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Le gouvernement libéral canadien encore plus à droite

Par Keith Jones
19 décembre 2003

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Paul Martin a passé sa première semaine en tant que premier ministre à pousser le gouvernement libéral canadien, au pouvoir depuis dix ans, encore plus à droite.

Les priorités de Martin, tel que l'indiquent quantité de gestes, de rendez-vous et d'annonces sur les politiques, sont de restaurer les relations avec l'administration Bush, de renforcer les Forces armées canadiennes (FAC) et de réduire encore plus les dépenses et les services publics.

Jean Chrétien, le prédécesseur de Martin à la tête du Parti libéral et au poste de premier ministre, a dirigé ce qui était le gouvernement le plus à droite, et de beaucoup, depuis la Crise des années trente, au moins en terme de politique fiscale et sociale. Entre 1995 et 1998, le gouvernement libéral sous Chrétien a imposé des diminutions des dépenses publiques sans précédent historique, a coupé dans les transferts aux provinces destinés au financement de la santé, de l'aide sociale et de l'éducation postsecondaire et a éviscéré le programme d'assurance-chômage. Ensuite, juste avant les élections 2000, les libéraux ont annoncé un plan de réduction des impôts de cent milliards de dollars sur cinq ans qui s'est traduit par l'augmentation des profits et des revenus pour les riches et les ultrariches tout en assurant que l'État fédéral manque des ressources financières pour accroître les dépenses sociales.

Tout ceci n'a pas empêché que Chrétien perde la faveur de la grande entreprise, surtout après l'arrivée de l'administration Bush au pouvoir. Politicien au niveau fédéral depuis le début des 1960, Chrétien était perçu par l'élite politique et économique canadienne comme trop associé avec les politiques de l'État-providence et le nationalisme canadien anti-américain du temps où Pierre Trudeau était premier ministre.

Alors que le Parti progressiste-conservateur, le parti de la grande entreprise qui est l'alternative traditionnelle aux libéraux pour former le pouvoir, s'enfonce dans la crise, les efforts de l'élite pour effectuer un changement de cap ont fini par se concentrer sur Martin. Ce dernier est un des capitalistes les plus riches du Canada et a été ministre des Finances de 1993 jusqu'au printemps de 2002. Une presse servile et des masses d'argent de la grande entreprise ont attisé les ambitions de Martin de remplacer Chrétien. Fort de cet appui et de celui de la plus grande partie des députés libéraux d'arrières bancs, Martin a finalement réussi à forcer Chrétien de démissionner même si celui-ci a réussi à reporter son départ de quinze mois.

Durant l'an et demi qu'a duré sa campagne, Martin n'a pratiquement rien dit de ses intentions, en donnant pour raison que critiquer les actions de Chrétien pourrait déstabiliser le gouvernement dont il espérait hériter. Mais depuis qu'il est officiellement devenu premier ministre le 12 décembre, Martin n'a pas ménagé ses efforts pour se démarquer du régime Chrétien et pour démontrer à la grande entreprise qu'il défendra de façon agressive ses intérêts aussi bien au pays même qu'à l'étranger.

Vente d'écoulement

Martin a profondément remodelé le gouvernement, donnant leur congé à plus de la moitié des ministres de Chrétien, y compris des piliers du gouvernement comme le vice premier ministre et ministre des Finances John Manley, la ministre du Patrimoine Sheila Copps, le ministre de l'Industrie Alan Rock et le leader en chambre Don Boudria.

Certaines promotions sont particulièrement significatives, comme celle de la députée de l'Alberta Anne McClellan au poste de vice premier ministre et celle du député de Saskatchewan Ralph Goodale au poste de ministre des Finances. Martin a promis qu'il porterait une beaucoup plus grande attention que Chrétien au soi-disant «intérêts de l'Ouest». Historiquement, le régionalisme de l'Ouest a été encouragé par les demandes des petits fermiers contre la domination des banques, les compagnies ferroviaires et les manufacturiers basés dans l'Est, mais depuis des dizaines d'années, il est devenu le cri de ralliement pour l'industrie pétrolifère et les autres secteurs du capital basés dans l'Ouest qui demandent des liens plus étroits avec les États-Unis et l'élimination de ce qui reste de la réglementation contraignant le capital.

Celui que Martin a choisi comme ministre de la Défense est une véritable déclaration d'intention quant aux questions militaires. Le nouveau ministre David Pratt faisait partie de la poignée de députés libéraux qui ont publiquement critiqué Chrétien pour ne pas déployer les FAC aux côtés des troupes américaines et britanniques dans la conquête et l'occupation illégale de l'Irak. En tant que président du comité de la Chambre des communes sur la défense, Pratt a pendant des années défendu les demandes des FAC pour des infusions massives de capitaux et a été parmi les premiers à demander que le Canada participe au bouclier antimissile américain.

Courtiser l'administration Bush

La réaction de Martin à la capture de Saddam Hussein par les États-Unis a été soigneusement élaborée pour signaler l'impatience de son gouvernement à collaborer beaucoup plus étroitement avec Washington. Dans sa déclaration initiale, Martin a répété les affirmations des Britanniques et des Américains que la capture de Hussein faciliterait la «réconciliation» et il a confirmé l'engagement du gouvernement canadien à participer à la «reconstruction» de l'Irak en faisant bien attention de ne pas mentionner la décision de Washington de ne pas considérer les entreprises canadiennes pour la reconstruction parce qu'Ottawa avait décidé de ne pas se joindre à la coalition de Bush.

Le jour suivant, au cours d'une conversation téléphonique, Martin «félicitait» Bush pour la capture de Hussein et organisait des rencontres avec le président américain qui avait déjà snobé Chrétien en annulant la visite officielle qu'il devait lui faire en mai dernier. Martin devrait rencontrer Bush à Mexico en janvier dans le cadre du sommet des Amériques et une autre fois plus tard à Washington.

Martin s'est réservé le poste de président du nouveau comité ministériel sur les relations canado-américaines et a nommé Scott Brison au poste de secrétaire parlementaire sur cette question. Un banquier spécialisé dans l'investissement et transfuge récent du Parti progressiste-conservateur (PPC), Brison s'est présenté plus tôt cette année pour briguer le poste de chef du PPC en avançant la demande pour un nouveau partenariat économique et sécuritaire avec les États-Unis pour créer une «frontière sans résistance».

En partie au moins pour répondre aux attentes des Américains sur les questions de sécurité, Martin a aussi créé un nouveau ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile et y a nommé la vice premier ministre McClellan à sa tête. Même s'il n'est pas la reproduction exacte du secrétariat de la Sécurité de la patrie de Bush (il n'incorporera pas l'Immigration et la Citoyenneté), le nouveau ministère de la Sécurité publique va centraliser les activités de la Gendarmerie royale du Canada, du Service canadien du renseignement et de la sécurité, les douanes et la sécurité portuaire.

«Frapper plus que son poids»

Associer plus étroitement le Canada avec la «forteresse de l'Amérique» est considéré par la grande entreprise comme un point essentiel. Néanmoins, elle considère aussi que ce n'est qu'un des éléments d'une nouvelle politique pour affirmer plus agressivement ses ambitions et ses intérêts prédateurs sur l'échiquier mondial.

Critiquant implicitement son prédécesseur, Martin a déclaré que son gouvernement entreprendrait ce qu'il faut pour permettre au Canada de «frapper plus que son poids» dans les affaires internationales. À cette fin, le nouveau premier ministre a ordonné la première révision complète de la politique militaire et étrangère canadienne depuis la fin de la Guerre froide et n'a pas manqué une occasion de louanger l'armée canadienne.

La commande pour de nouveaux hélicoptères pour les FAC valant trois milliards de dollars est l'unique item que le gouvernement a exempté d'un gel temporaire des projets d'investissement.

Au troisième jour seulement de son entrée en fonction au poste de premier ministre, Martin a visité les quartiers généraux du ministère de la Défense nationale. Ses adjoints ont vite fait connaître le fait qu'en dix ans de pouvoir, Chrétien n'avait jamais visité le centre nerveux de l'armée canadienne. Dans un discours ponctué des applaudissements à répétition de l'état major canadien, Martin a louangé les soldats canadiens qui soutiennent présentement le gouvernement pantin des Américains en Afghanistan et a indiqué qu'il était prêt à déployer d'autres troupes canadiennes ailleurs dans le monde.

«Aucune nation, a déclaré Martin, ne peut s'isoler des dangers, des essais et des tribulations que connaît le monde. Notre capacité à répondre au nom de la communauté internationale dépend énormément des hommes et des femmes des forces armées.»

Alors que Martin a dit que les détails de l'augmentation des budgets des FAC ne seront connus qu'une fois la révision de la politique militaire et étrangère complétée, il a néanmoins promis que l'augmentation du budget militaire sera substantiellement.

Réduire le secteur public

Martin, le ministre des Finances Goodale et le président du Conseil du Trésor Reg Alcock ont insisté pour signaler leur détermination à réduire les dépenses gouvernementales dans un proche avenir et à effectuer d'ici dix-huit mois des changements importants autant dans la façon que dans l'ampleur dont les services publics seront offerts.

Après une rencontre du cabinet ministériel il y a une semaine, Goodale a annoncé que le gouvernement avait gelé la taille de la fonction publique et la plupart des projets de promotion et d'investissements pour le reste de l'année budgétaire 2003-04. Le ministre des Finances a expliqué que les gels étaient nécessaires pour assurer que le gouvernement fédéral n'aura pas de déficit. S'il est vrai que le budget fédéral a été frappé par l'instabilité économique, le SRAS et d'autres crises, toute crise fiscale est le produit d'une politique délibérée. Au cours de l'année en cours, Ottawa a remboursé sept milliards sur sa dette et le premier janvier, les impôts sur les sociétés diminueront d'un autre 1,1 milliard.

Goodale a aussi annoncé que le gouvernement Martin a lancé un processus d'évaluation complète et continuelle des dépenses de programmes dans le but de continuellement mettre un terme, transférer à un autre palier gouvernemental ou privatiser les programmes qui ne seront pas considérés comme cruciaux dans le cadre des obligations du gouvernement.

Il est significatif que les termes mêmes employés pour définir le programme de révision de Martin semblent directement copiés du programme de restructuration de l'État de Jean Charest, le premier ministre du Québec qui mène présentement une campagne de réduction des services publics au moyen de la sous-traitance, de partenariats public-privé quand ce n'est pas de la privatisation.

Le comité de révision de Martin a été instruit de répondre aux questions :

«Est-ce que ce programme ou cette activité gouvernementale répond à un rôle légitime et nécessaire pour le gouvernement?»

«Quelles activités et quels programmes devraient être transférés en tout ou en partie au secteur privé ou au secteur bénévole?»

«Est-ce que dans le but d'offrir les services au plus bas coût, le programme exploite toutes les options offertes par l'usage intelligent de la technologie, des partenariats public-privé, des mécanismes pour faire offrir les services par une tierce partie et des instruments qui n'entraînent pas de dépenses supplémentaires?»

La première semaine de Paul Martin comme premier ministre a été accueillie avec enthousiasme par la presque totalité des médias de la grande entreprise. Quant à Thomas d'Aquino, le dirigeant du Conseil canadien des chefs d'entreprise (CCCE) qui représente les 150 plus grandes entreprises du pays, a écrit une lettre de félicitations obséquieuse à Martin, le déclarant «le plus distingué des anciens du Conseil» et louangeant le nouveau premier ministre pour être «un modèle que tous ceux qui veulent servir leur communauté et leur pays devrait suivre». Dans un communiqué de presse du CCCE, d'Aquino a louangé le choix des ministres et des priorités qu'avait fait Martin, en particulier «l'engagement du gouvernement à continuer de mettre l'accent sur la prudence fiscale, la réduction de la dette, une fiscalité concurrentielle et une approche disciplinée pour réviser et allouer les dépenses fédérales».

Alors que Martin ploie sous les louanges de la grande entreprise, les commentateurs bourgeois qui voient un peu plus loin l'avertissent qu'il doit se préparer à demeurer inflexible face à l'accroissement prévisible de l'hostilité des travailleurs envers ses politiques.

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