Pays-Bas:
La Liste Pim Fortuyn mène la nouvelle attaque droitière
du gouvernement
Par Steve James
Le 9 septembre 2002
Utilisez
cette version pour imprimer
La Liste Pim Fortuyn (LPF) est à l'origine des orientations
politiques les plus importantes du nouveau gouvernement néerlandais.
Conscients de l'instabilité de leur parti, les figures
les plus expérimentées de la LPF n'ont pas perdu
de temps pour faire passer tout un train de mesures anti-démocratiques
afin d'étendre le programme droitier déjà
accepté par la nouvelle coalition menée par la
CDA (Parti chrétien-démocrate). A la tête
de celui-ci, on trouve Hilbrand Nawijn, ministre de l'Immigration
et de l'Intégration.
A la suite de la victoire aux élections de mai du CDA,
du VVD (Parti populaire pour la Liberté et la Démocratie
- Libéraux) et de la LPF, la coalition a adopté
un cadre politique pour diriger des attaques contre l'aide sociale
tout en prenant des mesures sécuritaires et anti-immigrants.
Ce programme ainsi que d'autres mesures annoncées récemment
présentent un contraste très net avec la politique
de consensus qui a dominé aux Pays-Bas dans la plus grande
partie du 20ème siècle.
A ce jour, les attaques principales du gouvernement ont été
dirigées contre les immigrés. Le 16 aôut
dernier, le membre de la LPF, Hilbrand Nawijn, a proposé
que les immigrants « clandestins » soient enfermé
dans des casernes militaires ou dans des « centres de départ
» et que leurs allocations sociales soient réduites
de 90% en attendant leur expulsion du pays. Nawijn visait particulièrement
les immigrés originaires d'Afrique du Nord ou de Turquie
et a déclaré que le nouveau gouvernement serait
« aussi ferme que possible ». Faisant porter aux
immigrés la responsabilité du manque de logements
bon marché dans les villes des Pays-Bas, Nawijn a déclaré
à Nova TV : « Dans les grandes villes beaucoup d'immigrés
clandestins vivent dans des logements qui devraient être
attribués aux néerlandais et aux immigrés
légaux ». Des lois devraient être votées
dans ce sens d'ici six mois.
Nawijn a ensuite proposé que les sociétés
qui employaient des immigrés « clandestins »
soient condamnées à des amendes de 1.800 euros
(ce qui représente deux fois plus que l'amende actuelle)
et cette déclaration a provoqué un tollé
de la MKB, la fédération des moyennes entreprises.
Quelques jours plus tard, Nawijn a préconisé l'expulsion
des citoyens néerlandais d'origine marocaine inculpés
de délits.
En réponse, le Premier ministre Peter van Balkenende
a déclaré que ces mesures étaient anticonstitutionnelles
et qu'il aurait une discussion avec Nawijn au sujet des provocations
verbales de celui ci. Balkenende a néanmoins confirmé
que l'expulsion de personnes ne possédant ni passeport,
ni adresse fixe et qui s'étaient rendus coupables de délits,
n'était pas un problème pour lui. Van Vroonhoven,
un député CDA à la Chambre Basse du Parlement,
a également prévenu Nawijn des dangers de stigmatiser
les Marocains tout en insistant sur le fait que son parti était
prêt à débattre des mesures à l'encontre
des immigrés délinquants.
Nawijn a répondu à ces attaques en prenant pour
cible le religieux musulman Khalid El Moumni, qui selon lui devrait
être expulsé du pays parce qu'il est opposé
aux « principes néerlandais ». Nawijn a expliqué
au journal Algemeen Dagblad « S'il enfreint la loi,
on devrait le rattraper, le traîner en justice et l'expulser
du paysCeci s'applique à tous les délinquants.
»
Le gouvernement a en plus instauré une campagne d'enquête
« anti terroriste » à propos des 800.000 musulmans
et a arrêté la semaine dernière sept hommes
accusés de liens avec Al Qaïda. Un peu plus tard,
Nawijn a déclaré au journal Volkskrant qu'il
se demandait dans quelle mesure les citoyens inculpés
devraient être privés de la nationalité néerlandaise
avant leur expulsion. Il prétend que cette mesure peut
être prise sur fond de menace très grave à
la sécurité nationale.
Nawijn a également annoncé de nouvelles mesures
visant à rejeter entre 80 et 90 pour cent des demandes
d'asile politique. Il a insisté sur le nombre trop important
de « chercheurs de fortune ». Un nouveau système
d'informations sur le pays d'origine contenant une description
détaillée de la topographie de chaque pays va être
mis en place afin d'interroger les demandeurs d'asile sur les
détails de leur demande.
Cette réduction drastique des demandes d'asile acceptées
(en ce moment, approximativement une demande d'asile sur deux
est acceptée) entraînerait la fermeture de nombreux
centres d'accueils et supprimerait des centaines de postes de
fonctionnaires. Cette mesure a été approuvée
dans le manifeste de la coalition gouvernementale.
Il semble que les syndicats de fonctionnaires aient été
apaisés par les assurances répétées
de Nawijn que les suppressions de postes se produiraient en concordance
avec la diminution du nombre d'hôtels et de centres d'accueil.
A ce jour, ces syndicats n'ont pas émis la moindre protestation
face aux implications des propositions de Nawijn.
Pour endurcir encore plus sa politique d'expulsion, Nawijn
a dit au Volkskrant qu'il obligerait les autorités
locales à coopérer pour rassembler et pour expulser
les immigrés « clandestins ». Pour l'instant
les autorités locales disposent d'une certaine liberté
de manuvre dans leur politique vis-à-vis des personnes
sans statut légal dans le pays. Il s'est vanté
« Je vais leur dire : pourquoi dépensez-vous de
l'argent à aider les immigrés clandestins et les
demandeurs d'asile rejetés alors que d'autres personnes
ont besoin d'un abri ? ».
Selon l'Agence de Presse Néerlandaise, ANP, Nawijn
a l'intention de demander l'expulsion de 30.000 réfugiés
afghans au Conseil des ministres du 6 septembre. Nawijn croit
que l'Afghanistan en ruine est assez sûr et les réfugiés
afghans aux Pays-Bas devront introduire des demandes individuelles
d'asile.
Les origines de Nawijn
Hilbrand Nawijn n'est pas un simple démagogue de salon
propulsé dans ses fonctions par l'ascension rapide de
la LPF. C'est un juriste et avant il dirigeait le Service des
Réfugiés au Ministère des Affaires étrangères,
qui est devenu en 1994 le Service d'Immigration et de Naturalisation.
Nawijn a été un fonctionnaire de premier plan en
charge de la politique d'immigration sous le gouvernement CDA
de Ruud Lubbers ainsi que pendant un certain temps sous le gouvernement
de coalition « violette » [regroupant le PvdA (Parti
du travail, social-démocrate), le VVD et D'66 (Parti des
démocrates 66), NdlR.] dirigé par le social-démocrate
Wim Kok, récemment battu aux élections générales.
En 1996, Nawijn est devenu administrateur des services de direction
KPMG et a fondé son propre cabinet juridique et son propre
centre de conseils à l'immigration en 2001.
Son arrivée au premier plan montre l'âpreté
de la situation politique aux Pays-Bas. Cela met en évidence
la témérité du nouveau gouvernement qui
cherche des boucs-émissaires qui seraient responsables
de la destruction que réclame le patronat néerlandais
des acquis sociaux et des droits démocratiques. Le commentaire
le plus révélateur à propos de Nawijn est
venu de son prédecesseur, l'ancien ministre de la Politique
d'Intégration, Roger van Boxtel, qui, dans une interview
au journal Vrij Nederland, a prévenu que la politique
de Nawijn pourrait créer « Une démocratie
sauvage, qui pourrait semer la confusion dans la société.
... Je suis inquiet par le climat plus tendu, par les solutions
faciles et par la polarisation. »
Mais le gouvernement de coalition « violette »
au sein duquel Van Boxtel a officié et qui a subi une
défaite cuisante lors des élections de mai dernier,
a préparé le terrain pour Nawijn, en dégradant
les conditions de vie pour la plupart des gens, en s'attaquant
aux dépenses d'aide sociale et en s'en prenant aux immigrés.
Si Nawijn a tenu le devant de la scène, d'autres figures
de la LPF ont adopté une approche similaire - s'aventurant
sur le terrain le plus à droite afin d'imposer les termes
du débat au sein du gouvernement Balkenende. Début
août, le ministre des Finances LPF, Steven Van Eijck, a
suggéré de dégager de l'argent du programme
gouvernemental « épargne en fonction des revenus
» pour donner l'illusion d'augmentation de salaire. Le
ministre de l'Economie LPF, Herman Heinsbroek, a réclamé
des dégrèvements fiscaux pour les entreprises,
une diminution des taxes sur les carburants et des taxes d'habitation
à réaliser plus tôt que prévu par
le programme de coalition, en plus des 11 milliards d'euros de
réduction déjà approuvés. Tandis
que le VVD et le CDA débattaient de la mise en place de
tribunaux mobiles pour sanctionner les infractions à l'ordre
public lors de matches de football, Jim Janssen, un député
LPF a réclamé l'instauration de camps d'entraînement
de style militaire pour les hooligans, qui pourraient ensuite
être recrutés dans l'armée. Le LPF a également
exigé des peines de prison à vie incompressibles
pour les meutriers d'enfants et que les victimes d'agressions
soient encouragées à déposer devant les
tribunaux.
Heinsbroek a également réclamé une campagne
publicitaire pour promouvoir les valeurs néerlandaises.
Il a prétendu que cette campagne devrait encourager le
respect pour le médecin de famille, le professeur, la
police et les vieilles personnes tout en encourageant les immigrés
à apprendre les « règles » de la vie
aux Pays-Bas. Heinsbroek a cité en exemple la campagne
de presse menée par le président américain
George Bush afin de soutenir la « guerre contre le terrorisme
».
En réponse, Balkenende a accepté de mettre en
place une commission de défense des valeurs néerlandaises
mais il a demandé à Heinsbroek d'exprimer sa différence
par rapport à la politique de la coalition à l'intérieur
du gouvernement. Heinsbroek a déclaré au magazine
d'employeurs Forum : « Si ceci le gêne, c'est
son problème. Si j'ai envie de faire voler un cerf-volant,
je le ferai sans problème ».
Malgré sa position de force, la LPF connaît une
crise continue et profonde, ayant récemment désigné
son troisième chef en quatre mois. Sa durée de
survie est explicable uniquement par son soutien au CDA et au
VVD.
Le ministre de la Défense, qui a succédé
à Fortuyn, a démissionné au début
du mois d'août. Il se disait « fatigué jusqu'à
l'épuisement » et très heureux d'avoir démissionné.
Herben avait été critiqué au sein de la
LPF parcequ'il avait été méprisé
au cours des négociations sur l'agenda de la coalition
gouvernementale. Il avait été également
attaqué parce qu'il avait approuvé l'achat du nouvel
avion Joint Strike Fighter, ce à quoi Fortuyn lui-même
s'opposait, donnant plus d'importance à raviver les traditions
impérialistes de la marine néerlandaise.
Alors que les sondages d'opinion suggèrent que la LPF
a déjà perdu le plus gros de son soutien électoral
un sondage a suggéré qu'elle remporterait
seulement 8 sièges à la Chambre Basse, contre les
26 actuellement détenus celle-ci a parié
sur un inconnu sur le plan politique, Harry Wijnschenk, un ancien
éditeur de magazine de motos et de montres. Harry Wijnschenk
a été désigné par 16 des 21 députés
LPF contre l'ancien Conseiller municipal VVD, Gerard Van As.
Winjschenk, ancien membre du Parti Libéral s'est présenté
comme « entêté, solide, sachant ce qu'il veut,
gagnant, et mauvais perdant ».
|