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Le vote de l'ONU sur l'Irak: Paris, Berlin, et Moscou se prosternent devant Bush

Par Chris Marsden
18 octobre 2003

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Le vote unanime du Conseil de sécurité de l'ONU jeudi en faveur de la résolution 1511 préparée par les Etats-Unis représente une capitulation politique grotesque par les puissances européennes, la Russie, et la Chine face à la pression soutenue de Washington. Le soutien apporté par la Syrie souligne l'impuissance de la bourgeoisie arabe face à la poussée militaire des Etats-Unis visant à assurer leur hégémonie au Moyen-Orient.

Il n'y a aucun doute que chacun des 15 votes en faveur d'une occupation évidemment illégale, portant directement atteinte à la charte de l'ONU, est dû à un calcul d'intérêt géopolitique du gouvernement concerné. Dans chaque cas, on considérait le soutien prêté à la guerre criminelle de Washington comme un moyen de s'attirer des bénéfices - aides, préférences commerciales, etc. - ou d'éviter des punitions - des sanctions économiques ou une agression militaire ouverte.

Washington avait décidé le 15 octobre de retarder le vote du Conseil de sécurité pour donner le temps au premier ministre russe Vladimir Poutine de convaincre la France et l'Allemagne d'accepter le texte. Il n'a rien fallu de plus qu'un appel vidéo de 45 minutes au chancelier allemand Gerhard Schröder et au président français Jacques Chirac, réunis à un sommet de l'Union Européenne (UE) en Belgique, ce qui montre que leurs objections précédentes à la guerre et l'occupation de l'Irak menées par les Etats-Unis n'étaient pas une question de principes.

Les amendements déposés par tous les trois se concentrent sur les tentatives de remplacer la subjugation coloniale directe de l'Irak par des forces d'occupation dirigées par les Etats-Unis par une force onusienne et, finalement, un régime fantoche irakien. La Russie, la France, et l'Allemagne ont essayé par cette manoeuvre diplomatique de s'assurer plus d'accès aux ressources pétrolières de l'Irak en réduisant le monopole de Washington, tout en essayant d'affaiblir la vague montante d'opposition envers la guerre et l'occupation en Irak, au Moyen-Orient, et aussi en Europe.

Poutine, Schröder, et Chirac sont inquiets de la détérioration suivie de la situation en Irak, exprimée par les attaques journalières sur les forces d'occupation américaines, britanniques, et autres et par la colère qui existe à travers le monde arabe. L'ambassadeur russe Sergei Lavrov a déclaré que l'avenir de l'Irak était une question de sécurité nationale. «Si nous ne trouvons pas une méthode universellement acceptable de rétablir l'Irak, la région en souffrira», a-t-il dit. «La stabilité internationale en souffrira. Nous intérêts de sécurité en souffriront».

Schröder et Chirac en particulier dirigent des gouvernements qui ont échappé à la colère des manifestations massives anti-guerre de février 2003 que parce qu'ils n'ont pas, comme Tony Blair en Grande Bretagne et José Maria Aznar en Espagne, totalement soutenu Washington. Participer à l'occupation américaine les enliserait dans la catastrophe irakienne tout en les plaçant dans la ligne de mire politique chez eux.

Même avec cela, aucune des puissances européennes n'acceptera une rupture ouverte avec Washington, d'abord par peur de subir la colère de l'administration Bush et ensuite puisqu'ils ne veulent pas faire renaître l'opposition politique à la guerre, avec tout ce que ceci entraîne pour la stabilité de leurs propres gouvernements. Ils ont donc accepté de voter la résolution américaine après que l'on ait effectué quelques changements cosmétiques - tout en refusant les demandes des Etats-Unis pour des soldats et plus de fonds pour la reconstruction de l'Irak.

La résolution préserve le rôle dominant pour les Etats-Unis en confirmant que l'Autorité provisoire de la coalition restera l'autorité suprême en Irak et en déclarant que le Conseil de gouvernement de l'Irak, choisi par les occupants américains, «sont les principaux organes de l'administration provisoire irakienne». La résolution promet un rôle renforcé à l'ONU - mais seulement selon ce que les circonstances, surtout la sécurité, permettent de faire. La résolution «invite» également le Conseil de gouvernement de l'Irak collaborationniste à présenter avant le 15 décembre un horaire pour la composition d'une nouvelle constitution et pour des élections. Cependant, ceci aussi dépend des «circonstances».

Certains commentateurs ont remarqué que la résolution onusienne est une victoire diplomatique pour Washington, mais ont souligné son caractère plutôt symbolique. Ceci est certainement vrai dans le sens qu'elle n'aidera pas les Etats-Unis en fournissant des troupes supplémentaires et des fonds pour financer son occupation.

Cependant, on ne devrait pas sous-estimer l'impact de la décision de Berlin, de Paris, et de Moscou. Jusqu'ici les Etats-Unis ont officiellement prévu 20 milliards pour la reconstruction de l'Irak - contre 1.5 milliards pour le Japon, 919 millions pour la Grande-Bretagne, et 232 millions pour le reste de l'UE. Les responsables américains ont laissé comprendre qu'ils comptent utiliser ce vote pour faire davantage pression pour recevoir plus de fonds des 75 pays réunis à la conférence de donateurs à Madrid, les 23 et 24 octobre. Les alliés américains, tels John Howard de l'Australie et Junichiro Koizumi du Japon, ont insisté que la France et l'Allemagne devraient faire plus de dons. Le ministre des Affaires étrangères italien, Franco Frattini, a dit: «Je m'attendrais à plus de générosité et de bonne volonté que ce à quoi je me serais attendu avant que l'on adopte la résolution».

Plus largement, la résolution donne plus de légitimité politique à une administration Bush chancelante, à un moment où l'opposition à la guerre et à ses suites grandit aux Etats-Unis et où la cote politique de Bush est au plus bas depuis le début de sa présidence. Un sondage publié cette semaine indiquait que la popularité de Bush est tombée à 53 pour cent en août par rapport à 58 pour cent le mois précédent, et que 57 pour cent des sondés veulent que Bush fasse plus attention à l'économie et moins à la guerre contre le terrorisme. Pour comparaison, la popularité de Bush était à 74 pour cent pendant l'invasion de l'Irak et à 86 pour cent immédiatement après le 11 septembre 2001. Quelles que soient les réserves qu'elles ont faites, l'Allemagne, la France, et la Russie ont quand même approuvé l'occupation américaine de l'Irak en y engageant le vote de l'ONU.

Le soutien de la Syrie pour la résolution est la réponse du régime à Damas à des menaces ouvertes d'agression militaire américaine. L'administration Bush a accusé Damas d'aider de prétendues activités terroristes en Irak comme dans les Territoires occupés et d'essayer de développer des armes de destruction massive. Bush a exprimé son soutien pour un raid aérien israélien contre un camp de réfugiés palestiniens près de Damas, et le jour avant la réunion de l'ONU, la Chambre américaine a voté 398-4 pour sanctionner la Syrie pour de prétendus liens à des groupes terroristes et de prétendus efforts d'obtenir des armes nucléaires, biologiques, et chimiques.

La Loi pour la responsabilité de la Syrie et sur la souveraineté du Liban demande aussi à la Syrie de mettre fin à son «occupation» du Liban. Elle donne aussi à la Maison blanche une série de choix possibles pour sanctionner la Syrie, créant ainsi un climat où l'on peut préparer une action militaire directe, soit américaine, soit israélienne. Entre-temps, des responsables américains ont fait circuler des rapports sur le déploiement israélien de sous-marins armés de missiles nucléaires, clairement une menace d'anéantir la Syrie si jamais elle répondait aux provocations militaires israéliennes.

Quelques heures avant le vote à l'ONU, le président syrien Bashar Assad disait à l'Organisation de la Conférence islamique en Malaisie: «Le monde a découvert que la guerre de "libération" de l'Irak a libéré le citoyen irakien de l'État, des institutions, de souveraineté, de dignité, de nourriture, d'eau, et d'électricité. ... Le citoyen irakien est "libéré" du don de la vie et tout le monde, sans exception, a découvert que les excuses qui ont amené la guerre manquent de crédibilité».

Malgré cette rhétorique nationaliste, la Syrie - comme tous les régimes arabes - n'a aucune intention de confronter Washington. Damas espère, on suppose sans trop y croire, échapper au sort de l'Irak en avalant les menaces américaines.

Un facteur dans les calculs des européens est l'espoir que le soutien de l'ONU aidera le secrétaire d'Etat Colin Powell contre les prétendus «faucons» du Pentagone, dirigés par le vice-président Dick Cheney et le secrétaire à la défense Donald Rumsfeld. Blair a insisté devant ses homologues européens que l'engagement avec Washington est le seul moyen d'empêcher des éléments unilatéralistes au Pentagone d'avancer une politique extérieure encore plus agressive.

Que Rumsfeld perde ou non de l'influence dans l'administration Bush, la lâcheté de la bourgeoisie européenne ne fera qu'encourager les ambitions militaristes de Washington. Ses menaces contre la Syrie, l'Iran et la Corée du Nord - le prétendu «axe du mal» de Bush - deviendront encore plus stridentes et même les grandes puissances ne seront pas à l'abri des menaces américaines.

Parlant en Californie le jour du vote au Conseil de sécurité, Bush a répété sa doctrine de «guerre préventive», se donnant le droit de lancer une agression militaire sans provocation contre n'importe quel pays considéré comme une menace par Washington. «L'Amérique suit une nouvelle stratégie», a dit Bush. «Nous n'attendons plus des attaques supplémentaires. Nous frappons nos ennemis avant qu'ils ne puissent nous frapper». Il a fait cette remarque la veille d'un voyage en Asie, tout en partageant une tribune avec le futur gouverneur de la Californie, Arnold Schwarzenegger. Le New York Times a remarqué dans son reportage que les «films 'Terminator' [de Schwarzenegger] ont fini par définir une idée mondiale des Etats-Unis plus imagée que la plupart des déclarations politiques de la Maison Blanche». Dans ce cas-ci, l'image et la politique s'harmonisaient très bien.

Aussi le même jour que le vote à l'ONU, l'ambassadeur américain à l'OTAN, Nicholas Burns, a organisé une réunion extraordinaire de l'alliance militaire transatlantique pour mettre en question la création d'une nouvelle politique sécuritaire et militaire pour l'UE. Celle-ci se réunissait alors pour discuter une plus grande collaboration militaire dans le contexte de ses efforts de se doter d'une nouvelle constitution.

Burns a attaqué de tels projets, qui constituent selon lui «un des plus grands dangers pour les relations transatlantiques». Le soutien de Blair pour l'initiative militaire européenne et sa collaboration avec la France et l'Allemagne ont fâché Washington ; on parle à présent de la menace d'un désaccord grandissant. L'administration Bush n'acceptera évidemment pas les tentatives du gouvernement britannique d'être un «pont» avec l'Europe, si Blair oublie pendant un instant qu'il est avant tout le vassal de Washington.

La dernière débâcle au Conseil de Sécurité est une réfutation écrasante de ceux qui considéraient les puissances européennes et l'ONU comme un contrepoids ou un obstacle à l'agression militaire américaine. L'ONU s'est de nouveau révélé comme un outil utile des puissances impérialistes, et des Etats-Unis en particulier.

On ne peut développer l'opposition à la guerre et au colonialisme qu'en conflit avec les gouvernements à Washington, Londres, Paris, Berlin, et Moscou, non pas allié avec certains d'entre eux contres d'autres. Ceci nécessite la création d'un mouvement international des travailleurs basé sur un programme qui oppose le système économique et social qui a donné lieu à la guerre ­ le capitalisme ­ et la création d'un nouvel ordre social qui place les besoins essentiels des masses populaires ­ l'emploi, de bons salaires, le logement, le traitement médical, et l'éducation ­ au centre de la vie économique.

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