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Québec: Le gouvernement libéral prépare un vaste programme de privatisation

Par Guy Charron
1er novembre 2003

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Avec la rentrée parlementaire à l'Assemblée nationale de cet automne, le gouvernement libéral élu il y a six mois a réitéré qu'il était résolu à aller de l'avant pour «redéfinir le rôle de l'État».

D'ici au prochain budget provincial du Québec de 2004-5, les libéraux ont promis de mettre en place les mécanismes pour une restructuration radicale du gouvernement provincial et des services sociaux et municipaux publics, y compris la santé et l'éducation. «Tout est sur la table» a répété encore une fois Jean Charest, le premier ministre québécois.

S'il existe encore beaucoup de flou sur les détails de la mise en oeuvre de cette restructuration qui ne sont pas encore publics ou pas encore arrêtés, il est clair que le gouvernement libéral éliminera de vastes pans de la réglementation qui établit des normes de sécurité et de santé publique, sur l'environnement, sur le travail, sur le transport ou autres. Il veut aussi massivement privatiser les activités gouvernementales et donner en sous-traitance une grande quantité des emplois actuellement du secteur public.

Le 14 octobre, Charest publiait une lettre ouverte dans les plus importants journaux à travers le Québec qui définissait le processus par lequel son gouvernement entendait réduire la taille de l'État «qui s'ingérait beaucoup trop dans l'économie et dans la vie des entreprises». Après avoir expliquer que l'inventaire «de chacun des organismes gouvernementaux, chacune de leurs filiales, chacun des programmes qui en découlent» était complété, il continuait en expliquant que le gouvernement déterminerait si «ce programme (ou cet organisme) répond... toujours à une mission de l'État» et le cas échéant s'il peut être offert «autrement et à moindre coût». Il ajouta qu'il «saura déléguer à d'autres, aux municipalités, aux organismes communautaires ou aux entreprises privées, ce que d'autres peuvent faire mieux».

Le gouvernement libéral tente de démarquer leur «réingénierie» de la désastreuse «révolution du bon sens» du gouvernement conservateur ontarien récemment défait. La campagne idéologique des conservateurs pour privatiser et déréglementer l'État a précipité une série de crises de sécurité publique, la plus connue étant l'empoisonnement de l'eau à Walkerton. Selon la présidente du Conseil du Trésor, Monique Jérôme-Forget, le gouvernement Charest effectue un travail «d'architecte, pas de comptable».

Mais pourtant, le but de ce soi-disant travail d'architecte n'est autre que celui des conservateurs ontariens: l'augmentation des profits des grandes entreprises et l'enrichissement des riches et des ultrariches par la réduction des services sociaux publics et par le transfert des coûts de fonctionnement de l'État vers la classe ouvrière et la classe moyenne. En même temps qu'ils veulent restructurer le gouvernement, les libéraux planifient réduire les impôts d'un milliard de dollars à chacune des cinq prochaines années, pour un total de 15 milliards. Charest a promis de réaliser ces diminutions d'impôts même si cela devait jeter la province dans une crise fiscale. Déjà, 3 milliards manqueront au budget de 2004-5 selon les prévisions du gouvernement libéral actuel, avant même les diminutions d'impôts. Comme l'administration Bush aux États-Unis, les libéraux organisent une crise fiscale pour faire augmenter les pressions pour diminuer les dépenses sociales de façon draconienne.

Sans parler de la réduction des services, pour la classe ouvrière et la classe moyenne, les diminutions d'impôts seront loin de compenser pour l'augmentation des frais qui suivra inévitablement le sous-financement des programmes et des ministères.

Déjà, Charest a demandé à Hydro-Québec, le monopole d'État de l'électricité, Loto-Québec, le monopole d'État du jeu et à la SAQ, le monopole d'État de l'alcool d'aller lui chercher 380 millions de plus que les 3,5 milliards versés l'an dernier. En conséquence, Hydro-Québec veut hausser ses tarifs de 6 pour cent cette année et de 2 pour cent par année pendant cinq ans. Le gouvernement libéral a déjà raccourci la liste des médicaments couverts par l'assurance-médicaments publique, comprimé les subventions aux garderies de 39 millions de dollars et annoncé la fin des garderies à cinq dollars.

Le monde des affaires espère aussi que les privatisations, les partenariats public-privé et la sous-traitance généreront de juteux profits. Le gouvernement considère confier au privé la construction, l'entretien et la gestion de services et de l'infrastructure aujourd'hui publics: autoroutes, édifices gouvernementaux, hôpitaux , écoles, le transport en commun. Il entend aussi transférer au privé les buanderies et les cuisines des hôpitaux. Le président du Conseil du patronat, Gilles Taillon, parle de la création de 100.000 emplois, dont «60 pour cent serait de bonne qualité». Évidemment, le mot création est une grossière exagération puisque Taillon veut dire un transfert d'emplois du secteur public vers le secteur privé par lequel les entreprises pourront réaliser un profit en augmentant les cadences et en diminuant les salaires et les avantages sociaux.

Pour permettre ces remaniements dans le secteur public, le gouvernement Charest veut modifier l'article 45 du Code du travail. Bien que techniquement, cet article n'empêche pas la sous-traitance, dans les faits, celle-ci devient beaucoup moins intéressante pour les entrepreneurs parce que l'article 45 impose le transfert de l'accréditation syndicale et que les conditions de l'ancienne convention collective s'appliquent pendant une année chez le sous-traitant. De concert avec la révision de l'article 45, le gouvernement libéral devra éliminer les clauses qui offrent une certaine sécurité d'emploi aux 450.000 travailleurs du secteur public. Les contrats de pratiquement tous ces travailleurs est venu à échéance l'été passé.

Le type de changements que veut imposer Charest a un grand appui au sein du monde des affaires et de l'élite politique québécoise. Les deux principaux partis d'opposition, l'Action démocratique du Québec (ADQ) de Mario Dumont et le parti qui a formé le gouvernement de 1994 à 2003, le Parti québécois (PQ) de Bernard Landry, proposent leur propre version de réaménagement de l'État. Charest s'est même permis dans sa lettre ouverte de citer un document du PQ écrit en 1997 par le ministre Joseph Facal demandant la réduction des effectifs du secteur public.

Même si le précédent gouvernement péquiste a réussi, en bonne partie grâce à l'aide de la bureaucratie syndicale, à imposer des compressions de plusieurs milliards de dollars par année pour équilibrer le budget provincial, il existe un profond sentiment au sein des élites québécoises qu'elles prennent tragiquement du retard par rapport à l'Ontario, l'Alberta et encore plus par rapport aux États-Unis.

Néanmoins, les élites québécoises font montre d'une grande nervosité devant le démantèlement des services sociaux publics, craignant qu'il ne rencontre une opposition de masse. Alors que Charest ne cesse de déclarer qu'il a le mandat pour réaliser son programme de droite, en vérité il a été élu en faisant appel à la colère populaire face à l'état déplorable des systèmes publics de santé et d'éducation. De plus, les sondages démontrent déjà un faible niveau de satisfaction envers son gouvernement.

En particulier, les élites s'inquiètent de ce que Charest marginaliserait trop la bureaucratie syndicale. Les médias ont souligné que depuis son élection en avril dernier, Charest n'a rencontré le président de la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ), Henri Massé, que deux ou trois fois, et une seule fois la présidente de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), Claudette Carbonneau, malgré leurs tentatives répétées de le rencontrer.

Pendant près de dix années, du milieu des années 1960 au milieu des années 1970, le Québec a été secoué par le soulèvement d'une classe ouvrière radicalisée, un soulèvement que la bureaucratie syndicale a réussi à contenir dans le cadre étroit du syndicalisme et à subordonner politiquement au Parti québécois procapitaliste. En réponse, le gouvernement québécois a établi toute une série de structures tripartites, sur le modèle de ce que l'on trouve en Scandinavie et dans d'autres pays de l'Europe de l'Ouest et a consenti plusieurs privilèges à la bureaucratie syndicale, comme des crédits d'impôts spéciaux pour les fonds d'investissement syndicaux.

Certains secteurs de la classe dirigeante voient aujourd'hui ces structures comme un carcan coûteux dont il faut se débarrasser. D'autres sont plutôt en faveur d'un régime minceur, reconnaissant le rôle essentiel que la bureaucratie syndicale a joué pour garder la classe ouvrière sous contrôle, y compris lors de la dernière restructuration des activités gouvernementales menée par le précédent gouvernement des péquistes. Non seulement est-ce que les syndicats ont-ils endossé que le PQ fasse de l'élimination du déficit son principal objectif, mais ce sont les syndicats eux-mêmes qui ont proposé le programme de retraites anticipées qui a mené à l'élimination des dizaines de milliers d'emplois dans le secteur public.

Réagissant à la dénonciation des syndicats dans la lettre ouverte de Charest, qu'il accusait de «faire passer des intérêts corporatistes au-dessus des intérêts historiques du Québec et de tous les Québécois», un éditorialiste de La Presse demandait s'il était «vraiment nécessaire de braquer les grandes centrales après seulement six mois de pouvoir». Un autre quotidien de Montréal, The Gazette, demandait aux libéraux de baser leur restructuration de l'État sur les syndicats qui, supposément au nom de leurs membres, entrerait en concurrence avec le secteur privé pour obtenir des contrats de fourniture de services. «Un changement, écrit The Gazette, est urgent. Charest peut mieux le vendre en expliquant les bienfaits de la concurrence tout en s'assurant qu'il démonise pas les syndicats.»

La bureaucratie syndicale piaffe d'impatience de collaborer avec les libéraux. Le président de la FTQ, Henri Massé avait accueilli leur élection en avril dernier, déclarant que c'était un parti avec lequel les syndicats avaient travaillé dans le passé et avec lequel ils travailleront encore. En réplique à la lettre ouverte de Charest, Massé s'indignait que les syndicats y étaient décrits comme les défenseurs du statu quo. «Nous avons fait beaucoup plus que certains politiciens pour faire avancer la cause du Québec» a dit un Massé outré. Il continuait en disant que «Nous sommes prêts à accepter des changements, mais de bons changements.»

Les travailleurs doivent tirer les leçons d'un quart de siècle de reculs et de défaites. La bureaucratie syndicale au Québec comme ailleurs en Amérique du Nord a répondu à l'augmentation de l'assaut contre la classe ouvrière en s'intégrant plus profondément à l'État et à la grande entreprise. Fois après fois, elle a supprimé les luttes militantes qui défiaient le gouvernement québécois lorsque ce dernier a voulu démanteler l'État-providence, les plus importantes ayant été la grève des enseignants en 1983, la grève des enseignants et des travailleurs des hôpitaux en 1989 et la grève des infirmières en 1999. Tout mouvement d'opposition qui ne s'affranchira pas de la direction syndicale restera politiquement lié au parti de la grande entreprise qu'est le PQ. Il sera utilisé par la bureaucratie qui tentera de protéger ses privilèges en démontrant à l'élite dirigeante qu'elle est toujours utile pour limiter l'opposition de la classe ouvrière. Ce qu'il faut à la classe ouvrière, c'est une stratégie entièrement nouvelle, celle de lutter pour la mobilisation politique indépendante des travailleurs au Québec, au Canada et en Amérique du Nord. Ce mouvement devra être armé d'un programme socialiste pour restructurer radicalement toute la vie économique et sociale qui sera plutôt basée sur la satisfaction des besoins essentiels de la multitude que sur le profit de quelques-uns.


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