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Une perspective socialiste pour défaire les plans de démolition sociale du gouvernement Charest

Par le bureau de rédaction
14 décembre 2003

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Le gouvernement libéral du Québec a entrepris depuis son élection en avril dernier un vaste programme de réorganisation de l'État québécois qui ne vise rien de moins qu'à ramener la politique sociale de la province un demi-siècle en arrière pour enrichir et donner plus de pouvoir à la grande entreprise et aux possesseurs de capital.

Les libéraux ont promis qu'avant le prochain budget provincial de 2004-05, le gouvernement serait radicalement transformé et que des pans entiers des programmes sociaux, des services publics et des services municipaux, y compris l'éducation et la santé, seront privatisés, donnés en sous-traitance ou connaîtront une augmentation des frais. Les normes de protection en matière de santé-sécurité, du travail et d'environnement seront relâchées. De nouvelles mesures seront mises en place pour forcer les assistés sociaux à joindre des programmes gouvernementaux de travail ou à accepter du travail à bon marché.

Les libéraux ont mis au haut de leurs priorités de réviser l'article 45 du Code du travail qui a empêché que la sous-traitance dans les secteurs public et privé soit utilisée avec la même ampleur que dans le reste de l'Amérique du Nord pour diminuer les salaires et les conditions de travail et se débarrasser des syndicats. Si le président du Conseil du patronat du Québec a déclaré que la défense de la sous-traitance des libéraux était de la « musique pour les oreilles », c'est parce qu'avec ces nouvelles règles, la grande entreprise pourra prendre l'offensive lors des négociations collectives, menaçant des centaines de milliers de travailleurs de perdre leur emploi s'ils n'acceptent pas d'importantes réductions de salaire ou d'autres concessions.

Les lois anti-ouvrières et l'assaut contre les services sociaux et publics des libéraux ne sont qu'une partie d'un plan plus large qui comprend la réduction des impôts d'un milliard de dollars par année, pour une somme de 15 milliards, au cours des cinq prochaines années. Charest insiste que son gouvernement ira de l'avant avec ces diminutions même si cela devait empirer la crise fiscale. Le gouvernement libéral prévoit qu'il manquera trois milliards de dollars pour boucler son budget en 2004-05. Tout comme l'administration Bush aux États-Unis, les libéraux plongent l'État dans le marasme fiscal pour mieux faire augmenter les pressions sur les dépenses sociales.

Si le gouvernement Charest réussit à faire passer ce programme sans précédent de régression sociale, le Québec se verrait plonger dans un état de domination absolue des lois du marché, menant à une accumulation frénétique des richesses au haut de la pyramide sociale, au prix d'une détérioration inimaginable des conditions de vie des travailleurs et de larges couches des classes moyennes.

Une question se pose avec acuité : comment empêcher ce scénario cauchemardesque de devenir une réalité politique?

Le Parti de l'égalité socialiste et le World Socialist Web Site accueillent l'opposition populaire grandissante contre le gouvernement libéral. Mais nous avertissons les travailleurs : le gouvernement Charest et la politique anti-sociale qu'il incarne au Québec ne seront pas défaits en alignant protestations et manifestations, aussi importantes soient-elles, sous la direction de la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ), de la Confédération des syndicats nationaux (CSN) et de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ).

Les travailleurs québécois ont mené, au cours des 20 dernières années, des luttes importantes contre les assauts répétés de la grande entreprise sur leur niveau de vie. Chacune de ces luttes a été isolée et sabotée par les chefs syndicaux au nom de la défense de la « paix sociale », c'est-à-dire de l'ordre existant. Identifiant de plus en plus le maintien de leurs nombreux privilèges à une intégration croissante à l'appareil patronal, ils ont présidé à la transformation des syndicats en véritables appendices des conseils d'administration et des organismes financiers comme le Fonds de solidarité de la FTQ.

Ce processus a atteint un nouveau palier à la fin des années 90 lorsque les centrales syndicales du Québec ont officiellement endossé l'objectif du « déficit zéro » du gouvernement péquiste, qui a servi de fer de lance idéologique à des coupes draconiennes dans les dépenses sociales. Cela a mené en 1999 à une révolte des infirmières du Québec qui ont défié les lois anti-ouvrières et sont sorties en grève pour la défense du système de santé. La réponse de la haute direction syndicale fut d'ignorer l'immense vague de soutien et d'espoir populaires soulevée par la courageuse action des infirmières et de voler plutôt au secours d'un Bouchard politiquement isolé et affaibli en torpillant la grève, acceptant l'offre gouvernementale précédemment rejetée par les infirmières.

Les Claudette Charbonneau, Henri Massé et Cie ne voient nullement l'actuel gouvernement Charest comme un ennemi irréconciliable de la classe ouvrière mais comme un partenaire de négociation. Une manifestation n'est pas à leurs yeux le début d'une contre-offensive politique des travailleurs. C'est plutôt un moyen de laisser les membres de la base se défouler pour faire baisser la pression dans leurs propres rangs. Et surtout, c'est un signal lancé à la classe dirigeante qu'en voulant se passer de leurs services - et leur enlever les privilèges non négligeables qui y sont associés - il risque de perdre un appareil vital de contrôle des travailleurs, qui a toujours veillé à ce que leurs luttes ne dépassent jamais les limites de l'ordre établi.

Cette semaine, la présidente de la CSN, Claudette Carbonneau a plaidé pour que Charest prenne le rôle traditionnel du premier ministre selon elle, celui d'un « arbitre » social, tout en ne laissant aucun doute qu'elle s'oppose carrément à ce que l'on défie son droit à gouverner, c'est-à-dire à imposer les diktats de la grande entreprise. « Bien sûr, je ne souhaite pas qu'il renonce à légiférer et à gouverner. Personne n'est en droit d'entretenir de telles attentes », a-t-elle déclaré. La FTQ, quant à elle, a publié une analyse dans laquelle elle avertissait qu'il ne fallait pas s'opposer au programme du gouvernement dans son ensemble en expliquant que cela laisserait penser le public que les syndicats sont engagés dans une lutte pour le pouvoir politique.

Le caractère fondamental et historiquement sans précédent de l'assaut lancé par le gouvernement Charest sur l'ensemble des acquis sociaux de la classe ouvrière appelle une réponse politique d'une profondeur historique comparable. Si les travailleurs ont subi une défaite après l'autre depuis vingt ans, ce n'est pas à cause de la puissance du capital en soi, encore moins de l'ampleur de l'appui populaire pour son programme réactionnaire, mais parce que les luttes de la classe ouvrière ont été basées sur la perspective erronée que les besoins des travailleurs puissent être satisfaits dans le cadre du système de profit, avec le pouvoir de l'élite de subordonner toute la société à l'accumulation des profits privés.

Les travailleurs québécois doivent se tourner vers une autre perspective, celle de la lutte consciente pour le pouvoir politique afin de mettre les richesses créées par leur labeur collectif au service de la communauté en son ensemble. Cela requiert la construction de leur propre parti politique, basé sur l'unité avec leurs frères de classe du reste du Canada, des États-Unis et d'ailleurs dans le monde, et voué à la poursuite de l'égalité sociale en tant qu'élément central de la lutte pour le socialisme.

Une crise structurelle et internationale

Le gouvernement Charest prétend jouir d'un mandat populaire pour la mise en application de ses plans de démolition sociale. En réalité, son parti a exploité durant la dernière campagne électorale la révulsion de l'électorat pour la privatisation à outrance en se faisant passer pour un opposant de celui qui incarnait le plus ouvertement ce genre de politique, l'adéquiste Mario Dumont. Le fait que Charest, à peine élu premier ministre du Québec, ait entrepris d'imposer le programme ultradroitiste de l'ADQ relève toutefois beaucoup plus que la simple hypocrisie politique.

C'est avant tout l'expression sur la scène politique québécoise d'un phénomène international : un rapide déplacement à droite de tout l'axe de la politique officielle, déplacement généré par la crise historique qui secoue le capitalisme mondial et qui se caractérise par la montée vertigineuse des inégalités sociales, du militarisme et de l'autoritarisme, posant une menace mortelle aux conditions de vie et aux droits démocratiques des populations.

L'évolution politique récente du Canada en est un exemple frappant. Trois des provinces les plus importantes du pays ont été, ou sont, dirigées par les gouvernements les plus réactionnaires depuis la Grande dépression des années 30 : les conservateurs de Mike Harris en Ontario, les libéraux de Gordon Campbell en Colombie-Britannique, et Jean Charest au Québec. Dans le cas de ce dernier, il faut noter que la politique anti-sociale dont il s'est fait le champion n'est qu'une intensification des attaques similaires lancées par le gouvernement péquiste précédent.

Sur la scène nationale, les libéraux ont réalisé sous la gouverne de Jean Chrétien une transformation fondamentale de l'État fédéral, dont le rôle d' «aplanisseur» des inégalités sociales et régionales a été sérieusement érodé. Le nouveau chef libéral et premier ministre désigné du Canada n'est autre que Paul Martin qui, en tant que ministre des Finances de Chrétien, a piloté la baisse massive du taux d'imposition des revenus les plus élevés qui a été menée parallèlement à des coupes de plusieurs milliards dans les paiements de transfert aux provinces servant à financer la santé, l'éducation et l'aide sociale.

Une évolution similaire a pris place à l'échelle internationale. En Europe, l'État-providence n'est plus qu'un souvenir du passé après plus de 20 ans de coupes budgétaires menées tant par la droite que par la social-démocratie, processus qui va s'intensifier cette année avec le lancement par la France et l'Allemagne d'un assaut frontal sur les régimes de retraite, le système de santé et la sécurité sociale.

Aux États-Unis, l'administration Bush s'est lancé dans le pillage militaire de l'Irak et a engagé un vaste transfert des richesses dans les poches des plus riches au pays même au moyen d'une baisse massive de l'impôt sur le revenu et sur les gains en capital et de l'adoption de politiques comme la « réforme » de l'assurance-santé pour les personnes âgées qui ouvre la voie à plus de privatisation du système de santé.

En s'opposant aux plans de Charest, les travailleurs doivent prendre clairement conscience de la nature de la lutte qui les attend : c'est un défi, non pas à la politique d'un gouvernement en particulier, mais à la stratégie de classe de toute l'élite dirigeante canadienne et internationale. C'est donc fondamentalement une lutte politique. Au principe du tout-marché, mis de l'avant par la classe dominante dans ses efforts constants pour soumettre encore plus la société à la poursuite de ses profits individuels, les travailleurs doivent être prêts à opposer une alternative progressiste : une société de type supérieur, où les immenses ressources qu'offre la technologie moderne seraient mises au service de tous.

Rompre avec le nationalisme québécois

Le principal obstacle que devront surmonter les travailleurs dans la lutte contre le gouvernement Charest est la confusion générée par la longue domination idéologique du mouvement ouvrier par le nationalisme québécois.

La responsabilité en incombe avant tout à la bureaucratie syndicale qui par leur alliance réactionnaire avec le parti de la grande entreprise qu'est le Parti québécois a systématiquement fait la promotion de la thèse que les travailleurs au Québec ont plus en commun avec l'élite dirigeante qu'avec les travailleurs du reste du Canada et internationalement. Ils ont inculqué la notion que la société québécoise est essentiellement différente : l'évolution de la société québécoise n'est pas façonnée par les profondes divisions de classe qui la traversent mais par l'existence du « fait français » en Amérique du Nord; les travailleurs québécois doivent oublier leurs différences de classe avec l'élite dirigeante et se joindre à elle pour exiger un transfert des pouvoirs du fédéral vers le provincial; et l'objectif ultime de leurs luttes politiques et sociales doit être l'établissement d'un État capitaliste indépendant au Québec.

Il est grand temps pour les travailleurs québécois de tracer un bilan de leur amère expérience avec le nationalisme.

Dans les années 70, il servit à neutraliser les luttes militantes qui avaient mis à l'ordre du jour la question du pouvoir politique et à les détourner derrière le Parti québécois de René Lévesque, un défenseur endurci de l'ordre capitaliste. Les timides réformes de son premier gouvernement cédèrent vite le pas à la politique d'austérité exigée par la classe dirigeante, ce qui lui valut la haine de la classe ouvrière et mena en 1985 à l'expulsion du PQ hors du pouvoir.

Il a fallu une bonne dizaine d'années au PQ pour réapparaître sur la scène politique. Il doit sa réhabilitation en grande mesure à la bureaucratie syndicale qui a, lors du conflit constitutionnel du Lac Meech de la fin des années 80, pleinement participé à la campagne de l'establishment québécois pour attiser les sentiments nationalistes dans le but d'augmenter les pouvoirs de l'élite québécoise face à ses rivales au sein de la fédération canadienne.

Lorsque le PQ reprit le pouvoir en 1994, les chefs syndicaux agirent essentiellement comme partie intégrante du gouvernement. Lors du référendum de 1995, ils ont repris à leur compte la déclaration de Jacques Parizeau, le premier ministre d'alors, selon qui un vote pour le Oui offrirait un rempart contre le vent de droite qui soufflait sur l'Ontario et l'Amérique du Nord. Ces mêmes chefs syndicaux n'ont pas levé un petit doigt pour appuyer les luttes de masse contre le gouvernement ontarien de Harris. Ils se sont plutôt ralliés au gouvernement péquiste et à la grande entreprise pour adopter l'objectif du déficit zéro. Même plus, ce sont les centrales syndicales qui ont proposé au gouvernement Bouchard de piger dans les fonds de retraite des travailleurs du secteur public pour financer des milliers de départs à la retraite dans les secteurs de la santé et de l'éducation, menant aux conditions chaotiques qui s'y vivent aujourd'hui tant pour les travailleurs restants que pour la population.

Les immenses changements économiques ayant eu lieu depuis l'élection du premier gouvernement péquiste en 1976, et qui ont atteint aujourd'hui leur point culminant avec une intégration globale sans précédent de tous les aspects de la production, ont aussi créé les conditions objectives pour un règlement de comptes définitif avec la perspective dépassée et historiquement réactionnaire du nationalisme. Les travailleurs de partout dans le monde, peu importe leur langue ou leur couleur, affrontent la même offensive de la grande entreprise. C'est la propriété privée des leviers fondamentaux de la société et le système même des États-nations, structure politique fondamentale du capitalisme, qui constituent aujourd'hui un frein absolu au développement planifié et harmonieux de l'économie mondiale dans l'intérêt de tous.

La seule perspective viable qui puisse guider une lutte sérieuse contre la menace représentée par les plans du gouvernement Charest, c'est celle de l'unité internationale des travailleurs dans la lutte commune pour le socialisme et l'égalité sociale. C'est la perspective défendue par le PES et élaborée quotidiennement dans les pages du WSWS. Nous appelons tous ceux qui sont révoltés par les plans de démolition sociale du gouvernement Charest à devenir des lecteurs assidus du WSWS et à prendre une part active à son développement, comme outil principal pour la construction du parti politique indépendant des travailleurs qui représente la grande tâche de l'heure.


 

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