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Les Etats-Unis préparent de nouvelles provocations contre l'Iran

Par Patrick Martin
Article original paru le 2 juillet 2005

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Le 28 juin, l'éditorial du Washington Post, un des principaux quotidiens de la capitale américaine, a condescendu à s'intéresser au président iranien nouvellement élu, Mahmoud Ahmadinejad. Les rédacteurs étaient irrités par la victoire de Ahmadinejad sur le candidat soutenu par l'élite politique américaine, Ali Akbar Hashemi Rafsanjani, et révoltés par le fait que cette victoire avait été remportée parce qu'il avait insisté sur les difficultés quotidiennes des Iraniens les plus défavorisés. Le Washington Post se consolait en disant que "après tout le nouveau président ne mérite pas qu'on s'intéresse à lui".

Il n'a pas fallu plus de 24 heures à la presse américaine pour adopter un comportement radicalement différent et pour diffuser les informations selon lesquelles Ahmadinejad avait été reconnu comme faisant partie des dizaines d'étudiants islamiques radicaux qui avaient pénétré le 4 novembre 1979 dans l' ambassade américaine à Téhéran pour y retenir le personnel en otages pendant 444 jours. Cette prise d'otage a provoqué la rupture des relations diplomatiques entre l'Iran et les Etats-Unis.

La presse avait cité quelques membres du personnel de l'ambassade qui disaient pouvoir affirmer, à partir de photos du nouveau président, âgé de 49 ans, qu'il avait été un des personnages clefs parmi les preneurs d'otages d'il y a 25 ans.

Ces affirmations sont basées sur des sources pour le moins douteuses. Elles se sont tout d'abord étalées à la une du Washington Times, le quotidien ultra conservateur, financé et contrôlé par l'Unification Church du révérend Sun Myung Moon. D'autres organes de presse ont diffusé les mêmes informations après que la Maison Blanche se soit bien gardée d'annoncer un quelconque démenti ­ reconnaissant que les archives américaines ne disposaient d'aucun élément pour affirmer qu'Ahmadinejad se soit trouvé à l'ambassade tout en suggérant néanmoins que cela était "fort possible".

Le président Bush a reconnu qu'il ne disposait d'aucune "information" quant au rôle supposé d'Ahmadinejad dans la prise de l'ambassade tout en ajoutant immédiatement après que "à l'évidence son éventuelle participation suscite certaines interrogations". Le Conseiller pour la Sûreté nationale, Stephen Hadley, a déclaré que si Ahmadinejad avait participé à la prise de l'ambassade, ce serait un viol des lois internationales et "un point que nous devons examiner".

Plusieurs anciens otages ont nié avoir vu Ahmadinejad, et aucun de ceux qui l'ont identifié n'a souvenir de lui avoir parlé ou bien d'avoir entendu prononcer son nom par leurs gardiens. Les anciens étudiants qui ont participé à la prise d'otages de 1979 ont tous déclaré qu'il n'y avait pas pris part. Pour la politique intérieure de l'Iran, une participation à la prise de l'ambassade américaine équivaut à un titre de gloire, et il y a peu de probabilité qu'Ahmadinejad ait pu cacher sa participation au cours des 25 dernières années. D'après les anciens étudiants, Ahmadinejad ne soutenait pas une attaque de l'ambassade des Etats-Unis mais favorisait plutôt une attaque de l'ambassade d'URSS, ce qui, à l'époque, s'inscrivait plutôt dans une politique visant à éloigner les étudiants gauchistes des campus de Téhéran.

La soudaine indignation concernant le rôle prêté à Ahmadinejad dans la prise de l'ambassade est tout particulièrement sélective. Depuis 1997, après l'élection de Mohammad Khatami, le gouvernement américain essaie d'entretenir de meilleures relations avec la faction "réformiste" des religieux au pouvoir. Washington ne s'est jamais arrêté au fait qu'une des vices présidentes de Khatami, Massoumeh Ebtekar avait pris part à l'occupation de l'ambassade et qu'elle avait même servi de porte-parole pour les occupants, grâce à sa bonne connaissance de la langue anglaise. Mohammad Reza, le frère de Khatami lui-même, a été un des participants les plus remarqués lors de la prise de l'ambassade. Il a été également de facto candidat à la vice présidence, avec le candidat réformiste, Mustafa Moin, candidat lors des dernières élections présidentielles.

Néanmoins, il faut également dire que si le gouvernement américain s'intéresse aujourd'hui au rôle d'Ahmadinejad dans la prise d'otages de 1979, c'est bien pour isoler encore un peu plus l'Iran et pour préparer la voie à une future possible intervention des Etats-Unis.

Même si ces reproches étaient justifiés, Ahmanadinejad n'aurait aucune excuse à présenter. La prise de l'ambassade américaine n'était pas un crime, encore moins une action terroriste. C'était une réaction par rapport à toute une suite de crimes et de provocations de la part des Etats-Unis contre le peuple iranien et contre la révolution qui renversa le régime du Shah en février 1979.

Le régime brutal du Shah, basé sur la torture et sur les assassinats ne devait son existence que grâce au soutien des Etats-Unis. En 1953, c'est la CIA qui a mis en place le coup d'Etat qui renversa le gouvernement nationaliste, démocratiquement élu, de Mohammed Mossadegh et qui permit le retour du Shah sur son trône du Paon à partir duquel il gouverna avec des méthodes de plus en plus sanglantes et de plus en plus tyranniques pour, à la fin de l'année 1978, être finalement renversé par un vaste mouvement populaire.

Pendant ces 25 années, les Etats-Unis étaient le principal fournisseur de l'Iran en armes et en haute technologie ­ incluant l'aide pour ce genre de programme nucléaire dont les Etats-Unis prétendent qu'elle n'est pas légitime pour Téhéran. Des "conseillers" américains aidèrent directement l'armée iranienne, que le Pentagone considérait comme son alliée la plus sûre de la région, ou encore la SAVAK, la sinistre police secrète du Shah dont les méthodes brutales étaient tout à fait comparables aux plus sinistres dictatures d'Amérique Latine.

Pendant ces années, des dizaines de milliers d'Iraniens de gauche, de travailleurs, de syndicalistes et d'opposants furent emprisonnés, torturés ou assassinés. Le point culminant fut la visite, en 1978, à la veille de la révolution islamique, du président américain, Jimmy Carter, qui oublia son discours habituel sur les "Droits de l'Homme" pour faire une ardente déclaration d'amitié envers le Shah.

C'était prononcer l'arrêt de mort de la gauche. Celle-ci fut rendue encore plus facile grâce à la complicité du Parti Toudeh qui désarma la classe ouvrière en apportant son soutien à Mossadegh, puis au Shah, ce qui permit aux religieux conservateurs, menés par l'Ayatollah Khomeini de prendre la direction du mouvement populaire contre la monarchie.

L'administration Carter chercha désespérément à contrecarrer la révolution iranienne, puis à isoler celle-ci afin de la renverser. L'ambassade américaine à Téhéran était le point central de toutes ces manoeuvres ­ tout comme elle avait était le point central pour le coup d'Etat de 1953. Les limites furent franchies quand Carter autorisa le Shah d'Iran à venir se faire soigner aux Etats-Unis. Aux yeux de beaucoup, c'était une manoeuvre préparatoire en vue de lui accorder l'asile politique tout en se servant, lui et son entourage, des Etats-Unis comme base arrière de manoeuvres contre révolutionnaires. Les étudiants prirent l'ambassade américaine, tout en réclamant le retour du Shah en Iran pour pouvoir être jugé par un tribunal révolutionnaire.

La campagne menée par l'administration Carter contre l'Iran se développa encore lors d'un épisode qui a été complètement ignoré par les médias américains au cours de ces dernières années. En septembre 1980, au dixième mois de la crise des otages, le gouvernement américain apporta son soutien tacite à l'invasion de l'Iran par Saddam Hussein. L'administration Carter chercha à tirer profit du conflit très ancien entre l'Iran et l'Irak en fomentant une guerre qui aurait affaibli la République Islamique. Un million de personnes ont trouvé la mort au cours de cette guerre. De son côté, Saddam Hussein chercha à tirer profit du conflit entre Washington et Téhéran en se présentant comme un allié fidèle des Américains, et peut-être même comme remplaçant du Shah comme l'agent des Américains dans la Golfe Persique.

Si la thèse, selon laquelle la prise d'otages à l'ambassade des Etats-Unis violait les lois internationales, était acceptable, le gouvernement américain peut aujourd'hui difficilement insister sur ce point parce que lui-même est devenu le principal violeur des lois internationales. L'administration Bush clame même haut et fort qu'elle n'est tenue de respecter aucun règlement international, que celui-ci se présente sous la forme de traité, de la Convention de Genève, ou des décisions d'institutions comme la Cour de Justice Internationale.

Quiconque viole les lois internationales s'attire les bonnes grâces dans l'administration Bush et peut y accéder à de hautes fonctions. Elliot Abrams, témoin, au cours des années 1980, devant le Congrès des Etats-Unis lors d'un procès concernant la vente d'armes illégale aux terroristes "contras" du Nicaragua et pris en flagrant délit de fausse déclaration, est maintenant le bras droit de Hadley, conseiller à la Sécurité nationale. Ou encore, John Negroponte, qui, quand il était ambassadeur américain au Honduras, a organisé dans ce pays aussi bien les commandos de la mort formés par les Américains que les expéditions transfrontalières contre le Nicaragua. Sous la présidence de Bush, il est devenu ambassadeur des Etats-Unis en Irak et il est maintenant directeur du renseignement national.

On peut aussi évoquer le cas de l'ancien président Bush, père de l'actuel président. Il a été directeur de la CIA de 1975-1976. A cette époque, les dictatures militaires soutenues par les Etats-Unis organisaient des tueries en masse et la répression en Argentine, au Chili comme dans d'autres pays d'Amérique Latine, et plus particulièrement le programme de rapts et d'exécutions plus connu sous le nom d'"Opération Condor".

Bush père a été élu en 1980 en tant que vice-président sur le ticket républicain de Reagan. Cette élection est au moins partiellement due à la détermination de Khomeini de faire subir le maximum d'humiliation à l'administration Carter. Des rumeurs ont circulé de façon persistante, sans pour autant être formellement étayées, que William Casey, le directeur de campagne de Reagan et par la suite directeur de la CIA, avait eu des contacts avec le régime iranien dans le but d'anticiper une "surprise d'octobre" - des négociations en vue d'obtenir une libération des otages, ce qui aurait pu influer sur les résultats des élections présidentielles de 1980.

Il est très possible que Bush doive son élection à des responsabilités nationales ­ lui permettant par la suite d'accéder à la présidence ­ à un accord secret qui a contraint les prisonniers de l'ambassade américaine à rester captifs quelques mois de plus. Ceci donne à l'actuel président Bush une autre bonne raison d'être extrêmement prudent quand il veut jouer la carte du "preneur d'otages" contre le nouveau président iranien.

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