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Derrière ses grands airs, le Canada se prépare à joindre la guerre contre l'Irak

par Keith Jones
14 février 2003

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Le premier ministre canadien, Jean Chrétien, et son gouvernement libéral affirment qu'ils n'ont pas encore pris leur décision sur la participation du Canada à l'invasion de l'Irak par les États-Unis. Rien n'est plus faux.

Peu importe ce qui adviendra au Conseil de sécurité des Nations unies, le Canada et les Forces armées canadiennes (FAC) rejoindront les États-Unis dans leur guerre contre l'Irak.

Les libéraux de Chrétien espèrent que les États-Unis réussiront à acheter et forcer les grandes puissances au sein du Conseil de sécurité à sanctionner la guerre, ceci pour deux raisons. La première est qu'ils considèrent que la sanction de l'ONU offrirait une façon de maquiller la campagne guerrière des États-Unis d'une touche de pacifisme et d'internationalisme et permettrait de diffuser le sentiment anti-guerre. La deuxième est qu'ils espèrent intensément que la dispute entre les États-Unis et les principales puissances européennes puisse ainsi se régler et que soit conservé le système des relations multilatérales qui, pour l'élite canadienne, a si bien servi de contrepoids à la puissance économique et géopolitique américaine.

Que le gouvernement Chrétien et les militaires canadiens aient déjà promis irrévocablement leur participation à la guerre d'agression contre l'Irak est démontré par une série de déclarations par des ministres et d'admissions et de gestes du gouvernement.

* Les hauts gradés des FAC travaillent avec les Américains et Britanniques qui élaborent les plans pour l'invasion de l'Irak. Les quartiers généraux de cette équipe, qui étaient jusqu'à récemment en Floride, ont été déplacés vers le Qatar, un petit état dans la région du Golfe Persique qui a été choisi comme centre nerveux de l'invasion américaine prochaine.

Le mois dernier, le ministre de la Défense John McCallum a admis que les dirigeants des FAC avaient été exclus de certaines réunions de planification à cause de l'incertitude sur la participation du Canada à une action militaire contre l'Irak. Mais ils furent réadmis vers la fin de l'an passé après que le gouvernement libéral ait donné des assurances aux États-Unis (des assurances que McCallum n'a pas voulu expliciter) sur le fait que le Canada était prêt à participer à la guerre.

* À la demande expresse de leur leader parlementaire en chambre, les députés libéraux se sont joints mardi dernier au parti ultra droite, l'Alliance canadienne, pour défaire une motion qui demandait que la Chambre des communes ne puisse considérer un appui à l'attaque contre l'Irak si le Conseil de sécurité de l'ONU ne donnait pas sa sanction à une action militaire.

Un porte-parole du parti au pouvoir a déclaré que son parti s'opposait à la motion déposée par le parti indépendantiste Bloc québécois qui avait l'appui du Nouveau parti démocratique aussi bien que du Parti conservateur parce qu'il voulait conserver la prérogative du cabinet ministériel d'approuver toute action militaire sans vote à la Chambre des communes.

Dans une entrevue qu'il accordait juste avant Noël, Chrétien avait laissé entendre que le Canada ne participerait qu'à une guerre autorisée par le Conseil de sécurité de l'ONU. Depuis, toutefois, Chrétien aussi bien que ces ministres ont indiqué à plusieurs reprises que l'autorisation du Conseil de sécurité n'était que la voie qu'ils préféraient et si «l'hypothétique» devenait réalité et que les États-Unis allait de l'avant avec leur guerre sans l'accord du Conseil de sécurité, le Canada serait aux côtés de l'administration Bush. Chrétien a également déclaré que la résolution 1441 offrait déjà une sanction légale pour attaquer et occuper l'Irak.

* Chrétien et son ministre des Affaires étrangères, Bill Graham, n'ont pas ménagé leurs efforts pour se distancer de la position du gouvernement français et du gouvernement allemand selon laquelle il faut laisser plus de temps aux inspecteurs en armement, condamnant leur appel pour que le nombre des inspecteurs soit triplé et leur embargo sur le déploiement des forces de l'OTAN en appui à la Turquie, de laquelle un assaut sur le nord de l'Irak doit être lancé.

* Un officier canadien a été nommé responsable de la force navale multinationale qui patrouille le Golfe Persique à la recherche de combattants d'al-Qaeda et de talibans qui fuient l'Afghanistan. Cette unité de combat navale travaille en collaboration étroite avec l'unité des porte-avions qui a été envoyée dans la région du Golfe pour préparer l'attaque imminente contre l'Irak. En fait, Roger Girouard des FAC travaille sous les ordres directs de l'amiral américain, Barry Costello, qui dirige la flottille menée par le porte-avions USS Constellation.

* Ottawa et Washington ont annoncé la semaine dernière que le président américain George W. Bush rendrait visite au Canada en mai. Il y a régulièrement eu des rencontres entre les présidents américains et les premiers ministres canadiens depuis les années 1930. Mais le moment choisi pour l'annoncer et le fait que les relations soient le plus souvent glaciales entre l'administration Bush et les libéraux de Chrétien laissent croire qu'il s'agit de concessions au gouvernement canadien alors que ce dernier met la touche finale aux détails de sa participation à la guerre en Irak.

La grande majorité des grands médias canadiens et l'opposition officielle, l'Alliance canadienne, ont dénoncé le gouvernement Chrétien pour ne pas appuyer suffisamment la campagne guerrière américaine. Même si le chef de l'Alliance canadienne, Stephen Harper a récemment admis qu'il s'attend maintenant à ce que le Canada participe à la guerre contre l'Irak peut importe ce qu'il adviendra, il s'associe avec la majorité de l'establishment canadien pour accuser les libéraux de laisser l'Angleterre et l'Australie forger une relation privilégiée avec Washington aux dépens des intérêts économiques et géopolitiques de l'élite canadienne.

L'Alliance n'a pas tardé à condamner la décision annoncée mercredi dernier que le Canada enverrait 1500 soldats en Afghanistan cet été pour participer à une force sanctionnée par l'ONU qui viendrait soutenir le nouveau gouvernement pro-américain. Selon les critiques des libéraux, le déploiement de l'armée canadienne en Afghanistan signifie que le Canada aura moins de soldats à offrir pour l'attaque contre l'Irak.

Toutefois, il pourrait bien en être autrement. Chrétien a souvent surpris ses critiques de droite en adoptant soudainement leurs politiques, comme lorsqu'il avait imposé des compressions sauvages des dépenses sociales au milieu des années 1990, lorsqu'il adoptait le programme de réductions des impôts de l'Alliance canadienne juste avant les dernières élections et la participation à la guerre en Afghanistan. De plus, même si le Canada n'envoyait au début en Irak qu'une petite force d'infanterie, il a d'autres ressources militaires pour lesquelles les États-Unis ont indiqué qu'ils avaient besoin et que le gouvernement Chrétien veut clairement déployer: ses forces spéciales, ses avions et ses navires de guerre.

En annonçant son intention de déployer un grand nombre de soldats sous le drapeau de l'ONU, les libéraux espèrent diffuser l'opposition publique à la participation du Canada à une guerre contre l'Irak dirigée par les États-Unis.

Cette manoeuvre cynique est en ligne avec la tradition de «maintien de la paix». Alors que les libéraux et les sociaux-démocrates du NPD font depuis longtemps la promotion de l'idée qu'en travaillant sous l'égide des Nations unies, le Canada a été et peut être une force pour la paix, les opérations de maintien de la paix du Canada n'ont jamais eu pour but la paix ou la justice sociale. Elles ont plutôt eu pour but de contenir des conflits qui menaçaient l'unité de l'OTAN (Suez et Chypre) ou de gérer les conflits de la guerre froide (comme au Vietnam où les «forces de maintien de la paix» canadiennes espionnaient au profit des Américains).

L'historien Jack Granatstein est parmi ceux dans l'élite canadienne qui croient que sa mythologie du maintien de la paix est aujourd'hui un empêchement à la réorganisation l'armée et la politique étrangère du Canada dans le monde post guerre froide où les rivalités économiques et géostratégiques deviennent plus importantes. Ce qui ne l'empêche de reconnaître que les missions canadiennes de maintien de la paix ont été menées dans l'intérêt des États-Unis et qu'elles permettaient au Canada d'avoir un bras de levier pour ses forces armées relativement petites et sa puissance géopolitique plutôt faible, ce qui se traduisait par une place à la table où se tenaient les délibérations des grandes puissances.

Quant à Chrétien, il reste convaincu que la meilleure façon de développer l'appui pour la guerre est de la faire au nom de l'ONU. Il espère, pour les raisons mentionnées au début de l'article, que le Conseil de sécurité va finir par sanctionner l'agression américaine contre l'Irak. Mais si cela n'était pas le cas, il croit qu'il pourra être bien vu de Washington et obtenir une place dans la réorganisation de l'Irak et du Moyen-Orient de l'après Hussein en annonçant que le Canada, peut-être un des plus grands supporteurs de l'ONU à travers le monde, est maintenant convaincu de la sagesse et de la légalité d'une action unilatérale américaine.

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