wsws.org/francais

Visitez le site anglais du WSWS

SUR LE SITE :

Contribuez au WSWS

Nouvelles et Analyses
Luttes Ouvrières
Histoire et Culture
Correspondance
L'héritage que nous défendons

A propos du CIQI
A propos du WSWS

AUTRES LANGUES

Allemand

Français
Anglais
Espagnol
Italien

Indonésien
Russe
Turque
Tamoul

Singalais
Serbo-Croate

 

Le vote des Nations unies sur l'Irak: les questions politiques

par Peter Symonds
26 mai 2003

Utilisez cette version pour imprimer

Le vote de 14 pour et 0 contre au Conseil de sécurité de l'ONU pour lever les sanctions contre l'Irak offre une preuve éclatante de la futilité des illusions que l'on pourrait avoir envers l'ONU, ainsi qu'envers la France, l'Allemagne et la Russie. Aucun n'a empêché l'invasion et l'occupation par les États-Unis de ce petit pays pauvre et avec peu de moyens de se défendre.

La résolution présentée par les États-Unis et le Royaume-Uni légitime ce que juste avant l'invasion les porte-parole de la France, de l'Allemagne et de la Russie déclaraient être illégitime et contraire à la loi internationale. Aucun des changements cosmétiques qui furent effectués au cours de la dernière semaine ne viennent changer le fait essentiel que les trois puissances européennes ont sanctionné un régime néo-colonial américain et le pillage des ressources de l'Irak, son pétrole entre autres, pour un temps indéfini.

Les États-Unis et ses alliés militaires contrôlent tout le pouvoir politique en Irak. Tous les revenus des ventes du pétrole et des actifs irakiens à l'étranger ainsi qu'une portion des sommes du programme onusien "pétrole contre nourriture" seront placés dans un fonds spécial à la Banque centrale de l'Irak et distribués à la discrétion des armées d'occupation. Différentes instances, par exemple l'autorité irakienne ou un représentant spécial des Nations Unies, seront consultées, collaboreront, donneront des conseils, superviseront et le reste. Mais, il n'y a aucune ambiguïté sur celui à qui reviendra la décision finale.

En adoptant la résolution américaine, aucun des représentants politique du capitalisme français, allemand ou russe n'a tenté, de quelque façon que ce soit, d'expliquer son revirement d'opinion. Le ministre des Affaires étrangères français, Dominique de Villepin n'a laissé aucun doute que son gouvernement avait simplement abandonné ses objections à la guerre, déclarant que «La priorité absolue de la France est de regarder vers son avenir» [traduit de l'anglais]. C'est la même idée qu'a exprimée l'ambassadeur allemand aux Nations Unies, Gunter Pleuger, qui a platement déclaré: «Nous ne pouvons pas refaire l'histoire».

Il y a deux mois seulement, on attendait un langage entièrement différent alors que les dirigeants français, allemands et russes condamnaient la campagne guerrière des États-Unis. Le 10 mars, le président français Jacques Chirac donnait une interview télévisée dans laquelle il annonçait que la France opposerait son veto à toute résolution qui sanctionnerait une guerre américaine contre l'Irak, «quelles que soient les circonstances». Il n'y avait pas, selon lui, présentement de raison de faire la guerre, déclarant qu'une attaque contre l'Irak sans l'accord de l'ONU créerait «un précédent dangereux». Dans un discours qu'il donnait le même jour à Moscou, le ministre des Affaires étrangères russe, Igor Ivanov, a aussi indiqué que la Russie ferait usage de son droit de veto.

Quelques jours plus tard, après que Washington et Londres aient décidé de ne plus tenter d'obtenir l'accord des Nations unies, le ministre des Affaires étrangères français Villepin exprimait son regret devant une décision que «rien ne justifie aujourd'hui, et qui pourrait avoir de lourdes conséquences pour la région et le monde» [traduit de l'anglais]. Le président russe Vladimir Poutine a déclaré que c'était une «erreur» qui «pouvait avoir les conséquences les plus graves». Son ministre des Affaires étrangères Ivanov a déclaré que toute invasion serait illégale : «L'usage de la force contre l'Irak, particulièrement en rapport avec les précédentes résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU, n'a aucun fondement légal.»

Jamais cette opposition ne fut fondée sur des principes ou des inquiétudes pour le peuple irakien mais sur l'intérêt national pur. La France, l'Allemagne et la Russie acceptaient le prétexte qu'alléguait Washington pour sa guerre, soit que les armes de destruction massive que possédait l'Irak représentaient une menace pour le monde. En novembre, de concert avec tous les autres membres du Conseil de sécurité, ils ont voté pour la résolution 1441 qui sanctionnait le régime d'inspection des armements en Irak. Les trois puissances n'ont pas rejeté la guerre contre l'Irak mais argumentaient que les inspecteurs en armement de l'ONU avaient besoin de plus de temps.

En réaction à l'ultimatum final que Bush fit à Bagdad, le chancelier allemand Gerhard Schroeder déclarait le 18 mars, deux jours seulement avant le déclenchement de l'assaut contre l'Irak, qu'il n'existait aucune justification pour une intervention armée parce que les inspecteurs en armement des Nations unies venaient de signifier des progrès. «Ma question était et demeure : est-ce que l'importance de la menace que pose le dictateur irakien justifie une guerre qui va résulter en la mort certaine de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants innocents? Ma réponse était et demeure : Non.»

Il faut noter qu'au même moment où ces déclarations étaient faites, les trois puissances ne ménageaient pas leurs efforts pour réassurer Washington qu'elles ne feraient rien pour nuire à ses efforts de guerre. Les États-Unis ont pu utiliser leurs bases aériennes en Allemagne. Il n'y a pas le moindre indice d'un geste au Conseil de sécurité qui condamnerait la guerre d'agression illégale, ne parlons même pas d'un geste qui irait à son encontre.

Les événements des derniers deux mois ont démontré que toutes les justifications avancées par Washington n'étaient que purs mensonges, ce qui expose le cynisme total du revirement d'opinion de l'Allemagne, de la France et de la Russie. On n'a trouvé aucune arme de destruction massive, ni aucun précurseur de ces armes, ni aucun moyen d'en manufacturer. L'explication la plus simple, c'est qu'il n'y en a jamais eu, comme tous ceux qui étaient impliqués dans ces questions l'ont toujours su. Et malgré leur accès au personnel impliqué dans la sécurité de l'Irak et à des montagnes de documents, les États-Unis n'ont pas produit une seule preuve d'un lien entre le régime laïc de Hussein et les extrémistes d'al-Qaeda.

Quant à la déclaration absurde de l'administration Bush qu'elle «libère l'Irak», elle a été entièrement réfutée par la plus récente résolution votée par le Conseil de sécurité de l'ONU. Elle donne une légitimité à l'occupation et l'administration du pays par l'armée jusqu'à ce que Washington établisse «un gouvernement représentatif internationalement reconnu» à Bagdad, en d'autres mots, un régime docile qui sera composé de divers exilés et des différentes organisations qui ont été financés par les États-Unis depuis au moins dix années. L'empressement avec lequel la France, l'Allemagne et la Russie ont abandonné leurs objections précédentes, c'est ce que montre le récent vote, est une indication certaine qu'ils vont donner leur accord officiel à n'importe lequel des régimes que les États-Unis vont finir par mettre en place.

Centre de coordination des impérialistes

Il serait erroné, par contre, de considérer les événements des derniers mois comme un épisode malheureux ou comme le produit de la faiblesse de certains individus. La guerre contre l'Irak, comme toutes les grandes crises politiques, a filtré le secondaire et l'accessoire et chacun peut voir le véritable état des relations internationales. Le vote de la semaine passée au Conseil de sécurité a avant tout exposé cette organisation pour être ce qu'elle est véritablement : une institution impérialiste, dans le sens strictement scientifique du terme.

Pendant des décennies, on a présenté l'ONU comme l'espoir de l'avenir, comme un levier pour la coopération internationale qui assurerait la paix, l'égalité sociale et un monde meilleur pour l'humanité considérée dans son ensemble. La semaine dernière, son rôle de centre de coordination des principales puissances qui a pour objectif de régler leurs affaires et de défendre leurs intérêts est devenu clair comme de l'eau de roche. Après qu'elle ait traité l'ONU avec mépris, envahi l'Irak et établi une administration militaire à Bagdad, l'administration Bush n'a laissé aucun doute que tout geste qui ne viendrait pas sanctionner complètement et inconditionnellement les actions américaines aurait des répercussions politiques et économiques graves. Face à ces menaces, la France, l'Allemagne et la Russie ont capitulé et elles ont légitimé la loi de la jungle, la force fait le droit, en échange d'une petite part du butin.

Quant aux membres moins importants du Conseil de sécurité, l'Angola, le Chili, le Pakistan entre autres, leur appui à la résolution révèle simplement l'impotence et la couardise des élites dirigeantes de tels pays vis-à-vis des grandes puissances. Les actions de la Syrie résument le caractère entièrement corrompu des régimes bourgeois arabes. Après s'être absenté lors du vote à l'ONU, Damasse a déclaré que « Soucieuse de voir améliorer les conditions de vie du peuple irakien frère soumis depuis de longues années à un embargo injuste, la Syrie a décidé de voter en faveur de la résolution bien qu'elle estime que cela ne suffit pas à rendre les Irakiens maîtres de leur destinée et de leurs ressources naturelles.»

L'empressement du Conseil de sécurité à lever les sanctions économiques contre l'Irak sans débat sérieux confirme que les raisons de leur imposition étaient frauduleuses dès l'origine. En insistant pour que l'Irak se désarme après la guerre du Golfe de 1990-91, les Nations unies ont fourni un prétexte à Washington pour le maintien de ses forces militaires dans le Golfe Persique et pour provoquer l'Irak une fois après l'autre. L'échec de trouver la moindre preuve d'armes de destruction massive a non seulement exposé le caractère criminel des actions américaines mais montre aussi que les Nations unies dans leur ensemble sont coupables de perpétuation d'une fraude monumentale.

Il est estimé qu'un demi-million d'Irakiens, en bonne partie des enfants, sont décédées depuis douze ans en conséquence des sanctions de l'ONU et des attaques aériennes menées par les avions de chasse américains et britanniques patrouillant les zones interdites de vol. Pourtant, lors de la session du Conseil de sécurité de la semaine dernière, les raisons pour imposer cet embargo aux conséquences fatales ont à peine été discutées. Il n'y a eu aucune tentative de demander à Washington d'admettre à nouveau les inspecteurs en armement de l'ONU en Irak pour la simple raison que toutes les grandes puissances savaient que la capacité limitée de l'Irak à produire des armes de destruction massive a été démantelée il y a des années.

Si l'on devait se fier aux apparences, le vote de la semaine passée a rétabli l'unanimité au sein des grandes puissances au sein du Conseil de sécurité. En réalité, que la bourgeoisie européenne acquiesce aux demandes de Washington n'a fait que couvrir d'une mince couche de peinture la faille qui est apparue lors des préparatifs à la guerre. La guerre des mots diplomatique est venue après que la France, l'Allemagne et la Russie eurent tardivement reconnu que l'invasion américaine de l'Irak faisait partie de plans plus vastes des Américains pour l'hégémonie mondiale et que ces plans entraient en conflit avec les intérêts fondamentaux de la bourgeoisie européenne.

Ceux qui croient que l'égalité entre les nations est restaurée à l'ONU après une expérience dérangeante, mais isolée, vont avoir un choc. La base pour l'alliance de la période de la guerre froide entre les États-Unis et l'Europe de l'Ouest est disparue avec l'effondrement de l'Union soviétique. La défense agressive des intérêts américains par l'administration Bush, au mépris flagrant des standards de relations internationales qui étaient précédemment établis, vient d'une tentative de résoudre les contradictions économiques et sociales inéluctables à l'intérieur au moyen de la conquête militaire à l'étranger. Ceci prépare inévitablement de nouvelles crises et, en bout de ligne, un conflit militaire entre les principales puissances impérialistes.

Pour les millions de personnes qui ont participé dans les manifestations contre la guerre à travers le monde, le vote aux Nations unies offre une salutaire leçon de politique. Ceci démontre la complète inutilité de compter sur la bourgeoisie ou ses agences politiques pour empêcher la guerre impérialiste et le besoin d'une nouvelle stratégie politique. La seule voie viable pour mener la lutte pour la paix mondiale est la mobilisation indépendante de la classe ouvrière dans tous les pays pour abolir le système capitaliste qui mène inévitablement à la guerre et pour reconstruire la société sur une base socialiste dans le but de mettre un terme à l'inégalité sociale et de satisfaire les besoins de la société.

Voir aussi :

 


 

Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés