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Les États-Unis présentent un plan transparent pour piller le pétrole irakien

Par Peter Symonds
12 mai 2003

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Les Etats-Unis, avec l'appui de la Grande-Bretagne, a présenté une proposition de résolution sur l'Irak au Conseil de sécurité de l'ONU qui vient légitimer son invasion illégale du pays et une occupation militaire indéfinie, donnant à Washington un pouvoir illimité sur les immenses réserves pétrolières de l'Irak.

Pendant les semaines et les mois qui ont précédé l'attaque américaine en Irak, les responsables à la Maison blanche ont insisté que le pétrole ne motivait pas la guerre. Au mois de mars, le secrétaire d'Etat Colin Powell a dit au Congrès : «Le pétrole de l'Irak appartient au peuple irakien. C'est la source de revenus pour diriger le pays».

Cependant, la proposition de résolution qui a circulé au Conseil de sécurité de l'ONU donne de vastes pouvoirs politiques et économiques, y compris le contrôle effectif des revenus provenant des exportations pétrolières irakiennes, aux Etats-Unis et à leurs alliés militaires, simplement désignés par «l'Autorité». L'ONU perdra son rôle de superviseur du programme «pétrole-pour-nourriture» et les actuelles sanctions économiques internationales seront levées. On ne fait aucune référence aux prétendues armes de destruction massive ou aux inspecteurs de l'ONU ­ le prétexte pour les sanctions et la guerre.

Les Etats-Unis, en tant qu'«Autorité», décidera de tous les aspects de la politique à Bagdad, y compris l'établissement de «l'autorité irakienne intérimaire» et un «Fonds d'aide à l'Irak». L'argent du fonds, dont le revenu provient de «toute vente en exportation de pétrole, de produits pétroliers, et de gaz» sera «dépensé selon les ordres de l'Autorité, en consultation avec l'autorité irakienne intérimaire» ­ c'est-à-dire, par les Etats-Unis en consultation avec ses fantoches irakiens.

Si l'on adopte la résolution, l'ONU se verra réduit à un rôle purement formel. Un représentant onusien participera à un comité international de consultation, comme ceux du FMI et de la Banque Mondiale qui surveilleront le Fonds d'aide à l'Irak. Aussi, le rôle d'un coordinateur spécial onusien en Irak sera limité aux liaisons entre les Etats-Unis et les autres agences onusiennes et internationales. Bref, d'autres représentants et d'autres agences, à l'intérieur et à l'extérieur de l'Irak, peuvent «consulter», «assister», et «coordonner» ; mais, la proposition de résolution donne sans complexe le vrai pouvoir de décision à Washington.

En plus, les Etats-Unis garderont ces pouvoirs indéfiniment. Selon la résolution, l'Autorité exercera ses responsabilités «pendant une période initiale de 12 mois [] qui continuera ensuite à moins que le Conseil de sécurité en décide autrement». Bref, pour mettre fin à l'occupation américaine de l'Irak il faudra une nouvelle résolution de l'ONU à laquelle les Etats-Unis pourraient, bien sûr, opposer leur veto. Les processus et horaires pour l'établissement et la prise des fonctions d'un gouvernement irakien indépendant relèvent tous de l'autorité de Washington.

La proposition de l'administration Bush revient à retourner au système de gouvernement colonial des années 1920 et 1930 quand la Ligue des Nations donnait des mandats aux vainqueurs de la Première Guerre mondiale pour contrôler les possessions des pays vaincus. En 1920 la Ligue a donné l'Irak au Royaume-Uni, qui a converti le pays en monarchie et installé un roi contrôlable. Le Royaume-Uni s'est retiré en 1932 mais a continué à traiter l'Irak «indépendant» comme une colonie : il maintenait des bases militaires et contrôlait la politique extérieure irakienne, et, le plus important, ses intérêts commerciaux quant au pétrole irakien.

La proposition de résolution américaine à l'ONU sanctionnerait un régime de pillage qui va peut-être même encore plus loin que celui imposé par l'empire britannique. Le «Fonds d'aide à l'Irak» recevra non seulement les revenus des exportations pétrolières irakiennes, mais aussi les milliards de dollars retenus par l'ONU dans le cadre de son programme «pétrole-pour-nourriture», et aussi tous les fonds ou les biens financiers du gouvernement irakien ou de Saddam Hussein et de ses proches actuellement détenus à l'étranger.

Pour s'assurer qu'il n'y aura pas d'autres prétentions à l'argent, les Etats-Unis ont ajouté une provision qui protège le Fonds d'aide à l'Irak de toute poursuite judiciaire à travers le monde «quant à des accusations, de tout genre et pour tous les temps, contre l'Irak ou une de ses agences ou agents». L'administration Bush pourra donc contrôler des milliards de dollars de revenus pétroliers et d'autres biens financiers sans aucune contrainte ou surveillance légale.

Les contrats de reconstruction

Comme dans les résolutions précédentes de l'ONU, 5 pour cent des fonds doivent revenir à un fonds de compensation, essentiellement des réparations de guerre, principalement au Koweït, pour des dommages subis lors de la guerre du Golfe de 1990-1. Les autres 95 pour cent reviennent en principe aux besoins humanitaires, à la reconstruction économique, au coût de l'administration civile irakienne et pour «d'autres causes favorisant le peuple irakien».

La plus grande part de l'argent, cependant, finira dans les poches des grandes sociétés, principalement américaines, qui sont sur les lignes pour obtenir les contrats de reconstruction de plusieurs millions de dollars en Irak. Un des exemples les plus évidents est la série de contrats accordés à une filiale de Halliburton Corp. ­ la compagnie dirigée par le vice-président Richard Cheney entre 1995 et 2000, et qui le paie toujours jusqu'à 1 million de dollars par an.

Le Corps des ingénieurs de l'armée américaine a récemment révélé dans une lettre au représentant démocrate Henry Waxman que l'on avait accordé sans compétition un contrat à Kellogg Brown & Root (KBR), une filiale de Halliburton, pour non seulement éteindre les feux dans les puits de pétrole mais qui incluait aussi «l'opération de l'infrastructure et la distribution des produits» de l'industrie pétrolière irakienne. Le contrat, avec un plafond immense de 7 milliards, durera jusqu'en août, quand la compagnie devra faire des enchères contre des rivaux.

KBR a un autre arrangement séparé avec le Pentagone pour le soutien logistique, qui promet aussi de lui assurer des profits importants. En vertu de ce contrat passé en décembre 2001, la compagnie doit fournir, construire, et maintenir des bases militaires américaines et d'autres emplacements selon le besoin, comme elle l'a fait en Afghanistan et à Djibouti.

En Irak, KBR doit répondre aux besoins de l'administration militaire américaine qui s'établit à Bagdad, désignée Bureau de Reconstruction et d'Assistance Humanitaire (OHCA). Dépassant des estimations de 70 millions de dépenses pour 350 fonctionnaires, les coûts dépasseront plusieurs centaines de millions de dollars, car la taille de l'état-major du OHCA dépasse les mille personnes et risque de tourner autour de deux mille.

Si KBR et le Pentagone insistent que leur priorité est d'embaucher des Irakiens et d'acheter des produits locaux, la vaste majorité des profits va à KBR. Ils sous-traitent principalement au Koweït et en Arabie Saoudite. Selon les propres estimations de KBR, des dizaines de millions de dollars payés à la société, seuls 100.000 dollars ont contribué à l'économie locale irakienne. Les salaires locaux payés aux Irakiens tournent autour de 2 dollars par jour.

Les contrats KBR ne sont que la pointe de l'iceberg. Une fois que la résolution de l'ONU permettra les exportations de pétrole, le pillage à grande échelle pourra commencer. Dans un proche avenir, de dramatiques projets de privatisation des entreprises gouvernementales, particulièrement de l'industrie du pétrole, mettront de grandes sociétés directement à la tête des sections les plus profitables de l'économie irakienne.

Malgré son caractère ouvertement colonialiste, la proposition de résolution, parrainée par les Etats-Unis, le Royaume-Uni, et l'Espagne, a rencontré peu d'opposition au Conseil de sécurité. Le Chili a déclaré vendredi qu'il était «favorable» à la proposition ; l'Angola le décrivait comme «un bon début» ; la Bulgarie a appuyé le texte et le Mexique y a trouvé «de bons éléments».

La France et la Russie ont soulevé des «questions» et des «difficultés» mais les deux ont accepté l'occupation de l'Irak comme un fait accompli et tentent d'accommoder à Washington. Leur principale inquiétude est de sauver du naufrage une aussi grande part que possible de leurs intérêts économiques dans la région. Beaucoup des contrats distribués lors du programme «pétrole-pour-nourriture» de l'ONU étaient accordés à des compagnies russes.

Faisant une petite concession à la Russie, la France et d'autres pays, la proposition américaine demande à l'ONU de continuer à opérer son compte «pétrole-pour-nourriture» pendant quatre mois. Des 13 milliards de ce fonds, environ 10 milliards ont été désignés mais non pas dépensés ­ et pourraient donc servir à payer des obligations actuelles. Ce qui restera, avec les 3 milliards non-désignés, reviendra aux Fonds d'aide à l'Irak et servira à la «reconstruction».

La France et l'Allemagne pourraient essayer d'obtenir un pot-de-vin plus large en tentant de maintenir une influence, aussi minime soit-elle, sur les opérations américaines en Irak. Mais s'étant établi à Bagdad, les Etats-Unis veulent diriger le concert. La proposition américaine est un ultimatum brusque et menaçant sommant les rivaux européens et asiatiques d'approuver leur contrôle sans opposition de l'Irak ou d'avoir a en subir les conséquences.

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