wsws.org/francais

Visitez le site anglais du WSWS

SUR LE SITE :

Contribuez au WSWS

Nouvelles et Analyses
Luttes Ouvrières
Histoire et Culture
Correspondance
L'héritage que nous défendons

A propos du CIQI
A propos du WSWS

AUTRES LANGUES

Allemand

Français
Anglais
Espagnol
Italien

Indonésien
Russe
Turque
Tamoul

Singalais
Serbo-Croate

 

Les propriétaires de la LNH annulent la saison de hockey

par Jerry White et Keith Jones
18 février 2005

Utilisez cette version pour imprimer

Cinq mois suivant la mise en lock-out des joueurs par les propriétaires d'équipes, ces derniers exigeant des réductions de salaires sans précédent entre autres concessions, la Ligue nationale de hockey (LNH) a décrété ce 16 février l'annulation de la saison 2004-2005. Les propriétaires ont été impitoyables, rejetant plusieurs offres de l'association des joueurs pour sauver la saison. L'association des joueurs a abandonné son opposition au plafond salarial et, auparavant, avait offert une diminution de 24 pour cent du salaire moyen des 700 joueurs professionnels de la ligue.

Le sabordage de la saison de hockey (la première fois où un sport d'équipe professionnel annule une saison entière en Amérique du Nord) nous enseigne une leçon quant à l'évolution des sports professionnels sous le capitalisme. Comme pour tous les autres aspects de la culture de masse, les sports sont ultimement subordonnés aux volontés des propriétaires multimillionnaires qui traitent les équipes et les clubs comme leurs fiefs privés. Quand cela convient à leurs intérêts et à ceux des conglomérats médiatiques qui profitent, jusqu'au point où on frôle l'hystérie, de la promotion des sports professionnels et de leurs vedettes, les corporations en contrôle encouragent les partisans à s'identifier fanatiquement aux équipes locales. Par contre, quant on en vient à la question du profit, tout cela est mis de côté et les propriétaires disposent de leur concession comme ils l'entendent.

Le lockout a déjà entraîné une certaine détresse économique dans certaines régions des États-Unis et du Canada, celle-ci incluant des pertes de revenus et d'emplois dans les arénas, restaurants, bars, hôtels et autres lieux de rendez-vous des partisans de hockey.

Après l'effondrement des négociations, le commissaire de la LNH Gary Bettman a retiré la dernière offre de la ligue laissant entendre que, étant donné les lourdes pertes financières que la LNH aura à subir, toute offre future sera encore moindre.

Les propriétaires ont clairement fait savoir qu'ils pourraient déclarer l'impasse, imposer de nouvelles structures financières et recommencer la saison l'automne prochain avec des «joueurs substituts». Lors de la conférence de presse durant laquelle il a annoncé l'annulation de la saison, Bettman a affirmé que, durant les prochaines semaines, les propriétaires commenceront à considérer la possibilité d'utiliser des briseurs de grève.

Jamais les propriétaires n'ont eu l'intention sérieuse de négocier avec l'association des joueurs. Ils étaient plutôt résolus à dissoudre le syndicat ou au moins faire un retour à l'époque où les représentants de l'association des joueurs étaient de collusion avec les propriétaires pour que les salaires et les conditions des joueurs de hockey demeurent beaucoup plus bas que ceux de leurs homologues des principaux sports professionnels.

Le professeur et avocat du sport, Gord Kirke a déclaré au Globe and Mail de Toronto que si les propriétaires n'avaient pas conclu d'entente après que l'association des joueurs eut offert des concessions aussi énormes c'est qu'ils désiraient dissoudre le syndicat ou déclarer l'impasse pour faire appel à des joueurs substituts.

Très tôt dès 1998, tel que rapporté jeudi par le Detroit News, les propriétaires d'équipes entreprirent se faire des réserves atteignant les 300 millions de dollars en prévision d'un arrêt de travail prolongé lors de l'expiration de la convention collective le 15 septembre 2004. Un lockout de 104 jours en 94-95 s'était traduit par l'annulation des deux tiers de la saison en raison d'une demande similaire de plafond salarial par les propriétaires.

Cependant, à ce moment-là, d'autres facteurs, incluant des négociations en vue d'un contrat de plusieurs millions de dollars avec un réseau de télévision, les négociations pour permettre la participation des joueurs de la LNH aux Jeux Olympiques et la pression financière imposer par la construction de nouveaux arénas et l'expansion de la ligue ont mené cette dernière à abandonner cette demande et à accepter d'autres concessions proposées par le syndicat, incluant un plafond pour les recrues ainsi que de grandes restrictions sur les agents libres et l'arbitrage salarial.

« La plus grande erreur que la ligue ait commise fut de ne pas avoir fait cela en 94, » a affirmé Jimmy Devellano, vice-président directeur des Red Wings de Détroit. « Eut été de la volonté des propriétaires de s'accrocher, d'annuler la saison et de ne pas jouer, je crois que la convention collective que nous aurions pu obtenir à ce moment-là aurait été très différente. Elle aurait inclus un plafond. Les propriétaires ont toutefois cédé. »

En refusant de soumettre leurs états financiers à un examen par l'association des joueurs, les propriétaires recrutèrent l'ancien président de la Commission des titres financiers et des bourses américaine, Arthur Levitt, afin qu'il écrive un rapport déclarant que la LNH avait perdu près de 500$ millions dans ses activités des deux dernières saisons, essentiellement à cause des salaires élevés des joueurs. Le rapport concluait que « l'actuel modèle d'entreprise de la Ligue nationale de hockey n'est pas économiquement viable. Les coûts des joueurs qui représentent 75 pour cent des revenus réduisent clairement toute possibilité de rétablir un modèle d'entreprise viable. »

Le 16 septembre, au début du camp d'entraînement, Bettman mis les joueurs en lockout en réclamant un plafond salarial pour garantir ce qu'il appelait la « certitude du coût, » c'est-à-dire une masse salariale reliée à un pourcentage fixé à un maximum de 55 pour cent des revenus déclarés des équipes. La ligue a de plus cherché à réduire le salaire moyen du joueur de 1,8$ millions par année à 1,3$ millions.

Les chiffres fournis par la LNH ne furent pas seulement contestés par l'association des joueurs mais encore par de vénérables publications d'affaires comme le magazine Forbes qui fit remarquer que le rapport de Levitt ne prenait pas en considération les revenus de dizaines de millions que les propriétaires avaient acquis de «sources secondaires» comme l'immobilier, la diffusion, les chaînes câblées, les commandites et les concessions. Au niveau du hockey, ces concessions atteignent maintenant une valeur moyenne de 163 millions, 3 pour cent de plus qu'en 2003 et 31 pour cent de plus que l'évaluation qu'en faisait le magazine Forbes un peu plus de six ans auparavant. Les quatre dernières équipes d'expansion (les Thrashers d'Atlanta, les Blue Jackets de Colombus, le Wild du Minnesota et les Predators de Nashville) ont été vendues en 1997 pour 80 millions chacune. Aujourd'hui, elles atteignent une valeur moyenne de 130 millions. En 2002, George et Gordon Gund, qui ont payé un tarif d'expansion de 50 millions pour les Sharks de San José en 1990, ont vendu leur équipe et les droits de gérance du HP Pavilion à Kevin Compton pour 147 millions. Forbes ajouta : « Peut-être le meilleur exemple d'utilisation de son équipe de hockey afin de créer de la richesse est illustré par les Kings de Los Angeles. Le milliardaire Philip Anschutz acheta l'équipe pour 113 millions en 1995. Il se servit des Kings, qui ont perdu 5,3 millions lors de la dernière saison, pour obtenir le feu vert pour la construction du Staples Center dans le centre-ville de Los Angeles; celui-ci fut complété en 1999 au coût de 400$ millions», incluant au moins 71$ millions en subventions publiques.

Avec ce genre de revenu, conglomérats et nababs du divertissement ont investi dans le sport, y compris le président de Blockbuster Entertainment H. Wayne Huizenga et la compagnie Walt Disney qui ont acheté deux des plus récentes concessions à Anaheim et Miami.

Parmi les autres propriétaires on trouve Michael Ilitch, propriétaire des Red Wings de Détroit, qui possède aussi l'équipe de baseball des Tigers de Détroit et les pizzerias Little Ceasar; Peter Karmanos, propriétaire des Hurricanes de la Caroline et chef de la direction du géant informatique Compuware; Bill Laurie, à qui appartiennent les Blues de St-Louis et dont la femme est une héritière de la fortune Wal-Mart; Stan Kasten, le chef des Thrashers d'Atlanta, qui dirige aussi les Braves d'Atlanta au baseball et les Hawks au basketball; ainsi que Ted Leonsis, un vice-président du conseil d'administration de AOL Time Warner, qui est le propriétaire des Capitals de Washington.

En faisant bien comprendre que les empiètements réalisés aux dépends des joueurs de hockey professionnels seront imposés aux joueurs des autres sports majeurs, Karmanos, le propriétaire des Hurricanes de la Caroline, a affirmé: « Le problème est que, dans chaque sport professionnel, les propriétaires devront s'accrocher fermement et dire que assez, c'est assez. »

Que les propriétaires estiment qu'ils peuvent agir de manière aussi effrontée témoigne du climat social et politique actuel où il n'est même pas nécessaire de masquer que les prérogatives de la grande entreprise priment sur celles de la société.

Avec l'aide de l'entreprise médiatique, les propriétaires ont globalement réussi à faire accepter au public l'image des joueurs gros richards qui reçoivent des millions pour jouer. La campagne envers les joueurs a reposé, d'une part, sur l'affirmation des droits de propriété par les possédants et, d'autre part, sur un appel pseudo populiste aux frustrations économiques des travailleurs et des gens de classe moyenne, qui doivent de plus en plus se démener pour joindre les deux bouts, pendant que la culture populaire glorifie les vies de riches athlètes et vedettes de cinéma et que le fossé entre l'entreprise et l'élite professionnelle, et la masse de travailleurs s'élargit sans cesse.

Il est vrai que les salaires de la LNH ont augmenté considérablement, particulièrement pour les joueurs étoiles. Sous le régime salarial maintenant voué à disparaître, même un joueur de second ordre gagnera en peu de saisons plus que la majorité des travailleurs durant toute une vie. De surcroît, les joueurs étoiles gagnent des millions supplémentaires grâce à de lucratifs contrats publicitaires. Parmi les propriétaires, deux sont et furent des joueurs, la merveille du hockey retraitée, co-propriétaire des Coyotes de Phoenix, Wayne Gretzky, et le « joueur propriétaire » des Penguins de Pittsburgh, Mario Lemieux.

Il serait faux, toutefois, de limiter la dispute au fait qu'elle oppose deux groupes de millionnaires. Premièrement, la carrière moyenne d'un joueur ne dépasse pas six ans et, longtemps après qu'il eut été forcé de prendre sa retraite, dans un grand nombre de cas avec des blessures sérieuses, les propriétaires continueront à prospérer.

En outre, les joueurs de hockey ont été, depuis des décennies, reconnus comme étant pauvrement payés et soumis aux conditions arbitraires des propriétaires détenant leurs droits de jouer. La première tentative de créer une association des joueurs de hockey en 1950 fut combattue avec succès par une campagne d'intimidation des propriétaires.

L'élimination de la clause de réserve au baseball donna des droits considérables à un grand nombre de joueurs professionnels en Amérique du Nord. Par contre, les joueurs de hockey continuèrent de traîner à la suite d'autres athlètes professionnels, en partie car, dans les années 70 et au début des années 80, l'association des joueurs de la LNH était dirigée et contrôlée par un avocat de Toronto et partisan du Parti conservateur Alan Eagleson, qui était de complicité avec les propriétaires contre les joueurs. Eagleson fut finalement reconnu coupable et envoyé en prison pour la fraude qu'il perpétua à l'endroit des joueurs de la LNH.



 

Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés