wsws.org/francais

Visitez le site anglais du WSWS

SUR LE SITE :

Contribuez au WSWS

Nouvelles et Analyses
Luttes Ouvrières
Histoire et Culture
Correspondance
L'héritage que nous défendons

A propos du CIQI
A propos du WSWS

AUTRES LANGUES

Allemand

Français
Anglais
Espagnol
Italien

Indonésien
Russe
Turque
Tamoul

Singalais
Serbo-Croate

 

Nouveau consensus politique de l'élite dirigeante au Québec : il faut dépecer les services publics et les programmes sociaux

par Guy Charron
18 septembre 2002

Utilisez cette version pour imprimer

À moins de cinq jours d'écart, les deux partis qui se sont partagé le pouvoir depuis trente ans au Québec, le Parti québécois (PQ) qui forme le gouvernement québécois et le Parti libéral (PLQ) qui forme l'opposition officielle, ont annoncé qu'ils abandonnaient le «modèle québécois» du développement socio-économique et qu'il fallait radicalement changer le rôle que joue l'État par rapport aux services publics.

Le «modèle québécois» est le nom de code donné à toute une série de politiques des péquistes et des libéraux depuis les années 1960 qui veulent défendre les intérêts de la bourgeoisie francophone au moyen des pouvoirs de l'appareil d'État provincial, comme l'appui de l'État aux entreprises appartenant à des Québécois, la prise en charge par l'État du système de santé et de l'éducation, laissés jusque-là entre les mains du clergé catholique et la collaboration corporatiste institutionnalisée entre le gouvernement, le monde des affaires et la bureaucratie syndicale.

Aujourd'hui, s'il y a toujours un débat au sein des différentes sections de la grande entreprise sur l'utilité des subventions aux entreprises ou celle de la concertation avec les syndicats, mais il y a par contre un large consensus sur le fait que l'État-providence n'est plus viable.

Assurément depuis 1980, les programmes sociaux ont subi plusieurs vagues de compressions et les conditions de travail dans le secteur public se sont considérablement détériorées, autant sous des gouvernements péquistes que libéraux. Mais aujourd'hui, la bourgeoisie québécoise est de plus en plus inquiète qu'elle prend du retard sur ses compétiteurs aux États-Unis et dans le reste du Canada. Même se dire en faveur d'un État-providence est maintenant perçu comme un obstacle à la campagne pour restructurer les politiques sociales pour qu'elles soient plus en ligne avec la lutte du capital québécois pour les marchés et les profits.

Pas plus tard qu'en 1998, le chef nouvellement élu du PLQ, Jean Charest avait été unanimement condamné par les médias et l'élite dirigeante pour avoir proposé de mettre le «modèle québécois» au rancart. À cette époque, la collaboration entre les syndicats et le PQ était encore considérée par la grande entreprise comme la meilleure voie pour imposer les compressions budgétaires et pour arriver à éliminer le déficit.

Aujourd'hui, Charest est critiqué par ces mêmes médias pour avoir cédé à leurs pressions et rapidement laisser tomber sa campagne pour limiter l'envergure de l'appareil d'État québécois. Avec le succès naît l'appétit pour encore plus de succès, et la bourgeoisie satisfaite d'avoir réussi à endiguer les déficits budgétaires récurrents du gouvernement québécois veut maintenant s'assurer qu'une bonne partie de l'argent dédié aux programmes sociaux aille plutôt dans ses poches, comme cela se fait en Ontario et en Colombie-Britannique.

La «révolution du bon sens» québécoise

Le programme préélectoral du PLQ, rendu public le 12 septembre dernier, donne clairement expression aux demandes de la grande entreprise.

Proclamant «réinventer le Québec», les libéraux ont présenté un programme de diminutions massives des impôts et d'importantes compressions des dépenses publiques.

«... les grandes réalisations d'hier se sont mutées en un État lourd et tentaculaire», a dit Charest dans sa présentation de son programme préélectoral. «Un État conçu avant [...] que les Québécois s'imposent comme des entrepreneurs inventifs et audacieux. L'État québécois ne vit pas à la même époque que ses citoyens.»

Les libéraux veulent diminuer les impôts sur le revenu de 27 pour cent en cinq ans, c'est-à-dire d'un milliard supplémentaire à chacune des cinq prochaines années, pour un total de 15 milliards. Les impôts sur les sociétés pour les PME auront réduit d'un milliard par année avant l'année 2009. Les impôts sur les gains en capitaux des grandes entreprises seront aussi diminués, mais les chiffres ne sont pas spécifiés.

Pour financer ces diminutions d'impôts, le PLQ a l'intention d'éliminer des dizaines de milliers d'emplois dans le secteur public et parapublic en gelant les budgets de tous les ministères et organismes gouvernementaux, sauf ceux de la Santé et l'Éducation. Selon les libéraux, le fait que près de 40 pour cent des 400.000 employés de l'État atteindront l'âge de retraite d'ici 10 ans «fournit une occasion exceptionnelle de redéfinir le fonctionnement de l'État et de le mettre au diapason de la mondialisation.»

Les libéraux déclarent que les diminutions des dépenses et la suppression d'emplois leur permettront de se concentrer sur la santé et l'éducation. Mais leur document promet de mettre en place des mesures qui viendront miner l'accès à l'éducation et la santé. Les libéraux mettront fin au gel des frais de scolarité pour l'éducation post-secondaire. Dans le domaine de la santé, un gouvernement libéral favorisera le développement de cliniques privées et «permettra des partenariats public-privé dans tout ce qui touche l'administration du réseau de la santé», ce qui revient en pratique à permettre que les soins financés par l'État deviennent une source de profits pour les investisseurs.

Le PLQ considère aussi d'«alléger» en faveur du patronat la réglementation sur l'environnement et le travail et de modifier le code du travail pour qu'il soit plus facile de faire appel à des sous-traitants.

Avec ce programme, le PLQ reprend l'essentiel de la «révolution du bon sens» des conservateurs de Harris en Ontario. Comme les libéraux québécois, les conservateurs avaient affirmé que les diminutions d'impôts pour les biens nantis seraient entièrement financées par l'élimination du gaspillage et de la bureaucratie, que les restrictions budgétaires n'auraient pas d'impact sur les services publics essentiels et qu'un monde des affaires libéré du coût qu'entraînent un surcroît de réglementation signifiera la prospérité pour tous. La réalité fut tout autre. Au cours des sept années où les conservateurs furent au pouvoir, les rangs des pauvres, surtout ceux des désespérément pauvres, se sont gonflés, les riches et les très riches ont accaparés tous les augmentations de revenus, le système de santé et le système de l'éducation ont été ravagés par des vagues de compressions budgétaires et les déréglementations et les privatisations ont provoqué une série de crises, la plus connue étant la tragédie de l'eau contaminée de Walkerton.

Le PQ : les services publics ne sont pas un droit

Quelques jours avant que les libéraux ne présentent leur programme préélectoral, le PQ tenait un conseil national qui avait pour principale préoccupation l'effondrement de l'appui populaire au PQ. Si les prévisions des sondages se confirmaient dans une élection générale, le PQ ne perdrait pas seulement le pouvoir, il ne formerait même pas l'opposition.

Après les récentes élections partielles de juin qui furent un échec retentissant pour le PQ, le président du Conseil du Trésor, un proche de Bernard Landry, le premier ministre, critiquait le PQ pour avoir «érigé en dogme le sacro-saint modèle québécois, en refusant de voir ses failles, le corporatisme, la rigidité, la dépendance vis-à-vis de l'État qu'il engendre, la dette astronomique qu'il a suscitée».

Il avait alors fermement rabroué par Landry qui avait déclaré que son ministre était «allé trop loin» et qu'il avait «étiré dans des directions où il y a rupture de nos principes de base».

Mais une journée avant le conseil national, Facal étayait sa position dans une lettre ouverte au PQ. Cette fois, au grand étonnement de la presse, Landry a entériné la remise en question de son ministre dans son discours d'ouverture : «Joseph, si tu avais dit ça comme ça du premier coup, je t'aurais félicité.»

La lettre ouverte de Facal est basée sur la conception que l'État-providence n'était plus viable et qu'une grande partie des coûts des services publics devait être prise en charge par les individus plutôt que par les revenus de l'État.

«Le débat en cours sur le modèle québécois, écrit Facal, est notre version locale d'un débat qui a lieu présentement dans toutes les sociétés capitalistes avancées.

«À l'origine, le problème est financier. Partout, les revenus des gouvernements augmentent moins vite que les dépenses sociales et l'écart entre les deux ira en s'accentuant... Inévitablement, il faudra faire des choix douloureux.

«[...] Peu de citoyens connaissent le poids réel de leur contribution fiscale à nos services publics et le coût réel des biens qu'ils consomment, tout en les prenant pour un droit acquis. Cette insouciance collective ne peut plus durer.»

À part suggérer que les travailleurs à revenus modestes doivent payer plus d'impôts, la lettre de Facal ne donnait pas beaucoup d'indications sur les politiques à adopter. Mais son message était clair : la santé, l'éducation et les autres services publics ne doivent désormais plus être considérés comme des droits, mais doivent comme des services que chaque individu doit financer.

Le PQ a déjà fait quelques pas dans cette direction lorsqu'il a établi son assurance-médicament publique qui avait pour but de faire payer aux bénéficiaires de l'aide sociale et aux personnes âgées une partie des ordonnances qui étaient auparavant gratuites pour eux. Les personnes qui ont une assurance privée sont exemptées d'avoir à financer l'assurance publique alors que les travailleurs à revenus modestes sont obligés d'y souscrire. Les primes ont connu des augmentations astronomiques année après année depuis la mise en place de l'assurance.

Les médias ont très peu commenté le développement des politiques de droite au sein du PQ. Ils ont plutôt concentré leur attention sur le débat sur un troisième référendum sur la sécession du Québec d'avec le Canada. Landry a dévoilé un plan de 1000 jours pour réaliser l'indépendance soit toutefois aller jusqu'à promettre un référendum. Les sondages montrent que la grande majorité des Québecois ne veulent pas réouvrir le débat sur le statut constitutionnel du Québec, mais les militants indépendantistes, surtout de la petite-bourgeoisie, sont outrés de voir que le gouvernement ne réussisse pas à faire avancer la cause de l'indépendance.

L'ADQ et le consensus chez l'élite

Dans les récentes élections partielles, le PQ et le PLQ ont fait piètre figure, le parti nationaliste de droite né d'une scission d'avec les libéraux, l'ADQ, remportant la majorité des sièges en jeu.

Parce que les bureaucraties syndicales ont constamment travaillé à rallier la classe ouvrière au PQ, ce parti de la bourgeoisie, l'ADQ a pu profité de la colère et de la frustration des travailleurs face à l'insécurité économique toujours grandissante et à l'indifférence de l'establishment politique et du monde des affaires face à leurs préoccupations.

Des experts politiques ont spéculé que l'ADQ chercherait à consolider ses appuis électoraux en recentrant son programme, puisque les sondages indiquent qu'une majorité de ceux qui disent appuyer l'ADQ ne le connaissent pas et qu'ils sont opposés aux grandes lignes de ce programme lorsqu'ils en prennent connaissance. Mais la grande entreprise demande à l'ADQ de ne pas reculer, considérant que ses propositions pour un taux de taxation unique, pour des compressions budgétaires importantes dans le secteur social, pour un système privé de santé pour les biens nantis parallèle au système public et pour éliminer toute trace de sécurité d'emploi pour les centaines de milliers de travailleurs du secteur public pourront au moins servir à faire pression sur les deux partis traditionnels.

En annonçant que le «modèle québécois» était maintenant dépassé, le PQ et le PLQ ont déjà signalé qu'ils avaient bien reçu le message.

Voir aussi :


 

Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés