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Face aux plans de démolition sociale du gouvernement Charest:

Construisons un parti politique indépendant des travailleurs

Déclaration du Parti de l'égalité socialiste
29 novembre 2003

Le gouvernement libéral du Québec a entrepris depuis son élection en avril dernier un vaste programme de réorganisation de l'état québécois qui vise rien de moins qu'à ramener la politique sociale de la province un demi-siècle en arrière.

Ce programme est centré sur des coupures massives de taxes au profit des plus riches, le démantèlement et la privatisation de pans entiers des programmes sociaux, l'élimination des normes de protection en matière de santé-sécurité et d'environnement, la destruction des conditions de travail au nom de la «flexibilité», et la levée de toute restriction sérieuse au recours à la sous-traitance.

Si le gouvernement Charest réussit à faire passer ce programme sans précédent de régression sociale, le Québec se verrait plongé dans un état de domination absolue des lois du marché, menant à une accumulation frénétique des richesses au haut de la pyramide sociale, au prix d'une détérioration inimaginable des conditions de vie des travailleurs et de larges couches des classes moyennes.

Une question se pose avec acuité: comment empêcher ce scénario cauchemardesque de devenir une réalité politique?

Le Parti de l'égalité socialiste et le World Socialist Web Site lancent cet avertissement aux travailleurs: la défaite du gouvernement Charest et de la politique anti-sociale qu'il incarne au Québec ne s'obtiendra pas en alignant protestations et manifestations, aussi vocales soient-elles, sous la direction d'une bureaucratie syndicale dont l' «opposition» aux plans gouvernementaux a un caractère tout à fait démagogique.

Les travailleurs québécois ont mené, au cours des 20 dernières années, des luttes importantes contre les assauts répétés de la grande entreprise sur leur niveau de vie. Chacune de ces luttes a été isolée et sabotée par les chefs syndicaux au nom de la défense de la «paix sociale», c'est-à-dire de l'ordre existant. Identifiant de plus en plus le maintien de leurs nombreux privilèges à une intégration croissante à l'appareil patronal, ils ont présidé à la transformation des syndicats en véritables appendices des conseils d'administration.

Ce processus a atteint un nouveau palier à la fin des années 90 lorsque les centrales syndicales du Québec ont officiellement endossé l'objectif du «déficit zéro» du gouvernement péquiste, qui a servi de fer de lance idéologique à des coupures drastiques dans les dépenses sociales. Cela a mené en 1999 à une révolte des infirmières du Québec qui ont défié les lois anti-ouvrières et sont sorties en grève pour la défense du système de santé. La réponse de la haute direction syndicale fut d'ignorer l'immense vague de soutien et d'espoir populaires soulevée par la courageuse action des infirmières et de voler plutôt au secours d'un Bouchard politiquement isolé et affaibli en torpillant la grève.

Les Claudette Charbonneau, Henri Massé et cie ne voient nullement l'actuel gouvernement Charest comme un ennemi irréconciliable de la classe ouvrière mais comme un partenaire de négociation. Une manifestation n'est pas à leurs yeux le début d'une contre-offensive politique des travailleurs. C'est plutôt un moyen de laisser les membres de la base se défouler pour faire baisser la pression dans leurs propres rangs. Et surtout, c'est un signal lancé à la classe dirigeante qu'en voulant se passer de leurs services - et leur enlever les privilèges non négligeables qui y sont associés - il risque de perdre un appareil vital de contrôle des travailleurs, qui a toujours veillé à ce que leurs luttes ne dépassent jamais les limites de l'ordre établi.

Le caractère fondamental et historiquement sans précédent de l'assaut lancé par le gouvernement Charest sur l'ensemble des acquis sociaux de la classe ouvrière appelle une réponse politique d'une profondeur historique comparable.

Les travailleurs sont confrontés à l'urgente nécessité de rompre consciemment avec le point de vue syndicaliste et réformiste qui a guidé jusqu'à présent leurs luttes. S'il reflétait lors des luttes militantes des années 60 et 70 des illusions dans la possibilité d' «humaniser» le capitalisme par la pression de la rue ou des réformes parlementaires - illusions générées par le boum économique d'après-guerre et les conditions particulières de l'époque -, ce point de vue constitue aujourd'hui, alors que le capitalisme agonisant menace d'entraîner l'humanité dans une catastrophe, un véritable boulet politique au cou de la classe ouvrière.

Les travailleurs québécois doivent se tourner vers une autre perspective, celle de la lutte consciente pour le pouvoir politique afin de mettre les richesses créées par leur labeur collectif au service de la communauté en son ensemble. Cela requiert la construction de leur propre parti politique, basé sur l'unité avec leurs frères de classe du reste du Canada, des États-Unis et d'ailleurs dans le monde, et voué à la poursuite de l'égalité sociale en tant qu'élément central de la lutte pour le socialisme.

Une crise structurelle et internationale

Le gouvernement Charest prétend jouir d'un mandat populaire pour la mise en application de ses plans de démolition sociale. En réalité, son parti a exploité durant la dernière campagne électorale la révulsion de l'électorat pour la privatisation à outrance en se faisant passer pour un opposant de celui qui incarnait le plus ouvertement ce genre de politique, l'adéquiste Mario Dumont. Le fait que Charest, à peine élu premier ministre du Québec, ait entrepris d'imposer le programme ultra-droitiste de l'ADQ relève toutefois beaucoup plus que de l'hypocrisie politique.

C'est avant tout l'expression sur la scène politique québécoise d'un phénomène international: un rapide déplacement à droite de tout l'axe de la politique officielle, déplacement généré par la crise historique qui secoue le capitalisme mondial et qui se caractérise par la montée vertigineuse des inégalités sociales, du militarisme et de l'autoritarisme, posant une menace mortelle aux conditions de vie et aux droits démocratiques des populations.

L'évolution politique récente du Canada en est un exemple frappant. Trois des provinces les plus importantes du pays ont été, ou sont, dirigées par les gouvernements les plus réactionnaires depuis la Grande dépression des années 30: les conservateurs de Mike Harris en Ontario, les libéraux de Gordon Campbell en Colombie-britannique, et Jean Charest au Québec. Dans le cas de ce dernier, il faut noter que la politique anti-sociale dont il s'est fait le champion n'est qu'une intensification des attaques similaires lancées par le gouvernement péquiste précédent.

Sur la scène nationale, les libéraux ont réalisé sous la gouverne de Jean Chrétien une transformation fondamentale de l'état fédéral, dont le rôle d' «aplanisseur» des inégalités sociales et régionales a été sérieusement érodé. Le nouveau chef libéral et premier ministre désigné du Canada n'est autre que Paul Martin qui, en tant que ministre des Finances de Chrétien, a piloté la baisse massive du taux d'imposition des revenus les plus élevés qui a été menée parallèlement à des coupures de plusieurs milliards dans les paiements de transfert aux provinces servant à financer la santé, l'éducation et l'aide sociale.

Une évolution similaire a pris place à l'échelle internationale. En Europe, l'état-providence n'est plus qu'un souvenir du passé après plus de 20 ans de coupes budgétaires menées tant par la droite que par la social-démocratie, processus qui va s'intensifier cette année avec le lancement par la France et l'Allemagne d'un assaut frontal sur les régimes de retraites, le système de santé et la sécurité sociale.

Aux États-Unis, l'administration Bush a engagé un vaste transfert des richesses dans les poches des plus riches au moyen d'une baisse massive de l'impôt sur le revenu et sur les gains en capital, creusant un trou de plus de 400 milliards dans les finances fédérales, et créant par la même occasion un puissant incitatif pour des coupes aveugles dans les programmes sociaux américains déjà nettement insuffisants.

En s'opposant aux plans de Charest, les travailleurs doivent prendre clairement conscience de la nature de la lutte qui les attend: c'est un défi, non pas à la politique d'un gouvernement en particulier, mais à la stratégie de classe de toute l'élite dirigeante canadienne et internationale. C'est donc fondamentalement une lutte politique. Au principe du tout-marché, mis de l'avant par la classe dominante dans ses efforts constants pour soumettre encore plus la société à la poursuite de ses profits individuels, les travailleurs doivent être prêts à opposer une alternative progressiste: une société de type supérieur, où les immenses ressources rendues disponibles par la technologie moderne seraient mises au service de tous.

Rompre avec le nationalisme québécois

Le principal obstacle que devront surmonter les travailleurs dans la lutte contre le gouvernement Charest n'est pas la force intrinsèque de ce dernier, dont les plans sont en fait très impopulaires, mais la confusion générée par la longue domination idéologique du mouvement ouvrier par le nationalisme québécois, qui s'est traduite sur le plan politique par sa subordination au parti de la grande entreprise qu'est le Parti Québécois.

La responsabilité en incombe avant tout à la bureaucratie syndicale qui s'est faite le relais, au sein du mouvement ouvrier, des thèses nationalistes qu'on peut résumer ainsi: l'évolution de la société québécoise n'est pas façonnée par les profondes divisions de classe qui la traversent mais par l'existence du «fait français» en Amérique du Nord; l'état québécois étant une force essentiellement progressiste, les travailleurs québécois doivent oublier leurs différences de classe avec l'élite dirigeante et se joindre à elle pour exiger un transfert des pouvoirs du fédéral vers le provincial; et l'objectif ultime de leurs luttes politiques et sociales doit être l'établissement d'un état capitaliste indépendant au Québec.

Il est grand temps pour les travailleurs québécois de tracer un bilan de leur amère expérience avec le nationalisme.

Dans les années 70, il servit à neutraliser les luttes militantes qui avaient mis à l'ordre du jour la question du pouvoir politique et à les détourner derrière le Parti Québécois de René Lévesque, un défenseur endurci de l'ordre capitaliste. Les timides réformes de son premier gouvernement cédèrent vite le pas à la politique d'austérité exigée par la classe dirigeante, ce qui lui valut la haine de la classe ouvrière et mena en 1985 à l'expulsion du PQ hors du pouvoir.

Il a fallu une bonne dizaine d'années au PQ pour réapparaître sur la scène politique. Il doit sa réhabilitation en grande mesure à la bureaucratie syndicale qui a, lors du conflit constitutionnel du Lac Meech de la fin des années 80, pleinement participé à la campagne de l'establishment québécois pour attiser les sentiments nationalistes dans le but d'augmenter les pouvoirs de l'élite québécoise face à ses rivales au sein de la fédération canadienne.

Lorsque le PQ reprit le pouvoir en 1994, les chefs syndicaux agirent essentiellement comme partie intégrante du gouvernement. Ils prirent part à deux sommets socio-économiques aux côtés de représentants gouvernementaux et patronaux réunis pour préparer un assaut majeur sur le niveau de vie des travailleurs. Même plus, ce sont les centrales syndicales qui ont proposé au gouvernement Bouchard de piger dans les fonds de retraite des travailleurs du secteur public pour financer des milliers de départs à la retraite dans les secteurs de la santé et de l'éducation, menant aux conditions chaotiques qui s'y vivent aujourd'hui tant pour les travailleurs restants que pour la population.

La classe ouvrière a payé cher la domination de ses luttes par le nationalisme québécois. Mais les immenses changements économiques ayant pris place depuis l'élection du premier gouvernement péquiste en 1976, et qui ont atteint aujourd'hui leur point culminant avec une intégration globale sans précédent de tous les aspects de la production, ont aussi créé les conditions objectives pour un règlement de comptes définitif avec la perspective dépassée et historiquement réactionnaire du nationalisme. C'est le système même des états-nations, structure politique fondamentale du capitalisme, qui constitue aujourd'hui un frein absolu au développement planifié et harmonieux de l'économie mondiale.

La seule perspective viable qui puisse guider une lutte sérieuse contre la menace représentée par les plans du gouvernement Charest, c'est celle de l'unité internationale des travailleurs dans la lutte commune pour le socialisme et l'égalité sociale. C'est la perspective défendue par le PES et élaborée quotidiennement dans les pages du WSWS. Nous appelons tous ceux qui sont révoltés par les plans de démolition sociale du gouvernement Charest à devenir des lecteurs réguliers du WSWS et à prendre une part active à son développement, comme outil principal pour la construction du parti politique indépendant des travailleurs qui représente la grande tâche de l'heure.


 

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