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La grande entreprise de tout le Canada accueille l'Action démocratique du Québec

par Guy Charron
7 novembre 2002

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La discussion politique dans les grands médias du Québec a beaucoup porté sur le programme de l'Action démocratique du Québec (ADQ) ses derniers temps. Le troisième parti en importance à l'Assemblée nationale, l'ADQ se positionne comme un parti anti-establishment qui parle pour la classe moyenne oubliée. En réalité, ce parti défend des politiques taillées sur mesure pour défendre les intérêts de la grande entreprise et des riches comme d'importantes diminutions d'impôts, de grandes compressions dans les budgets dévolus aux services sociaux et la mise en place d'un réseau de santé privé en parallèle au système public pour offrir de façon plus rapide des soins de meilleure qualité à la minorité qui a les moyens de se les payer.

Avant cette année, l'ADQ n'avait jamais réussi à faire élire que son chef de 32 ans, Mario Dumont, un ancien dirigeant de l'aile de la jeunesse du parti libéral du Québec. La série de quatre victoires de l'ADQ aux élections partielles qui ont eu lieu au printemps dernier et sa montée subite au premier rang dans les sondages d'opinion a pris le Québec politique et l'establishment du monde des affaires par surprise. Il est largement admis que la plupart de ceux qui ont voté pour l'ADQ dans les élections partielles connaissaient bien peu du programme de droite de l'ADQ. Ils voulaient plutôt exprimer leur mécontentement envers les deux partis qui ont dominé la politique du Québec au cours des trois dernières décennies: le Parti québécois (PQ), le parti indépendantiste qui forme actuellement le gouvernement provincial, et le fédéraliste Parti libéral.

Bien qu'elle n'ait pas prévu la montée du soutien populaire envers l'ADQ, la grande entreprise au Québec et au Canada anglais a rapidement sauté sur l'occasion qui lui était offerte d'encourager une intensification de l'assaut contre la classe ouvrière.

Les médias qui n'en ont que pour l'ADQ et le télégénique Dumont est une des manifestations de ce changement. Plusieurs des chefs de file du monde des affaires du Québec ont aussi cherché à augmenter la crédibilité de l'ADQ et de Dumont. Marcel Dutil, le dirigeant des aciéries québécoises Canam Manac, est maintenant à la tête de la campagne de financement du parti. Il promet de soulever quatre millions pour la campagne du parti pour la prochaine élection provinciale, qui doit avoir lieu avant la fin de 2003. L'ADQ n'avait que 147.000 dollars à sa disposition lors des précédentes élections en 1998.

C'est Dutil, accompagné de deux chefs de file du monde des affaires, l'ex-dirigeant de la Banque nationale, Léon Courville, et Pierre Michaud, président de la chaîne des supermarchés Provigo, qui a présenté Dumont aux grosses légumes de la haute finance canadienne. Ce dernier a reçu plusieurs ovations lors de son discours devant le très select Canadian Club à Toronto. Le National Post, le principal quotidien de la droite du Canada, a reproduit la majeure partie du discours de Dumont et a donné sa bénédiction au chef de l'ADQ, titrant qu'il était «À la droite du [ premier ministre de l'Alberta Ralph] Klein et de [ l'ancien premier ministre de l'Ontario Mike] Harris».

Les médias du Québec, pendant ce temps, ont applaudi Dumont pour avoir le «courage politique» de présenter une alternative «audacieuse». En fait, pourtant, l'ADQ ne fait rien d'autre d'apprêter à la québécoise toute une série de mesures avancées par les centres d'études qui défendent le «libre marché» au Canada et aux États-Unis.

Bien qu'ils n'aillent pas jusqu'à demander la victoire de l'ADQ aux prochaines élections, les éditorialistes des grands médias voient tout le moins ce parti comme un véhicule pour mettre au centre du débat public des politiques chères à la droite, comme le système de santé à deux vitesses qui étaient considérées il y a peu encore comme un sujet trop explosif pour en discuter hors des officines du pouvoir et des conseils d'administration.

Pour autant qu'ils s'opposent à Dumont, c'est pour lui conseiller de ne pas tenter d'embrasser plus qu'il ne peut étreindre. Ainsi après que le dirigeant adéquiste ait lancé une série de déclarations antisyndicales, dénonçant le gouvernement péquiste de se plier aux volontés des centrales syndicales, l'éditorialiste en chef de la Presse, André Pratte, avertissait Dumont que les dirigeants syndicaux pourraient bien lui être utiles. «Nous applaudissons cette fermeté, écrit-il, avec une nuance importante : il peut être dangereux de jouer les durs pour l'image. Les syndicats sont des partenaires légitimes et obligés. Lorsqu'il le faut, le gouvernement ne doit pas craindre de les affronter. Mais il doit s'assurer d'être en terrain solide, et de poursuivre des objectifs clairs, réfléchis et circonscrits. Autrement dit, le gouvernement doit choisir ses batailles. C'est quelque chose qu'on apprend... avec l'expérience.»

Le taux unique d'imposition et l'empaillage de l'assurance-maladie

Si les dirigeants d'entreprise les plus rapaces envoyaient encore des lettres au Père Noël, le programme de l'ADQ serait assez proche de ce que le vénérable vieillard pourrait y lire. Non seulement l'ADQ offre-t-elle des diminutions massives d'impôt et d'importantes compressions budgétaires, elle promet aussi d'éliminer la progressivité du taux d'imposition alors que tous les contribuables seront imposés au même taux de vingt pour cent. L'introduction de ce taux unique d'imposition aurait comme conséquence une énorme économie d'impôt pour les riches et super riches qui jouissent déjà d'un taux d'imposition sur les gains en capital qui est bien au-dessous de celui sur les salaires.

Un taux unique d'imposition de vingt pour cent laisserai un trou dans le budget du gouvernement provincial québécois. En fait, c'est exactement l'effet recherché puisque Dumont ne se cache pas qu'il veut radicalement réduire les dépenses publiques. Et au même moment, il consacrerait une part considérable des revenus du gouvernement au paiement de la dette accumulée du gouvernement qui dépasse les cent milliards.

Évitant de donner des détails précis sur ses coupes dans les dépenses de l'État de crainte d'effrayer les électeurs, Dumont a clairement dit qu'en dépit des engorgements chroniques des urgences et des longues listes d'attente pour des traitements médicaux vitaux, un gouvernement adéquiste n'octroierait pas plus d'argent au budget du système de santé. Plutôt, l'ADQ propose d'appuyer le développement d'un réseau privé de santé parallèle au réseau public qui offrirait aux riches les soins médicaux dont ils ont besoin alors que le reste de la population devra se contenter d'un système public sous-financé et manquant de personnel.

Une des façons proposées par l'ADQ pour réduire les dépenses de l'État est l'élimination des dizaines de milliers d'emplois du secteur public au moyen de la privatisation et de l'abolition de la sécurité d'emploi dans le secteur public.

Dumont et l'ADQ ont également préconisé des bons d'études aussi bien que la privatisation de la gestion de la plupart des services publics. Les citoyens, a dit le chef de l'ADQ devant le Canadian Club, devraient avoir le «droit de choisir quel établissement leur fournira les services auxquels les dollars qu'ils donnent à l'impôt leur donnent droit». Comme d'autres politiciens de droite, lorsque Dumont parle de la liberté de choix, il veut vraiment dire qu'il faut mettre fin à un accès universel aux services publics et donner carte blanche à l'accroissement de l'inégalité sociale.

Scission des libéraux pour cause de nationalisme

Contrairement au PQ et aux libéraux, l'ADQ appelle pour un moratoire sur les tentatives de l'élite du Québec de modifier le statut constitutionnel du Québec, que ce soit au sein du Canada ou en le séparant de celui-ci. Né d'une scission avec les libéraux à cause d'un désaccord sur le nationalisme québécois, l'ADQ reste attaché à la partie de son programme appelant à une vaste décentralisation du pouvoir du gouvernement fédéral du Canada vers les provinces. Lors du référendum de 1995 qui portait sur la sécession du Québec d'avec Canada, il s'était joint au Parti québécois et à son parti frère au parlement fédéral canadien, le Bloc québécois.

En réclamant un moratoire sur le débat entre les fédéralistes et les séparatistes, l'ADQ rejoint la masse des électeurs, aussi bien les francophones que les anglophones et les immigrants qui ne veulent plus entendre parler de disputes constitutionnelles qu'ils considèrent comme ayant très peu d'impact sur les questions plus fondamentales de l'augmentation de la pauvreté et de l'insécurité économique et de la détérioration des services publics. Au même temps, Dumont espère gagner l'appui de la grande entreprise à son parti, celle-là croyant que la question constitutionnelle empêche l'élite politique de la classe dirigeante de forger le consensus nécessaire pour aller de l'avant avec l'élimination des normes du travail et des normes environnementales et avec le démantèlement des services publics.

Dumont n'a pas mis au rancart tout l'attirail nationaliste. Il tente simplement de le rendre plus directement conforme aux besoins actuels de la grande entreprise. Dumont a appelé pour un «nouveau patriotisme» qui pourra servir à la fois d'écran de fumée pour permettre à l'État de cesser d'avoir toute responsabilité vis-à-vis de ceux qui sont dans le besoin et comme une façon de mobiliser tous les Québécois derrière la lutte féroce que doit mener la grande entreprise pour défendre ses parts de marché et ses profits. «Nous serons des compétiteurs féroces, a dit Dumont dans son discours devant l'élite financière et politique basée à Toronto, lorsqu'il sera question d'attirer les investissements grâce à un environnent fiscal et réglementaire accueillant et des infrastructures comparables aux meilleures dans le monde. Nous avons rendu la tâche trop facile à l'Ontario pour trop longtemps.»

La bureaucratie syndicale est la principale responsable de la montée de l'ADQ jusqu'au point où elle peut devenir un prétendant au pouvoir au Québec. Pendant des décennies, les syndicats ont divisé la classe ouvrière selon leur appartenance ethnique et nationale, l'ont subordonnée à ce défenseur du nationalisme canadien qu'est le Nouveau parti démocratique au Canada anglais et au Parti québécois dans la seule province canadienne majoritairement francophone. Lors du référendum de 1995, les centrales syndicales québécoises ont endossé les plans pour un Québec capitaliste indépendant mis de l'avant par le PQ, le Bloc québécois et l'ADQ, déclarant que la sécession permettrait de défendre le Québec du vent de droite qui balayait l'Amérique du Nord. Aussitôt le référendum passé, les syndicats se joignaient au PQ pour imposer d'importantes compressions budgétaires dans les programmes sociaux au nom de l'élimination du déficit budgétaire annuel de la province. Au cours des sept dernières années, on a vu plusieurs signes de la désaffection générale de la population envers le programme pro-entreprise imposé par les partis traditionnels, la grève des infirmières étant probablement le plus remarquable, mais les syndicats ont systématiquement oeuvré pour supprimer toute lutte de classe.

Sans surprise, les dirigeants de la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ), de la Confédération des syndicats nationaux (CSN) et de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) ont réagi à la montée de l'ADQ en se serrant encore plus sur le PQ et les libéraux. En même temps, ils ont laissé savoir que si jamais l'ADQ prenait le pouvoir, alors ils travailleraient avec lui. «On ne fera pas de déclaration de guerre à l'ADQ» déclarait récemment le président de la FTQ, Henri Massé, en réponse à la promesse de Dumont d'abolir la sécurité d'emploi pour les travailleurs du secteur public.

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