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Le financement des écoles privées juives et la crise du gouvernement Charest

Par Jean-François Girard
31 janvier 2005

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Le 13 janvier dernier, le journal Le Devoir apprenait que le gouvernement Charest avait octroyé 10 millions de dollars à cinq écoles privées juives de la région de Montréal suite à une entente signée par ces dernières avec la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys. Ainsi, le financement de ces écoles privées passait de 60% à 100% du montant accordé aux écoles publiques, soit de 3120$ à 5200$ par élèves.

Cette aide financière accordée aux écoles privées juives était la dernière d'une série de décisions visant à privatiser davantage les services sociaux, comme par exemple le transport en commun et la construction des autoroutes et des hôpitaux. À ce propos, le gouvernement a créé, en décembre, une agence de partenariat publique-privée servant à étudier le rôle que le secteur privé peut occuper dans le mise sur pied de différents programmes gouvernementaux.

Une semaine après la parution de la nouvelle dans Le Devoir, le gouvernement Charest revenait sur sa décision de financer ces cinq écoles privées juives. « Ce n'était pas un bon moyen » a dit Charest aux journalistes, pour favoriser le rapprochement des communautés culturelles. Il a rajouté : « La population du Québec n'a pas suivi. On en prend acte. Il est clair que l'adhésion que nous avions anticipée n'était pas au rendez-vous. »

Pour sa part, Pierre Reid, le Ministre de l'Éducation du Québec, avait défendu sa décision en affirmant que cet argent servirait à « favoriser les échanges culturelles » entre la communauté juive et les autres communautés. Si les autres écoles privées juives de la province avaient emboîté le pas en signant des ententes avec leurs commissions scolaires respectives, le montant aurait atteint 36,4 millions de dollars par année. De plus, le Ministre Reid se disait ouvert à favoriser d'autres communautés qui auraient souhaité bénéficier des mêmes avantages.

La décision du gouvernement Charest de financer les écoles privées juives (l'annonce avait été faite le 7 décembre par le Ministre Reid à l'école Talmud Torah, dont la bibliothèque avait été ravagée par un incendie criminelle) a suscité tout un émoi. Cependant, les réactions dans les partis d'opposition, dans la bureaucratie syndicale et dans les directions des commissions scolaires semblaient surtout reprocher au gouvernement Charest le fait qu'il avait agi en catimini et sans consulter personne ou encore que l'entente remettait en question le processus de laïcisation des écoles. Rares ont été ceux qui ont dénoncé le fait que cet argent pourrait très bien servir à mieux financer le réseau public d'éducation où les besoins sont criants.

Dans les partis d'opposition, la porte-parole officielle de l'opposition en matière d'éducation et députée du Parti Québécois, Pauline Marois, tout en reconnaissant que les « écoles publiques vivent des difficultés majeures », s'inquiétait du fait que les subventions pourraient avoir comme effet de créer des tensions entre les différentes communautés, plutôt que de les diminuer. Elle a également critiqué le gouvernement « pour avoir annoncé une décision sans que le conseil des ministres, le groupe parlementaire libéral et le Conseil supérieur de l'Éducation n'aient été consultés. » Quant à Mario Dumont, le chef de l'Action démocratique du Québec (ADQ), il a aussi critiqué le fait que « tout se soit fait en catimini et qu'aucune instance n'ait été consultée. »

Du côté de la bureaucratie syndicale, Henri Massé, le Président de la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ), a déclaré que le gouvernement relançait le débat sur la laïcité dans les écoles et que « tout le monde va se mettre en ligne pour bénéficier des largesses irréfléchies du ministre. » Pour ce qui est des commissions scolaires, leurs dirigeants ont émis des commentaires similaires. Le Président de la Fédération des Commissions scolaires, André Caron, a déclaré que ce n'était pas le bon moment pour prendre une telle décision et qu'il y avait d'autres « priorités », sans préciser quelles étaient ces priorités. Diane Miron, la Présidente de la Fédération des Comités de parents, a également indiqué que le gouvernement devrait «consulter ses partenaires à l'avenir.»

Mais, qu'est-ce que les partis d'oppositions, les chefs syndicaux et les commissions scolaires auraient bien pu changer à la décision du gouvernement Charest s'ils avaient été « consultés » ? Un sondage Léger Marketing révèle que 89% des gens sont contre l'idée de financer les écoles privées juives et que 85% des gens sont contre l'idée de financer les écoles privées, peu importe leur orientation religieuse. Est-ce que la majorité de ces personnes interrogées s'opposent aux financements des écoles privées sur la base que différentes instances du pouvoir n'ont pas été « consultées » ? Pour répondre à toutes ces questions, il est nécessaire d'examiner de plus près la crise qui secoue présentement le gouvernement Charest.

La crise du gouvernement Charest

Depuis que le gouvernement Charest a pris le pouvoir en 2003, nombreuses ont été les fois où une large partie de la population s'est opposée aux plans qu'il voulait mettre de l'avant. Par exemple, les coupures de 103 millions de dollars dans le système de prêts et bourses accordées aux étudiants ont suscité une vive opposition parmi ceux-ci. Également, l'abolition de l'article 45 du code du travail, qui a permis la sous-traitance dans les entreprises syndiquées, a fait sortir dans la rue d'innombrables travailleurs du secteur public. Un sondage CROP-La Presse réalisé entre le 15 et le 24 janvier révèle que 63% des québécois se disent « plutôt ou très insatisfaits » du gouvernement Charest, une hausse de trois points par rapport au mois dernier.

Cependant, malgré toute cette opposition, l'élite économique ainsi que différentes instances dirigeantes du Québec, accompagnées des propos de nombreux éditorialistes, trouvent que Charest ne va pas assez loin dans ses plans contre les travailleurs et sont eux aussi insatisfaits du gouvernement.

Un article d'Alain Dubuc dans le journal La Presse était, à cet égard, très révélateur. Pour Dubuc, le gouvernement Charest n'a pas été « à la hauteur des réformes qu'il promettait. » Il poursuit en écrivant : « le gouvernement libéral n'était pas prêt ». "Nous sommes prêts" était le slogan lancé par le Parti Libéral lors de sa campagne électorale en 2003. Il se révèle clairement dans cet article que ce slogan, pour les éditorialistes du genre à Dubuc, ainsi que pour l'élite économique et dirigeante québécoise, signifiait que le gouvernement Libéral était « prêt » à passer une série de réformes de droite.

Voyant que les deux premières années du mandat de Charest ne se sont pas déroulées aussi bien que prévues et que le mouvement d'opposition s'est « cristallisé » contre les plans du gouvernement, Dubuc donne une deuxième chance aux Libéraux et souhaite qu'ils se « ressaisissent ». Il rajoute : « Les libéraux se retrouvent dans l'inconfortable obligation de mettre en oeuvre leurs réformes en fin de mandat plutôt qu'au début. »

La bourgeoisie québécoise est tout aussi insatisfaite des deux premières années du mandat de Charest. Le Conseil du Patronat du Québec (CPQ), dans leur programme d'action 2004-2006 figurant sur leur site internet, réclame une baisse du fardeau fiscal des entreprises : « Pour stimuler l'investissement et améliorer la productivité, nous recommandons au gouvernement de prendre des mesures pour rendre la fiscalité des entreprises plus compétitive. Plus spécifiquement, nous demandons au gouvernement du Québec d'adopter le plus rapidement possible un plan d'abolition de la taxe sur le capital et, au fédéral, de retourner au Québec les impôt supplémentaires qu'il percevra des entreprises québécoises à la suite de la réduction de la taxe sur le capital. » Sur le dossier de la sous-traitance, le CPQ déclare ceci : « Le gouvernement a allégé certains aspects de la réglementation du travail au chapitre de la sous-traitance. C'est un pas dans la bonne direction. Mais il faut aller plus loin. » Le CPQ préconise, entre autre, l'allégement de la réglementation dans l'industrie de la construction et demande au gouvernement de reconnaître « la légitimité des besoins de flexibilité des entreprises ».

Quant à l'Institut Économique de Montréal (IEDM), un think tank de droite, il se déclarait en faveur, dans un communiqué de presse du 11 novembre, d'un taux d'imposition unique qui « serait plus équitable et plus efficace que l'actuel système à taux d'imposition progressifs. » Dans un autre communiqué de presse, daté du 6 janvier, il se déclarait contre la loi anti-briseur de grève qui interdit à un employeur de remplacer des employés en temps de grève.

Par ailleurs, l'IEDM a aussi poussé pour le développement des écoles privées en publiant à chaque année un bulletin sur la performance des écoles du Québec, privées et publiques confondues. Nul besoin de rajouter que la majorité des écoles privées, faisant une sélection autant économique qu'académique de leurs élèves, se retrouvent en tête du palmarès.

Depuis une dizaine d'années, il y a une migration importante des élèves vers les écoles privées. Pendant les 4 dernières années, la clientèle des écoles publiques a augmenté de 0,65%, comparativement à 12% pour les écoles privées. Le Québec est en tête de liste des provinces canadiennes quant au taux de fréquentation des écoles privées : 10,6% des élèves québécois fréquentent les 220 écoles privées de la province. Par ailleurs, le financement public moyen d'une école privée (i.e. de la totalité de l'école et non le financement par élève) a grimpé, en cinq ans, de 40% à 44% du montant alloué aux écoles publiques. Pour l'année 2004-2005, Québec versera environ 375 millions de dollars aux écoles privées.

En tenant compte de tous ces faits, la décision du gouvernement Charest de financer à 100% des écoles privées s'inscrit bien plus dans une perspective de financement accrue des écoles privées au détriment des écoles publiques que dans le fait que la communauté juive a versé 750 000$ dans les coffres du Parti Libéral pour sa campagne électorale, comme l'ont suggéré plusieurs journalistes.

Pour revenir aux positions défendues par les éditorialistes, le CPQ et l'IEDM, il ressort clairement que l'insatisfaction vis-à-vis du gouvernement Charest se situe à deux niveaux : Une, conjointement défendue par la bourgeoisie et différentes instances du pouvoir, qui souhaite que Charest aille plus loin dans ses attaques contre les travailleurs et l'autre, largement répandue dans la population, qui s'oppose aux plans de droite du gouvernement.

Voilà pourquoi l'opposition adéquiste et particulièrement péquiste ainsi que les bureaucrates syndicaux aimeraient être « consultés » lorsque Charest prend des décisions de la sorte. C'est parce que eux, pensent-ils, au lieu de s'enfarger sur des points qui ne sont pas essentiels au yeux de la bourgeoisie (comme le financement des écoles privées juives) et de s'attirer la colère de la population, savent comment si prendre lorsque vient le temps de mettre de l'avant des mesures impopulaires.

La position des syndicats face au gouvernement Charest

Tout au long du mandat du gouvernement Charest, la bureaucratie syndicale n'a cessé de répéter que Charest « connaît mal la culture québécoise. » Cette conception réside dans la perspective nationaliste et sociale-démocrate des chefs syndicaux. Pour eux, les attaques du gouvernement Charest, proche des Libéraux du gouvernement fédéral, constituent plus une attaque du fédéral contre les Québécois et leurs valeurs de gauches qu'une attaque de la bourgeoisie québécoise contre les travailleurs québécois. Conséquemment, la perspective des chefs syndicaux se trouve plus dans une alliance avec le Parti Québécois et une section du patronat québécois pour concrétiser le projet d'indépendance du Québec et ainsi mieux défendre la « culture québécoise ».

Cependant, une telle perspective ne peut mener à une défense efficace contre les attaques auxquelles sont confrontés les Québécois. Dans un contexte d'ouverture des marchés et de compétitivité internationale, défendre les acquis sociaux des Québécois en défendant la bourgeoisie québécoise, qui elle-même doit arracher des concessions aux travailleurs, est voué à la banqueroute. D'ailleurs, cette perspective mène tout droit la bureaucratie syndicale à travailler avec le patronat pour mieux soutirer des concessions aux travailleurs.

Paragraphe à mieux expliquer En effet, l'insatisfaction et la colère que suscitent le gouvernement Charest parmi la population, comme par exemple dans le cas de la sous-traitance, a été contenue par la bureaucratie syndicale. Après avoir réalisé l'immense opposition de la population face aux mesures préconisées par Charest, ils ont déclaré une « guerre sans merci » au patronat et au gouvernement, les chefs syndicaux ont laissé la colère de la population s'exprimer en organisant des manifestations partout dans la province. Parler de la grève générale

Les travailleurs québécois, tout comme les étudiants, n'ont rien à attendre du gouvernement Charest, et encore moins des partis de l'opposition et des représentants syndicaux. Le Parti de l'Égalité Socialiste croit que la seule façon de s'opposer aux attaques contre les acquis sociaux est d'unir les travailleurs québécois, canadiens et du monde entier dans une lutte commune contre le système de profit et pour l'établissement du socialisme.



 

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