wsws.org/francais

Visitez le site anglais du WSWS

SUR LE SITE :

Contribuez au WSWS

Nouvelles et Analyses
Luttes Ouvrières
Histoire et Culture
Correspondance
L'héritage que nous défendons

A propos du CIQI
A propos du WSWS

AUTRES LANGUES

Allemand

Français
Anglais
Espagnol
Italien

Indonésien
Russe
Turque
Tamoul

Singalais
Serbo-Croate

 

Le Canada est sur le point d'établir une base militaire permanente dans la région du Golfe Persique

Par David Adelaide
(Article original paru le 2 juillet 2005)

Utilisez cette version pour imprimer

Le gouvernement canadien est en train d'établir une base militaire permanente dans la région pétrolifère du Golfe Persique. Selon un article récent du Globe and Mail, le gouvernement canadien est présentement en train de négocier avec les Émirats arabes unis dans le but d'obtenir le contrôle d'une section de la base aérienne de Minhad, située près de Dubaï, pour les années, voire même les décennies à venir.

Depuis la fin de 2001, lorsque les Forces armées canadiennes (FAC) ont participé à l'invasion américaine de l'Afghanistan, l'armée canadienne a contrôlé une partie de la base de Minhad, utilisant ainsi une base clandestine pour la logistique et le ravitaillement. Les FAC ont nommé leur base aux Émirats arabes unis le Camp Mirage.

Le reportage du Globe présente la base aux Émirats arabes unis comme une nécessité pour le gouvernement canadien si ce dernier doit remplir son engagement souvent réitéré de soutenir militairement le gouvernement afghan mis en place par les États-Unis.

Les FAC joue présentement un rôle clé au sein des Forces internationales d'assistance en sécurité (FIAS), un contigent de 5000 militaires mandatés par les Nations unies et dirigés par l'OTAN ayant comme mission de défendre le gouvernement d'Hamid Karzaï à Kaboul et ses environs.

Les troupes des FAC furent pour un temps le plus important contingent des FIAS et est présentement le deuxième plus important, derrière celui l'Allemagne. Sept cents soldats canadiens sont stationnés à Kaboul. Deux cents quarante sont attendus à Kandahar dans un futur rapproché et 1000 autres soldats les suivront l'an prochain. À cela doivent être ajoutés 250 militaires à bord du HMCS Winnipeg (attaché à une flottille de ravitaillement dans le Golfe Persique) et 200 autres militaires stationnés à Camp Mirage.

Cependant, il serait naïf de croire que le soutien militaire, politique et économique du Canada vis-à-vis du régime afghan est la seule ou la principale raison pour laquelle le gouvernement canadien cherche à obtenir le contrôle d'une base militaire aux Émirats arabes unis. Comme l'ont affirmé quelques critiques militaires du plan présenté dans l'article du Globe, Camp Mirage est à quatre heures de vol de Kaboul.

L'obtention d'une base permanente des FAC aux Émirats arabes unis signifiera que l'armée canadienne pourra être rapidement déployée dans la région riche en pétrole du Golfe Persique, une zone ou les États-Unis sont déjà embourbés dans une guerre et qui est au centre des plans de Washington afin d'obtenir une emprise stratégique sur les réserves mondiales de pétrole.

La Marine canadienne (dont les bateaux dans le Golfe Persique et dans la Mer d'Arabie sont régulièrement ravitaillés à partir du Camp Mirage) a été presque sans interruption présente dans le Golfe Persique depuis la Guerre du Golfe de 1991.

L'Opération Friction (1990-91), dans laquelle la Marine canadienne a participé à l'invasion américaine pour «libérer le Koweït», a été suivie d'une série d'opérations dans le but de renforcer un programme punitif de sanctions économiques qui ont eu comme résultat la mort de plus d'un million de personnes : les Opérations Drapeau (1991), Tranquillité (1995), Détermination (1998) et Augmentation (1999-2002). En 2001, la Marine canadienne a augmenté sa présence dans le Golfe Persique dans le cadre de l'Opération Apollo, un déploiement ordonné par le gouvernement libéral canadien dans le but de fournir une assistance à l'administration Bush dans sa guerre contre le terrorisme.

Le capital canadien et la redivision du monde

 

L'attaque de l'OTAN en 1999 sur la Yougoslavie et les guerres en Afghanistan et en Irak, toutes des guerres d'agressions pour lesquelles le gouvernement canadien a donné son appui sous une forme ou sous une autre, ont signalé le début d'une nouvelle époque de rivalités et de conflits impérialistes. L'élite dirigeante américaine, n'étant plus contrainte militairement par l'existence de l'Union soviétique, cherche à utiliser son énorme supériorité militaire pour contrecarrer sa crise sociale et économique grandissante en s'appropriant le contrôle de ressources vitales et toutes les régions importantes géopolitiquement.

Les autres puissances, et ceci est devenu apparent avec les conflits entourant l'actuelle guerre en Irak, ont été jetées dans une lutte pour développer des stratégies géopolitiques et militaires dans le but de contrer les Etats-Unis qui ne se soumettent désormais plus au système de relations et d'institutions internationales qu'ils ont mis sur pied après la Deuxième Guerre mondiale et qui ont maintenant l'intention de rediviser le monde selon les intérêts du capital américain.

Pour sa part, l'élite dirigeante canadienne est déterminée à ne pas être laissé pour compte dans ce grand jeu. Lors de la dernière décennie, et particulièrement depuis 2001, la droite et la grande entreprise ont mené une campagne de plus en plus agressive pour réarmer et revigorer les FAC et pour que le Canada joue un rôle plus important dans le maintien de l'ordre international. La demande du Conseil canadien des chefs d'entreprises, le lobby d'entreprise le plus puissant du pays, est typique : « le Canada doit bâtir sur sa fière tradition de maintien de la paix en rétablissant une capacité crédible de contribuer à la sécurité mondiale. Ceci devrait comprendre une capacité d'intervenir vigoureusement et rapidement dans des crises n'importe où dans le monde. »

Le gouvernement libéral de Paul Martin a répondu à ces demandes. Pendant la dernière campagne référendaire, Martin a annoncé qu'il augmenterait les effectifs militaires de 5000 personnes. Le budget de février 2005 incluait 12,8 milliards pour élargir et renforcer les Forces armées canadiennes, la plus grande injection d'argent dans l'armée canadienne depuis une génération. Parmi les éléments les plus importants de ces nouvelles dépenses, on trouve le développement d'une force à déploiement rapide lors des crises internationales.

L'annonce du budget fut soigneusement coordonnée avec une autre annonce du gouvernement Martin, celle que le Canada ne participerait pas formellement au programme de bouclier anti-missile balistique de l'administration Bush. La juxtaposition des deux décisions illustre le dilemme dans lequel est plongé le gouvernement libéral minoritaire.

Pendant que Martin et les libéraux ont hâte de pallier à la demande de la classe dirigeante pour des forces armées revitalisées et un plus grand rôle du Canada sur la scène mondiale, ils craignent les conséquences d'un rejet explicite du mythe nationaliste canadien selon lequel le Canada et son armée ont joué un rôle unique et honorable sur la scène mondiale, mettant de côté la guerre au profit du maintien de la paix.

Par contraste, le droite néo-conservatrice ainsi qu'un lobby d'anciens généraux des FAC en ont spécifiquement contre l'image de maintien de la paix dont sont affublées les FAC. Ils la considèrent comme un obstacle pour la préparation de l'armée et du public canadien pour le rôle plus important et plus agressif qu'ils croient que le Canada doit jouer sur la scène mondiale, particulièrement comme partenaire des actions militaires menées par les États-Unis. Fréquemment, ces sections font référence à l'Australie comme un pays de taille comparable au Canada, mais qui, en travaillant étroitement avec Washington que ce soit lors des guerres du Vietnam ou de l'Irak, s'est taillé une place sur la scène internationale.

Martin, lorsqu'il a assumé le poste de premier ministre à la fin d'une longue dispute à l'intérieur du Parti libéral, a désigné le rapprochement avec les États-Unis comme une de ses priorités. Mais son gouvernement est bien au courant qu'il y a une opposition de masse au programme de l'administration Bush, particulièrement pour sa politique militariste.

Conséquemment, les libéraux ont essayé d'être plus fins dans leurs efforts pour remodeler les FAC comme étant l'instrument d'une politique étrangère plus agressive et dans leurs efforts pour rendre la coopération avec les États-Unis plus étroite. Ainsi, les libéraux ont affirmé qu'ils veulent élargir les FAC pour qu'elles soient un gardien de la paix plus efficace. Au même moment, ils se sont distancés des actions les plus provocatrices et les plus féroces de l'administration Bush.

La décision de se tenir à l'écart du bouclier anti-missile de Bush vient renforcer le mythe d'un Canada pacifique. Cependant, en arrière-plan, le Canada est un participant actif du système de bouclier anti-missile puisque NORAD, le système de défense aérospatiale canado-américain, partage de l'information avec le programme du bouclier anti-missiles balistiques.

Le mythe d'un Canada pacifique a été méticuleusement cultivé par l'élite dirigeante dans le cadre d'un refaçonnement de l'idéologie nationale, bourgeoise et canadienne dans les décennies qui ont suivi la Deuxième Guerre mondiale. Pendant que le déclin de la Grande-Bretagne portait atteinte à son empire, le Canada était de plus en plus poussé dans l'orbite économique et géopolitique des États-Unis et il y avait une forte pression de la part de la classe ouvrière pour l'obtention de programmes sociaux et de la part des Québécois pour des droits relatifs à la langue française. Le capitalisme canadien fut présenté comme étant une alternative plus humaine par rapport à son rival américain plus gros et plus agressif. Cette idéologie correspondait aussi à la stratégie internationale de la bourgeoisie canadienne qui faisait la promotion de diverses institutions multilatérales, comme l'OTAN et les Nations unies en tant que contrepoids à l'influence accablante de Washington et de Wall Street.

Cette stratégie est aujourd'hui dépassée suite à la renaissance d'un impérialisme américain ouvertement agressif.

Cela a clairement transpiré dans la façon dont le gouvernement libéral s'est comporté face à l'invasion et à l'occupation de l'Irak. Jusqu'à la dernière minute, tout indiquait que le gouvernement de Jean Chrétien joindrait les forces américano-britanniques. En fait, le personnel des FAC a travaillé aux côtés des officiers américains et britanniques dans la mise sur pied des plans de guerre. Mais, dans les jours qui ont immédiatement précédé le début de la guerre, Chrétien a finalement décidé de ne pas envoyer de troupes aux côtés des Américains en Irak.

Au lieu de cela, il a annoncé que les Forces armées canadiennes prendraient la relève des troupes américaines en Afghanistan. Au même moment, les libéraux ont, dans les coulisses, rassuré Washington que les critiques qu'ils feraient des actions des États-Unis seraient minimales se limitant à déclarer que la participation canadienne à la guerre en Irak n'était pas dans le meilleur intérêt du Canada et décourageant tout débat public sur la légalité de la guerre.

Les manoeuvres de Chrétien ont provoqué une tempête de commentaires provenant de la droite, autant au Canada qu'aux États-Unis. Cependant, l'ancien ambassadeur américain au Canada, Paul Celluci, a dû concéder que le gouvernement canadien a offert un plus grand soutien à la conquête de l'Irak que la plupart des membres faisant parti de la «coalition des volontaires».

La position hypocrite des libéraux face à la guerre en Irak était motivée par la crainte d'une réaction politique de la population si les FAC se joignaient aux envahisseurs. Les semaines juste avant le début de la guerre ont vu d'immenses manifestations contre cette dernière, incluant les plus grosses manifestations dans l'histoire du Canada. Plus généralement, ils étaient bien au fait de la menace posée par les actions des États-Unis au système d'alliances et d'institutions multilatérales qui s'étaient avérées si utiles à l'élite canadienne pendant la Guerre froide en tant que moyen pour défendre ses intérêts dans l'ombre de son colossal voisin impérialiste au sud.

En résumé, l'élite canadienne avait besoin, et continue d'avoir besoin, de plus de temps pour redéfinir sa politique intérieure et les cadres politiques et diplomatiques entourant l'envoi de forces militaires outre-mer.

L'emplacement de la base proposée des FAC dans le désert au sud de Dubaï est gardée secrète supposément à la demande des Émirats arabes unis. Les dirigeants des Émirats arabes unis ont de bonnes raisons d'être frileux face au rôle substantiel qu'ils jouent en tant que pays hôte des puissances impérialistes occidentales : ils fournissent un espace aérien gratuit aux armées canadiennes et américaines et, au début de l'année 2005, les Émirats arabes unis ont conjointement participé à des exercices militaires avec l'armée française.

Mais, à un niveau plus fondamental, les tentatives malhabiles de cacher l'établissement d'une base permanente des FAC dans le Golfe Persique reflète une prudence instinctive de la part de l'élite dirigeante canadienne face aux dangers encourues par une redéfinition du rôle du Canada en tant que puissance impérialiste. Un rejet trop explicite du mythe de «gardien de la paix» et du nationalisme progressiste canadien qui lui est associé pourrait sérieusement affaiblir d'importants piliers idéologiques de l'ordre sociopolitique actuel. Les grands médias partagent entièrement cette prudence: à part deux articles dans le Globe and Mail, cette histoire n'a pas paru dans les autres grands quotidiens, n'a résulté en aucun éditorial et est, dès sa parution dans le Globe and Mail, complètement hors de la zone radar des médias.

Voir aussi:




 

Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés