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Élections canadiennes: le Bloc québécois joue la carte nationaliste pour camoufler son programme de droite

par Guy Charron
23 juin 2004

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Le caractère frauduleux de ces élections canadiennes 2004 - où les partis de l'establishment s'accusent l'un l'autre d'avoir un agenda caché alors qu'ils se préparent tous dans le dos de la population à intensifier l'assaut de la grande entreprise sur la position sociale des travailleurs - n'a pas épargné le Québec. Le parti qui y mène dans les sondages, le Bloc québécois (BQ), est un parti indépendantiste de droite, qui exprime clairement les intérêts d'une couche importante de l'élite francophone de la province. Ces couches considère qu'une réorganisation du système des États-nations en Amérique du Nord serait à l'avantage de la bourgeoisie québécoise. Mais dans une campagne assidue, menée de concert avec les médias officiels et la bureaucratie syndicale, le BQ cherche à se faire passer pour un parti «progressiste» qui représente «tous les Québécois».

La montée du Bloc dans les sondages au Québec, la seule province d'ailleurs où il présente des candidats, est loin d'être due à l'enthousiasme populaire. Au début de l'année, les maisons de sondage donnaient le BQ pour presque mort et les libéraux fédéraux voguaient vers une majorité de sièges au Parlement fédéral, y compris ceux réservés au Québec. Mais l'appui pour les libéraux s'est effondré en quelques semaines seulement. C'est en partie à cause d'une affaire de corruption, le scandale des commandites, où Ottawa a offert des centaines de millions de dollars à des agences publicitaires proches des libéraux en échange de peu ou pas de travail dans le cadre d'un programme qui devait redorée l'image du gouvernement fédéral au Québec après que les séparatistes aient presque gagné le référendum sur l'indépendance du Québec en 1995.

Mais d'un point de vue plus fondamental, ce sont les années de détérioration des services publics, d'augmentation de l'insécurité économique et d'érosion des conditions de vie générales des larges masses qui sont à la base de la désaffection populaire envers le Parti libéral. Grâce à l'appui des syndicats, le Bloc québécois a pu profité politiquement de l'opposition populaire massive aux plans de « réingénierie de l'État» du gouvernement libéral provincial, c'est-à-dire, aux plans gouvernement pour favoriser la grande entreprise en déréglementant, en privatisant et levant les contraintes sur la sous-traitance.

Le slogan central du BQ, Un parti propre au Québec, qui joue sur deux sens du mot «propre», concentre dans une brève formule l'axe de la campagne électorale du BQ. D'un côté, le BQ se limite à de vagues déclarations nationalistes du type «nous défendons les intérêts du Québec»; et de l'autre, pour détourner l'attention de son propre programme, il montre du doigt la corruption des libéraux. Le scandale des commandites a atteint son paroxysme quelques semaines après qu'une vague de manifestations massives et largement spontanées contre le gouvernement libéral de Charest menaçait de se transformer en grève générale.

En disant «défendre les intérêts du Québec», le chef du Bloc, l'ex-syndicaliste et l'ex-maoïste Gilles Duceppe, aimerait faire oublier qu'il y a deux Québec : celui des élites, qui veulent soumettre l'ensemble de la société à leur course aux profits; et celui des masses, qui ont pris la rue par centaines de milliers pour protester contre la guerre en Irak et, plus récemment, contre le programme de droite du gouvernement libéral provincial de Jean Charest.

Duceppe cherche à perpétuer le mythe que «les Québécois» ont des intérêts communs qui transcendent leurs profondes disparités de statut socio-économique et que les travailleurs au Québec ont plus en commun avec les Péladeau, les Lamarre et les autres capitalistes québécois qu'avec les travailleurs au Canada anglais. Mais les rudes faits de la réalité contemporaine - une économie de plus en plus mondialement intégrée d'une part, un assaut coordonné des compagnies transnationales sur le niveau de vie des travailleurs de tous les pays d'autre part - démontrent tous les jours que les véritables différences dans la société sont des différences de classe et non de langue, de race ou d'origine ethnique.

Le BQ n'aspire pas au pouvoir car il ne se présente qu'au Québec, qui compte 75 des 308 sièges du Parlement canadien. Il peut en conséquence se payer le luxe de promettre à l'occasion certaines réformes sociales, tout en faisant attention à ne rien proposer qui ne menace les intérêts de la grande entreprise. Le caractère «progressiste» du BQ est un mythe véhiculé en grande partie par les milieux proches des bureaucraties syndicales.

Le BQ a été fondé par des politiciens conservateurs et libéraux sous la direction de Lucien Bouchard, le lieutenant québécois du premier ministre conservateur Brian Mulroney. Aujourd'hui, au contraire du PQ, plus ancien et plus important politiquement, le BQ a un certain nombre d'anciens syndicalistes à sa tête comme Francine Lalonde et Pierre Paquette en plus du chef Gilles Duceppe.

Que le BQ puisse se considérer «progressiste» indique combien à droite est aujourd'hui la politique officielle de la bourgeoisie. Le BQ appuie les diminutions d'impôts qui profitent aux riches, les lois anti-démocratiques votées au nom de la lutte au terrorisme et le protectionnisme économique. Il a adapté la rhétorique de la loi et l'ordre. Rivalisant avec le gouvernement canadien pour les faveurs de Washington, le BQ a salué la participation du Canada à la guerre au Kosovo, et plus tard en Afghanistan. Aujourd'hui, le BQ est complice des tortionnaires américains auxquels l'armée canadienne remet les prisonniers qu'elle fait en Afghanistan. Les bloquistes appuient la guerre en Irak, sous réserve qu'on couvre l'entreprise colonialiste de la feuille de vigne onusienne.

Totalement indifférent au sort des travailleurs anglophones du Canada, le BQ voit d'un bon oeil la possibilité d'un gouvernement minoritaire conservateur à qui il offrirait son appui en échange de concessions à l'élite québécoise, notamment une plus grande décentralisation des pouvoirs en faveur des provinces - moyen envisagé par le chef conservateur Stephen Harper pour démolir ce qui reste des programmes sociaux canadiens.

D'autres sections des souverainistes pensent que l'arrivée des conservateurs au pouvoir les aidera à réunir les «conditions gagnantes» d'un référendum sur la séparation du Québec. Le Parti conservateur est composé d'une bonne part de chauvins anglophones et de conservateurs sociaux protestants et a très d'appui au Québec. Selon toute probabilité, il n'y aura aucun candidat conservateur élu au Québec. Ainsi, il serait «évident à tous que le Canada a une personnalité complètement différente du Québec et que celles-ci sont irréconciliables», peut-on lire dans la dernière parution du journal indépendantiste, Le Québécois. Il faut rappeler que lors du référendum de 1995, l'argument avancé par ces mêmes forces pour justifier une séparation du Québec d'avec le Canada était que le nouveau pays «serait un rempart contre le vent de droite qui souffle sur l'Amérique du Nord». Ce qui n'a pas empêché qu'aussitôt le référendum passé, le gouvernement péquiste , comme les autres gouvernements de droite à travers l'Amérique du Nord, a déclaré qu'il fallait couper dans les services sociaux publics pour équilibrer le budget.

La véritable nature de classe du BQ ressort clairement si l'on trace un bilan du Parti québécois, le parti frère du BQ. Le PQ est le parti indépendantiste provincial qui, de 1994 à 2003, a formé le gouvernement le plus à droite depuis le début des années 1960. Bien qu'ils ne portent pas le même nom, ni qu'ils soient formellement liés, le BQ est beaucoup plus près du Parti québécois, que ne l'est, par exemple, le Parti libéral du Canada (PLC) du Parti libéral du Québec (PLQ).

Les deux partis ne partagent pas que leur option constitutionnelle. Ils ont pratiquement les mêmes leaders politiques et organisations électorales. Ils ont eu le même dirigeant, l'ancien ministre du gouvernement conservateur de Mulroney, Lucien Bouchard. Le Bloc québécois a donné son appui inconditionnel à la politique du déficit zéro mise de l'avant par le gouvernement péquiste sous Bouchard pour justifier des coupures drastiques dans les programmes sociaux. Les fortunes électorales de l'un se reflètent immanquablement sur celle de l'autre. Une des caractéristiques les plus essentielles de ces deux partis, c'est qu'ils ne seraient rien sans l'appui de leur plus important pilier, la bureaucratie syndicale québécoise.

Le PQ a perdu les élections provinciales en avril 2003 pour avoir été la version québécoise des gouvernements de droite qu'a connus le Canada depuis 10 ans : le gouvernement conservateur dirigé par Mike Harris en Ontario, le gouvernement libéral dirigé par Campbell en Colombie-Britannique et le gouvernement libéral dirigé par Jean Chrétien au niveau fédéral. Seulement lors de son deuxième gouvernement, le PQ a voté une batterie de lois anti-syndicales, imposé des compressions budgétaires sauvages au nom de la politique du «déficit zéro», fermé une dizaine d'hôpitaux, jeté des psychiatrisés à la rue au nom d'un plan de réinsertion sociale bidon, mené des attaques frontales contre les assistés sociaux et éliminé des dizaines de milliers d'emplois du secteur public.

Dans cette campagne électorale, les dirigeants syndicaux appuient le BQ encore plus fortement qu'à l'accoutumé. Les deux plus grandes centrales au Québec, regroupant ensemble près d'un million de membres pour environ 4 millions de travailleurs au Québec, ont demandé de voter pour le Bloc.

Henri Massé, le président de la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ) a invité Gilles Duceppe à venir s'adresser aux travailleurs de Bombardier. Les deux ont lancé un vibrant appel pour que le gouvernement considère donner un autre demi milliard de dollars à la multinationale Bombardier pour «sauver l'industrie aéronautique» au Québec.

Massé a ouvertement appelé à un vote pour le BQ : «Je le dis et je le redis: c'est clair que chez nos membres, il y a beaucoup plus de sympathie qui va vers le Bloc et il y a du monde qui travaille pour le Bloc», a-t-il déclaré, en ajoutant que les libéraux et les conservateurs sont trop à droite alors que les néo-démocrates sont trop «centralisateurs».

Les dirigeants syndicaux craignent que l'immense opposition au programme de privatisations, de compressions budgétaires et d'élimination des services publics des libéraux de Charest n'échappe à leur contrôle et ne soit difficilement récupérable par un PQ aujourd'hui discrédité aux yeux de la population travailleuse. C'est pourquoi ils redoublent d'effort pour faire élire le BQ, espérant de cette façon faire remonter l'appui aux péquistes. Au même temps, une phalange d'anciens dirigeants de la bureaucratie syndicale ont organisé une nouvelle faction au sein du PQ, Syndicalistes et progressistes pour un Québec libre (SPQL) pour subordonner une fois encore la classe ouvrière au PQ et à son projet réactionnaire d'établir un nouvel État capitaliste en Amérique du Nord.

Mais la situation politique a beaucoup évolué depuis les années 1960 et 1970, lorsque les dirigeants syndicaux avaient réussi à contenir le militantisme ouvrier de la classe ouvrière du Québec, qui faisait partie d'une radicalisation des travailleurs à l'échelle internationale, et à le canaliser dans le cul-de-sac du nationalisme québécois. À cette époque, le PQ associait l'idée de l'indépendance à l'expansion de l'Etat- providence. Aujourd'hui, les projets de Québec souverain des péquistes et des bloquistes sont ouvertement de droite : la souveraineté est considérée comme la meilleure façon d'offrir aux entreprises québécoises un État plus accord avec leur lutte pour les marchés extérieurs et les profits. Un Québec «souverain» serait notamment un partenaire à part entière de l'OTAN et de l'ALENA. Plusieurs dans le camp séparatiste défendent même l'idée que le Québec pourrait adopter le dollar américain comme une façon de solidifier ses liens avec Washington et Wall Street.

Le nationalisme québécois, comme le nationalisme canadien des sociaux-démocrates du NPD et des bureaucrates syndicaux du Canada anglais, a laissé les travailleurs politiquement désarmés devant les demandes des marchés financiers que les salaires soient réduits, les conditions de travail empirées et les emplois éliminés. En vertu de la logique nationaliste, il faut s'allier avec «nos» entreprises pour qu'elles restent viables face à la concurrence mondiale. Pour défendre les intérêts des travailleurs, pour s'opposer à la discrimination et pour défendre les droits démocratiques de tous les Québecois, la seule option progressiste consiste à unir les travailleurs du Québec avec ceux du reste de l'Amérique du Nord dans une lutte commune pour réorganiser l'économie afin de satisfaire les besoins humains au lieu de multiplier les profits d'une minorité.

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