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Québec: Opposition croissante au programme de guerre de classe des libéraux

Par notre équipe de journalistes
16 décembre 2003

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À travers le Québec, plusieurs centaines de milliers de personnes, des travailleurs des hôpitaux, de la fonction publique, de la construction, des garderies et des alumineries, ainsi que des cols bleus municipaux, des enseignants et des milliers de parents de jeunes enfants ont participé jeudi dernier à des manifestations, des réunions d'informations et des piquets symboliques pour protester contre l'assaut du gouvernement libéral du Québec contre les services sociaux et publics et contre les droits des travailleurs.

La «journée nationale de perturbation» avait été appelée par la Confédération des syndicats nationaux (CSN), mais la plupart des syndicats représentants des travailleurs du secteur public et plusieurs syndicats industriels y ont aussi pris part. La Fédération des travailleurs du Québec (FTQ), la plus grande centrale syndicale québécoise avec ses 450.000 membres, en grande partie s'est tenu à l'écart du mouvement de protestation. Elle a tout de même organisé du piquetage de masse aux quatre plus importants ports québécois, Montréal, Québec, Trois-Rivières et Bécancour, les fermant pour la journée.

Sept routes ont été partiellement ou totalement fermées pour la journée et la circulation vers plusieurs menant à des centres industriels en régions éloignées a aussi été perturbée vendredi. Quinze travailleurs ont été arrêtés et un a été hospitalisé tôt vendredi matin lorsque 135 policiers de l'escouade antiémeute de la police provinciale ont brutalement attaqué les manifestants qui bloquaient la route 175 près de Saguenay.

À Saguenay, 1500 ouvriers de l'aluminerie Alcan ont fait la grève pendant quatre heures et, selon certains, il a fallu que les dirigeants syndicaux convainquent les travailleurs des usines voisines de rester au travail.

Plus de 40.000 personnes se sont rassemblées à Montréal, à la demande des Centres de petite enfance (les garderies publiques), sous une pluie abondante et dans un temps froid pour se rendre devant les bureaux du premier ministre libéral, Jean Charest. Plus de la moitié des CPE, environ 500 sur les 1000 que compte le Québec, étaient fermées à la suite d'une décision de leur conseil d'administration où siègent en majorité des parents d'appuyer le mouvement de protestation antilibéral. En violation flagrante de ses promesses électorales, le gouvernement Charest a annoncé qu'il diminuait le budget dévolu aux garderies publiques tout en augmentant de 520$ par année par enfant les frais de garderie.

Même les grands médias, qui ont été universellement hostiles au mouvement de protestation, ont concédé que la participation à la «journée de perturbation» avait été énorme.

En disant que les entreprises avaient perdu des dizaines de millions de dollars, les porte-parole des principales organisations patronales au Québec ont demandé que le gouvernement libéral ait recours à la police et aux cours pour éviter une autre journée comme celle de jeudi passé.

Les représentants du grand patronat ont donné leur appui à Charest pour qu'il «garde le cap» avec ces lois tout en lui demandant de prendre des mesures plus répressives pour contenir l'opposition. Le président des Manufacturiers et exportateurs du Québec, Paul-Arthur Huot a déclaré qu'«il y a des lois qui empêchent des obstructions systématiques. Quand on bloque la seule voie d'accès à des régions entières, ça n'a pas d'allure.»

Gilles Taillon, le porte-parole de la plus importante organisation des employeurs au Québec, le Conseil du patronat du Québec, a demandé à Charest de demeurer ferme. «Il faut absolument qu'il maintienne le cap, sinon on va maintenir notre retard avec les autres provinces en matière de création d'emplois», a-t-il dit.

«La police devrait être très attentive dans ces cas-là. On fait un débat serein et on espère que ça va être la même chose du côté de nos vis-à-vis», a-t-il ajouté.

Au même temps, l'ancien premier ministre de Terre-Neuve et ancien ministre libéral au niveau fédéral Brian Tobin a souligné que l'élite politique et du monde des affaires au Canada appuyait la «réingénierie de l'État» du gouvernement Charest par la privatisation, la déréglementation et l'imposition de frais aux usagers. Écrivant dans le Globe and Mail, Tobin a dit que Charest «est venu à la juste conclusion que si le Québec devait vivre selon ses moyens et demeurer concurrentiel, alors il devait changer sa façon d'offrir ses services

«Ne vous y trompez pas : l'agitation ouvrière qui a dominé la vie publique du Québec au cours des dernières semaines n'est que la première salve d'une attaque pancanadienne, alors que les gouvernements et les syndicats du secteur public s'affronteront sur la question des déficits en croissance et ce qu'il faut en faire.»

La «réingénierie de l'État»

Charest, quant à lui, a blâmé les syndicats à plusieurs reprises et a promis qu'une demi-douzaine de lois gouvernementales cruciales (par exemple pour l'augmentation des frais dans les garderies, pour interdire la syndicalisation des travailleurs des garderies ou pour réorganiser le secteur de la santé dans le but de faciliter l'augmentation des tâches et diminuer les emplois, sera votée avant Noël (depuis la publication de cet article le 16 décembre, le gouvernement Charest a forcé l'adoption de toutes les lois qu'il avait déposées). Fait particulièrement important, le gouvernement Charest veut amender le Code du travail pour permettre aux employeurs du secteur public et du secteur privé d'éliminer les emplois et de sabrer dans les salaires et les conditions de travail au moyen de la sous-traitance.

Charest a déclaré jeudi dernier : «Il faut faire les choses différemment Au Québec, on ne peut plus fonctionner comme on fonctionne aujourd'hui. On ne peut pas continuer avec un État qui nous coûte beaucoup plus cher que partout ailleurs en Amérique du Nord, continuer à taxer nos citoyens à l'ultime limite et dire en même temps qu'on va livrer des services de santé et de garde.»

Aussi importants que soient les changements qu'impose aujourd'hui le gouvernement libéral, ils ne demeurent pas moins qu'une première étape d'un programme beaucoup plus large. Les libéraux ont promis que d'ici au dépôt du prochain budget provincial, ils développeraient le mécanisme par lequel ils restructureront radicalement le gouvernement provincial et la façon dont sont offerts les services publics, les services sociaux et les services municipaux, y comprit l'éducation et la santé. Et les lois anti-ouvrières et l'assaut contre les services sociaux publics qu'imposent les libéraux vont de pair avec leur plan pour réduire les impôts d'un milliard par année pendant cinq années, soit un total de quinze milliards.

L'élite québécoise appuie entièrement le gouvernement Charest. Ce qui n'empêche pas que l'ampleur de l'opposition a poussé une partie de la presse à demander à Charest d'utiliser un ton plus conciliant lorsqu'il parle des syndicats et des dirigeants syndicaux. Encore plus que nulle part ailleurs en Amérique du Nord, le gouvernement et la grande entreprise ont cultivé des rapports très étroits avec la bureaucratie syndicale, ce qu'ils considéraient comme la meilleure façon de mater la classe ouvrière. Ceci était particulièrement vrai lorsque le parti indépendantiste de la grande entreprise qu'est le Parti québécois était au pouvoir, mais le gouvernement libéral de Bourassa au pouvoir de 1985 à 1994 a aussi intégré les dirigeants syndicaux dans le processus de prise de décisions cruciales.

Malgré le militantisme des membres de la base, la perspective politique qui sous-tendait les actions de masse de jeudi dernier était similaire à celle de la bureaucratie syndicale : le gouvernement du Québec ne devrait pas abandonner ses rapports privilégiés avec la bureaucratie syndicale et devrait plutôt, comme l'ont fait les précédents gouvernements, impliquer les syndicats dans la refonte du Code du travail et dans la réorganisation des services publics dans le but d'assurer que les entreprises québécoises demeurent concurrentielles.

Dans leurs discours de jeudi, les principaux dirigeants syndicaux ont souvent critiqué les libéraux du point de vue qu'ils menaçaient la paix industrielle, nuisant ainsi à l'économie québécoise et effrayant les investisseurs étrangers. Les dirigeants syndicaux ont aussi cherché à mettre en valeur le rôle qu'ils ont joué pour limiter l'impact du mécontentement des membres de la base. Le président de la FTQ, Henri Massé, a dit que jusqu'à 125 syndicats avaient fait parvenir des demandes pour l'organisation d'une grève générale avant la fin de l'année.

«J'ai pas vu le monde aussi choqué à la FTQ depuis 1972» a ajouté Massé dans une référence à l'emprisonnement des présidents des trois grandes centrales syndicales avait spontanément provoqué une grève générale provinciale. Il a continué en déclarant qu'il reviendrait à la charge au début de l'an prochain.

Réjean Parent, le président de la troisième centrale syndicale quant à l'importance de son membership, la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) a déclaré qu'il devait retenir ses membres, certains voulant même bloquer l'Assemblée nationale pour empêcher l'adoption des lois.

Une alternative socialiste

Des partisans du Parti de l'égalité socialiste au Canada et du World Socialist Web Site sont intervenus dans les manifestations de jeudi pour distribuer une déclaration intitulée «Une perspective socialiste pour défaire les plans de démolition sociale du gouvernement Charest». On pouvait y lire : « Le Parti de l'égalité socialiste et le World Socialist Web Site accueillent l'opposition populaire grandissante contre le gouvernement libéral. Mais nous avertissons les travailleurs : le gouvernement Charest et la politique anti-sociale qu'il incarne au Québec ne seront pas défaits en alignant protestations et manifestations, aussi importantes soient-elles, sous la direction de la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ), de la Confédération des syndicats nationaux (CSN) et de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ).

Les travailleurs québécois ont mené, au cours des 20 dernières années, des luttes importantes contre les assauts répétés de la grande entreprise sur leur niveau de vie. Chacune de ces luttes a été isolée et sabotée par les chefs syndicaux au nom de la défense de la « paix sociale », c'est-à-dire de l'ordre existant. Identifiant de plus en plus le maintien de leurs nombreux privilèges à une intégration croissante à l'appareil patronal, ils ont présidé à la transformation des syndicats en véritables appendices des conseils d'administration et des organismes financiers comme le Fonds de solidarité de la FTQ.

Ce processus a atteint un nouveau palier à la fin des années 90 lorsque les centrales syndicales du Québec ont officiellement endossé l'objectif du «déficit zéro» du gouvernement péquiste, qui a servi de fer de lance idéologique à des coupes draconiennes dans les dépenses sociales. Cela a mené en 1999 à une révolte des infirmières du Québec qui ont défié les lois anti-ouvrières et sont sorties en grève pour la défense du système de santé. La réponse de la haute direction syndicale fut d'ignorer l'immense vague de soutien et d'espoir populaires soulevée par la courageuse action des infirmières et de voler plutôt au secours d'un Bouchard politiquement isolé et affaibli en torpillant la grève, acceptant l'offre gouvernementale précédemment rejetée par les infirmières.

Les Claudette Charbonneau, Henri Massé et Cie ne voient nullement l'actuel gouvernement Charest comme un ennemi irréconciliable de la classe ouvrière, mais comme un partenaire de négociation. Une manifestation n'est pas à leurs yeux le début d'une contre-offensive politique des travailleurs. C'est plutôt un moyen de laisser les membres de la base se défouler pour faire baisser la pression dans leurs propres rangs. Et surtout, c'est un signal lancé à la classe dirigeante qu'en voulant se passer de leurs services - et leur enlever les privilèges non négligeables qui y sont associés - il risque de perdre un appareil vital de contrôle des travailleurs, qui a toujours veillé à ce que leurs luttes ne dépassent jamais les limites de l'ordre établi.

Cette semaine, la présidente de la CSN, Claudette Carbonneau a plaidé pour que Charest prenne le rôle traditionnel du premier ministre selon elle, celui d'un «arbitre» social, tout en ne laissant aucun doute qu'elle s'oppose carrément à ce que l'on défie son droit à gouverner, c'est-à-dire à imposer les diktats de la grande entreprise. «Bien sûr, je ne souhaite pas qu'il renonce à légiférer et à gouverner. Personne n'est en droit d'entretenir de telles attentes», a-t-elle déclaré. La FTQ, quant à elle, a publié une analyse dans laquelle elle avertissait qu'il ne fallait pas s'opposer au programme du gouvernement dans son ensemble en expliquant que cela laisserait penser le public que les syndicats sont engagés dans une lutte pour le pouvoir politique.

Le caractère fondamental et historiquement sans précédent de l'assaut lancé par le gouvernement Charest sur l'ensemble des acquis sociaux de la classe ouvrière appelle une réponse politique d'une profondeur historique comparable. Si les travailleurs ont subi une défaite après l'autre depuis vingt ans, ce n'est pas à cause de la puissance du capital en soi, encore moins de l'ampleur de l'appui populaire pour son programme réactionnaire, mais parce que les luttes de la classe ouvrière ont été basées sur la perspective erronée que les besoins des travailleurs puissent être satisfaits dans le cadre du système de profit, avec le pouvoir de l'élite de subordonner toute la société à l'accumulation des profits privés.

Les travailleurs québécois doivent se tourner vers une autre perspective, celle de la lutte consciente pour le pouvoir politique afin de mettre les richesses créées par leur labeur collectif au service de la communauté en son ensemble. Cela requiert la construction de leur propre parti politique, basé sur l'unité avec leurs frères de classe du reste du Canada, des États-Unis et d'ailleurs dans le monde, et voué à la poursuite de l'égalité sociale en tant qu'élément central de la lutte pour le socialisme.


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