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Une fusion orchestrée par la grande entreprise

Les partis canadiens de droite s'uniront

Par Keith Jones
3 novembre 2003

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Le Parti progressiste-conservateur (PC) et l'Alliance canadienne (AC), les deux partis se proclamant de droite au Parlement canadien, ont conclu une entente de principe afin de former un nouveau parti, le Parti conservateur. Le fusionnement proposé est un mariage forcé qui a été négocié en secret par une petite cabale des dirigeants des deux partis en réponse à la pression très forte de l'élite corporative canadienne.

En un mot, la grande entreprise exige une opposition droitiste aux Libéraux, qui sera plus malléable, aura une plus grande base géographiquement parlant, en fin de compte, qui aura le potentiel de prendre le pouvoir afin d'intensifier la pression pour de nouvelles baisses d'impôts aux entreprises, pour la privatisation, pour la déréglementation, pour l'augmentation des dépenses militaires et pour une collaboration sur la sécurité et des liens économiques plus étroits avec les États-Unis.

Les grands médias, du libéral Toronto Star jusqu'au farouchement droitiste National Post ont louangé la fusion comme étant une bonne chose pour la «démocratie». Tout à fait dans l'esprit des politiques de droite de ces deux partis, la fusion ressemble par contre plus à une fusion d'entreprises qu'à un exercice de démocratie.

Les négociations sur les grandes orientations du parti, sur sa nouvelle constitution, et ne parlons pas des détails de son programme ont été reportées à après que la fusion soit approuvée. Probablement pour faire en sorte que le nouveau parti puisse nommer son chef qui sera au même moment son candidat au poste de premier ministre avant les prochaines élections qui auront très probablement lieu ce printemps, l'entente sur la fusion ne donne au deux partis que jusqu'au 12 décembre afin qu'ils approuvent chacun leur dissolution. Craignant que les membres de leur parti puissent hésiter à fusionner avec l'Alliance canadienne, l'exécutif national des progressistes-conservateurs a voté une résolution qui donne à tout le monde qui aura joint le parti avant la dernière semaine de novembre le droit de participer au vote pour la ratification de la fusion. À ce que l'on dit, les membres de l'Alliance canadienne sont en train de se joindre en masse aux progressistes-conservateurs afin d'assurer que la fusion obtienne au moins les deux tiers des votes requis par la constitution du Parti progressiste-conservateur.

Les détails des machinations qui ont résulté en une fusion commencent tout juste à être divulgués. Mais on sait déjà que quelques dirigeants des entreprises canadiennes les plus puissantes ont joué un rôle essentiel. Belinda Stronach, le PDG de Magna International, la plus grande compagnie de pièces d'autos du Canada, a persuadé le chef du PC Peter MacKay de commencer des négociations avec le chef de l'Alliance, Stephen Harper, en juin dernier, seulement quelques semaines après que MacKay ait promis par écrit à son parti qu'il n'engagerait pas de pourparlers de fusion avec l'Alliance. Peter Munck, le principal actionnaire de Barrick Gold, est intervenu lorsque la fusion est venue près de s'écrouler.

Une autre intervention importante est provenue de l'ancien premier ministre et chef du PC, Brian Mulroney. À l'intérieur des cercles du PC, on admet que sans la bénédiction de Mulroney, ni les négociations sur la fusion ni l'accord ultime n'auraient eu lieu. Premier ministre du Canada de 1984 à 1993, Mulroney est beaucoup plus qu'un homme d'État d'expérience. Mulroney, un haut gestionnaire de Quebecor et un dirigeant d'entreprise en vue, est un ami de la famille Bush et donne apparemment régulièrement ses conseils au président américain actuel sur les développements au Canada. Cette année, les critiques de Mulroney sur le gouvernement libéral sont devenues beaucoup plus insistantes, l'accusant de mettre en danger les relations canado-américaines en n'appuyant pas la guerre illégale des États-Unis sur l'Irak. Il a vivement conseillé au Canada de chercher un nouveau partenariat économique et des ententes sur la sécurité avec les États-Unis afin de l'intégrer plus intimement encore à la Forteresse Amérique.

Afin qu'il n'y ait pas de confusion sur la position des banques et des financières, le PC et l'Alliance canadienne se sont faits dire de façon directe que leurs dons provenant d'entreprises pourraient être coupés jusqu'à temps qu'ils trouvent le moyen de résoudre leurs différents et de s'unir.

Ironiquement, la nouvelle loi fédérale sur le financement des élections servira à augmenter l'influence de Bay Street, le Wall Street canadien. La loi C-24, qui entrera en vigueur le 1er janvier, réduira de façon draconienne les dons des entreprises aux partis politiques. Conséquemment, si les rivaux politiques de droite des Libéraux voulaient éliminer les dettes de leurs partis, qui se chiffreraient à environ 5 millions de dollars canadiens grâce aux largesses des compagnies et remplir leurs coffres pour la campagne électorale, alors ils ne pouvaient plus se permettre d'attendre. Selon un leveur de fonds anonyme du PC cité dans le Globe and Mail, «Tous les types de donneurs corporatifs qui nous ont dit de ne pas les appeler jusqu'à temps que nous nous unissions [avec l'Alliance] disent maintenant qu'ils veulent augmenter leurs dons.»

Au cours du 20e siècle, les progressistes-conservateurs ont servi de parti alternatif à la bourgeoisie canadienne. (L'appui au PC a été plus faible que celle que s'est attiré le Parti libéral à cause de son association avec l'Empire britannique et le chauvinisme anglophone et à cause de son association trop directe avec Bay Street. Mais, le PC a vécu une défaite cuisante lors des élections de 1993, gagnant seulement deux sièges parlementaires après deux mandats au pouvoir. Pendant ces deux mandats, il avait entrepris le démantèlement général de l'État-providence et avaient effectué un virage fondamental dans la stratégie de l'élite dirigeante, en négociant un accord de libre-échange avec les États-Unis. Depuis ce temps, le PC n'a pas fait mieux qu'un statut de quatrième place à la Chambre des communes, trouvant la plus grande part de son soutien dans les petites provinces de l'Atlantique. Lors des élections fédérales de 2000, le PC a presque perdu son statut de parti officiel au Parlement, ne gagnant que le minimum requis de 12 sièges et ne recevant que 12,5 pour cent du vote populaire.

L'Alliance canadienne, qui a été fondée en 1999, ainsi que son précurseur le Parti réformiste ont servi d'outils précieux pour la grande entreprise en poussant la politique vers la droite. Fois après fois pendant la dernière décennie, le gouvernement libéral Chrétien a adopté des politiques des alliancistes et des réformistes, soit en faisant de l'élimination du déficit budgétaire l'axe de toutes les politiques gouvernementales, soit en instituant des coupures d'impôts massives pour les gens aisés, soit en menaçant le Québec de partition advenant une séparation ou soit en limitant les droits des réfugiés.

Mais la grande entreprise, particulièrement celle du centre du Canada, se méfiait du Parti réformiste à cause de son populisme de droite, incluant ses cinglants appels anti-Québec et anti-immigrés, l'importance qu'il donnait à l'abolition de l'avortement et à attaquer les gais et ses demandes pour que la fédération canadienne soit restructurée afin de donner plus de pouvoir à l'Ouest canadien.

Dans le but de gagner l'appui de Bay Street, le chef et le fondateur du Parti réformiste Preston Manning remodela ce parti en l'Alliance canadienne et lui donna un nouveau programme qui se concentrait sur la promotion de l'agenda socioéconomique de droite de la grande entreprise. Mais, Manning a par la suite perdu la tête du parti au profit de Stockwell Day, un fondamentaliste chrétien convaincu et un poids plume politique. Lors des élections de 2000, les libéraux l'ont utilisé comme un repoussoir de droite, se présentant comme les champions des soins de santé publics et de la tolérance. Au même moment, ils réussirent à obtenir l'appui de la grande entreprise en annonçant des baisses d'impôts de cent milliards. Au grand désarroi de Conrad Black et des sections les plus rapaces de la bourgeoisie canadienne, l'Alliance canadienne n'a pas fait mieux que le Parti réformiste, en ne gagnant que deux des 60 sièges hors des quatre provinces de l'Ouest.

Trois ans plus tard, la grande entreprise a forcé le PC et l'Alliance à s'unir afin d'intensifier les attaques contre la position sociale de la classe ouvrière. En ce sens, il est important de réfuter les affirmations de certains journalistes selon lesquels le nouveau Parti conservateur ne serait plus ou moins que le PC d'avant 1993. En fait, la nouvelle formation politique sera beaucoup plus à droite que le PC, tout comme le gouvernement Chrétien qui a été, à part dans sa rhétorique, beaucoup plus rétrograde socialement que son prédécesseur, le gouvernement Mulroney de 1984 à 1993.

Tous ceux qui sont considérés comme des candidats à la chefferie du nouveau parti, comme l'ancien premier ministre de l'Ontario Mike Harris, sont des idéologues néoconservateurs qui proviennent soit de l'Alliance ou de l'aile droite du PC. Comme l'a dit Allan Gregg, un sondeur qui travaille depuis longtemps avec Mulroney, « Les modérés ont donné le pouvoir à ceux qu'ils considéraient autrefois comme leurs subordonnés et comme de dangereux idéologues. »


 

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