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Le Canada se cache derrière les États-Unis pour attaquer le droit des réfugiés

Par Guy Charron
16 décembre 2002

Le gouvernement libéral du Canada a présenté une loi dans le but de réduire de façon draconienne le nombre de personnes demandant le statut de réfugié au pays. Si jamais le Parlement accepte ces changements, les personnes qui entreront au Canada à partir des États-Unis et qui demanderont le statut de réfugié seront, à part quelques exceptions, immédiatement retournées au sud de la frontière. Le prétexte invoqué pour justifier ce changement est que les États-Unis sont un «tiers pays sûr» et ceux qui demandent l'asile politique devraient le faire dans ce pays.

En 2001, 14.000 demandeurs de statut de réfugié, soit plus du tiers des personnes qui ont demandé l'asile au Canada l'ont fait en arrivant des États-Unis à sa frontière avec le Canada. Pendant les huit premiers mois de cette année, 7000 personnes ont demandé le statut de réfugié en entrant au Canada par les États-Unis.

Les changements à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés mettent en oeuvre les termes d'une entente intervenue l'été passé entre le gouvernement libéral du Canada et l'administration Bush et finalisée au début de décembre. En vertu de l'entente sur les «tiers pays sûrs», la politique officielle sera de retourner les personnes demandant le statut de réfugié vers l'autre pays si elles en sont arrivées. Par exemple, si une personne qui se trouve aux États-Unis décide de venir au Canada pour y demander le statut de réfugié, elle sera automatiquement retournée aux États-Unis et vice-versa. La symétrie de cette mesure n'est qu'apparente, le flux de réfugiés vers le Canada étant beaucoup plus important que celui du Canada vers les États-Unis. L'année dernière, seulement quelques centaines de personnes sont entrées aux États-Unis en provenance du Canada pour y demander le statut de réfugié.

Des deux côtés de la frontière, les organisations pour les droits des réfugiés ont condamné l'entente sur les tiers pays sûrs. Premièrement, parce qu'il y aura moins, et probablement beaucoup moins, de personnes fuyant la persécution et l'injustice qui pourront obtenir l'asile. Traditionnellement, les autorités américaines ont été bien moins souvent prêtes à octroyer l'asile politique que leurs homologues canadiens. Ceci est particulièrement vrai dans le cas des demandeurs d'asile politique qui proviennent de l'Amérique centrale et de l'Amérique du Sud, autrement dit, ceux qui sont plus susceptibles d'entrer au Canada par les États-Unis.

Deuxièmement, les demandeurs d'asile sont traités plus sévèrement aux États-Unis lorsqu'ils attendent le verdict de leur situation. Les États-Unis emprisonnent beaucoup plus souvent les candidats au statut de réfugié et, contrairement au Canada, n'ont pas d'interdiction sur la détention des enfants. Troisièmement, l'entente sur les tiers pays sûrs en entraînera plusieurs à recourir à des méthodes dangereuses pour leur vie afin d'entrer au Canada illégalement pour tenter de profiter de l'interprétation, jusqu'à maintenant, moins restrictive au Canada de la loi internationale garantissant l'asile à ceux qui fuient la persécution politique.

Ottawa a bien essayé de présenter son entente sur les tiers pays comme une concession qu'il a dû faire devant la pression américaine, mais rien n'est plus faux. Les autorités américaines se sont longtemps opposées au retour des demandeurs d'asile, craignant que cela empire les longs retards que connaît déjà leur système d'accueil des réfugiés en plus d'augmenter le nombre de réfugiés aux États-Unis. Cependant, la droite canadienne, appuyée par la majeure partie des grands médias, a longtemps protesté contre le système de réfugié prétendument «mou» du Canada. En réduisant le nombre de demandeurs d'asile, le gouvernement libéral Chrétien a une fois de plus cédé à la pression exercée par l'Alliance canadienne et les sections les plus rapaces de la grande entreprise.

Ce n'est pas pour dire que les États-Unis, l'administration Bush en particulier, n'ont pas été très critiques envers l'immigration canadienne et ses politiques sur les réfugiés. Le gouvernement libéral canadien et l'administration Bush sont présentement en pourparlers afin d'implanter une entente en 30 points discutée comme suite aux évènements du 11 septembre, dans le but de renforcer le contrôle aux frontières.

Le ministre John Manley a déclaré, après sa rencontre avec le directeur de la sécurité intérieure, Tom Ridge le 5 décembre à Washington : «Je pense que nous devons accepter la réalité que les États-Unis se sentent vulnérables et que la sécurité continue à être à l'ordre du jour Je pense que nous pouvons les aider dans ce sens et ce fut mon message au gouverneur Ridge. »

L'entente sur les tiers pays est une concession des États-Unis aux autorités canadiennes consentie dans le but d'obtenir d'autres mesures plus importantes pour les États-Unis. D'ailleurs, ce n'est pas la première fois que les autorités canadiennes utilisent cyniquement et hypocritement la « pression des États-Unis» afin de justifier l'adoption de mesures réactionnaires et répressives.

Quant à la nouvelle position plus sévère du Canada vis-à-vis des réfugiés, Ottawa a lancé un projet pilote pour que les demandeurs de statut de réfugié dont le gouvernement est incertain de l'identité soient automatiquement détenus. Selon un douanier interviewé par le Globe and Mail, «Avant, on attendait de nous que nous les relâchions. Maintenant, nous sommes encouragés à les détenir. C'est un virage à 180 degrés dans nos méthodes. »

Pendant ce temps, le débat au sein de l'élite canadienne s'intensifie sur la question de savoir jusqu'où il faut aller en matière de coordination canado-américaine en matière d'immigration, de politique sur les réfugiés et de contrôle sur les frontières. Le ministre de l'Immigration, Denis Coderre, a avancé l'idée d'une nouvelle carte d'identité nationale dotée d'identificateurs biométriques comme les empreintes digitales ou l'empreinte rétinienne. Coderre a affirmé que cette carte aiderait à diminuer la crainte des États-Unis face aux citoyens canadiens qui ont immigré des pays du Tiers-Monde.

La semaine dernière, à Washington, l'ancien premier ministre du Canada, Brian Mulroney, a demandé un périmètre de sécurité commun entre le Canada et les États-Unis «C'est une ouverture à des négociations commerciales plus vitales et plus intenses» a-t-il dit au reporter alors qu'il assistait à une conférence marquant le dixième anniversaire des négociations de l'ALENA (Accord sur le libre-échange nord-américain).

 

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