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Scission au sein de L'Alliance canadienne

Keith Jones
17 mai 2001

L'Alliance canadienne, le parti de droite qui forme l'opposition officielle au parlement canadien est profondément divisée.

Huit des soixante-six députés de l'Alliance ont tenu une conférence de presse le 15 mai pour exiger la démission du chef du parti Stockwell Day et annoncer qu'ils boycotteraient les réunions du caucus jusqu'à ce que Day tire sa révérence.

Le fait que les huit membres n'aient pas été immédiatement expulsés du parti indique à quel point est profonde l'opposition au leadership de Day. C'est un secret de polichinelle que de nombreux membres du caucus sont déterminés à se débarrasser de Day en tant que chef du parti. Mais au lieu de lutter pour son retrait immédiat de la direction, ils préfèrent attendre jusqu'au prochain congrès du parti prévu dans un an où sa position à la tête du parti sera soumise à un vote des membres.

Les huit dissidents au sein de l'Alliance sont d'avis que Day cause des dommages permanents au parti. Chuck Strahl, ancien leader parlementaire de l'Alliance et chef de facto de la fraction anti-Day, s'est expliqué lors de la conférence de presse de mardi. « Nous avons semé la confusion parmi nos membres et nos électeurs », a-t-il déploré, « en nous écartant de notre mission qui est d'offrir aux électeurs une position de principe basée sur le conservatisme démocratique. Il semble qu'avec le temps nous nous sommes en fait éloignés de nos objectifs. »

Les dissidents, qui se présentent comme étant des « loyalistes de l'Alliance », sont convaincus que d'autres députés de l'Alliance vont bientôt se joindre à eux. Si leur nombre atteint le chiffre de douze, ils vont être en droit de demander à être reconnus par le Parlement en tant que groupe indépendant. Ce qui leur donnera droit à d'importants privilèges, y compris un budget de recherche, la représentation au sein des comités parlementaires et l'autorisation de poser des questions durant la période quotidienne de questions à la chambre des Communes.

L'émergence d'un troisième groupe parlementaire de droite au Parlement, en opposition au gouvernement libéral, ne peut que freiner la fusion ou le regroupement envisagés entre l'Alliance et le Parti conservateur. (Parti traditionnel de la droite canadienne, le Parti conservateur est le cinquième parti en importance à la chambre des Communes depuis qu'il a été balayé du pouvoir en 1993.)

Au cours des dernières semaines, les deux quotidiens canadiens de droite, le Globe and Mail et le National Post, ont tous deux caractérisé Day d'inepte et insisté pour qu'il démissionne de la direction de l'Alliance. Mais ils ont aussi déconseillé toute mesure qui entraînerait un éclatement de l'Alliance de peur que cela ne provoque une longue et infructueuse bataille de fractions au sein de l'opposition officielle.

Day et la droite religieuse

La scission actuelle est le résultat de plusieurs mois d'une lutte intestine. Lors d'une tentative précédente de forcer la démission de Day, non seulement Strahl, mais aussi le leader en chambre de l'Alliance Déborah Grey, le chef-adjoint du parti Grant McNally, et son chef du personnel Ian Todd ont tous donné leur démission le mois dernier dans un intervalle de 48 heures.

La plupart des détracteurs de Day sont des protégés de Preston Manning. Fils d'un vieux routier politique qui fut premier ministre créditiste de l'Alberta, Manning a créé le Parti Réformiste à la fin des années 80. Durant les élections fédérales de 1993 et de 1997, celui-ci a gagné la majorité de ses sièges dans les quatre provinces de l'Ouest canadien. L'an dernier, dans l'espoir de gagner l'appui de la grande entreprise basée dans la province centrale et industrielle de l'Ontario, Manning a initié la transformation du Parti Réformiste en Alliance Canadienne. Il souhaitait ainsi se distancier du régionalisme de l'ouest et du chauvinisme anglais auxquels était associé le Parti Réformiste.

Le pari de Manning a eu un succès considérable, mais il lui a aussi coûté son emploi. Day, un ancien ministre des Finances du gouvernement conservateur provincial de l'Alberta et un fondamentaliste chrétien, a réussi à ravir la direction du nouveau parti en juin dernier en s'assurant l'appui de diveres forces sociales. Elles comprenaient, entre autres, des opposants à l'avortement, des groupes anti-gays, la droite traditionnelle du Parti Réformiste qui considérait la formation de l'Alliance comme étant une trahison, ainsi que certaines sections de l'élite économique et politique de l'Ontario qui voyaient en Manning l'homme associé aux intérêts de l'Ouest.

Voyant maintenant son leadership miné de l'intérieur et le milieu des affaires signaler son profond désaccord quant à sa performance, Day essaie de s'accrocher à son poste en se rapprochant encore plus de la droite religieuse. Les activistes anti-avortement mènent une campagne de pression auprès des députés de l'Alliance pour les amener à prendre position pour Day. De plus, la plupart des personnes désignées au cabinet pour remplacer les déserteurs proviennent de l'aile d'extrême-droite du parti. Par exemple, Grant Hill, nommé chef-adjoint par Day, a dénoncé à maintes reprises l'homosexualité comme étant un style de vie malsain.

En s'identifiant toujours plus à la droite religieuse, l'Alliance risque de s'aliéner encore plus la vaste majorité de la population canadienne. Durant les élections de novembre dernier, les libéraux ont utilisé avec succès les origines de droite de l'Alliance, pointant du doigt les conceptions fondamentalistes réactionnaires de Day et son programme de mise en place d'un système de santé à deux vitesses, pour mieux masquer son propre agenda pro-patronal de droite.

À la consternation de ses partisans au sein de la grande entreprise, Day s'est avéré incapable de répondre aux accusations libérales. Ce qui a non seulement coûté des votes à Day, mais surtout créé de sérieux doutes quant à la capacité de l'Alliance, si jamais elle prenait le pouvoir, de faire face au mouvement d'opposition que susciterait son impopulaire politique de droite.

Lorsque la presse a questionné Day sur l'impact que ses propres convictions religieuses pourrait avoir sur lui à titre de premier ministre, il est resté muet comme une tombe. Par contre, il a déclaré que le fait pour lui de croire que la terre a été créée il y a 6000 ans était une question personnelle et que c'était injuste que la presse soulève une telle question. Pire encore, en ce qui concerne la grande entreprise, Day s'est ramolli sur ce qui constitue le cur du programme socio-économique de la droite, tant au sein de l'Alliance que dans le monde des affaires, à savoir: l'abolition du système de taxation progressif en faveur d'une taxe à taux unique et le démantèlement systématique des services sociaux, à commencer par le système universel et public de la santé.

La goutte finale: l'attaque de Day contre le système judiciaire

Depuis les élections, Day est allé de controverse en controverse.

Ses dénonciations démagogiques du « gaspillage gouvernemental » se sont retournées contre lui lorsque la presse a rapporté en grandes manchettes qu'il avait puisé en décembre dernier $800 000 des coffres du gouvernement de l'Alberta pour couvrir ses frais légaux de défense dans une poursuite en diffamation intentée contre lui par un avocat. Il avait insinué dans une lettre à un journal albertain que l'avocat en question était un défenseur de la pédophilie parce qu'il avait représenté un homme accusé de pédophilie devant les tribunaux.

Même après que son avocat l'ait convaincu de régler hors cour, Day a maintenu pendant plusieurs mois qu'il n'avait rien fait de mal. Finalement, en mars dernier, après avoir subi d'intenses pressions de la presse et de son propre parti, Day a présenté de plates excuses.

Le Globe and Mail, qui a longtemps servi de porte-parole de l'élite conservatrice ontarienne, a joué un rôle clé dans le discrédit de Day. C'est le Globe qui a révélé que Day avait approuvé l'embauche d'un détective privé dont le mandat était d'alimenter l'Alliance en faits afin de pouvoir ouvrir un scandale contre le premier ministre Jean Chrétien. Le Globe a ensuite ridiculisé le chef de l'Alliance après qu'il eut admis avoir rencontré le détective en question, pour annoncer le lendemain qu'il l'avait admis uniquement parce qu'il s'était fié aux informations publiées par le journaliste du Globe à qui il avait parlé et qu'il croyait être exactes !

Mais le faux pas impardonnable pour l'élite canadienne, Day l'a fait lorsque lui et ses assistants ont commencé à mettre en doute la crédibilité et l'impartialité des tribunaux. Day a déclaré que le juge siégeant lors d'une audience relative au scandale du shawinigate était dans une situation « évidente de conflit d'intérêt » et a refusé de s'excuser lorsque qu'il était devenu évident que le conflit d'intérêt n'existait que dans l'imagination de Day. Les assistants de Day ont aussi refusé de retirer la suggestion selon laquelle le système judiciaire au Québec était corrompu.

Les actions du chef de l'Alliance ont provoqué un tollé de protestations de l'élite judiciaire à travers le Canada, y compris les juges en chef de l'Ontario et du Québec, et l'Association du Barreau canadien. Dans un geste sans précédent, l'Ancien juge en chef de la Cour suprême du Canada, Antonio Lamer, a déclaré que les politiciens de l'Alliance canadienne qui « aboient » sont désespérément à la poursuite d'une « crise dans le droit constitutionnel ».

Il y a une insatisfaction considérable à l'égard du premier ministre Chrétien et de son gouvernement libéral parmi l'élite dirigeante canadienne. La grande entreprise veut que les libéraux coupent encore plus agressivement les taxes et démantèle ce qui reste des services publics et sociaux. Néanmoins, la classe dirigeante n'est clairement pas prête à déstabiliser le système judiciaire pas plus qu'à remplacer Chrétien par un poids-léger politique comme Day.

Invariablement, les commentateurs de la presse utilisent chaque épisode de la crise à la tête de l'Alliance pour affirmer que le système politique canadien va revenir à ses anciennes habitudes: même s'il y en a encore pour des mois, sinon des années, de ces querelles, nous assurent les magnats de la presse, un « parti modéré » de la droite va finalement émerger d'une réconciliation entre l'Alliance et les Conservateurs.

Rien n'est moins sûr. La grande entreprise a définitivement répudié la politique de l'État-Providence de l'après-guerre en faveur de la réaction sociale. Au cours de la dernière décennie, que l'on considère la « lutte au déficit », les coupures de taxes, le renforcement des pouvoirs policiers, ou la menace de partition du Québec, c'est le Parti Réformiste/Alliance Canadienne qui a déterminé l'agenda politique national.

Ce que la crise de l'Alliance révèle, c'est la base sociale étroite sur laquelle l'offensive de la droite repose. La classe ouvrière a été poussée dans les câbles parce qu'elle a été trahie et abandonnée par les organisations auxquelles elle a historiquement donné son allégeance: les syndicats et les sociaux-démocrates du NPD. Il lui faut absolument aujourd'hui trouver une nouvelle orientation politique face à l'échec abject du réformisme national. La tâche des socialistes est de préparer la prochaine contre-offensive de la classe ouvrière en lui donnant les outils politiques nécessaires.

 



 

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