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Angleterre : deux personnes inculpées en vertu de la Loi sur le secret d'Etat pour avoir divulgué la menace de Bush de bombarder Al-Jazira

Par Julie Hyland
Article original publié le 3 décembre 2005

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Deux hommes ont été inculpés en vertu de l'Official Secrets Act (OSA ­ Loi sur le secret d'Etat) parce qu'ils auraient fait parvenir un memorandum officiel classé top secret à un tiers. David Keogh, 49 ans, fonctionnaire, ancien responsable de communication au Conseil des ministres fut inculpé de « révélation dommageable de document concernant les relations internationales » sans autorité légale. Keogh n'a pas fait savoir comment il plaiderait.

Leo O'Connor, 42 ans, chargé de recherche de l'ancien député travailliste Antony Clarke fut lui, inculpé pour avoir reçu un document « et l'avoir révélé, étant fonctionnaire de la Couronne, sans autorité légale.» O'Connor a dit qu'il avait l'intention de plaider non coupable.

Tous deux furent libérés sous caution et doivent retourner devant le tribunal de Bow Street à Londres, le 10 janvier. Ils ne sont pas autorisés à se rendre à l'étranger ni à être en contact l'un avec l'autre.

La Loi sur le secret d'Etat aurait selon la cour été enfreinte entre le 16 avril et le 28 mai 2004. Selon cette loi un fonctionnaire se rend coupable d'un délit s'il fait, sans autorisation légale, une révélation dommageable de faits concernant les affaires internationales. Quiquonque recevrait une telle information serait lui aussi coupable d'un délit s'il la révèle à un tiers, sachant que ceci serait en violation de la Loi sur les secrets d'Etat. Une révélation est considérée comme dommageable si elle peut mettre en danger les intérêts du Royaume-Uni à l'étranger ou la sécurité des citoyens britanniques outre-mer.

Le procès avait quelque chose de kafkaïen. Aucun élément du mémorandum ne fut mentionné durant la séance et l'avocat d'O'Connor, Neil Clark, dit qu'il ne savait pas ce qui se trouvait dans le document allégué et qu'il ne l'avait jamais vu. Réclamant du gouvernement qu'il rende l'information accessible, il dit que faute de « connaître l'affaire » imputée à son client, il lui serait « impossible » de le défendre.

L'avocate générale Rosemary Fernandes dit qu'elle rechercherait une restriction de l'information sur le procès s'il s'avérait probable que le contenu du mémorandum soit divulgué au procès.

Le manteau du secret dont on a enveloppé ce mémorandum touche à l'absurde dans la mesure où le contenu qu'on lui prète a déjà été, en partie du moins, rendu public. Le 22 novembre, le Daily Mirror avait publié, en première page, un article exclusif intitulé « La conspiration de Bush en vue de bombarder son allié ».

Selon ce journal, le mémorandum était le compte-rendu secret d'une conversation tenue entre le président Bush et le premier ministre Tony Blair le 16 avril 2004 et au cours de laquelle le dirigeant américain avait menacé de bombarder les bâtiments du siège de la chaîne de télévision arabe Al-Jazira dans l'Emirat du Qatar, dans le Golfe persique, mais en fut dissuadé par Blair.

Le journal écrivit que le mémorandum était « arrivé » dans le bureau de Clarke en 2004. Celui-ci s'était déclaré contre la guerre en Irak et par la suite avait perdu son siège de député aux élections législatives de mai 2005. Keogh et O'Connor sont accusés d'avoir passé le mémorandum à Clarke, qui l'avait, lui, retourné à son premier détenteur.

Ces révélations étaient en elles-mêmes extrêmement dommageables, mais la réaction du gouvernement à l'article du Mirror et le secret qui a entouré l'ouverture du procès de Keogh et O'Connor laisse supposer que le document contient des informations plus accablantes encore. Immédiatement après la publication de l'article exclusif par le quotidien, le procureur général de Grande-Bretagne, Lord Goldsmith, menaça le journal et d'autres rédactions de journaux de poursuites en vertu de la Loi sur les secrets d'état s'ils divulguaient quelque détail supplémentaire que ce soit du mémorandum en question.

C'est la première fois qu'un procureur général menace les médias de poursuites en vertu de la loi sur le secret d'Etat. En général, le gouvernement peut recourir à une foule d'autres instruments de censure pour imposer le silence à un journal. Il peut en outre émettre des « 'D' notices » ('D'pour 'Défense', un dispositif de « consultations volontaires » avec les médias), des procédures d' « outrage à la cour » (lorsqu'un article peut influencer le cours d'un procès) ou bien une action civile en vertu de la « Loi de confiance » assortie d'amendes énormes contre les journaux visés.

Inhabituel également est le recours à la Loi sur le secret d'Etat contre des fonctionnaires. L'ancien membre des services secrets britanniques, David Shayler fut poursuivi et emprisonné en vertu de cette loi après avoir révélé que les services secrets britanniques (MI6) avaient soutenu un complot manqué pour assassiner le Colonel Kaddafi, chef d'Etat libyen.

Plusieurs journalistes se sont demandé si les mesures extrêmes prises par le gouvernement pour étouffer l'information n'allaient pas se retourner contre lui, étant donné qu'elles semblent confirmer l'existence du mémorandum et du contenu dont il a déjà été fait mention dans les journaux. Le gouvernement a toutefois réussi en ce qui concerne un aspect important, les directeurs de publication ayant accepté de se plier aux exigences de Goldsmith. Le gouvernement est ainsi parvenu jusque là à empêcher d'autres révélations et à créer un dangereux précédent de plus dans son assaut en cours contre les droits démocratiques.

Kevin Maguire, journaliste au Daily Mirror et l'un des auteurs de l'article exclusif, dit s'adressant à une réunion publique au Club de la Presse de Londres, qu'il n'avait pas d'exemplaire du mémorandum mais qu'il avait été informé de son contenu. Selon un article de Newsweek sur cette réunion, Maguire confirma que le mémorandum avait été écrit par des officiels de Downing Street et qu'il portait la marque indiquant qu'il était classé « Top secret ».

Le journaliste du Mirror rapporta aussi que des auteurs de « blogs » et de publications internationales avaient dit qu'ils défieraient le gouvernement britannique et publieraient le mémorandum en entier si on le leur faisait parvenir. Mais, toujours selon Newsweek, Maguire refusa de fournir d'autres informations concernant le mémorandum, indiquant qu'il ne lui était pas possible « légalement de le discuter en plus ample détail ».

Des directeurs d'Al-Jazira sont venus à Londres la semaine dernière afin d'enquêter sur le sérieux des menaces à l'encontre de leur chaîne de télévision. Mais son directeur général, Wada Khanfar, reconnut qu' « à cause de la mise en garde du procureur géneral de ne pas publier le mémorandum et les déclarations vagues en provenance de Downing Street et de la Maison-Blanche, nous ne savons toujours pas exactement de quel contexte il s'agissait ni ne disposons de beaucoup de détails à part ce qui a déjà été publié ».

Les directeurs d'Al-Jazira ont consulté des avocats, cherché à solliciter une entrevue avec Blair durant leur visite et ont requis du premier ministre qu'il « révèle la vérité » sur le document. Au lieu de quoi, écrivit Khanfar dans le Guardian du 1er décembre, « les autorités britanniques n'ont rien fourni du tout et leur silence renforcera probablement la suspiscion et la méfiance ».

D'autres journaux ont demandé si une publication du document ne serait pas profitable au gouvernement, surtout dans le cas où celui-ci note apparemment le fait que Blair avait retenu un président américain galvanisé. Si le contenu du mémorandum s'avérait être vrai, tel fut leur argument, c'était au moins la preuve que la Grande-Bretagne exerçait une certaine influence sur son puissant allié.

L'édition du 27 novembre de l' Independent on Sunday alla jusqu'à mettre en avant l'argument qu'il « était curieux, toutefois que le procureur général essaie si fort d'étouffer des informations qui jusqu'à maintenant ne placent pas le premier ministre sous un mauvais jour », tandis que Simon Jenkins écrivait dans le Sunday Times qu'il était « rassurant que Blair semblait s'être opposé à cette attaque » et que les « britanniques salueraient certainement cette preuve des 'cojones' [courage] tant vantées de Blair à Washington ».

De tels arguments servent à détourner l'attention non seulement des questions déjà soulevées par le mémorandum mais aussi de ce qu'il peut contenir d'autre.

De façon générale, les médias ont traité l'affirmation selon laquelle Bush voulait bombarder Al-Jazira comme une évidence. De nombreux reportages ont décrit en détail les autres attaques des USA contre la chaîne de télévision y compris le bombardement de ses bureaux en Afghanistan en 2001 et en Irak en 2003, tuant son correspondant. Un de ses reporters est actuellement enfermé sans inculpation à Guantanamo Bay.

Quant au contenu complet du mémorandum, Andreas Whittam Smith du journal Independant nota que Keogh « était un fonctionnaire disposant de vingt-cinq ans d'expérience acquise à des postes difficiles dans des endroits comme Islamabad et Khartoum et qui avait souvent eu affaire à du travail de renseignement ».

Si un homme comme lui « a divulgué ce documentc'est qu'[il] avait du se sentir extraordinairement inquiet de ce qu'elle y avait vu ».

Même s'il était seulement avéré que les révélations déjà faites étaient correctes, les dirigeants des deux des nations les plus puissantes du monde auront été pris à discuter des avantages et des inconvénients de l'exécution d'un crime de guerre.

Les bureaux d'Al-Jazira se trouvent au Qatar, un pays qui n'est en guerre ni avec les Etats-Unis ni avec la Grande-Bretagne, mais plutôt un de leurs alliés les plus fiables. Ceux qui auraient été blessés ou tués dans une attaque des Etats-Unis auraient été des journalistes, et des civils d'un pays ami et par conséquent n'auraient pas été des cibles légitimes au vu du droit international. S'il se vérifiait que cette conversation avait eu lieu cela fournirait une preuve indiscutable que les attaques précédentes des Etats-Unis contre Al-Jazira étaient délibérées et non accidentelles, comme l'avait prétendu Washington.

Blair a simplement nié les allégations concernant les révélations figurant dans le mémorandum, déclarant « Il y a des limites à ce que je peux dire » du fait que l'affaire passe actuellement dans les tribunaux. Ensuite il parla en les dénigrant, de « théories de conspiration ».

En fait la guerre contre l'Irak toute entière fut une conspiration du début jusqu'à la fin. Planifiée et commanditée par une cabale dans la capitale américaine, soutenue et fomentée par leurs homologues de Londres, passant outre les normes démocratiques, faisant usage de menaces, de mensonges et de désinformation pour établir leur contrôle géopolitique de cette région riche en pétrole. Les efforts faits pour étouffer ce mémorandum sont dans la droite ligne de cette campagne.

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