et gouverneur du Connecticut Lowell Weicker, un autre républicain du Nord-Est américain qui est devenu indépendant. Weicker rappelait une conversation qu'il avait eue avec Barry Goldwater lorsque ce dernier était sur son lit de mort. Le principal représentant du conservatisme chez les républicains dans les 1960 a remarqué qu'il était considéré trop à gauche pour le Parti républicain des 1990.

Un système politique en crise

Derrière la faiblesse de l'administration Bush, on peut voir des changements de la démographie et de la structure sociale des États-Unis qui sont habituellement défavorables à l'aile droite des républicains en particulier et au système bipartite bourgeois dans son ensemble. La faiblesse des républicains ne signifie pas que les démocrates soient forts, mais plutôt qu'est discréditée toute la structure politique par laquelle les deux grands partis de la grande entreprise exercent un monopole sur la vie politique.

Le Parti républicain a perdu sa majorité à cause de la défection d'un sénateur de la poignée qu'il lui reste en Nouvelle-Angleterre, qui a déjà été une des bases principales du parti. Ce fait souligne les profondes divisions régionales de la politique américaine. Pour les vingt-deux États du Sud et de l'Ouest qu'a gagnés Bush (y compris l'Alaska), on trouve une majorité de sièges au Sénat, 32-12 en faveur des républicains, ainsi qu'à la Chambre des représentants qui compte quatre-vingt-neuf républicains pour quarante-neuf démocrates. Quant aux vingt-huit autres États, des régions de la Côte Ouest (y compris Hawaii), du Midwest et du Nord-Est, vingt-et-un sont allés au candidat présidentiel des démocrates, Al Gore, et ils ont donné trente-huit sièges aux démocrates au Sénat, contre dix-sept pour les républicains, ainsi que cent cinquante-deux aux démocrates à la Chambre des représentants pour cent vingt-trois aux républicains.

De telles différences régionales ont une grande importance dans un pays aussi vaste et diversifié que le sont les États-Unis. La carte politique montre en fait deux pays qui sont bien différents. Les régions dominées par les démocrates sont plus populeuses et contiennent la grande majorité de l'industrie américaine, les centres financiers, technologiques et de l'éducation ainsi que les cinq plus grandes agglomérations.

Même dans la région dominée par les républicains, les deux États les plus populeux, la Floride et le Texas, sont l'objet des changements démographiques qui affaiblissent la droite. N'eut été des violations flagrantes des droits démocratiques, les républicains n'auraient jamais gagné la Floride lors des élections 2000. Quant au Texas, l'État où réside Bush, le Washington Post a cité un analyste républicain qui disait que la croissance rapide de la population hispanique était une tendance défavorable à son parti. «À un moment donné, a-t-il dit, nous allons connaître un revirement et devenir une autre Californie», une référence à l'État de Reagan qui n'a plus élu un candidat républicain pour représenter l'État depuis 1994.

Les tendances socio-économiques qui minent le Parti républicain ont aussi de profondes implications à long terme pour les démocrates. Les États-Unis sont toujours plus divisés en deux camps : une élite riche et privilégiée qui compte pour cinq à dix pour cent de la population tout au plus et pour l'allégeance de laquelle les deux partis sont en concurrence, et les quatre-vingt-dix pour cent qui reste dont les intérêts sont complètement ignorés par les deux partis de la grande entreprise.

Lors de leur campagne électorale, Gore et Lieberman ont prétendu faire appel aux intérêts sociaux des travailleurs, mais on sentait que l'effort était faux et insincère et ce cours a fini par être abandonné. Selon un article récent paru dans le Baltimore Sun, Lieberman «c'est distancé du cri de guerre de Gore des petites gens contre l'élite riche». Lieberman a dit dans son entrevue : «Je n'ai jamais été de la lutte de classe. Une partie de rhétorique durant la campagne, "le peuple contre les puissants" en termes généraux n'est pas une approche qui m'intéresse ou avec laquelle je me sens à l'aise.»

La campagne pitoyable de Gore et l'administration Clinton-Gore en général était le produit le plus achevé d'un long virage à droite du Parti démocrate, qui a pris le même chemin que le Parti républicain, mais en restant un pas derrière. Le Parti démocrate fait aujourd'hui campagne non pas en tant que parti de la justice sociale ou de la redistribution économique, mais en tant que parti de la responsabilité fiscale et de l'austérité, un partti sur lequel Wall Street peut compter.

En dernière analyse, ni l'un, ni l'autre parti ne représente les intérêts de la classe ouvrière. Un énorme vide politique existe aux États-Unis, et c'est l'absence de toute représentation politique de la vaste majorité qui donne un aspect d'irréalité à la vie politique actuelle. Une véritable opposition à l'administration Bush, et à ses nouveaux partenaires du Parti démocrate doit prendre la forme d'un mouvement indépendant des travailleurs qui construira un nouveau parti politique qui s'oppose à l'oligarchie financière et au système économique sur lequel elle est basée.

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