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Les lecons politiques de la guerre contre l'Iraq

Par le bureau de rédaction du World Socialist Web Site
12 avril 2003

Il n'y a plus de doute possible trois semaines après le premier bombardement de Bagdad que la guerre contre l'Iraq représente un crime d'ampleur hitorique.

Il y a peu d'exemples de guerres dans lesquelles l'inegalité des armes fut aussi grande que dans celle-ci. Face aux envahisseurs américains et britanniques qui jouissent d'une supériorité aérienne absolue et disposent d'armes de haute technologie les soldats iraquiens sont armés de façon primitive et ont quelques tanks datant des années 1970. Personne n'a jusqu'à présent fait état de chiffres sûrs quant aux victimes civiles et militaires du côté iraquien, mais ils doivent se compter par dizaines de milliers. Ce qui se passe actuellement en Iraq est moins une guerre qu'un massacre.

Il ne reste rien des prétextes au moyen desquels on justifia cette guerre, ils ont été pulvérisés dans les bombardements. Aucune trace des « armes de destruction massive » avec lesquelles l'Iraq menaçait prétenduement ses voisins et les Etats-Unis. Le régime qui avait tout à perdre en aurait sans aucun doute fait usage s'il les avait réellement possédé.

L'affirmation selon laquelle la guerre apporterait « paix et démocratie » à l'Iraq est démentie chaque jour par les images d'êtres humains déchiquetés victimes des bombes alliées ; par les tirs intentionnels contre des journalistes indépendants, comme ceux dirigés contre les bureaux d'Al Jazeera, et avant tout par les plans d'occupation militaire de l'Iraq après la guerre.

L' « administration intérimaire » qui attend son heure dans de luxueuses villas du Koweit se compose presque exclusivement de fonctionnaires et de militaires américains de haut rang, en relation étroite avec le monde des affaires et les cercles néo-conservateurs d'extrême droite du Pentagone qui ont exigé et préparé cette guerre de longue date. Le ministre de la défense Donald Rumsfeld, son suppléant Paul Wolfowitz et le conseiller du Pentagone Richard Perle ont des rapports étroits avec le régime droitier du Likoud en Israël et sont pour cette raison haïs dans l'ensemble du monde arabe.

L'ex-général Jay Garner, qui dirige l'administration intérimaire et qui est le subordonné direct du commandant en chef Tommy Franks est un néo-conservateur avoué. Il félicita publiquement le gouvernement israélien pour sa « réserve » vis-à-vis des palestiniens. Si les actes de l'armée israélienne dans les territoires occupés sont « réservés » on imagine ce qui attend la population de l'Iraq occupé sous Garner.

La tâche principale de l'administration intérimaire sera l'attribution de commandes lucratives, financées par les recettes tirées du pétrole iraquien, dans le cadre de la reconstruction d'un pays détruit par les bombes, et la privatisation de l'industrie pétrolière iraquienne. Et pour ce qui est de la transmission des riches réserves en énergie du pays aux compagnies pétrolières internationales, on a pensé à l'ancien manager de la Shell, Philip Caroll. Voilà pour la promesse selon laquelle c'était désormais la population Iraquienne qui devait bénéficier des richesses pétrolières du pays!

Comme le montrent ces faits, la guerre contre l'Iraq est une guerre coloniale classique. Son objectif est le pillage et la soumission d'un pays appauvri et ­ à long terme ­ de toute la région. Cette guerre fut commencée sans même l'ombre d'une menace ou d'une action agressive de la part de l'Iraq et on la justifia à l'aide de preuves falsifiées et de prétextes mensongers. Il s'agit d'une guerre d'agression qui constitue un crime selon toutes les règles du droit international.

La co-responsabilité européenne

Les gouvernements européens ­ en particulier les gouvernements allemand et français ­ ont une responsabilité directe dans ce crime monstrueux. Malgré leur rejet de la guerre au sein de l'ONU ils ont, directement ou indirectement, apporté leur soutien à l'effort militaire américain et britannique.

Le gouvernement fédéral s'est strictement refusé à fermer l'espace aérien et les bases situées sur le territoire allemand, malgré que d'après la constitution allemande ils y soient obligés. La constitution allemande interdit la préparation, la conduite et le soutien de guerres d'agression et les rend passibles de sanctions pénales. Par soutien elle entend aussi la mise à disposition d'une partie du territoire allemand dans le but d'une agression militaire. En 1973, pendant la guerre du Yom Kippour, le gouvernement Brandt avait pour cette raison fermé toutes les installations allemandes à toute activité ayant une importance pour la guerre. Trois cargos israéliens qui chargeaient du matériel de guerre américain durent ainsi immédiatement quitter les eaux terriroriales allemandes.

Le gouvernement Schröder n'a pas même seulement envisagé de prendre une telle mesure. La fermeture de l'espace aérien et des bases militaires n'aurait pas seulement sérieusement affecté les preparatifs de guerre, elle aurait encore renforcé et encouragé une large opposition à la guerre aux Etats-Unis mêmes.

Depuis que la guerre a commencé, Paris et Berlin ont abandonné aussi leur refus verbal de la guerre et ont ouvertement fait leur l'objectif de cette guerre,­ un changement de régime à Bagdad - un objectif qu'ils avaient jusque là qualifié de violation de la Charte des Nations Unies.

Le ministre des affaires étrangères allemand, Joshka Fischer, assura mercredi dernier à Berlin à son homologue britannique, Jack Straw, qu'il espérait que « l'effondrement du régime Iraquien se ferait rapidement ». Et le chancelier Schröder exprima le lendemain, dans une déclaration gouvernmentale, le souhait que « par la défaite de la dictature le peuple iraquien puisse le plus rapidement possible réaliser son espoir de vivre dans la paix, la liberté et l'autodétermination », une phrase à laquelle chaque membre du gouvernement américain souscrirait.

Le chef de l'Etat français exprima sa solidarité aux troupes combattantes dans une lettre à la reine d'Angleterre. «Permettez-moi de vous dire que les pensées du peuple français, maintenant que vos soldat se trouvent en guerre, les accompagnent naturellement » peut-on lire dans une lettre où Jacques Chirac s'excuse de la profanation de tombes de soldats britanniques en France.

L'alliance militaire avec les Etats-Unis au sein de l'OTAN, les relations économiques avec eux, bref, leurs propres intérêts en politique étrangère sont pour Berlin et Paris plus importants en fin de compte que le droit international et le sort de la population irakienne. « Nous ne devons pas oublier que les nations qui mènent actuellement la guerre contre l'Irak sont des alliés et des nations amies » dit Schröder dans sa déclaration gouvernmentale.

L'attitude prise par Chirac et Schröder vis-à-vis du cours agressif de l'administration américaine rappelle la politique d'apaisement par laquelle le gouvernement britannique des années trente réagit aux aspirations expansionnistes d'Hitler. Par des concessions et une attitude bienveillante lors de l'occupation de la Rhénanie, l'annexion de l'Autriche et finalement l'incoproration du territoire des Sudètes et de la Tchécoslovaquie, elle essaya d'apaiser Hitler ; en fait elle le fortifia dans sa folie de croire qu'il était invincible et qu'il serait maître du monde.

La clique droitière de la Maison Blanche réagit de la même manière à l'attitude indulgente des gouvernements européens. La voilà qui lance déjà de nouvelles menaces de guerre contre la Syrie, l'Iran et la Corée du Nord. La liste n'est pas close et peut être allongée à volonté ; elle peut aussi inclure l'Europe. Bush l'a clairement indiqué par cette menace à peine voilée : « Evidemment, il existe ici en Europe un certain scepticisme sur le fait que ce que je dis est à prendre au sérieux» dit-il lors d'une conférence de presse avec Tony Blair en Irlande, « Saddam Hussein lui, sait bien que ce que je dis est à prendre au sérieux ».

L'insouciance avec laquelle la Maison Blanche ignore les normes du droit international et les résolutions des Nations Unies, la présomption avec laquelle elle décide du sort de l'Irak et la façon dont elle partage les ressources économiques de ce pays entre les hommes d'affaires qui lui sont proches ne laisse aucun doute quant au fait qu'elle se conçoit de plus en plus comme le maître du monde.

Les gouvernment européens peuvent espérer autant qu'ils le veulent que la fin de la guerre entrainera un retour à la normalité, ce retour n'aura pas lieu. La guerre contre l'Irak n'a fait que mettre l'impérialisme américain en appétit.

Que faire ?

S'il est une leçon à tirer du déroulement de la guerre jusque là c'est que les institutions existantes - gouvernements et partis ­ ont été totalement incapables de s'opposer à son développement. Dans la mesure ou ceux-ci tirent quelque conclusion que ce soit de l'action unilatérale des Etats-Unis, c'est celle qu'il leur faut réarmer et devenir de grandes puissances.

C'est ainsi que le chancelier Schröder en arriva dans sa declaration gouvernmentale sur la guerre en Iraq à la conclusion « qu'il nous faut penser sérieusement à nos capacités militaires ». Le ministre des affaires étrangères, Joshka Fischer avait déjà annonce trois semaines auparavant : »Nous devons renforcer notre force militaire pour être, dans ce domaine aussi, pris au sérieux ».

C'est précisement les Verts, pacifistes engagés de jadis, qui sont devenus les précurseurs du réarmement européen. Leur nouvelle ligne explique que la coopération militaire européenne dont on a beaucoup parle devait à présent être mise en uvre et qu'il faut construire a toute vitesse l'armée d'intervention forte de 60000 hommes dont la mise en place fut decidée en 1999.

C'est un cours qui conduit droit au désastre. Il met en marche une lutte compétitive pour le réarmement qui se fera sur le dos de la population travailleuse et de ceux qui sont socialement faibles et qui conduit dans sa logique à une escalade militaire de plus en plus intense aboutissant à une troisième guerre mondiale.

Afin de mettre un terme à une telle évolution, il faut la construction d'un nouveau mouvement politique indépendant des partis politiques et des institutions existants.

Les manifestations contre la guerre qui eurent lieu, y compris aux Etats-Unis, les 15 et 16 février, ont montré qu'il existe une base pour la construction d'un tel mouvement. C'était la plus grande manifestation de masse internationale de l'histoire, l'expression d'un large mouvement social contre la guerre. Des millions de personnes y ont participé. Mais ce mouvement a besoin d'une orientation et d'une perspective politique. La protestation seule ne suffit pas. Ce mouvement doit tirer les leçons de l'échec des vieilles organisations politiques.

Finalement la guerre actuelle est le résultat de contradictions insolubles du système capitaliste mondial. Le caractère global des forces productives modernes est incompatible avec le système d'Etats nationaux concurrents et avec la propriété privée des moyens de production sur lequel le capitalisme est fondé historiquement.

En 1914 et à nouveau en 1939, l'Allemagne avait en tant que principale puissance economique européenne tenté de résoudre cette contradiction par la réorganisation de l'Europe sous leur propre domination. Cela échoua. Aujourd'hui les Etats-Unis en tant que principale puissance mondiale essaient la même chose au niveau mondial. La soumission militaire de l'Irak est le premier pas vers la réorganisation du monde selon les intérêts des trusts américains. Cette tentative là aussi doit nécessairement échouer.

Ceux qui craignent une comparaison entre l'Amérique d'aujourd'hui et l'Allemagne de 1939 ne devraient pas oublier que pour l'essentiel l'Allemagne poursuivait dans la deuxième guerre mondiale les mêmes objectifs que dans la première. Le gouvernement de Guillaume II se distinguait nettement du régime nazi, mais tous deux représentaient les intérêts des mêmes cercles réactionnaires ­ ceux du capital financier, de l'industrie lourde et des élements ultra conservateurs de l'Etat et de l'armée.

L'actuel gouvernment américain lui aussi s'appuie sur les cercles réactionnaires de la société ­ sur les éléments criminels qui obtinrent richesse et influence au cours du boom boursier des vingts dernières annees, sur la droite néo-conservatrice et sur les chrétiens fondamentalistes. Elle est parvenue au pouvoir à travers une élection volée et elle foule de plus en plus ouvertement aux pieds les droits démocratiques élémentaires.

Comme Hitler en 1939, Bush se sert de la guerre comme d'un moyen de détourner l'attention des tensions politiques internes et de les diriger vers l'extérieur. La polarisation sociale de la société américaine aquiert des proportions inouies. La masse de la population dont l'existence devient de jour en jour plus précaire fait face à une mince couche sociale d'hyper- riches.

Les vieilles organisation réformistes n'ont pas de réponse à cet état de choses, parce qu'elles aussi défendent l'Etat national et le système du profit et qu'elles sont étroitement liées aux intérêts du Capital. L'ascension de la clique droitière autour de Bush à la Maison Blanche montre avant tout la faillite du Parti démocrate. Mais en Europe aussi les parti sociaux-démocrates et les ex-partis communistes on demontré leur incapacité à résoudre les grands problèmes sociaux et politiques. Depuis maintenant vingt ans ces partis n'ont pas cessé d'aller à droite.

Un nouveau mouvement politique doit tirer les leçons de l'échec des vieilles organisations. Il doit être international, indépendant et socialiste et il doit s'appuyer sur la masse de la population travailleuse. Il doit combiner la lutte contre la guerre à la question sociale.

Le World Socialist Website a pour but de construire un tel mouvement et de lui donner une orientation politique. Publié par le Comité International de la Quatrième Internationale, il produit quotidiennement analyses et évaluations et prend position politiquement dans une étroite colaboration internationale. Nous invitons tous les participants des manifestations contre la guerre à lire le WSWS tous les jours, à entrer en contact avec la rédaction, à distribuer ses déclarations et à écrire eux-mêmes des articles.


 

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