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Les élections au Québec dans l'ombre de la guerre

Par Keith Jones
11 avril 2003

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Les Québécois sont appelé aux urnes pour l'élection provinciale ce lundi 14 avril. Mais la campagne électorale et le débat sur l'avenir constitutionnel du Québec ont suscité bien peu d'intérêt. Ce n'est pas qu'il manque de sujet de discussion politique, mais les élections sont restées dans l'ombre devant la colère et l'angoisse de la population face à l'invasion de l'Irak par les États-Unis et la Grande-Bretagne.

Au cours des trois derniers mois, le Québec a connu plusieurs protestations contre la guerre, y compris trois manifestations à Montréal pour lesquelles 150.000 à 250.000 personnes se sont mobilisées. Fait remarquable et significatif, ce mouvement contre la guerre s'est développé presque entièrement en dehors de l'establishment politique traditionnel, y compris la bureaucratie syndicale.

Tardivement, les trois partis qui ont des députés à l'Assemblée nationale (le Parti québécois (PQ), qui forme le gouvernement, le Parti libéral (PLQ) et l'Action démocratique du Québec (ADQ)) ont tous proclamé leur opposition à la guerre menée par les Américains. Les trois dirigeants de ces partis ont décidé d'arborer les rubans blancs pour la paix sur leur veston.

C'est une tentative cynique et plutôt évidente de faire appel à la majorité opposée à la guerre au Québec. Le premier ministre québécois, Bernard Landry, a dit qu'il accueillerait une guerre contre l'Irak si elle était endossée par les grandes puissances qui sont membres du Conseil de sécurité des Nations unies. Le chef du Parti libéral Jean Charest était un ministre du gouvernement fédéral conservateur qui a mené le Canada lors de la première Guerre du Golfe. Quant à Mario Dumont, l'idéologue du «marché libre» qui dirige l'ADQ, il a visiblement bien de la difficulté à feindre qu'il est opposé à l'assaut sur l'Irak par l'administration Bush.

L'opposition à la guerre a donné expression au profond sentiment d'aliénation dans la population envers la politique officielle, un sentiment qui tire ses racines dans l'insécurité économique, la croissance de l'inégalité sociale et l'accroissement continu du pouvoir des grandes entreprises. Si cette aliénation n'a pas trouvé d'autres moyens de s'exprimer, c'est parce que la bureaucratie syndicale au Québec a systématiquement subordonné la classe ouvrière à la grande entreprise et au parti indépendantiste et pro-grande entreprise qu'est le PQ.

L'érosion de l'appui que trouvent dans la population les politiques de l'élite dirigeante a toutefois trouvé une expression déformée au cours de la dernière année dans les immenses variations de l'appui aux partis de l'establishment.

Plus particulièrement, l'appui à l'ADQ, un parti nationaliste québécois né d'une scission d'avec le PLQ, a connu de remarquables fluctuations. Au printemps et à l'été 2002, l'ADQ qui n'avait jusqu'alors jamais réussi à faire élire quelqu'un d'autre que son chef a remporté quatre élections partielles et arrivait premier dans les sondages tenus à cette époque. Mais quand la plateforme de droite de l'ADQ (écoles privées, taux unique de taxation et système de santé privé-public) est devenue plus généralement connue au sein de la population, son appui s'est lentement évaporé avant de plonger rapidement aux cours des dernières semaines.

S'il fallait en croire les derniers sondages d'opinion, seuls les deux partis traditionnels ont aujourd'hui une chance de former le prochain gouvernement québécois le 14 avril. Un gouvernement minoritaire dans lequel l'ADQ détiendrait la balance du pouvoir demeure néanmoins une possibilité bien réelle.

Trois variantes de la domination de la grande entreprise

Il y a six mois, il semblait que le PQ, qui dirige le Québec depuis neuf ans, connaîtrait une défaite électorale de l'ampleur de celle qu'ont connue les conservateurs fédéraux en 1993 ou le NDP de Colombie-Britannique en 2001. Il a depuis regagné un peu de son appui en attaquant les mesures du programme ultra-droite de l'ADQ et en se présentant comme un parti de la «gauche».

Le PQ avait employé une tactique similaire lors du référendum sur l'indépendance du Québec en 1995. Il a affirmé qu'un vote pour le «oui» serait un rempart contre le «vent de droite» qui soufflait sur l'Amérique du Nord. Immédiatement après le référendum, le PQ avait déclaré qu'il était fondamental pour arriver à la «souveraineté» du Québec d'éliminer le déficit budgétaire atteignant les 4 milliards par année et avait imposé d'importantes coupes dans les services sociaux et publics. Si on prend en compte le nombre des habitants au Québec, ses coupes se comparent avec celles qu'ont imposées le gouvernement fédéral des libéraux de Jean Chrétien et le régime ouvertement anti-ouvrier des conservateurs en Ontario. Tout comme les libéraux fédéraux et les conservateurs ontariens, le gouvernement péquiste a fait des diminutions d'impôts sa première priorité aussitôt que la «lutte au déficit» fut gagnée.

Lorsque le premier ministre Landry donne un discours devant un public du monde des affaires, il se vante du fait que le PQ a réduit les impôts de 15 milliards et que le Québec a un des plus bas taux de taxation pour les entreprises en Amérique du Nord. Mais reconnaissant qu'il existe une colère générale par rapport à l'état déplorable du réseau de la santé et du réseau de l'éducation, le PQ promet maintenant une pause de deux ans dans les réductions d'impôts pour permettre le «réinvestissement» dans les services publics.

Le PQ, un parti qui a implanté un programme de travail forcé et a présidé à une réduction importante des prestations d'aide sociale, est encore moins convaincant lorsqu'il affirme qu'il est le fer de lance de la lutte à la pauvreté. Avec tambours et trompettes, le PQ a récemment fait adopté une loi «anti-pauvreté» à l'Assemblée nationale. Mais le budget qu'il a présenté la journée avant le déclenchement des élections n'offrait qu'un maigre 50 millions de financement supplémentaire pour les mesures anti-pauvreté.

Une promesse des péquistes qui fut accueillie avec une certain attention par la population est leur proposition d'accommoder les travailleurs qui ont un enfant de 12 ou moins pour leur permettre de travailler quatre jours au lieu de cinq. Pour souligner le nouveau virage du PQ pour aider la famille à faire face au stress relié au travail, Landry a proposé de renommer la Commission du travail «Commission du travail et de la réconciliation du travail et de la famille». Même si la semaine de travail de quatre jours devait voir le jour (la grande entreprise l'a depuis dénoncée, la qualifiant d'impraticable), elle ne pourra bénéficier qu'aux biens nantis puisqu'il n'y a aucune aide financière prévue pour ceux qui choisirait de réduire leurs heures de travail.

Comme dans les dernières élections provinciales, le PQ ne publicise pas son appel pour faire du Québec un état indépendant. Landry lui-même est un fervent partisan de l'indépendance. De plus, il reconnaît que l'opposition du PQ à l'ordre fédéral en existence joue un rôle fondamentale dans la mobilisation des cadres petits-bourgeois du parti et pour donner une image anti-establishment au PQ. Mais il sait aussi que les sections les plus importantes du capital au Québec, sans rien dire de l'élite financière canadienne, reste farouchement opposées à la séparation.

Au début de la campagne, Landry se vantait que sa façon douce de vendre l'indépendance avait l'appui de l'ancien chef du PQ, Jacques Parizeau, le patriarche de la faction indépendantiste pure et dure du parti et un chauvin québécois notoire. Mais lorsque Parizeau a de nouveau, durant la campagne, dénoncé les immigrants pour l'échec du PQ au référendum de 1995, Landry lui a ordonné de laisser tomber sa campagne parallèle de rassemblements pro-péquistes.

En plus de sa défense de l'indépendance, le PQ se distingue des libéraux et de l'ADQ par sa propension à offrir des subventions et des exemptions de taxes aux entreprises basées au Québec et pour son appui aux arrangements corporatistes dans lesquels la bureaucratie obtient un peu de pouvoir et d'influence en échange des ses services pour policer la classe ouvrière.

L'ADQ et la grande entreprise veulent renouveler l'offensive contre la classe ouvrière

Comme le PQ, le Parti libéral cherche à gagner des appuis, bien que plus timidement, en tablant sur l'insatisfaction populaire à l'égard de l'état déplorable des services publics, alors qu'en fait, il se prépare lui aussi à intensifier l'assaut contre la classe ouvrière.

Charest, le chef du parti libéral a déclaré que la santé et spécialement l'élimination des débordements dans les urgences et les longues listes d'attentes seraient la priorité de son parti. Mais les libéraux accompagnent cette promesse d'augmenter significativement les dépenses en santé et en éducation, d'un plan donnant augmentant la place du secteur privé dans la gestion du réseau de la santé, ainsi que de la possibilité de privatiser des services «non essentiels» couplé d'une promesse d'un gel budgétaire dans tous les autres secteurs gouvernementaux pour les 5 prochaines années. La dernière mesure va inévitablement entraîner des coupures en cascade tout au long du premier mandat libéral.

Tout aussi important, les libéraux ont promis une réduction supplémentaire des impôts sur le revenu d'un montant d'un milliard par année pour un total de 15 milliards en 5 ans. La vaste majorité de ses coupures vont bénéficier aux gens de la classe moyenne aisée aux riches et ultra riches.

Autant le PQ que l'ADQ ont accusé les libéraux d'irresponsabilité fiscale, arguant que les promesses libérales de couper les taxes et d'augmenter les dépenses en santé et en éducation va mener directement à une crise fiscale. Alors que Charest rejette du revers de la main ces inquiétudes, affirmant que la croissance de l'économie va couvrir les coûts, il a promis que jamais un gouvernement libéral ne permettra le retour des déficits.

Les libéraux ont aussi promis des amendements au Code du travail pour permettre aux petites et moyennes entreprises syndiquées de donner du travail à des sous contractants non syndiqués.

Charest, comme le PQ, a utilisé la campagne d'extrême droite de l'ADQ, dénonçant les tirades de Dumont contre les syndicats et leurs dirigeants, avec sa main tendue vers ses mêmes bureaucrates, les invitant à travailler ensemble pour «réinventer» le gouvernement et réduire les services publics.

La grande entreprise québécoise, qui l'an dernier avait louangé l'ADQ, conclut actuellement qu'il n'a pas l'expérience ni la base populaire pour imposer son programme d'extrême droite. Mais à travers l'ADQ, la classe dirigeante a poussé le PQ et les libéraux encore plus vers la droite. « En ayant légitimisé des idées conservatrices, [le chef de l'ADQ, Mario] Dumont a donné une marge de manoeuvre aux libéraux pour adopter des politiques similaires - même si plus modérées - sans être vilipendé».

Pour leur part, les bureaucrates syndicaux ont utilisés la monté de l'ADQ pour justifier leur appui continu au PQ et à offrir leur collaboration au Parti libéral. Parmi les travailleurs, par contre, l'appui au PQ et son option indépendantiste est fortement érodé.

Craignant que l'appui pour le parti de la grande entreprise qu'est le PQ les ait dangereusement compromis aux yeux des membres de la base, un petit groupe de bureaucrates syndicaux dissident ont joint les rangs d'une alliance électorale formée de divers groupes de tendances sociales-démocrates et de groupes de la classe moyenne, l'Union des forces progressistes (UFP). L'UFP ne représente en aucun cas une alternative socialiste aux partis capitalistes. Il est orienté vers le PQ et son activité est essentiellement centrée sur l'application de pressions vers la «gauche» sur le PQ afin de canaliser l'opposition populaire croissante contre la guerre impérialiste et l'assaut contre la position sociale de la classe ouvrière dans le cul-de-sac du nationalisme québécois.

Quelques semaines seulement avant le déclenchement des élections, les hauts dirigeants du PQ et de l'UFD discutaient d'une possible alliance électorale.

La base de plus en plus étroite de la politique officielle et la monté d'un mouvement antiguerre indique que quelque soit les résultats de l'élection du 14 avril - élections dans lesquelles la classe ouvrière n'a aucune voix - une nouvelle période de politisation et de radicalisation de la classe ouvrière s'ouvre devant nous. Le défit des socialistes est d'armer ce mouvement du programme de l'internationalisme socialiste.


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