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Grande-Bretagne: divergences ouvertes entre les autorités militaires et le gouvernement de Blair.

Par Chris Marsden
Le 22 décembre 2001

La décision du premier ministre Tony Blair de mettre le Royaume-Uni aux commandes d'une force de sécurité multinationale en Afghanistan a déclenché un conflit ouvert sans précédent avec les autorités militaires britanniques.

Le 20 décembre, les Nations Unies ont approuvé le déploiement d'une Force d'Intervention de Sécurité Internationale (International Security Assistance Force- ISAF) en Afghanistan. Les Etats-Unis détiennent le contrôle d'ensemble de la mission, alors que la Grande-Bretagne prend en charge la "commande opérationnelle" avec la promesse d'un soutien américain en cas d'urgence. Une avant-garde de cinquante Royal Marines a déjà été envoyée à Kaboul et sera tôt ou tard rejointe par une force qui pourra compter jusqu'à 1.500 soldats britanniques.

Au total, la force pourrait atteindre un effectif allant de 3.000 à 5.000 hommes d'ici janvier, avec des soldats qui pourraient venir d'Allemagne, d'Argentine, du Canada, d'Espagne, de France, d'Italie, de Jordanie, de Malaisie, de Nouvelle-Zélande, de la République Tchèque et de Turquie. Néanmoins, des divergences majeures demeurent entre les Etats-Unis et l'Europe à propos de la direction de cette force, des attributions et de la taille de celle-ci, alors que l'Alliance du Nord, qui assure par intérim l'administration de l'Afghanistan que l'ISAF est censée protéger, cache à peine son hostilité à toute présence d'armée étrangère dans le pays.

La Grande-Bretagne est devenue le point central de ces hostilités internationales, alors que des parties de l'establishment militaire et politique britannique s'en prennent à Blair.

Le 16 décembre, le Sunday Times a fait état des avertissements formulés par quelques "officiers supérieurs" sur le fait que Blair soit "obligé de retirer des troupes d'autres points chauds, comme la Macédoine ou le Sierra Leone, s'il persiste dans ses intentions de fournir le plus gros de la force internationale (6.000 hommes) en Afghanistan." Le journal affirme que les chefs d'état-major, les commandants militaires britanniques les plus gradés, ont émis une proposition alternative qui limiterait l'effectif militaire des Britanniques en Afghanistan à près de 1.000 hommes.

Le Times a cité anonymement une "figure de haut rang" qui a déclaré: "Cela a fait de magnifiques images pour les idéologues du premier ministre quand Blair a posé dans une zone de combat entouré de soldats britanniques, mais ceci n'est ni juste ni nécessaire. On pourrait laisser cette tâche à d'autres et il y a beaucoup de gens qui ne diraient pas non Je suis sûr que ses intentions sont honorables à grande échelle mais tout cela a des relents d'auto-célébration."

Selon le Times , les chefs de l'état-major avaient le soutien de l'amiral Sir Michael Boyce, commandant en chef des forces armées.

Une critique tellement franche du premier ministre de la part des huiles militaires est sans précédent. Bien qu'il n'existe aucune raison constitutionnelle interdisant aux chefs militaires de faire des déclarations politiques, de telles pratiques vont à l'encontre des relations traditionnelles entre un gouvernement élu et le haut commandement militaire, et devraient normalement être sanctionnées par des limogeages.

Des critiques à l'encontre du gouvernement ont été également émises à la Chambre des Lords par des hautes figures militaires à la retraite. L'ancien chef d'état-major Lord Guthrie a suggéré que la Grande-Bretagne pourrait se trouver dans une situation dépassant ses forces si elle déployait des effectifs très nombreux dans ce pays troublé. Les maréchaux Lord Inge et Lord Bramall et le maréchal de la RAF Lord Craig lui ont apporté leur soutien lors du débat du 17 décembre à la Chambre des Lords.

Le litige ne concerne pas seulement le fait que l'armée soit mise à contribution de façon trop importante. Plus exactement, Blair est attaqué à cause de ses positions pro-américaines; de nombreux éléments de l'establishment militaire et politique sont persuadés qu'il sacrifie les intérêts indépendants de la Grande-Bretagne en Asie Centrale et au Moyen-Orient, si riche en pétrole, où des compagnies gigantesques comme British Petroleum et Royal Dutch Shell possèdent des investissements considérables. Ils craignent également que l'action militaire américaine puisse menacer la stabilité régionale du Moyen-Orient, et que la Grande-Bretagne ne se coupe de ses alliés européens à un moment où des cercles puissants parmi l'élite dirigeante réclament une intégration plus étroite dans les structures économiques et politiques du continent.

Le 13 décembre, l'Amiral Boyce a prononcé un discours au Royal United Services Institute à Londres où il a critiqué de façon implicite le gouvernement parce que celui-ci suit de manière trop étroite les initiatives américaines en Afghanistan.

"Le monde", a-t-il averti, "ne peut pas s'offrir le luxe de pays non-Etat, d'Etats-trou noir, ou d'Etats ratés, parce que de tels Etats engendrent le terrorisme. Pour cette raison, il faut nous attaquer aux causes et non aux symptômes du terrorisme. Le Royaume-Uni comme les Etats-Unis souhaitent assurer la stabilité dans cette région, mais nos perspectives de stabilité dans le monde et dans cette région ont été déformées par l'accent mis sur la lutte contre le terrorisme. Nous devons nous demander si nous préférons suivre le but obsessionnel des Etats-Unis d'en finir avec Oussama ben Laden ou avec Al-Qaïda ou bien investir nos efforts à créer les conditions pour la reconstruction nationale et économique. Les Etats-Unis considèrent notre aide nationale pour l'Afghanistan comme un objectif à long terme plutôt qu'à court terme," a dit Boyce, contrastant ceci avec "l'habileté particulière" du Royaume-Uni "à faciliter le processus de construction nationale "comme cela a été montré dans ses efforts précédents en "Malaisie et en Irlande du Nord" afin de gagner la bataille "des coeurs et des esprits".

Des divisions apparaissent même au sein du cabinet de Blair. La secrétaire d'Etat pour le Développement International, Claire Short, et l'ancien ministre des Affaires étrangères, Robin Cook, qui est maintenant président de la Chambre des Communes, sont tous deux critiques à l'égard du gouvernement. Ils ont été rejoints la semaine dernière par Mark Seddon, membre du Comité Exécutif National du Parti Travailliste et rédacteur en chef de Tribune, qui a écrit un article de tribune libre publié dans le Guardian du 18 décembre demandant instamment à Blair de cesser "d'être le larbin de l'Amérique".

Il a déploré "Au Moyen-Orient, tout concept d'intérêt britannique indépendant a été subordonné à un soutien inconditionnel aux actions des Etats-Unis en Afghanistan." Tandis que le Pentagone considère de "possibles nouvelles cibles en Somalie et en Irak" a-t-il insisté, "Il devrait être maintenant temps de se démarquer des faucons de Washington."

Blair espérait qu'en étant le principal soutien à la guerre contre le terrorisme du président Bush, il pourrait se faire entendre de Washington et faire avancer les intérêts de la Grande-Bretagne au Moyen-Orient et en Europe. Cependant, le problème est que les Etats-Unis insistent sur le fait que c'est eux et eux seuls qui commandent en Afghanistan et au Moyen-Orient. Tandis que Blair essaie de se présenter comme l'allié stratégique des Etats-Unis, il n'est toléré que dans la mesure où il suit la ligne des Américains et dans la mesure où il impose leur dictat aux alliés européens qui sont de plus en plus réticents.

Le général de division britannique John McColl a beau être le premier commandant de l'ISAF à Kaboul et le Royaume-Uni le pays qui fournira le plus gros des quartiers généraux et des effectifs dans un premier temps, c'est néanmoins le général américain Tommy Franks, qui dirige le commandement central américain et détient la responsabilité suprême.

Au cours du sommet de l'Union Européenne du week-end dernier à Laeken, en Belgique, les puissances européennes ont essayé une nouvelle fois d'affirmer leur indépendance par rapport aux Etats-Unis. Le ministre belge des Affaires étrangères, Louis Michel, a prétendu que l'ISAF était une force européenne et qu'elle représentait "un tournant dans l'histoire de l'Union Européenne".

Blair a écarté dédaigneusement cette suggestion et a insisté sur le fait que l'ISAF était sous le commandement suprême des Américains. Il a également rejeté une tentative de la part de ses partenaires européens de mise en garde des Etats-Unis contre une extension de la guerre en Afghanistan, insistant pour que soit modifié un projet de déclaration conseillant aux Etats-Unis de demander "l'approbation de la communauté internationale avant toute extension géographiques de ces opérations (en Afghanistan)".

Jusqu'au 20 décembre, l'Allemagne s'opposait toujours au commandement et au contrôle de l'ISAF par les Etats-Unis et désapprouvait la proposition de la Grande-Bretagne de lier les opérations des Nations Unies à la campagne militaire américaine en cours. Lors d'une conférence de l'OTAN à Bruxelles, le ministre allemand de la Défense, Rudolf Scharping a déclaré que la distinction entre les deux opérations devait être très nette. Des sources gouvernementales de première importance ont affirmé qu'il était possible que l'Allemagne ne fasse pas partie de l'ISAF sauf si des arrangements quant au commandement pouvaient être trouvés. Peter Struck, un membre du parti social-démocrate au pouvoir, a déclaré sans ménagement à la télévision allemande: "Nous ne souhaitons pas que des soldats allemands soient commandés par les Américains."

Blair a fini par l'emporter, il a réussi à faire accepter que l'ISAF (qui sera légèrement armée et qui aura besoin du soutien des Américains en cas de difficultés ou au cas où il faudrait l'évacuer rapidement) sera subordonnée aux Etats-Unis politiquement et militairement.

Dans ce processus, Blair est entré en conflit avec d'autres puissances européennes et s'est mis à dos son propre parti ainsi que les chefs militaires. La Grande-Bretagne est maintenant en train de diriger une opération terrestre qui pourrait se révéler une catastrophe et causer beaucoup de pertes humaines. La résolution des Nations Unies a demandé à l'Alliance du Nord de retirer ses troupes de Kaboul, mais le ministre afghan des Affaires étrangères par intérim, Mohamed Fahim a refusé d'exécuter cette résolution. S'opposant aux pouvoirs garantis par le mandat des Nations Unis à l'ISAF, Fahim a dit que des troupes étrangères n'auraient aucune autorité pour désarmer des belligérants, pour s'immiscer dans les affaires de l'Afghanistan ou pour utiliser la force et qu'elles ne devraient pas dépasser un effectif de 1.000 soldats. "Ils sont ici parce qu'ils le désirent et ils sont ici de façon symbolique" a-t-il averti. Hamid Karzai, le nouveau dirigeant afghan, a souhaité le départ de la force internationale "dès que la protection de nos frontières, de notre pays et d'un gouvernement choisi par le peuple afghan sera assurée".

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