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La grève étudiante s'étend au Québec : une nouvelle perspective est nécessaire

par Guy Charron
28 mars 2005

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Depuis le 23 février, le jour où 30.000 étudiants de plusieurs cégeps et quelques départements universitaires ont entrepris une grève générale illimitée, la grève étudiante au Québec n'a pas cessé de gagner en ampleur et en militance. Aujourd'hui, se sont 170.000 étudiants qui sont en grève alors que toutes les institutions universitaires, la plupart des cégeps et mêmes quelques établissements secondaires ont été entraînés dans le mouvement, si ce n'est que pour entreprendre quelques jours de grève.

Depuis le début de la semaine, les actions sont devenues plus militantes, certaines ayant un impact économique. Les étudiants ont bloqué l'accès au port de Montréal, bloqué des autoroutes, occupé les bureaux du Conseil du patronat et des bureaux de ministres et de députés. Quelques étudiants ont entrepris une grève de la faim.

Mercredi, une quarantaine d'étudiants sont allés manifester au siège social de la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ), la plus importante centrale syndicale au Québec. Les étudiants voulaient dénoncer les propos que le président de la FTQ, Henri Massé, avaient tenus la veille : «C'est clair que les associations étudiantes devront faire des compromis. On ne peut pas régler sans compromis. Je leur suggère de faire des compromis.» Il a ajouté que les étudiants doivent donner à leurs dirigeants «un peu de marge de manoeuvre pour négocier».

Les dirigeants syndicaux ont donné leur appui à la grève étudiante, mais un appui qui ne dépassera pas l'exercice de rhétorique. D'un côté, ils veulent faire pression sur le gouvernement Charest pour que ce dernier ne remette pas en cause leur participation à la gestion de l'État et de l'autre, ils veulent faire la démonstration de leur «sens des responsabilités» et de leur utilité pour assurer la « paix sociale ».

Depuis plus de trente ans, la bureaucratie syndicale a été intimement liée aux grandes décisions étatiques, un pouvoir qui s'exerce par le truchement de sa participation à une multitude de comités tripartites gouvernement-patronat-syndicat. L'exemple le plus évident de l'impact de cette collaboration des dirigeants syndicaux avec le gouvernement et le patronat a été la collaboration active de la bureaucratie syndicale au « déficit zéro » du gouvernement péquiste de Lucien Bouchard.

Au nom de la lutte au déficit, le Parti québécois (PQ) alors au pouvoir a imposé les plus importantes compressions budgétaires, y compris dans l'éducation et la santé, jamais entreprises à ce jour avec la bénédiction des dirigeants syndicaux. Ce sont même eux qui ont insisté pour que le gouvernement péquiste adopte un programme de retraites anticipées qui a mené à l'élimination de dizaines de milliers d'emplois dans le secteur public.

Formellement, les étudiants ont entrepris la grève pour s'opposer à la conversion de 103 millions de bourses en prêts, une mesure qui touche les plus démunis d'entre eux, les seuls qui de toute façon ont droit aux bourses. Avant la réforme du gouvernement libéral de Jean Charest, l'étudiant moyen recevait par année 2400 $ en prêts et 2600 $ en bourses. Avec les changements imposés par le gouvernement Charest, le même étudiant reçoit 4700 $ en prêts et 300 $ en bourse. Cela a pour conséquence de faire passer la dette étudiante moyenne de 14.000 $ à 21.500 $.

La grève étudiante n'est que la dernière manifestation d'une profonde opposition aux politiques de droite et elle bénéficie d'un large appui dans la population, comme en témoigne les sections de lettres des lecteurs des quotidiens et les lignes ouvertes.

Le gouvernement Charest est un des gouvernements les plus impopulaires de l'histoire québécoise. Moins de six mois après son élection en avril 2003, il obtenait des taux d'insatisfaction de 70 pour cent et demeure dans ces environs depuis. À la fin de 2003, début 2004, pour garder le contrôle sur leurs membres, les dirigeants syndicaux ont dû dire qu'ils organiseraient une grève générale contre le gouvernement Charest. Ils ont manoeuvré pendant des mois pour créer les conditions pour la saboter en automne 2004, il y a six mois seulement.

La grève étudiante a révélé combien le gouvernement Charest est en crise. Alors qu'il avait pris la ligne dure au début, il a depuis changé de cap pour tenter de diviser les étudiants. Le ministre de l'Éducation, Jean-Marc Fournier, a récemment offert de réviser ses coupures pour qu'environ un tiers des étudiants voient, sous certaines conditions, une partie de leurs prêts remboursée par le gouvernement à la fin de leurs études. Ces offres ont massivement été rejetées par les associations étudiantes qui demandent le retrait total de la mesure gouvernementale.

D'un côté, le gouvernement est impopulaire parce qu'il veut passer des compressions budgétaires, diminuer les services publics et couper dans les programmes sociaux pour offrir des diminutions d'impôts qui bénéficieront aux plus riches. De l'autre, la bourgeoisie le presse pour qu'il aille de l'avant avec sa «réingénierie de l'État», son programme de privatisations, de sous-traitances, de déréglementation et d'élimination d'emplois du secteur public. La bourgeoisie critique le gouvernement pour ne pas avoir adopté les bonnes mesures ou pour être trop amateur dans son approche.

Les élites ont été choquées que le gouvernement ne puisse faire voter les crédits pour le 31 mars, la première fois que cette règle n'est pas respectée en plus de 60 ans au Québec. Il y a quelques semaines, le premier ministre Jean Charest avait effectué un remaniement de son cabinet pour le réaligner vers la droite. Entre autres, Charest avait congédié son ministre des Finances supposément parce qu'il ne voulait pas incorporer au budget des diminutions d'impôts assez importantes.

Les associations étudiantes ne s'entendent pas sur les demandes de la grève. La FEUQ et la FECQ, plus proches des péquistes et des libéraux, limitent leurs demandes au retrait de la conversion des bourses en prêts et ce, seulement à partir de l'an prochain. L'autre association étudiante importante, la CASSÉÉ, demande en plus la gratuité de l'éducation à tous les niveaux et l'élimination de l'endettement des étudiants.

Les étudiants sont pleinement justifiés de se mobiliser contre l'attaque frontale du gouvernement Charest. Mais ceux qui veulent sérieusement s'opposer aux compressions budgétaires dans l'éducation doivent rejeter la perspective trop limitée sur laquelle est basée le mouvement de grève jusqu'à ce jour.

Le président de la FEUQ, Pier-André Bouchard-Saint-Amant, défendant la demande du retrait de la mesure convertissant 103 millions de bourse en prêts, explique qu'il n'a pas à négocier une «erreur» du gouvernement.

Mais cette mesure n'est pas une «erreur». Elle fait partie d'un plan d'ensemble pour couper dans les dépenses sociales de l'État. Les éditorialistes parlent d'une erreur parce qu'ils blâment le gouvernement pour ne pas avoir prévu que la conversion des bourses en prêts susciterait une telle opposition.

Bouchard-Saint-Amant croit-il aussi que les compressions budgétaires de 150 millions dans l'aide sociale pour financer la diminution des impôts de 500 millions prévue au prochain budget du gouvernement Charest sont une « erreur »? Et qu'en est-il du gel des salaires, de l'élimination des emplois et de la privatisation du secteur public? D'autres «erreurs»?

La CASSÉÉ a voté une résolution lors de son assemblée du 19 mars où elle affirmait que «le gouvernement Charest s'attaque pratiquement à tous les mouvements sociaux et syndicaux par ses mesures antisociales» et qu'en conséquence, elle appelait «à la grève générale à tous les niveaux; qu'en ce sens, les divers mouvements sociaux et syndicaux soient approchés pour les y convier et établir une plate-forme de revendications large et commune.»

Nous appuyons entièrement la demande que les mouvements sociaux et syndicaux se joignent aux étudiants contre le gouvernement Charest. Mais un mouvement de protestation contre le gouvernement Charest, aussi large soit-il, ne forcera, au mieux, qu'un recul temporaire du gouvernement, ou peut-être le remplacement des libéraux par les péquistes.

Lorsque «le gouvernement Charest s'attaque pratiquement à tous les mouvements sociaux et syndicaux par ses mesures antisociales», il ne fait que participer à un vaste mouvement de la bourgeoisie pour remettre en cause tous les acquis des travailleurs.

La question n'est pas de se limiter à adopter les politiques du «syndicalisme de combat» mais de mobiliser la force de la classe ouvrière comme une force indépendante, en défense de ses propres intérêts. Cette mobilisation ne pourra s'effectuer que par une opposition inébranlable à la bureaucratie syndicale et aux partis pro-capitalistes tels que le Nouveau Parti démocratique (NPD) et le PQ qui ont, malgré leur rhétorique social-démocrate, intensifié l'assaut patronal sur les travailleurs lorsqu'ils ont détenu les leviers du pouvoir à l'échelle provinciale.

À moins que les étudiants n'adoptent une nouvelle perspective pour s'opposer au programme de droite de Charest, le danger existe pour que ce soit le PQ, l'autre parti de gouvernement de l'élite dirigeante québécoise, qui bénéficie du mouvement de grève des étudiants.

Le PQ est devenu le parti qui partage le pouvoir alternativement avec le Parti libéral avec l'aide de la bureaucratie syndicale qui a détourné le militantisme ouvrier des années 1960 et 1970 derrière la section de la bourgeoisie québécoise représentée par le PQ. Ce dernier a par la suite utilisé la bureaucratie ouvrière pour limiter l'opposition des travailleurs à ses coupures dans les programmes sociaux, dans les salaires et les emplois.

Il n'y a pas de solution nationale au programme de droite des Charest et des Landry (le chef du PQ). Ce n'est pas en « rapatriant les impôts du fédéral », selon une formule chère aux nationalistes québécois, qu'il sera possible de financer l'accès gratuit à une éducation de qualité, la gratuité de tous les soins, l'élimination de la pauvreté et une retraite décente pour les travailleurs, au Québec comme ailleurs.

Depuis longtemps, la production a dépassé le cadre de l'organisation politique du monde en États-nations. Aujourd'hui, l'existence du système des États-nations n'est soutenue que par les intérêts des différentes bourgeoisies qui cherchent par leur contrôle de l'État et le nationalisme à se positionner le plus avantageusement par rapport aux autres bourgeoisies et à la classe ouvrière.

Un programme internationaliste de défense des intérêts des travailleurs implique la réorganisation de l'économie sur la base des besoins humains. Aujourd'hui, ce sont les lois du marché, ou plus précisément les profits des milliardaires, qui dictent ce qui sera produit ou non, qui imposent ce à quoi nous allons dédier notre temps de travail. Un nouveau principe d'organisation économique est nécessaire, qui soit axé plutôt sur la satisfaction des besoins sociaux et la promotion du bien-être commun de la majorité.

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