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Québec : le financement des écoles privées provoque un tollé général

Par Jean-François Girard
13 février 2005

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Le 13 janvier dernier, le journal Le Devoir révélait que le gouvernement du Québec allait octroyer 10 millions de dollars à cinq écoles privées juives de la région de Montréal, suite à une entente signée par ces dernières avec la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys. Le financement par l'État de ces écoles passerait de 60 pour cent à 100 pour cent du montant accordé aux écoles publiques, soit de 3120$ à 5200$ par élève.

Cette décision a soulevé une grande opposition dans la population, d'un côté, et dans les élites québécoises de l'autre. Pour la masse des gens, elle était vue comme la plus récente manifestation de l'assaut sur les services publics lancé par le gouvernement du premier ministre libéral Jean Charest, tandis que les deux partis d'opposition ainsi que les médias écrits et parlés semonçaient le gouvernement Charest pour l'avoir mal conçue et mal expliquée.

Depuis leur élection en 2003, les libéraux cherchent à transférer une part importante des sommes consacrées aux services publics aux mieux nantis au moyen d'un programme de diminutions des impôts et de «réingénierie de l'État». Une partie importante de cette dernière consiste à privatiser la mise en place, la gestion et l'octroi des services dans tous les secteurs d'activité du gouvernement - des aqueducs et autoroutes, aux services paramédicaux et soins infirmiers, en passant par le transport en commun et l'hydroélectricité. Pour ce faire, le gouvernement a créé en 2004 un nouvel organisme, l'Agence de partenariat public-privé, qui a pour rôle d'évaluer s'il ne serait pas possible de recourir au secteur privé pour tout programme du gouvernement, nouveau ou existant.

Une semaine après l'annonce du 13 janvier cependant, le gouvernement Charest revenait sur sa décision de financer à 100 pour cent certaines écoles privées. «Il est clair que l'adhésion que nous avions anticipée n'était pas au rendez-vous», a dû reconnaître le premier ministre.

La réaction officielle, tant chez les partis d'opposition que du côté de la bureaucratie syndicale, s'était limitée à reprocher au gouvernement d'avoir agi en catimini et sans «consultations». Ils ont aussi taillé en pièces la raison officielle qu'avait donnée le gouvernement Charest pour expliquer sa décision, c'est-à-dire que le financement des écoles privées juives avait pour but de rapprocher les communautés. Rares ont été ceux dans l'élite qui ont dénoncé le fait que cet argent pourrait très bien servir à mieux financer le réseau public d'éducation où les besoins sont criants.

Un sondage Léger Marketing a pourtant révélé que 89 pour cent des gens sont contre l'idée de financer les écoles privées juives et que 85 pour cent des gens sont contre l'idée de financer les écoles privées peu importe leur orientation religieuse.

Depuis une dizaine d'années, surtout depuis que le Parti québécois a coupé massivement dans les dépenses sociales à partir de 1996, il y a une migration importante des étudiants vers les écoles privées. Pendant les quatre dernières années, la clientèle des écoles publiques a augmenté de 0,65 pour cent, comparativement à 12 pour cent pour les écoles privées. Le Québec est en tête de liste des provinces canadiennes quant au taux de fréquentation des écoles privées: 10,6 pour cent des élèves québécois fréquentent les 220 écoles privées de la province, la plupart au niveau secondaire. Par ailleurs, le financement public moyen d'une école privée (i.e. de la totalité de l'école et non le financement par élève) a grimpé, de 40% qu'il était il y a cinq ans, à 44% du montant alloué à une école publique. Pour l'année 2004-2005, Québec versera environ 375 millions de dollars aux écoles privées. À cette somme, il faudrait ajouter les déductions fiscales pour les dons faits aux établissements privés.

La grogne populaire face à un financement public accru des écoles privées n'est que la dernière manifestation d'une opposition latente au gouvernement, opposition qui a explosé par moments à la surface mais qui peine à trouver une expression politique consciente.

Un sondage CROP-La Presse réalisé entre le 15 et le 24 janvier a révélé que 63 pour cent des Québécois se disent « plutôt ou très insatisfaits » du gouvernement Charest, une hausse de trois points par rapport au mois dernier.

Depuis que le gouvernement Charest a pris le pouvoir en 2003, nombreuses ont été les fois où une large partie de la population s'est vivement opposée à ses plans, que ce soit les coupures de 103 millions de dollars dans les prêts et bourses accordés aux étudiants ou l'abolition de l'article 45 du Code du travail ouvrant la porte à la sous-traitance dans les entreprises syndiquées - pour ne citer que ceux-là.

À la fin de décembre 2003, le gouvernement Charest avait fait face à un vaste soulèvement des travailleurs à ses politiques, entre autres à sa révision de la partie du Code du travail régissant la sous-traitance. Pour garder le contrôle sur le mouvement d'opposition au gouvernement Charest, la bureaucratie syndicale avait dû menacer de faire une grève générale. Depuis, elle a abandonné toute mobilisation de masse contre le gouvernement Charest, intensifiant plutôt ses efforts pour appuyer le Parti québécois.

Parce que l'opposition politique à Charest n'a pas trouvé une expression politique consciente et indépendante chez les travailleurs, les élites québécoises ont pu la manipuler à leur profit et la dissiper. C'est ce phénomène qui s'est produit une fois encore avec la question des écoles privées juives. Les élites l'ont utilisée pour faire pression sur Charest pour qu'il arrête de gaspiller le peu de capital politique qui lui reste sur des questions qui sont secondaires à ses yeux.

La classe dirigeante québécoise insiste pour Charest aille de l'avant avec ses plans de réduction du niveau de vie des travailleurs et qu'il cesse de faire preuve d'incompétence politique dans leur mise en oeuvre. L'élite économique ne cache pas non plus son irritation devant la lenteur du gouvernement à imposer ses «réformes», ou en langage clair le démantèlement de ce qui reste des acquis sociaux de la classe ouvrière.

Un article de l'éditorialiste en vue Alain Dubuc, paru dans le journal montréalais La Presse et d'autres quotidiens, est à cet égard très révélateur. Pour Dubuc, le gouvernement Charest n'a pas été «à la hauteur des réformes qu'il promettait». Constatant qu'un mouvement d'opposition s'est «cristallisé» contre les plans du gouvernement, Dubuc se dit prêt à donner une deuxième chance aux libéraux. Mais il les avertit qu'ils «se retrouvent dans l'inconfortable obligation de mettre en oeuvre leurs réformes en fin de mandat plutôt qu'au début. Mais le défi n'est pas impossible si le gouvernement Charest réussit ce qu'il a longtemps raté: expliquer sa démarche, bien cibler ses objectifs et ne pas reculer.»

D'autres rendent plus explicites les objectifs que le gouvernement Charest devrait se donner. C'est ainsi que le Conseil du patronat du Québec (CPQ) réclame une baisse du fardeau fiscal des entreprises et «un plan d'abolition de la taxe sur le capital», tandis que l'Institut économique de Montréal (IEDM) se déclare favorable à un taux d'imposition unique - toutes des mesures qui auraient pour résultat de miner l'assise financière de programmes sociaux vitaux tels que le réseau public de l'éducation.

Fait à noter, le think tank de droite qu'est l'IEDM milite depuis un certain temps pour le développement des écoles privées en publiant chaque année un bulletin sur la performance des écoles du Québec, privées et publiques confondues. Nul besoin de rajouter que la majorité des écoles privées - faisant à l'entrée une sélection de leurs élèves selon des critères économiques et scolaires, et se débarrassant le plus souvent des cas problèmes - se retrouvent en tête du palmarès.



 

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