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Les 50 ans du Comité International de la Quatrième Internationale

La scission d'avec le WRP et la montée du trotskysme

Par Chris Marsden
Le 8 décembre 2003

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Le 16 novembre 1953, le Socialist Workers Party (SWP) des Etats-Unis publia une Lettre ouverte qui appelait les trotskystes orthodoxes dans le monde à s'unir contre une tendance révisionniste dirigée par Michel Pablo qui était alors secrétaire de la Quatrième Internationale. Cette Lettre ouverte, rédigée par James P. Cannon, mena à la création du Comité International de la Quatrième Internationale (CIQI).

Les 23 et 30 novembre derniers, les sections allemande et britannique du Comité International ­ le Partei für Soziale Gleichheit (PSG) et le Socialist Equality Party (SEP) ­ ont tenu des conférences à Francfort et Londres afin de commémorer cet événement et de faire le bilan des 50 dernières années de travail politique. Peter Schwarz, secrétaire du CIQI, et Chris Marsden, secrétaire national du SEP, furent les orateurs à ces deux conférences.

Nous publions ici la contribution de Chris Marsden. Le discours de Peter Schwarz a été publié le 4 décembre 2003

La question primordiale dans la lutte contre le Workers Revolutionary Party (WRP) qui mena à la scission de 1986, était une résurgence du type de révisionisme pabliste ayant conduit à la création du Comité International de la Quatrième Internationale en 1953. C'était le conflit entre ceux qui aspiraient à la création d'un parti marxiste pour la classe ouvrière et ceux qui pensaient que construire un tel parti ne pouvait être qu'un fantasme sectaire.

De nos jours, la classe ouvrière fait face à une nouvelle barbarie militariste dont l'impulsion vient des Etats-Unis et qui menace de mort des millions de gens dans le monde. Elle fait aussi face à une offensive contre le niveau de vie et les droits démocratiques qui vise à détruire tout ce qui reste des acquis obtenus au cours de plus d'un siècle de lutte des classes ; et elle le fait handicapée par des partis et des syndicats qui ont renonçé à toute opposition à l'économie de marché.

Tout dépend de la construction d'une nouvelle direction socialiste dotée d'une perspective qui donne une voix aux intérêts indépendants de la classe ouvrière et qui permette la construction d'un ordre social qui offre à tous une alternative de paix et de prospérité.

C'est pour cette raison que la scission de 1986 entre le Workers Revolutionary Party et le Comité International n'a pas seulement été un événement important de l'histoire de notre mouvement, mais un événement avec des conséquences à long terme pour le cours de la lutte des classes. En effet, la défaite des renégats du WRP devait marquer un tournant dans la lutte longue de plusieurs décennies du Comité International contre l'opportunisme pabliste ; cette lutte jusque là surtout défensive se transforma alors en une offensive au cours de laquelle les forces du trotskysme ne cessèrent de gagner en influence.

Ceci fournit une occasion unique d'établir un nouvel axe sur lequel puisse se reforger le mouvement ouvrier international ­ la perspective de la révolution socialiste mondiale que nous avons défendue et élaborée.

Quiconque a été dans la politique pendant un certain temps comprendra qu' une des questions les plus difficiles à expliquer aux travailleurs et aux jeunes et même à ceux qui sont acquis à la cause du socialisme, est le pourquoi d'une scission.

Après tout, disent-ils, il y a trop de groupes de gauche qui croient tous à la même chose. Si nous pouvions simplement oublier nos divergences pour nous unir, nous pourrions alors devenir une puissante force collective de changement.

Il est bien possible que, pour beaucoup de gens, la seule scission nécessaire et justifiée ait été celle entre les bolchéviques et les menchéviques qui débuta en 1903. Les événements ultérieurs ont indéniablement démontré à quel point cette scission a déterminé de quel côté de la barricade les deux tendances se sont trouvées ­ pour ou contre la Révolution russe. Il ne s'agissait plus là d'un problème purement théorique.

Par conséquent, Lénine est devenu pour les socialistes l'homme dont la vision politique a ouvert la voie à la création du premier Etat ouvrier au monde. Ou bien, pour les ennemis du socialisme c'est le méchant qui a empêché que la Russie ne se développe vers une démocratie capitaliste.

Si pour une raison quelconque la Révolution d'Octobre avait échoué, Lénine n'aurait peut-être été, même pour les gens proches du socialisme, que l'auteur d'intrigues sectaires qui aurait sacrifié la précieuse unité du mouvement ouvrier à quelques principes abstraits.

Depuis, on a toujours accusé de sectarisme ceux qui mettaient les principes avant les considérations opportunistes et nul n'a été plus souvent la cible de telles accusation que le mouvement trotskyste.

Mais les scissions de 1903 et de 1953 ont été causées par les mêmes questions essentielles, car ces deux événements ont été le résultat d'une lutte cruciale pour déterminer quelle perspective est nécessaire au succès de la révolution sociale. En réalité, la scission de 1953 était plus clairement définie que le conflit de Lénine avec les menchéviques, à ses débuts du moins, parce qu'il s'agissait de défendre l'héritage programmatique du mouvement marxiste depuis la mort de Lénine et en particulier la lutte théorique et politique de Trotsky contre le stalinisme.

Le trotskysme s'est développé en opposition à la bureaucratie la plus puissante de tous les temps. Il défendit l'idée d'un socialisme international à une époque des plus réactionnaires, s'opposant à la perspective nationaliste stalinienne de la construction du socialisme dans un seul pays et soumettant chacun des zigzags politiques de celle-ci à une critique impitoyable.

Les staliniens paraissaient beaucoup plus puissants que leurs adversaires et furent en mesure de s'approprier l'autorité historique de la Révolution d'Octobre trompant des millions de leurs sympathisants. Pour Moscou, toute critique était l'oeuvre d'agents fascistes ou, au mieux, de dissidents désirant imposer leur propre vision en opposition au « socialisme réellement existant » de l'Union soviétique.

Il n'a jamais été possible de tromper tout le monde tout le temps. En fait, le mouvement trotskyste a attiré les individus les meilleurs et les plus intelligents, les plus idéalistes et les plus capables d'engagement et ceci malgré, ou peut-être en raison des calomnies des staliniens. Son autorité morale n'a fait que grandir avec le temps alors que les actions des staliniens rendaient de moins en moins crédible leur propre prétention à être socialistes. Même au cours de cette période extrêmement difficile, l'isolement et les persécutions n'ont jamais découragé les cadres de la Quatrième Internationale. Ils n'ont jamais douté que leur vision du monde était correcte et que des circonstances historiques différentes mettraient fin à la période de réaction.

Il y aurait une période où les conditions seraient réunies pour que le combat pour des principes politiques trouve un chemin vers les masses.Trostki avait prédit, concernant le mouvement ouvrier bureaucratisé, qu'il serait englouti par la vague révolutionnaire montante, tandis que les membres de la Quatrième Internationale, qui avaient appris à nager contre le courant, seraient eux portés à son sommet.

Cette certitude était basée sur la compréhension, tirée de l'histoire, de ce fait : la construction du socialisme dépendait de l'éducation et de la mobilisation politiques de la classe ouvrière internationale ­ une force infiniment plus puissante que les bureaucraties réformistes et staliniennes.

L'apparition du pablisme

Le pablisme apparut à la fin des années 1940, véhiculé par ceux qui avaient rejeté cette perspective historique et qui s'étaient adaptés à la soit-disante force du stalinisme et à une stabilisation du capitalisme après la guerre, favorisée par les trahisons staliniennes. Un des éléments caractéristiques du pablisme fut sa transformation de l'offensive idéologique antisocialiste de Moscou en une apologie aux allures trotskystes du stalinisme, plus tard aussi de la social-démocratie et du nationalisme bourgeois. Encore une fois, on insistait sur le fait qu'il fallait accepter la réalité politique : le stalinisme avait été contraint de prendre des mesures soi-disant révolutionnaires, et le monde stalinien était la seule base d'une opposition véritable à l'impérialisme américain et mondial.

Plus généralement, la classe ouvrière devait suivre les partis et les mouvements de masse qu'ils soient sociaux-démocrates, staliniens ou nationalistes. Le réalisme dictait que la transformation de ces partis en instruments révolutionnaires était une tâche beaucoup plus faisable que les tentatives futiles de construire un mouvement marxiste indépendant.

L'histoire du Comité International de la Quatrième Internationale est celle de l'opposition à cette conception du monde. Et parce que c'était une lutte entre des idéologies opposées, elle ne pouvait se résoudre sur la base d'une scission ou d'une quelconque réorganisation. Les idées du pablisme n'avaient rien à voir avec le marxisme et pouvaient être réfutées théoriquement. Mais elles tiraient leur force de la domination de la classe ouvrière par des tendances anti-socialistes et elles servaient de courroie de transmission à la pression exercée par l'impérialisme sur le mouvement ouvrier.

Le fait que le CIQI représentait le trostkisme orthodoxe était indéniable. Les trotskystes furent néanmoins réduits à une minorité luttant pour sa survie alors que la majorité de la Quatrième Internationale finit par succomber à la maladie du pablisme. Même James P. Cannon et le Socialist Workers Party allaient finir par abandonner leur positions de 1953 et rejoignirent les pablistes en 1963 au cours d'une réunification dénuée de tout principe.

A partir de ce moment, la direction du trostkisme orthodoxe se trouva dans les mains de la Socialist Labour League britannique (SLL) dirigée par Gerry Healy, Michael Banda et Cliff Slaughter.

La réaction à cette prise de position de la part des adversaires du trotskysme fut d'une profonde et implacable hostilité. Le « healyisme » fut présenté comme la pire forme de sectarisme, au point de justifier que le Comité International soit traité en paria politique.

Il faut reconnaître que la SLL, le prédécesseur du WRP, eut le mérite, dans un contexte extrêmement difficile, de réaliser des avancées politiques et structurelles, permettant au mouvement trotskyste en Grande-Bretagne et dans d'autres pays d'attirer des forces nouvelles. Beaucoup de ceux qui furent inspirés par la direction donnée par la SLL se trouvent à présent à la tête de sections du Comité International.

L'histoire de la SLL prouve que la défense des principes ne conduit pas automatiquement à l'isolement. L'isolement dont ont souffert les marxistes leur a bien plutôt été imposé par l'histoire. Il a été le reflet de la mainmise sur le mouvement ouvrier par d'énormes appareils bureaucratiques qui ont exercé leur contrôle grâce au génocide politique systématique mené par les staliniens contre les partisans trotskystes de l'Opposition de gauche et les défaites infligées à la classe ouvrière qui s'ensuivirent.

L'isolement ne pouvait être rompu par une adaptation tactique intelligente à une prétendue réalité politique, mais seulement par une lutte prolongée et parfois pénible pour trouver une voie vers la classe ouvrière à travers un conflit avec les dirigeants qui l'égaraient.

L'opportunisme et le déclin de la SLL et du WRP

La tragédie du WRP ­ et il y a un aspect tragique dans ce qui s'est passé, indépendamment des sentiments que l'on peut avoir vis-à-vis de telle ou telle personne ­ est que les pressions qui ont pesé sur le parti, associées à des faiblesses politiques, ont conduit ses dirigeants à abandonner leurs positions de principe initiales.

La conception qui fut développée au sein de la SLL était que les succès structurels qui avaient été remportés avaient plus d'importance que le combat idéologique contre le pablisme, et que la construction du Comité International se ferait principalement à travers l'attraction représentée par un grand mouvement en Grande- Bretagne.

Au nom d'un succès du point de vue de l'organisation, tout conflit politique interne fut évité. Ainsi, personne ne marqua sa désapprobation lorsque certains membres de la SLL puis du WRP formulèrent des positions qui ne se différenciaient que peu du pablisme. Le WRP finit par abandonner toute volonté de construire un parti marxiste indépendant, préférant faire porter tous ses efforts sur l'établissement de nouvelles relations avec ce qui, à leurs yeux, constituait des tendances politiques beaucoup plus fortes.

Il n'est pas possible de présenter ici en détail tous les aspects du déclin de la SLL et du WRP, qui s'est produit sur plus de deux décennies. Mais ce déclin a commencé quand on a douté de la nécessité de mener la lutte contre le pablisme. Il se poursuivit lorsque Cliff Slaughter remit en question la raison d'être du trotskisme en soi et se termina par la glorification du potentiel soi-disant révolutionnaire de mouvements nationalistes comme l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) et par une orientation vers la bureaucratie syndicale et vers la bureaucratie stalinienne soviétique.

Ce glissement politique vers l'opportunisme s'est heurté au sein du Comité International à l'opposition en premier lieu de la Workers League (WL) aux Etats-Unis ­ de la part même des forces recrutées sur la base de la lutte menée par la SLL dans une période précédente.

Tout fut fait pour supprimer les critiques formulées par David North (secrétaire national de la Workers League, précurseur du Socialist Equality Party aux Etats-Unis) contre l'abandon de la part du WRP de toute perspective trotskyste. Les dirigeants du WRP oublièrent pour un temps leurs conflits factionnels et s'unirent contre ce qu'ils considéraient comme leur ennemi commun. Mais dès 1985, le WRP était déchiré par des intrigues de clans et vola en éclat suite à un scandale sexuel. Il n'était plus possible de supprimer les critiques de la Workers League et son soutien à la théorie trotskyste de la Révolution permanente. La critique de North a été soutenue par une majorité écrasante au sein du Comité International ainsi que par une minorité pro CIQI qui constitue aujourd'hui le SEP en Grande-Bretagne.

Pour qui a une vue superficielle des choses et pour qui juge en politique selon le bon sens pragmatique, ceci devait représenter un coup terrible pour le Comité International. Les adversaires politiques pablistes du C.I. ne purent contenir leur joie devant la fin explosive de la section britannique, qui était jusque-là la plus importante et la plus connue. Quant à Healy, Banda et Slaughter, ils se vantèrent d'être désormais débarassés des vieilles idées sectaires et de pouvoir maintenant se consacrer entièrement aux « vrais mouvements de masse »

Malgré les querelles opposant les différentes factions, tous ceux qui se séparèrent du Comité International en 1986 ont d'une façon ou d'une autre cherché leur place au sein des vieilles bureaucraties. Banda a tout d'abord déclaré que la montagne élevée par Trostki avait accouché d'une souris, avant de conclure qu'en réalité il n'avait pas érigé de montagne du tout et que le « Bonaparte du prolétariat », Joseph Staline, avait toujours eu raison.

Healy adopta l'anti-stalinisme officiel de Mikhail Gorbatchev puis de Boris Eltsine, en qualifiant l'aile capitaliste restaurationniste de la bureaucratie de réalisation « inconsciemment trotskyste » d'une révolution politique et de la renaissance de la démocratie soviétique.

Slaughter a tout d'abord essayé de s'orienter vers un regroupement avec les adversaires centristes du trotskysme, en l'occurrence le MAS en Argentine (Mouvement vers le Socialisme) afin de forger par ce biais une alliance avec les staliniens et se retrouver avec ceux-ci dans une organisation plus importante. Après avoir essuyé plusieurs échecs dans ce projet, il acheva sa trajectoire politique, marquée par l'abandon du marxisme, en proclamant son hostilité à toute tentative de construction d'une direction politique pour la classe ouvrière, préférant glorifier les groupes anarchistes les plus dégénérés et une idéologie du spontanéisme pur.

Pas un d'entre eux n'éprouverait la moindre difficulté à adhérer à la critique du Comité International par Healy. Healy avait affirmé que le Comité International croyait en un « socialisme pur et dur et du plus petit nombre » en s'attaquant à North qui, selon lui, « continuait à affirmer que la question la plus importante était de sauvegarder la pureté de doctrine la plus absolue, ce qui n'est possible que dans des groupes de discussions très restreints: le nombre ne faisant qu'encourager l'impureté doctrinale. »

Quelque chose d'étrange se produisit toutefois. Au lieu de réussir, les fragments du WRP essuyèrent échec sur échec. Ils sont allés de scission en scission, et c'est à peine s'ils apparaissent encore dans le paysage politique.

De son côté, le Comité International n'a cessé de se renforcer. Actuellement, le World Socialist Web Site est le journal socialiste révolutionnaire le plus lu au monde et est considéré par beaucoup comme le porte-parole faisant autorité du socialisme international.

Comment expliquer cela?

Le sort des renégats du WRP a été le fruit d'une transformation fondamentale des relations politiques et sociales au niveau mondial. Leur renoncement à la lutte pour l'établissement d'une direction marxiste et leur soutien du stalinisme était le résultat politique de décennies de domination bureaucratique du mouvement ouvrier.

Mais la trahison du WRP ne représentait qu'un aspect du problème. Il n'y a pas que les trahisons qui aient des origines et des causes objectives. La lutte menée par la Workers League avait elle aussi une signification objective et a permis au Comité International d'anticiper sur le plan théorique un changement radical des relations sociales et politiques dans le monde ; ce qu'avaient totalement ignoré les renégats du WRP.

La capitulation totale du WRP devant le stalinisme fut un cas classique de rats qui sautent à bord d'un navire au moment où il fait naufrage. Elle a coïncidé avec l'apparition de la crise la plus grave qui ait jamais frappé la bureaucratie stalinienne. La perspective du socialisme dans un seul pays et la coexistence à long terme avec l'impérialisme avait mené l'Union soviétique dans une impasse. La réponse de l'aile de la bureaucratie qui défendait Gorbatchev, loin d'être révolutionnaire, fut de chercher à réintégrer l'URSS dans les structures du capitalisme mondial en transformant les relations de propriété nationalisée ­ une perspective poursuivie plus vigoureusement encore par Eltsine, son successeur.

La destruction de l'Union soviétique par le stalinisme devint le fer de lance idéologique du renoncement complet au socialisme de la part de toutes les vieilles bureaucraties. A son tour, le Parti travailliste britannique, comme les autres partis sociaux-démocrates, se mit à abandonner son vieux programme réformiste et se convertit à une variante du monatérisme de libre marché thatchérien.

Les syndicats ont fait de même, et ont accepté une dégradation considérable des conditions de vie, perdant de ce fait des millions d'adhérents. Quant aux mouvements nationalistes, ils ont fait la paix avec l'impérialisme - l'exemple le plus notable étant l'African National Congress (ANC) qui, en Afrique du Sud, a pris en charge les intérêts capialistes.

Une fois de plus, les renégats essayèrent de justifier leur opportunisme en avançant l'explication classique pabliste selon laquelle l'adaptation au stalinisme, à la social-démocratie et aux mouvements de libération nationale était le seul chemin pour accéder aux masses. Le contraire se produisit, l'emprise de ces directions sur la classe ouvrière avait été affaiblie de façon irrémédiable et tous les groupes qui s'étaient orientés vers elles ont vu leurs plans et souvent même leurs organisations tout entières, s'écrouler.

Dans ces conditions, le « socialisme pur et dur » du Comité International, c'est-à-dire sa défense des principes et du canon historique du mouvement marxiste, s'est révélée être un atout politique extrêmement précieux et un pôle d'attraction très puissant pour tous ceux qui cherchaient à aller de l'avant.

Le Comité International a soutenu le seul programme grâce auquel la classe ouvrière peut parvenir à la construction d'un monde socialiste, un programme qui soit non pas le résultat d'une contemplation passive mais le fruit de décennies d'opposition aux partis et aux perspectives dont l'échec a été si manifeste.

De nos jours, il y a beaucoup de confusion et de désorientation dues à la destruction de l'Union soviétique et au virage à droite des vieux partis et organisations réformistes. Le fait que les médias et les milieux universitaires n'ont cessé de répéter que c'est le socialisme tout entier qui a échoué, a renforcé le message des Blair et consort qui affirment qu'il n'existe pas d'alternative à l'économie de marché.

Mais cette exhortation à abandonner tout espoir et a se prosterner devant le Veau d'or ne sera pas acceptée indéfiniment. Des facteurs objectifs puissants préparent la voie à une réorientation politique majeure de la classe ouvrière sur un axe révolutionnaire.

Le pablisme apparut en tant qu'adaptation politique à la guerre froide ­ la conjoncture historique particulière de l'après-guerre, au cours de laquelle fut conclu un pacte inégal entre l'impérialisme et le stalinisme.C'était l'époque où le vocabulaire politique était constitué d'un coté par la « détente » et la « coexistence pacifique » et de l'autre par la « course aux armements », la « menace nucléaire » et l' « assurance de destruction mutuelle ». Le prix de ce pacte avec le diable a été payé par la survie du système capitaliste, rendue possible grâce à la trahison politique et à la répression des aspirations révolutionnaires par Moscou et ses défenseurs.

Projets impérialistes pour un nouveau partage du monde

A la fin de la guerre froide, les contradictions fondamentales du système capitaliste sont réapparues, prenant des formes explosives. Un conflit brutal en vue d'une nouvelle division du monde en zones d'influence par les grandes puissances capitalistes est en cours de développement, se concentrant sur les parties du globe qui étaient auparavant protégées de l'exploitation capitaliste par l'extension du système soviétique, ou bien sur des régions comme le Moyen-Orient ou l'Afrique, où l'existence même de l'Union soviétique constituait une protection contre les tendances les plus voraces du capitalisme.

C'est l'administration Bush qui dirige cette offensive, utilisant la supériorité militaire que lui donne sa situation de superpuissance désormais sans rivale, les puissances européennes cherchant désespérément elles, à développer leur propre puissance militaire pour réagir à l'avancée américaine.

La lutte des classes a également adopté des formes plus brutales et plus directes. Des attaques sociales contre la classe ouvrière sont menées dans chaque pays. Le but de ces attaques est de revenir sur les concessions qui avaient été faites dans la période précédente pour contrecarrer la menace socialiste.

Il faut cependant admettre que, jusqu'à présent, la classe ouvrière n'a pas été capable de trouver une réponse politique appropriée à ce changement historique des relations sociales.

Une oligarchie financière à caractère criminel, dénuée de tout scrupule a accaparé d'énormes richesses grâce au pillage de la planète par le biais d'empires industriels et financiers opérant à l'échelle de la planète. Cette mainmise n'a été possible que parce que la classe ouvrière, dans tous les pays, se trouve sans représentation politique ni organisation.

Les partis que les travailleurs avaient construit jadis se comportent maintenant vis-à-vis d'eux comme un adversaire implacable agissant au nom de l'oligarchie et qui conduit sa politique au mépris de toute volonté populaire démocratiquement exprimée. L'expression la plus flagrante de cet état de choses est la politique guerrière du gouvernement travailliste britannique vis-à-vis de l'Irak et l'occupation de celui-ci par des troupes britanniques aux côtés des Américains. Mais Blair n'est que celui qui est parti le premier dans une ruée générale vers la droite où le chancelier allemand, Gerhard Schröder et de nombreux autres, se bousculent pour prendre la tête.

Cela signifie que, malgré une opposition massive et sans précédent contre la guerre, la classe dirigeante poursuit son calendrier militariste et prépare des crimes de guerre encore plus monstrueux que le bombardement de Bagdad. Et, sur le plan national, la lutte des classes revêt la forme d'attaques unilatérales de la part de la bourgeoisie contre une classe ouvrière qui a été largement démobilisée par ses syndicats et à qui toute représentation et toute influence politiques ont été déniées.

Il en résulte que de plus en plus de travailleurs et de jeunes aspirent à la création d'un nouveau parti.

La perspective révolutionnaire défendue par le mouvement marxiste s'est révélée être l'unique base pour la création d'un tel parti. La période d'après-guerre est apparue comme un épisode particulier de la lutte des classes, plutôt qu'une ère nouvelle imposant le renoncement à la perspective socialiste. Cependant, même maintenant, les groupes pablistes essaient une nouvelle fois d'empêcher la montée d'une direction marxiste au sein de la classe ouvrière. Ils répondent à l'écroulement des vieilles bureaucraties nationalistes et réformistes par des efforts désespérés pour construire un nouveau parti réformiste, tout en insistant pour dire que la situation n'est pas et ne sera jamais mûre pour avancer un programme socialiste révolutionnaire.

Les partis qu'ils appellent de leurs voeux revêtent des aspects divers dans différents pays, mais la place d'honneur revient toujours à la poignée de dissidents et de jusqu'au boutistes qui ont quitté les vieilles organisations et se réclament des idées qui étaient celles de la social-démocratie et du stalinisme avant leur dérive droitière.

Ceci ne donne pas seulement la direction de la classe ouvrière à ceux qui portent directement la responsabilité des difficultés affrontées par le mouvement ouvrier international. Cela, et c'est encore plus important, lie la classe ouvrière à l'échec de la perspective du réformisme national.

Au Royaume-Uni, le Socialist Workers Party essaie de créer ce qu'il définit comme un parti « antiguerre » qui se présentera aux élections européennes de juin prochain. Ce parti est conçu comme une organisation qui présente un programme limité de revendications sur lesquelles tout le monde peut tomber d'accord. Il est évident que le SWP présente ce programme comme un projet socialiste, même s'il est de nature réformiste. Le SWP est soutenu, entre autres, par le cinéaste Ken Loach. Mais il a choisi le député travailliste George Galloway, dont la perspective est même clairement opposée à cet agenda limité, comme figure de proue.

Galloway a été un des opposants les plus en vue au soutien de Blair à la guerre en Irak, mais son histoire est celle de relations opportunistes avec la bourgeoisie arabe et de 33 ans de loyauté au Parti travailliste. J'ai eu l'occasion d'écouter Loach et Galloway lors d' un meeting à Sheffield intitulé : « La Grande-Bretagne à la croisée des chemins. »

Loach y a avancé la perspective de créer un parti essentiellement réformiste où des groupes prétendument révolutionnaires auraient la possibilité d'exister et de s'exprimer tandis que la direction reviendrait à des gens comme Galloway ou à divers dirigeants syndicalistes de gauche.

L'unique credo était que ce parti devait accepter le fait que les intérêts de la classe ouvrière et du capital sont incompatibles, ce qui, selon lui, était la cause de l'échec du Parti travailliste. Il n'a rien dit de la nécessité de se fonder sur la mobilisation révolutionnaire de la classe ouvrière internationale par opposition à une mobilisation dans le seul cadre des structures de l'état-nation capitaliste. Finalement, Loach a répété comme de coutume que le rôle des syndicats était d'être la principale organisation de la classe ouvrière ainsi que la base naturelle de tout parti nouveau.

Mais Galloway a même réfuté cette idée-là. A la différence de Loach, il a annoncé à son auditoire qu'il ne souhaitait ni un parti marxiste, ni un parti léniniste, ni même un parti socialiste. Il était bien sûr socialiste, mais il voulait attirer les millions de personnes qui n'étaient pas socialistes - y compris les musulmans et les membres du parti conservateur qui croyaient en la démocratie. Il serait ravi si les sympathisants du Parti travailliste votaient pour lui aux élections du 10 juin - même si c'était pour soutenir à nouveau Blair le lendemain, ce qui lui permettrait de prouver ce qui était faisable. Il ne voulait pas se contenter des 10 pour cent de voix nécessaires pour entrer au Parlement européen. Il désirait « le pouvoir » et pour le 10 juin, pas moins!

Rien n'est plus inconvenant, ou même plus révoltant qu'un opportuniste politique pressé. Galloway et le SWP peuvent bien utiliser toute sorte de rhétorique pour présenter leur projet de parti comme un pas nécessaire vers la construction d'un parti socialiste. Mais ce parti se définit par son opposition à toute perspective socialiste. Le rôle des radicaux est de cacher ce fait afin de fournir une couverture de gauche à une très petite partie, de plus discréditée, de la bureaucratie du vieux Parti travailliste qui fait tout son possible pour canaliser et neutraliser le mécontentement parmi les travailleurs et les jeunes.

Galloway sait que la seule opposition qu'il peut rencontrer vient du Comité International. Lors d'un récent meeting à Leeds, nous avons distribué un tract demandant à ceux qui étaient là de venir à ce meeting, en expliquant brièvement l'histoire et le sens du combat contre le pablisme. Galloway a choisi de faire de cela la principale raison pour son propre appel à construire un nouveau type de parti.

Il a dit avoir lu le tract et a également dit savoir « qu'il y a des gens qui préfèrent être dans des petits groupes, qui préfèrent la pureté d'une réunion pouvant tenir dans une cabine téléphonique. »

Lui, préférait en revanche « politiser les millions de personnes qui avaient été radicalisés par les événements des deux dernières années » sur la base d'un accord « sur un nombre relativement faible de questions politiques et d'attitudes très importantes ».

« Je suis certain que nous pouvons construire un mouvement de masse si nous acceptons d'ignorer pour le moment des questions, comme la dénonciation du pablisme par Cannon en 1953, que je viens de lire dans un de ces tracts, ou encore d'autres divergences idéologiques, théologiques ou psychologiques qui rien a voir avec ces quelques choses relativement peu nombreuses mais très importantes ; je suis convaincu qu'en temps utile notre collaboration avec d'autres personnes, les convaincra d'adopter nos idées à propos de Cannon ou du pablisme ou d'autres questions minoritaires. »

Il a présenté les trois points du programme du nouveau parti ­ l'opposition à la guerre et à l'occupation, l'abrogation de lois contre les syndicats et le rétablissement des liens entre le système de retraites publiques et les salaires.

Qui s'opposerait à de telles revendications ? Certainement pas le Socialist Equality Party, malgré les efforts de Galloway pour faire de nous des gens désespérément coupés de telles questions essentielles parce que nous recherchons la « pureté ».

Nous soutenons l'unité de toutes les forces opposées à la guerre et aux pillages du capitalisme. Mais ceci ne nous contraint nullement à l'amnésie historique et politique ou à une adhésion à la perspective proposée par Galloway.

Ne vous y trompez pas. Ce n'est pas dans un but unitaire qu'il réclame que les différences de points de vue soient mises de côté mais c'est plutôt pour établir sa domination sur le mouvement contre la guerre. Il n'a absolument pas l'intention de suspendre sa dénonciation du socialisme, ni d'oublier son soutien à une politique favorable au système capitaliste.

Le 29 octobre, lors du meeting de lancement de son nouveau parti au Friend's Meeting House, à Londres, il n'a même pas caché son hostilité à l'égard du socialisme pour ne pas mettre le SWP mal à l'aise.

Il a affirmé que son hostilité à l'impérialisme trouvait son origine « dans mon patriotisme profond pour mes propres îles ». Il s'est dit convaincu que « la souveraineté revient au peuple et que la Révolution anglaise de 1688 n'a pas été achevée», que « l'Etat est au service du peuple, transparent et responsable » et que « de nos jours, la politique peut se réduire aux questions de moralité et de légitimité de l'Etat. »

A de nombreuses reprises, il s'est présenté comme un « socialiste démocrate » qui croyait au « socialisme britannique traditionnel ».

Il a déclaré : « Mon socialisme n'est pas celui des 'révolutionnaires sanglants' ni un socialisme d'importation. Il est enraciné dans ce pays ».

Le New Labour a « perdu ses liens avec le service public et a transformé une tradition vivace de démocratie nationale en un pâle ersatz rosifié pour la consommation d'une élite étrangère à l'échelle mondiale ».

Galloway ne pourrait pas être plus clair. Il s'oppose au marxisme parce que c'est un « produit importé ». Il soutient toute la tradition du réformisme du Parti travailliste. C'est un nationaliste qui s'oppose au New Labour, parce que ce parti sert les intérêts d'une « élite étrangère ».

Voilà ce qu'il demande à ses collaborateurs parmi les radicaux d'accepter : un parti constitué de ce qu'il appelle des « radicaux travaillant à la base qui entraveront l'Etat, placeront celui-ci sous le contrôle du peuple et parachèveront une révolution radicale et démocratique» un parti qui « englobera les musulmans, les chrétiens, les juifs, les socialistes, les libéraux, les conservateurs, les hommes, les femmes, et les classes défavorisées de toutes sortes dans un mouvement de libération démocratique. »

Bien sûr, le SWP et les autres partis ou personnes qui encouragent la création d'un tel parti antiguerre diront que les opinions de Galloway n'engagent que lui et que ces opinions ne devraient pas être utilisée pour discréditer l'idée qui se trouve derrière le parti antiguerre en gestation. Mais, en réalité, le projet de Galloway fera plus pour donner forme au parti antiguerre et pour déterminer son caractère politique que n'importe quelle phraséologie socialiste utilisée pour présenter le projet.

Le SWP se conformera aux exigences de Galloway parce qu'il considère celui-ci comme le premier nom sur une liste de gens en vue du Parti travailliste qui peuvent être récupérés à condition qu'ils puisse trouver un nouveau parti où ils se sentent à l'aise. En vue de cette alliance avec une partie de la bureaucratie, et pour l'argent que ceci peut rapporter sous la forme d'une part des cotisations syndicales, la classe ouvrière doit une fois de plus se passer de la construction d'un parti réellement socialiste. En bref, la réponse des groupes radicaux à l'effondrement des vieilles bureaucraties réformistes n'est pas de chercher à les supplanter, mais de tenter de restaurer leur autorité en requinquant la réputation abîmée des Galloway et autres opposants de longue date du socialisme.

En dépit de la réthorique enflammée sur les révolutions démocratiques inachevées, un tel parti serait mort-né. Il serait fondé à un niveau politique moins élevé que celui sur lequel fut fondé le Parti travailliste au début du siècle. Seule la carrière politique de Galloway et de ses amis en serait avancée.

Le socialisme et le sort de la démocratie

La classe ouvrière doit bien mener la lutte pour la démocratie pour s'opposer à ce que la majorité de la population soit privée de droits politiques. Cependant, la classe ouvrière doit mener cette lutte par ses propres moyens, et ceci sans essayer de devenir l'allié inoffensif et acceptable d'une aile libérale fantôme des conservateurs ­ ni en devenant une annexe de la Muslim Association of Britain ou du Campaign for Nuclear Disarmament !

Au début du siècle dernier, Rosa Luxembourg insista pour dire que nous vivions dans une époque où la politique est dominée par « l'aggravation et la généralisation de la concurrence sur le marché mondial » entraînant inévitablement l'apparition du militarisme et une intensification de la lutte des classes. Ceci signifiant que « la démocratie bourgeoise doit alors logiquement entrer dans une phase descendante ».

Elle a conclu « que ce n'est pas le sort du mouvement socialiste qui est lié à la démocratie bourgeoise, mais inversement celui de la démocratie qui est lié au mouvement socialiste. Quiconque souhaite le renforcement de la démocratie devra souhaiter également le renforcement et non pas l'affaiblissement du mouvement socialiste ; renoncer à la lutte pour le socialisme, c'est renoncer en même temps au mouvement ouvrier et à la démocratie elle-même.».

Il faut familiariser la classe ouvrière, les intellectuels et la jeunesse avec cette argumentation et avec l'héritage tout entier du marxisme (soutenu par le Comité International). Il est primordial de tirer les leçons du passé pour, sur cette base, déterminer le type de parti qui doit être créé.

C'est sur cette base que nous réclamons une unité. Nous savons que tous ceux qui cherchent une alternative révolutionnaire au capitalisme ne viendront pas tous de notre tradition politique. Nous n'exigeons pas non plus comme condition préalable d'une lutte commune un accord sur tous les points. Mais nous ne sommes pas prêts à abandonner notre propre héritage dans l'hypothétique espoir d'un succès éphémère.

Par contre, nous insistons pour dire que la lutte historique menée par notre mouvement contre le stalinisme, contre la social-démocratie et contre le nationalisme bourgeois est la seule base d'une nouvelle prise de conscience politique du mouvement ouvrier international. Et nous avons toute confiance dans le fait que ceci ne nous isolera pas, mais confirmera au contraire à la classe ouvrière et à la jeunesse que notre parti est le leur.




 

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