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Grande Bretagne : un dirigeant syndicaliste dénonce le projet cauchemardesque du gouvernement travailliste dans le domaine de l'éducation

Par Liz Smith
29 avril 2004

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"L'école de l'avenir sera concédée à des exploitants, commercialisée comme une marque et parrainée. Pour vous c'est un projet cauchemardesque. Pour le New Labour cela représente un progrès, la modernité et l'avenir".

Tel fut l'avertissement donné par Doug McAvoy, Secrétaire général du syndicat national des enseignants (National Union of Teachers, le NUT) le plus important syndicat de l'enseignement en Grande Bretagne, dans son discours de fin de mandat prononcé lors de sa récente conférence annuelle.

MacAvoy expliqua que cette perspective cauchemardesque constituait le plus radical bouleversement depuis la loi sur l'Education de 1944 qui fonda l'éducation secondaire universelle.

Résumant la soif de privatisation du gouvernement du Premier Ministre Tony Blair, il poursuivit, "le Premier Ministre veut que les écoles fonctionnent comme les supermarchés Tesco (chaîne très connue en Grande Bretagne). Il y aura des offres spéciales. Deux leçons de chimie pour le prix d'une. Des tableaux de classement des professeurs, les rangeant selon leurs performances permettront aux écoles de rémunérer certains professeurs plus que d'autres. Des établissements pourront offrir des bons de voyage en avion. C'est loin d'être imaginaire. Ce sont les conséquences logiques de la soi-disant politique d'ensemble du gouvernement."

"La même logique que le gouvernement applique aux frais variables d'admission à l'Université sera appliquée à la contribution des parents à l'éducation de leurs enfants. Le contribuable fournira les fonds nécessaires au niveau de base du système éducatif. C'est à dire couvrant, dirons-nous, le niveau minimum d'un établissement du secondaire (comprehensive school). Des frais supplémentaires s'ajouteront pour tout ce qui concerne la culture de l'esprit, musique, art, théâtre, poésie ; tout ce qui est en rapport avec la créativité nécessitera des frais supplémentaires."

Les remarques de McAvoy soulignent combien la bureaucratie syndicale est pleinement consciente des implications de la politique gouvernementale et quel agenda rétrograde il a imposé à ses adhérents. C'est seulement maintenant, juste avant de prendre sa retraite en juin que McAvoy se sent libre de dire la vérité sur la stratégie et la vision de l'enseignement de Blair et de donner libre cours à ses frustrations et craintes quant aux conséquences.

Son discours est d'autant plus remarquable que durant son mandat de 15 ans à la tête du NUT, et les 15 années précédentes en qualité d'adjoint, McAvoy était fermement associé avec l'aile droitière du syndicat. Quand il se porta candidat, pour la première fois en 1989 aux fonctions de Secrétaire Général, c'était sur un "ticket de modernisation". Allié politique de Neil Kinnock, ancien chef du parti travailliste au début des années 90, McAvoy cherchait à ce que le syndicat se débarrasse de son image militante, arguant que cette image rendait le syndicat moins attrayant aux yeux de syndiqués potentiels. Dans le passé il s'est constamment opposé, lors des conférences, aux appels à la grève lancés contre les attaques sur les conditions et les salaires des adhérents et s'est toujours assuré que ces appels ne se concrétiseraient pas.

Le Ministère de l'éducation a démenti les déclarations de McAvoy les qualifiant de 'paroles creuses' et de stratagème visant à se faire les gros titres de la presse. Mais quelles que soient les motivations de McAvoy, ses remarques dépeignent un tableau terriblement juste du démantèlement systématique de l'enseignement public secondaire (non sélectif) auquel le gouvernement travailliste se livre depuis 1997.

Des classements basés sur les résultats aux tests effectués aux âges de 11 et 14 ans dans les matières fondamentales (core subjects) et à la fin des examens scolaire à l'âge de 16 ans en passant par la création des établissements appelés établissements spécialisés (specialist schools) ont fait que le principe de sélection est maintenant fermement ancré dans le système éducatif de l'Angleterre et du Pays de Galles. Les prix immobiliers en Grande Bretagne, qui augmentent au taux extraordinaire de 1000 livres par mois (1 500 euros), dépendent du périmètre scolaire des écoles les plus prisées qui sont capables d'offrir les meilleurs équipements et la meilleure éducation.

Les services existant dans les établissements tels que la maintenance des bâtiments, le soutien linguistique aux élèves non anglophones, la psychologie scolaire, la formation, les remplacements viennent de plus en plus d'entreprises privées et de consortiums. Quasiment tous les nouveaux projets de construction sont financés par l'Initiative de financement privé (Private Finance Initiative ) de sorte que les établissements scolaires ne sont pas propriétaires de leur propre bâtiment et services mais les louent au secteur privé.

Les filières de financement des établissements scolaires incluent presque toujours le recours au secteur privé. Ce financement privé est ensuite complété à parts égales par le gouvernement. Avec l'introduction de la rémunération liée aux performances et à la gestion, le rôle des chefs d'établissement ressemble davantage à celui de comptable et de commercial qu'à celui d'éducateur. Aucun secteur de la vie scolaire n'est épargné par les ravages du marché. Du fait des coupes dans le domaine social, enseignants, parents et donateurs privés fournissent la plupart des activités hors programme.

McAvoy a très bien décrit les tentatives d'expérimentations dans les zones d'éducation prioritaires (education action zone) où financement privé, matériel en nature provenant d'entreprises locales, pratiques de travail flexible furent légitimées par la loi sur l'éducation de 1998 comme étant le commencement "de la dérégulation, de la privatisation, de la marchandisation et de la mondialisation complètes de l'éducation. La dérégulation s'accompagne vite de l'abolition des contrôles sur le personnel qui peut enseigner."

Ce dernier point est au cur de la plus récente attaque sur l'éducation. Tous les domaines de l'éducation, y compris les programmes nationaux, ont été refaçonnés pour s'adapter au schéma gouvernemental de privatisation. Il ne reste plus qu'un domaine à remettre en question, celui du droit des enfants à être éduqués par des professeurs qualifiés.

Ces 12 dernières années, ce droit a été progressivement érodé par le recours croissant à des auxiliaires d'éducation tels que les assistants d'enseignement, et les assistants de classe. Quoique ces salariés puissent jouer un rôle utile en classe, ce ne sont pas des enseignants.

Depuis septembre où la première phase d'application des Réformes du personnel scolaire (School Workforce Reforms) a été mise en place, on n'exige plus des professeurs qu'ils exécutent des tâches administratives. La prochaine phase en septembre 2004 prévoit de limiter les obligations de remplacement à 38h par an en cas d'absence d'un professeur. Un corps de remplaçants, qui ne sont pas des enseignants à part entière, ainsi que des postes nouvellement crées d'assistants supérieurs d'enseignement et d'apprentissage (Higher Teaching and Learning Assistant), HTLA, feront le reste. Ces remplaçants et HTLAs recevront entre 3 et 50 jours de formation (contrairement aux 3 à 4 années de formation de niveau licence exigées des professeurs) avant d'être susceptibles de prendre en charge des classes en pleine autonomie.

Tous les syndicats d'enseignants sauf le NUT, y compris ceux syndiquant les auxiliaires ont ratifié l'accord en arguant qu'il soulagera les professeurs de beaucoup des tâches additionnelles qu'on attend d'eux et introduira un déroulement de carrière pour les auxiliaires d'enseignement.

Une fois qu'il est admis que du personnel non enseignant peut prendre en charge des classes, il est difficile d'empêcher le gouvernement et les établissements à court d'argent de remplacer des professeurs qualifiés par toujours plus de HTLAs. Le programme national a été raffiné à tel point que les matières fondamentales peuvent être enseignées par tout petits bouts, ce qui d'après le gouvernement, peut être fait par des gens ayant peu voire aucune connaissance du sujet.

Cette méthode d'enseignement, couplée avec la pratique du bachotage en vue des tests, a pour effet pédagogique et social d'étouffer et restreindre le développement intellectuel des enfants, spécialement des enfants dépourvus de soutien dans les autres domaines de leur vie. Quoique il en résulte une avancée immédiate dans le classement, ce que les chefs d'établissement soumis à d'énormes pressions doivent atteindre, au final les élèves sont aliénés par rapport à l'ensemble du processus d'éducation.

Le changement tendant à introduire à l'école un corps de remplaçants et de HTLAs est par conséquent non seulement une attaque contre les professeurs mais tout aussi bien contre les droits des enfants.

Le soi-disant programme de 'modernisation' du Premier Ministre Tony Blair ne créera rien de plus que des lieux de parcage pour des milliers d'enfants de la classe ouvrière dans le système public d'éducation tandis que les plus capables et les plus privilégiés iront en nombre croissant dans le secteur privé ou semi - privé basé sur la sélection. Des propositions sont déjà en cours pour étendre les dispositions permettant aux 14-16 ans de suivre un parcours non - académique, avec plus de jours passés en dehors de l'école qu'en classe.

Avec l'augmentation attendue de 1 à 5 du nombre d'établissements spécialisés (specialist schools) (qui peuvent sélectionner 10% de leur admis), l'augmentation des écoles religieuses, et l'existence des grammar schools au sein du secteur étatique, un complet retour à une éducation sélective est imminent.

Des assemblées générales d'auxiliaires d'éducation à Sheffield et Birmingham ont voté massivement le rejet des propositions de réforme et le NUT a décidé de consulter ses membres pour appeler à mener des actions revendicatives.

Cependant, pendant ces 15 dernières années, le NUT a un record d'appels à des actions revendicatives lors de ses conférences, appels toujours contrecarrés par sa direction. Plus fondamentalement, tous les syndicats d'enseignants ont accepté les réformes des gouvernements successifs que McAvoy reconnaît à présent menacer le système d'éducation universel et juste.

L'accord sur le personnel d'éducation (Workforce Agreement) par exemple, se profilait dans un discours prononcé en novembre 2001 par le Ministre de l'Education de l'époque, Estelle Morris, devant le Social Market Foundation, un groupe de réflexion pro travailliste.

Le World Socialist Web Site avait analysé les implications des propositions, expliquant qu'elles seraient utilisées pour réduire le personnel enseignant et déqualifier l'éducation. Mais les syndicats négocient depuis un moment déjà l'extension des propositions et ont tous largement accepté les mesures concernant le personnel. Bien que le NUT n'ait pas signé le document, les bureaucraties syndicales représentant les enseignants et les auxiliaires ont constamment affirmé que les mesures du gouvernement Blair avaient un but honorable, désarmant ainsi tous les personnels d'éducation.

Des tentatives se préparent au NUT pour essayer de mettre fin aux résistances envers les réformes. Le ministre de l'éducation, Charles Clarke, a refusé de participer aux deux derniers congrès à cause du refus du NUT de signer l'accord, et il a aussi interdit à ses ministres de négocier ou de parler au syndicat excepté s'ils sont dans l'obligation légale de le faire.

L'opposition à l'assaut sur l'emploi et les conditions de travail ne peut être laissée aux mains des syndicats qui l'étrangleront à la première occasion. Les déclarations de McAvoy sont, au plus, une pure et dernière gesticulation verbale n'annonçant qu'un virage à droite plus poussé de la bureaucratie syndicale. Steve Sinnot, candidat favori pour le remplacer, a plaidé explicitement pour négocier une fusion avec d'autres syndicats d'enseignants, ce qui assurerait alors une position plus accommodante envers les plans gouvernementaux.

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