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Grande Bretagne : le gouvernement menace de modifier la loi afin de rendre possible le maintien en détention sans jugement

Par Ann Talbot
29 avril 2004

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La libération de deux prisonniers a une nouvelle fois attiré l'attention sur la politique britannique de détention sans jugement de personnes soupçonnées de terrorisme. Il y a actuellement 13 personnes de nationalité étrangère enfermées dans les prisons de la Grande Bretagne sans que les procédures attendues aient été respectées. Elles n'ont été accusées d'aucun délit, on ne leur a fait part d'aucune preuve établie contre eux et aucun tribunal ne les a condamnées. Elles sont détenues sur la base de simples soupçons. Huit d'entre elles sont détenues dans la prison de haute sécurité de Belmarsh que l'on appelle le Guantanamo Bay britannique.

Au total, 548 personnes ont été arrêtées, au nom des lois antiterroristes, entre le 11 septembre 2001 et le début avril de cette année selon les chiffres du Ministère de l'Intérieur. Seules 91 d'entre elles ont été accusées par la suite et seulement 15 condamnées pour actes de terrorisme.

Un de ces 13 détenus, que l'on a simplement nommé "M", a été relâché après que le Special Immigration Appeals Commission (SIAC), commission spéciale d'appel en matière d'immigration, décida que les preuves réunies contre lui " étaient totalement sujettes à caution et n'auraient pas dû être utilisées pour justifier la détention ".

La SIAC est une cour composée de 3 hauts magistrats qui se réunit en secret et ne permet pas à l'accusé d'avoir accès aux preuves établies contre lui. Qu'une cour de cette sorte rejette l'accusation du gouvernement contre M montre combien l'affaire était montée de toutes pièces. Trois juges de cour d'appel confirmèrent ce verdict lorsque le gouvernement le contesta.

L'homme avait été détenu pendant 16 mois en vertu de la loi contre le terrorisme et pour la sécurité, Anti-Terrorism Crime and Security Act, qui fut adoptée en urgence par le Parlement en 2001. Cette loi permet au gouvernement de mettre en détention des personnes de nationalité étrangère sans accusation ni procès si elles sont soupçonnées d'être impliquées dans le terrorisme international.

Interrogé après sa libération, M déclara à la presse que les conditions de détention à Belmarsh étaient destinées à humilier les prisonniers et à détruire leur dignité. Certain d'entre eux, précisa-t-il, font la grève de la faim parce qu'on leur a refusé la possibilité de suivre un régime alimentaire conforme à leur religion.

Il dit : " J'étais ami avec certains d'entre eux, en dehors de la prison. Quand je les ai vus, enfermés, leur comportement et leur aspect physique avaient profondément changé. Ils avaient perdu du poids et 3 ou 4 d'entre eux étaient devenus fous ".

Les déclarations de M furent immédiatement confirmées. Dans une seconde affaire, un homme que l'on a nommé G a été remis en liberté provisoire par la SIAC en raison de son état mental qui s'était si profondément dégradé au cours de ses 18 mois de prison qu'il était devenu suicidaire.

Dans ce qui fut présenté comme un jugement rendu avec humanité, la SIAC décida que l'homme devrait être assigné à résidence. Il doit porter un bracelet électronique, appeler l'organisme de contrôle 5 fois par jour et ne peut avoir de contacts qu'avec sa famille proche, son médecin et son avocat.

Les circonstances qui conduisirent G à la dépression nerveuse apparaissent clairement dans le récit fait par M de son expérience à Belmarsh. Quand il arriva à la prison il n'avait aucune idée des raisons pour lesquelles il avait été arrêté et des conditions et de la durée d'emprisonnement. C'est seulement lorsqu'il parla avec d'autres prisonniers musulmans qu'il se rendit compte qu'il était détenu pour un temps indéfini.

"Pour moi, cela voulait dire la tombe" raconta-t-il au Guardian. "J'ai pensé réellement que je mourrais en prison parce que la compréhension que j'avais de la situation mondiale de l'époque me poussait à ce genre de pensées, parce que maintenant ils allaient partir en guerre contre le terrorisme".

Il décrivit l'état mental de G en termes précis. "Quelquefois il pleure, d'autres fois il dit : "je voudrais me tuer, je ne peux pas rester seul dans ma cellule". Il se demande simplement : « quand vais-je mourir?"

En dépit des preuves de maladie mentale de l'homme, le Ministre de l'Intérieur, David Blunkett condamna la décision de libérer provisoirement G et la qualifia "d'extraordinaire". Il annonça qu'il chercherait à changer la loi afin d'obtenir le pouvoir d'aller contre les décisions des juges dans de telles affaires. Courtisant comme d'habitude les manchettes des journaux à sensation, Blunkett déclara : " je n'ai pas dit que c'était dingue mais il est certain que d'autres le diront ".

Les remarques de Blunkett entraînèrent une critique immédiate de la part de la magistrature. L'ancien Premier président de la cour de cassation, Lord Donaldson, souligna l'importance de l'acceptation des règles juridiques par les politiques. Dans un entretien donné au programme Today, il déclara : "On a ici quelqu'un qui occupe un poste tellement élevé et influent, comme celui de Ministre de l'Intérieur, et le voilà qui se montre grossier envers l'arbitre... Si on attend du peuple de ce pays qu'il se conforme aux décisions judiciaires alors les hommes politiques de haut rang devraient donner l'exemple et ce n'est malheureusement pas le cas ".

La sortie de Bunker et la réponse de Lord Donaldson illustrent le fait que l'on n'a jamais vu un gouvernement britannique faisant preuve d'un tel mépris quant à l'observation de la loi et des règles de la procédure légale que ce gouvernement-ci. Il en résulte des tensions croissantes entre le Ministère de l'Intérieur et la magistrature. Dans l'affaire M, 3 juges de cour d'appel et le président de la Haute Cour de justice, Lord Woolf décidèrent que le Ministère de l'Intérieur avait agi de manière" inappropriée" et "illégale". Ils refusèrent à Blunkett le droit de faire appel.

Aidé et soutenu par la presse, le gouvernement Blair est en train de faire passer en force des changements très grands sous couvert de guerre contre le terrorisme. Les déclarations récentes de l'avocate des droits civils, Gareth Pierce ont mis en lumière combien le gouvernement était déjà allé très loin dans cette voie. En qualité de défenseur des Six de Birmingham, impliqués dans une machination montée contre eux et emprisonnés pour des attentats de l'IRA en Grande Bretagne en 1974, elle sait de quoi elle parle lorsqu'elle soulève les questions d'erreurs judiciaires. Mais la proportion de ce qui se passe en ce moment l'a profondément ébranlée.

Elle a déclaré : "Je n'ai jamais connu une telle venimosité, une telle haine et l'expression aussi ouvertement fasciste d'un verbiage épouvantable, martelé quotidiennement, toujours exagéré, toujours imaginé, souvent fabriqué de toutes pièces tel que celui qui a été déversé sur la communauté musulmane. On a perdu la tête dans ce pays. Nous sommes entrés dans une nouvelle ère sombre d'injustice et il est effrayant de voir que nous en sommes submergés."


 

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