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Les leçons de WorldCom

Par Nick Beams
2 juillet 2002

Une sorte de campagne désespérée impliquant l'administration Bush, les analystes financiers et les reporters des médias a été lancée pour essayer de présenter la crise financière américaine simplement comme un cas de méfaits et de fraudes par des cadres et des comptables cupides.

À la suite des révélations de WorldCom et de la nouvelle que Xerox, longtemps suspecté de « pratiques comptables créatives », avait à reclassifier plus de 6,4 milliards de dollars en revenus, le président des États-Unis George W. Bush a promis que les cadres qui étaient coupables de méfaits auraient à faire face à des amendes et à des peines d'emprisonnement et que « aucune violation de la confiance du public sera tolérée. » Bush fera un discours le 9 juillet dans lequel il annoncera des mesures plus sévères contre les fraudes des entreprises.

Vendredi dernier, le directeur général de WorldCom, John Sidgmore, a déclaré dans une lettre adressée à Bush que le personnel actuel d'administration était « tout aussi surpris et indigné ». C'est pourquoi, a-t-il expliqué, ils avaient immédiatement porté le faux crédit de presque 4 milliards de dollars à l'attention de la commission de contrôle de la bourse (Securities and Exchange Commission - SEC) et du public.

Partout dans le monde, des affirmations similaires ont été faites, toutes dans le but de présenter la crise simplement comme le fait de personnes corrompues et non de problèmes profondément ancrés au sein de l'économie capitaliste elle-même.

La motivation sous-jacente à cette campagne a été clairement révélée dans un article de George Trefgarne, le rédacteur économique en chef du journal londonien, le Telegraph, publié dans l'édition du 1er juillet du Sydney Morning Herald.

Après avoir constaté que l'une des « plus grandes passions spéculatives de tous les temps » est maintenant parvenue à un stade avancé de crise, avec des conséquences qui séviront pendant plusieurs années, il a signalé les changements politiques profonds que les débâcles d'Enron et maintenant de WorldCom laissent prévoir.

« Sans doute », écrit-il, « quelques experts académiques et gauchistes souhaitant soulever les masses, et misant sur les craintes que le système ne fonctionne pas, profiteront de la situation pour remettre en question les valeurs et les institutions sur lesquelles repose le système économique mondial. »

Trefgarne insiste sur le fait que « ceux d'entre nous qui croient aux marchés ne doivent pas se sentir intimidés » mais doivent reconnaître que « comme n'importe quoi qui dépend de la nature humaine, ils peuvent devenir victimes des humeurs et des passions, comme la cupidité et la crainte. » De plus, poursuit-il, les marchés ne sont pas en train de s'effondrer, ils travaillent. En fait, l'effondrement des marchés fait partie du processus de la « destruction créatrice » dans laquelle le capital qui a été mal réparti est effacé et libère la voie pour une nouvelle expansion.

Ayant donné cette garantie, Trefgarne continue ainsi: « Donc, si le système n'est pas le problème, quel est-il? La réponse est que les récents problèmes qui ont frappé les marchés financiers ont été causés par des individus agissant de façon incompétente, frauduleuse ou malhonnête. »

Mais cette sorte de raisonnement, qui est plus en rapport avec le mysticisme religieux et les doctrines sur les défauts naturels de la nature humaine que sur un examen objectif du fonctionnement de l'économie, s'écroule dès que quelques questions de bases sont posées. Si « une des plus grandes passions spéculatives de tous les temps » peut être lancée et ensuite renversée à cause des méfaits de quelques individus, n'y aurait-il pas une faiblesse naturelle à l'intérieur du système lui-même? Et si la corruption et la fraude sont le problèmes, pourquoi ont-ils émergés seulement à cette période-ci et pas à d'autres?

Si l'on veut éviter une théorie économique basée sur les méfaits d'un individu genre Hitler, il est évident que l'émergence du type de pratiques comptables qu'on a vu dans la récente période doit être reliée aux conditions économiques globales, qui doivent elles-mêmes être examinées. Mais Trefgarne et d'autres experts n'ont aucune envie de s'aventurer dans cette voie parce que même une brève analyse démontrera que la crise des marchés financiers est la conséquence des problèmes profondément enracinés à l'intérieur du capitalisme.

Afin de saisir l'importance de la turbulence des marchés, il s'avère nécessaire d'examiner quelques questions de base. La force productive de l'économie capitaliste est l'accumulation de profit et non la production de richesse matérielle. La source de ce profit est la plus-value retirée de la classe ouvrière (col blanc ou col bleu) engagée dans la production de biens et de services.

Alors que l'extraction de la plus-value forme la base de l'économie capitaliste, il se forme sur cette base une vaste superstructure financière, y compris le marché des actions, qui devient elle-même une arène pour l'accumulation de profit. Le marché des actions consiste en titres de propriété du capital. En dernière analyse, la valeur de chaque action est liée au flux de profits qu'elle est censée attirer à l'avenir.

Mais ceci ne veut pas dire que la relation entre la vraie base de l'économie capitaliste, l'extraction de la plus-value, et la superstructure financière est directe. Au contraire, la relation prend souvent la forme inverse. C'est que, historiquement parlant, lorsque le taux de profit moyen est relativement élevé, l'activité dans le marché des actions a tendance à diminuer, alors qu'un taux de profit stagnant ou en déclin mène souvent à une augmentation de l'accumulation de profit par le biais des transactions financières.

L'histoire économique de l'Amérique d'après-guerre démontre ce processus. Dans les années 1950 et 1960, lorsque le taux de profit moyen était élevé, le marché des actions croissait relativement lentement. Il a commencé sa rapide ascension au début des années 1980, arrêtant brusquement lors du crash boursier de 1987, pour reprendre son envol dans les années 1990 et accélérer rapidement après 1995.

Cependant, la croissance dans l'économie américaine, reflet du taux de profit moyen, suit une trajectoire différente. Dans la première moitié des années 1990, le taux de croissance était plus faible que pour n'importe quelle période de 5 ans dans toute l'époque d'après-guerre.

Il a quelque peu rebondi vers le milieu de la décennie mais même avec une amélioration dans l'économie américaine, les taux de croissance des principales économies capitalistes n'ont pas réussi à atteindre les niveaux de 1970 et 1980, sans parler de ceux du boom d'après-guerre des années 1950 et 1960.

Marx et le taux de profit moyen

L'origine des « pratiques comptables créatives » de la dernière période repose sur ces processus objectif.

Dans son analyse de la formation du taux de profit moyen ou général, Marx expliqua que la compétition entre différentes sections du capital était la façon dont elles se distribuaient entre elles, sous la forme de profit, la masse totale de plus-value extraite de la classe ouvrière.

Tant et aussi longtemps que les choses allaient bien, remarqua-t-il, la compétition « crée un sentiment de fraternité au sein de la classe capitaliste, chacun tirant sa part du butin commun selon la taille de son investissement. Mais, aussitôt que ce n'est plus une question de partager les profits mais de partager les pertes, chacun essaie de réduire ses actions au minimum et d'en refiler à d'autres. La classe, comme telle, doit inévitablement perdre. La quantité que le capitaliste individuel doit porter de la perte, dans quelle mesure il doit la partager, cela est décidé par la force et la ruse, et la compétition devient alors une bataille entre frères hostiles». [Marx, Le Capital Volume III].

Le prix est seulement une des formes par laquelle la compétition prend place. Une autre forme est le fusionnement ou le rachat par lequel une section du capital essaie d'en écraser une autre, ou de prendre le contrôle de ses actifs et de diminuer les coûts par des économies d'échelles, ou essayer d'obtenir l'accès à un cash-flow lucratif qui peut être utilisé pour financer un autre rachat.

Cette guerre de chacun contre tous est financée par les transactions boursières ou par des emprunts aux banques et autres institutions financières. Dans chaque cas, c'est nécessaire de maintenir une valeur d'actions élevées, selon « les attentes du marché ». L'incapacité à agir ainsi signifie qu'une entreprise particulière, à la place d'entreprendre un rachat ou un fusionnement, peut devenir elle-même une cible pour d'autres entreprises.

Mais il y avait un problème majeur pour les grandes entreprises américaines engagées dans cette bataille dans les années 1990. Le flot d'argent dans la bourse, remplie en majeure partie par les politiques de la Réserve Fédérale et l'afflux de capitaux venant du monde entier, a poussé la valeur des actions à de nouveaux sommets. Cela signifie que les entreprises avaient à rapporter des profits dépassant les 10% afin de maintenir le prix de leurs actions. Cependant, l'économie en son entier était loin de grossir de 10% par année.

Dans ces conditions, la seule façon d'augmenter les profits plus rapidement que la croissance sous-jacente était de s'engager dans un processus connu sous le nom de « comptabilité à rebours». Dans cette procédure, au lieu que le profit soit résultat final des pratiques comptables, il devient le point de départ. Commençant avec un niveau de profit nécessaire pour atteindre les « attentes du marchés » et maintenir ou augmenter la valeur de l'action, les entreprises travaillaient à rebours en manipulant le bilan financier afin d'atteindre ce but.

Dans le cas d'Enron, des transactions qui auraient pu faire descendre le taux de profit étaient retirées du bilan, ou les dépenses étaient désignées comme des investissements comme dans le cas de WorldCom, ou les revenus étaient reconnus avant qu'ils n'aient été encaissés, dans le cas de Xerox. Et si ces pratiques n'ont pas été amenées au grand jour (si les prétendus régulateurs n'ont pas réussi à voir le gros éléphant tacheté, pour reprendre une des formules utilisées) c'était parce qu'elles étaient trop étendues.

L'affirmation selon laquelle la fraude individuelle et la corruption sont à blâmer, plutôt qu'une crise du système de profit lui-même, est utilisée dans le but d'empêcher les travailleurs ordinaires dont les emplois, les fonds de pensions, d'épargnes et de retraites ont été détruits, de tirer les leçons politiques de cette expérience.

Le dernier quart de siècle a été témoin d'une charge sans précédent sur le niveau de vie et sur les conditions sociales, accompagnée d'une campagne interminable prêchant les vertus du marché capitaliste et du système de profit.

Comme aucune période avant dans l'histoire, le marché a été capable de faire son chemin sans restriction. La corruption qui émerge maintenant de tous les pores, le vol et la tromperie qui ont caractérisé ses plus hautes opérations et le tort que cela cause à des millions de personnes ne peuvent être attribués aux actions de « mauvais » individus. Bien entendu, des individus ont pris et appliqué des décisions. Mais leurs actions étaient la personnification de tendances objectives logées dans le système lui-même, ce qui indique de la façon la plus claire possible que son remplacement par un ordre social basé sur les besoins humains, et non le profit, est d'un point de vue historique arrivé à son échéance.


 

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