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La guerre criminelle de Washington en Irak entre dans sa troisième année

Par le comité de rédaction
19 mars 2005

Ce 19 mars marque l'an trois de l'intervention américaine en Irak, dont les tragiques conséquences pour le peuple irakien et le peuple américain continuent de s'accumuler.

Les Irakiens tués - incinérés par les frappes aériennes américaines, abattus à des blocages routiers, ou victimes de sièges sans merci comme celui qui a été dirigé en novembre dernier contre la ville de Fallujah - se chiffrent à des dizaines de milliers.

Le nombre de victimes américaines s'élève à plus de 1.520 morts, plus 11.200 soldats blessés et jusqu'à 100.000 ayant besoin de traitement médical suite au carnage dont ils ont été témoins en Irak.

Une armée d'occupation américaine de 150.000 s'est avérée incapable d'étouffer la résistance irakienne ou même de contrôler pleinement le centre de Bagdad. Rien ne laisse croire que la tuerie va diminuer, voire cesser. Les responsables politiques et militaires américains parlent plutôt d'une occupation pouvant s'étendre sur une décennie, sinon plus. Les conditions de vie du peuple irakien demeurent catastrophiques: des millions sont condamnés au chômage, les services de base comme l'élecricité, l'eau et le réseau sanitaire sont encore en ruines, et le danger de la violence reste toujours présent.

C'est pourtant l'appel au tambour dans les médias américains et le supposé parti de l'opposition des Démocrates: il s'agit d'exonérer l'administration Bush pour avoir lancé une guerre non provoquée sur la base de mensonges et de créditer le militarisme américain d'avancées pour la démocratie non seulement en Irak mais dans tout le Moyen-Orient.

Venant s'ajouter aux mensonges de l'administration Bush à propos des armes de destruction massive irakiennes et de ses liens avec les terroristes d'Al Qaïda, l'assertion que la conquête américaine de l'Irak est un exercice de démocratisation qui a servi de source d'inspiration aux peuples de toute la région est le plus grotesque leurre de tous.

Installée au moyen d'une suppression du vote populaire, l'administration Bush est entrée en fonctions, munie de plans déjà élaborés d'une guerre visant à coloniser l'Irak. Elle a sauté sur l'occasion fournie par les attaques terroristes du 11septembre 2001 pour en faire le prétexte recherché pour la mise en oeuvre de ces plans. Ses efforts pour terroriser le peuple américain, et le forcer à accepter la guerre, ont été facilités par le Parti démocrate et les médias de masse, qui ont évité toute sérieuse remise en cause des mensonges flagrants de l'administration.

Le consentement des médias et des démocrates offrait la preuve la plus évidente que la guerre dite préventive et l'usage de la puissance militaire américaine pour s'emparer de ressources pétrolières et faire valoir son hégémonie globale faisait consensus au sein de l'élite dirigeante américaine.

Le 19 mars 2003 est vraiment une date qui sera associée aux pires infamies de l'histoire. La plus grosse puissance impérialiste du monde a ouvertement défié la loi internationale et a lancé toute sa force de frappe militaire contre une nation sans défense qui ne posait pas la moindre menace aux États-Unis.

Le caractère criminel de cette invasion s'est étendu comme un cancer dans tous les aspects de l'opération américaine en Irak. C'est à une échelle massive qu'ont été reproduits tous les crimes associés aux guerres et occupations coloniales du Moyen-Orient, de l'Afrique, de l'Asie et d'autres régions opprimées du globe.

L'armée américaine supervise aujourd'hui un réseau de camps de concentration qui détient au moins 10.000 Irakiens, dont quasiment aucun n'a été formellement accusé d'un crime. Alors que l'indignation et la honte provoquées l'année dernière par les photographies d'actes de torture et d'abus à la prison d'Abou Graïb ont été reléguées depuis longtemps par les médias de masse au statut de note de fin, des révélations continuent de faire surface laissant percevoir des crimes encore plus graves.

Le Pentagone lui-même admet maintenant la mort de 108 de ceux qu'il a emprisonnés en Irak et en Afghanistan, la violence étant en cause dans la majorité des cas. Un quart au moins de ces morts sont sous investigation en tant qu'homicides. Certains de ces cas impliquaient des détenus qui ont été torturés ou battus à mort sur de longues périodes. Si autant a été rendu public, on peut raisonnablement présumer que des crimes d'une ampleur beaucoup plus grande sont gardés sous silence au nom du secret militaire.

Le peuple irakien a été victime de crimes de guerre impliquant la prise en cible délibérée de civils et le recours à la punition collective par l'armée américaine. Le mot Fallujah va passer à l'histoire aux côtés du ghettho de Varsovie, Guernica, Lidice et My Lai, en tant que synonyme d'atrocité.

Les quelque 300.000 habitants de la ville ont été chassés de leurs maisons par le siège américain. Un rapport publié plut tôt cette année par L'Agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) explique que si 85.000 d'entre eux étaient retournés, traversant des checkpoints militaires américains, aussi peu que 3.000 étaient restés dans la ville pour la nuit. La très grande majorité a trouvé leurs maisons en ruines et une ville où il n'y avait ni électricité, ni eau, ni hôpitaux. Selon un résumé du rapport de l'UNHCR sur Fallujah, «40 pourcent des édifices ont été complètement détruits, 20 pourcent ont subi des dommages majeurs et 40 pourcent des dommages sérieux».

Des témoins rapportent que des corps sont encore retirés des décombres. Des survivants demeurent traumatisés par le carnage qui a eu lieu dans la ville. Certains racontent le massacre de membres non armés de leur famille lors de raids menés par des marines américains maison par maison.

Dahr Jamail, écrivant pour Inter Press Service, cite le témoignage d'une fille de 16 ans:

«Elle est restée trois jours avec les corps de membres de sa famille tués dans leur maison. Quand les soldats sont entrés, elle était chez elle avec son père, sa mère, son frère de 12 ans et deux soeurs.

«Elle a vu les soldats entrer et abattre directement sa mère et son père sans dire un mot. Ils ont frappé ses deux soeurs avant de leur tirer une balle à la tête. Pris de rage, son frère s'est précipité en criant sur les soldats, qui l'ont alors abattu.»

Le massacre continue. Non seulement les troupes américaines, mais aussi une armée de mercenaires - parmi eux de nombreux vétérans d'escadrons fascistes de la mort dans des pays comme l'Afrique du Sud et le Chili - ont le feu vert pour abattre tout Irakien, homme, femme ou enfant, jugé une menace potentielle. La généralisation de ce type de violence a été mise en évidence la semaine dernière lorsqu'un général haut placé de l'armée irakienne organisée par les États-Unis s'est fait abattre à un blocage routier pour avoir violé un couvre-feu.

Corruption massive

En plus des tueries, l'Irak a été la scène d'une corruption à grande échelle et de cas flagrants de vol par des contractants militaires politiquement bien placés. Une guerre criminelle a amené dans son sillage en Irak toute une bande de voleurs.

Un récent rapport d'audit du Pentagone a cité la société Halliburton, dont l'ancien dirigeant est le vice-président Dick Cheney, pour avoir sur-facturé le gouvernement américain de 108 millions de dollars pour des importations de fioul en Irak. Dans un des cas, la compagnie a facturé 27 millions de dollars pour transporter du gas pétrôle liquide qu'elle avait acheté au Koweït pour seulement 82.000 dollars. L'audit a été achevé en octobre, mais il a été tenu secret par l'administration jusqu'au lendemain de l'élection de novembre.

Un employé de la filiale d'Halliburton, Kellogg, Brown & Root (KBR) a été trouvé coupable la semaine dernière d'avoir arrangé des appels d'offre qui ont résulté en des paiements excédentaires d'environ 5 millions de dollars à un contractant koweïtien pour transporter du fioul. L'employé du KBR est accusé d'avoir encaissé un pot-de-vin de 1 million de dollars pour avoir scellé l'entente.

Un récent rapport par Transparency International, un groupe de surveillance dirigé par d'anciens responsables de la Banque mondiale, a averti que «l'Irak deviendra le plus grand scandale de corruption de l'histoire».

L'affirmation que de telles conditions infernales de sang et de boue puissent servir d'exemple aux peuples des autres régions du monde arabe est aussi riddicule qu'obscène.

L'idée que l'élection du 30 janvier en Irak aurait confirmé la justesse de la politique menée par l'administration Bush et servi de source d'inspiration à toute la région n'est pas plus crédible. Premièrement, faut-il rappeler, la tenue d'un vote a été imposée à Washington, qui avait installé en Irak un Conseil de gouvernement fantoche en tant que vitrine des autorités américaines d'occupation. Face à de massives manifestations chiites en été dernier, les responsables américains ont accepté de mauvais gré la tenue d'un vote afin d'empêcher une extension de la résistance armée.

Les grands vainqueurs ont été des partis politiques associés aux autorités cléricales chiites dont le but est d'imposer la loi islamique, et des dirigeants kurdes déterminés à établir leur contrôle sur une enclave ethnique semi-autonome dans le Nord, qui comprendrait la ville multiethnique de Kirkouk et ses champs de pétrole. Il ne s'agit vraiment pas d'une formule en vue d'une solution démocratique des complexes problèmes historiques auxquels est confronté l'Irak.

Le parlement qui est sorti de ce vote n'a toujours pas été en mesure de former un gouvernement et n'exerce aucun pouvoir. Le véritable rapport de forces était évident lors de la session d'ouverture, qui a eu lieu dans la Zone verte, lourdement fortifiée et sous contrôle américain, avec des hélicoptères de combat américains survolant les lieux.

La propagation du mythe que l'élection irakienne a représenté un triomphe de la démocratie qui fraie la voie à une transformation démocratique du Moyen-Orient tient lieu d'avertissement: la guerre irakienne n'est que le prélude à d'autres actes d'agression militaire par les États-Unis.

Ce nouveau mythe est associé aux récentes proclamations de l'administration Bush qu'elle est engagée dans une lutte globale pour la démocratie et contre la «tyrannie». Les «tyrans» visés par Washington gouvernent tous presque sans exception des pays soi qui détiennent d'imporantes ressources énergétiques - l'Iran et le Vénézuéla - ou qui occupent une position stratégique dans des régions productrices d'énergie ou le long de voies utilisées pour le transport de pétrole et de gaz à destination des rivaux économiques des États-Unis. Les dictatures du Golfe persique qui agissent en tant que laquais et protégés des États-Unis, fournissant pétrole et bases militaires, sont bien entendu exclus de cette liste.

Il ne manque pas de preuves que la majorité du peuple américain est opposée à la guerre en Irak et se montrerait encore plus hostile à un élargissement de l'intervention mercenaire des États-Unis dans le Moyen-Orient au nom du combat contre la «tyrannie».

Le plus récent songage mené par le Washington Post et ABC News révèle que 53 pourcent disent que la guerre n'en vaut pas la peine, et 70 pourcent croient que les 1.500 soldats américains morts sont un prix inacceptable à payer. Une pluralité de ceux ayant participé au sondage pense que la position et le prestige des États-Unis dans le monde ont été sapés par la guerre.

Le plus significatif est que cette hostilité de masse à la guerre ne trouve quasiment aucune expression, ni dans les médias contrôlés par la grande entreprise, ni au sein de la direction du Parti démocrate. L'opposition s'est développée sans direction et face à une propagande patriotique sans fin.

Mercredi par exemple, la Chambre des représentants a approuvé un montant «d'urgence» de 81,4 milliards de dollars pour financer la poursuite de la guerre. La mesure a été adoptée par un vote massif de 388 contre 43, la grande majorité des Démocrates soutenant l'administration. Bush a salué la décision comme une démonstration du «puissant soutien des deux partis» pour «notre stratégie de gagner la guerre contre la terreur».

Les États-Unis dépensent actuellement près de 5 milliards de dollars par mois sur la guerre en Irak. Au même moment, le gouvernement prépare des coupures massives dans l'aide médicale aux personnes dans le besoin et d'autres programmes sociaux de base, tandis que le Sénat a voté jeudi pour approuver une autre baisse de 134 milliards de dollars sur l'impôt, mesure favorisant les plus riches.

Loin d'étendre la démocratie à l'étranger, la guerre en Irak accélère la destruction des droits démocratiques au sein même des États-Unis. Avec le Département pour la sécurité intérieure (Homeland Security Department), la Loi des patriotes (Patriot Act), les tribunaux militaires, l'arrestation et l'incarcération illimitée de «combattants ennemis», l'administration Bush a mis en place un vaste réseau interne de surveillance et d'espionnage et institué le secret gouvernemental à grande échelle, toutes des mesures constituant l'infrastructure d'un état policier.

La guerre sert à élargir encore plus le fossé social qui sépare les masses travailleuses de l'élite financière. À la poursuite de ses propres intérêts au moyen de la guerre, cette élite fait porter tout le poids du militarisme sur les épaules des travailleurs américains, par le rabaissement du niveau de vie et l'envoi de jeunes de la classe ouvrière loin de chez eux pour tuer et se faire tuer.

Le large sentiment pour la fin de guerre et la colère montante provoquée par les inégalités sociales ne trouvent aucun exutoire au sein du système américain des deux partis. La lutte contre la guerre ne peut aller de l'avant que sur la voie visant à établir l'indépendance politique de la classe ouvrière. Cela requiert la construction d'un mouvement socialiste de masse pour la transformation révolutionnaire de la société américaine.

En ce deuxième anniversaire de la guerre en Irak, le Parti de l'Égalité socialiste et le World Socialist Web Site s'engagent à intensifier et à élargir l'effort pour bâtir un mouvement politique indépendant de la classe ouvrière aux États-Unis et dans le monde pour mettre fin au militarisme et à la guerre.


 

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