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Canada : Un ancien premier ministre indépendantiste lance un appel pour l'intensification de l'assaut contre la classe ouvrière

Par Keith Jones
Article originalement paru le 28 octobre 2005

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Pour un Québec lucide, le manifeste publié la semaine dernière par un groupe d'indépendantistes québécois et de représentants fédéralistes, est un cri de ralliement pour une nouvelle charge tout azimut contre les droits et le niveau de vie de la population laborieuse.

Rédigé par un groupe mené par l'ancien chef du Parti québécois et ancien premier ministre, Lucien Bouchard, l'ex ministre Joseph Facal et André Pratte, l'éditorialiste en chef du quotidien farouchement fédéraliste La Presse, le manifeste invoque la menace du déclin démographique ­ la seule juridiction nord américaine à majorité francophone sera bientôt noyée dans un océan anglophone et hispanophone, affirme le manifeste ­ et la concurrence de la Chine et de l'Inde pour justifier un programme de droite dans la lignée de ceux de Bush et de Blair.

Les prescriptions radicales de droite du manifeste incluent : réduire la dette gouvernementale afin de dégager de l'argent pour de soi-disant «investissements productifs» (comme l'enseignement et la formation), réduire les impôts sur le revenu et augmenter les taxes à la consommation, étendre les privatisations et les partenariats public privé, augmenter de façon importante les tarifs d'électricité résidentiels, développer un environnement de travail qui encourage la performance et l'innovation (c'est-à-dire alléger la réglementation du travail), augmenter les frais de scolarité universitaire ainsi que toute une panoplie de mesures visant à encourager l'entrepreneurship et la «liberté économique».

Le manifeste dénonce les Québécois, et particulièrement la classe ouvrière (qui est identifiée aux syndicats), en des termes qui ne laissent aucun doute, pour être réfractaires au changement et pour résister «au consensus national», c'est-à-dire aux visées de la grande entreprise et de l'élite politique. Que la vraie cible soit la classe ouvrière, et non les syndicats, est soulignée par les éloges à la bureaucratie syndicale dans le manifeste. Le manifeste vante les syndicats pour le «modèle responsable et coopératif qui l'a caractérisé au cours des deux dernières décennies» et particulièrement à leur «appui indéfectible» pour le déficit zéro du PQ. Entre 1996 et 1999, le gouvernement du PQ dirigé par Bouchard avait alors imposé des coupures massives dans les dépenses sociales.

Il y a beaucoup de similitude entre la description des Québécois que fait le manifeste et la façon dont les élites de France et d'Allemagne décrivent leur classe ouvrière respective : «Les Québécois travaillent moins que les autres Nord-Américains; ils prennent leur retraite plus tôt; ils se paient des programmes sociaux plus généreux ...» Ces lamentations contre une classe ouvrière choyée sont doublées d'une dénonciation de la «méfiance malsaine qui s'est développée dans certains milieux à l'égard du secteur privé».

Dans la même veine, le manifeste déplore que le fait malgré que «aujourd'hui les francophones ont pris en main notre économie» contrairement à la situation il y a cinquante ans, «on les dénonce à qui mieux-mieux».

Pour un Québec lucide est une tentative de reformuler le nationalisme québécois afin qu'il corresponde aux nouveaux besoins de la bourgeoisie. Tout le monde doit travailler ensemble et se sacrifier pour le Québec, dit Bouchard et compagnie. Mais les politiques qu'ils préconisent sont taillées sur mesure pour la grande entreprise et visent à l'augmentation des profits des entreprises et du revenus des riches, au moyen de la réduction, sinon l'élimination, des droits de la population laborieuse et des quelques protections dont elle bénéficie actuellement contre les vicissitudes du marché capitaliste.

Le manifeste est truffé d'idées et d'appels cher au nationalisme traditionnel. Il conclut par un rappel nationaliste des premiers colons francophones ayant combattu les Amérindiens et les Anglais pour le contrôle de la vallée du St-Laurent: «comme tant d'autres fois depuis leur arrivée en Amérique, les Québécois prendront leur sort en main. Et ils réussiront.»

Les dirigeants souverainistes Gilles Duceppe du Bloc québécois et les aspirants à la direction du PQ, André Boisclair et Pauline Marois, ont brièvement déclaré que le manifeste est une contribution valable au débat public. Le premier ministre libéral, Jean Charest, qui, dans l'esprit de la majorité des membres de l'élite patronale a échoué dans sa tentative de «réingénierie» de l'État, (son programme de diminutions des impôts et de réduction des dépenses sociales) a accueilli Pour un Québec lucide. C'est «un cadeau du ciel C'est de la musique à mes oreilles», a déclaré un Charest souriant. En 1995, Charest, qui était chef du Parti conservateur à cette époque, a été un des principaux porte-parole pour le camp du «non» durant la campagne référendaire sur la séparation du Québec de l'État fédéral canadien, alors que Bouchard, dirigeant le Bloc Québécois, le parti frère du PQ au parlement fédéral, était le dirigeant de facto du camp du «oui».

La bureaucratie syndicale a accueilli moins chaleureusement le manifeste que leurs alliés dans le PQ. Mais leur principale objection a été de souligner que les syndicats n'étaient pas un obstacle aux changements à apporter au modèle québécois - la stratégie de classe de la bourgeoisie québécoise. Pour preuve, ils soulignent l'appui qu'ils ont donné en 1996 au gouvernement du PQ lors des deux «sommets nationaux» tripartites portant sur l'élimination du déficit budgétaire du gouvernement par la réduction de dépenses sociales.

Henri Massé, le président de la plus importante fédération syndicale, la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ) a déclaré que Pour un Québec lucide était un document utile pour un débat public nécessaire: «il y a des questions, il y a des défis qui méritent d'être soulevés : le défi démographique, par exemple, la question des finances publiques à moyen et long terme [qui sont] des questions sérieuses, mais les lunettes sont un peu trop noires à mon goût.» Massé est d'accord avec l'augmentation des tarifs d'électricité résidentiels et a déclaré que les syndicats ne s'opposaient pas en principe aux partenariats public privé pour la construction d'infrastructure et la fourniture des services.

Pour sa part, Claudette Carbonneau, présidente de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), a appelé pour une collaboration pour plus étroite entre les syndicats, le secteur privé et le gouvernement. L'histoire du Québec, dit-elle, nous enseigne «que ce n'est pas en cultivant l'affrontement mais les solutions plus concertées» que des progrès ont été réalisés.

Au dixième anniversaire du référendum de 1995, les forces fédéralistes et souverainistes se regroupent comme en 1996 pour un assaut contre les services sociaux, le déficit zéro, illustrant encore une fois que les véritables divisions au Québec et au Canada sont des divisions de classe. Le manifeste exprime aussi la profonde frustration de l'élite. Bien que ce soit en grande partie une façade, les prétentions de Bouchard, Facal et les autres de se présenter comme des libres-penseurs qui doivent affrontés un océan de résistance et d'intolérance à leur point de vue, contiennent une part de vérité. C'est ainsi que l'élite perçoit la situation et elle est de plus en plus frustrée face aux obstacles, même limités, qu'impose la démocratie bourgeoise traditionnelle à sa capacité de remodeler les relations s de classe en faveur des intérêts du capital.

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