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États-Unis : Les implications politiques de l'inculpation de Lewis Libby

Par Barry Grey
Article originalement paru le 31 octobre 2005

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Le 29 octobre, l'inculpation de I. Lewis Libby pour parjure et entrave à la justice dans l'enquête du département de la justice sur le dévoilement d'identité d'un agent de la CIA n'a pas seulement ébranlé la Maison blanche, mais tout l'establishment politique américain.

Libby était l'un des principaux architectes de l'invasion de l'Irak. Il est inculpé pour avoir menti sur une opération de l'administration, un «sale tour» visant un détracteur de la guerre dans laquelle sont impliqués le vice-président et Bush lui-même.

Comme le New York Times l'a écrit le jour de son inculpation, Libby «détenait une très haute fonction, étant un membre à part entière des proches du président Bush il cumulait trois fonctions centrales: adjoint du président, chef de cabinet du vice-président et conseiller de Dick Cheney pour la sécurité nationale. »

Des phénomènes convergents sont à la base de l'inculpation de Libby: une profonde crise de la politique étrangère américaine, d'abord et avant tout les résultats désastreux de l'invasion américaine de l'Irak, à laquelle se combine la croissance de l'opposition intérieure à la guerre et à la dégradation de la situation économique à laquelle sont confrontés les larges masses des travailleurs

Cette crise est plus que la conséquence des limitations personnelles de Bush et des prédilections subjectives de Cheney, de Rumsfeld et de leur clan de conspirateurs. Elle plonge ses racines dans une crise objective aux proportions historiques: l'impérialisme américain est arrivé à un cul-de-sac auquel il n'y a d'autre issue que la guerre et la réaction.

C'est ce qui, fondamentalement, donne au gouvernement américain actuel son caractère criminel. Cela signifie aussi que plus celui-ci s'enlise dans ses propres contradictions, plus il devient dangereux et violent. La plus grave erreur serait de croire que l'administration Bush répondra à l'inculpation de Libby en faisant des compromis ou en reculant sur ses politiques de militarisme et de réaction sociale. Sa réaction instinctive sera d'adopter des mesures encore plus extrêmes.

C'est ce que l'on peut déjà percevoir avec les ouvertures que l'administration Bush fait à la droite chrétienne après l'effondrement de la nomination de Harriet Miers à la Cour suprême. Le prochain choix du président rencontrera les demandes de la «base» néo-fasciste de l'administration.

Malgré la crise et le désordre de son administration, Bush possède un atout important dans son jeu: son opposition de nom, le Parti démocrate, n'a aucun intérêt à voir son gouvernement s'écrouler. La combinaison de lâcheté et de complicité des démocrates dans la guerre assure que Bush aura le temps requis pour établir ses plans de contre-attaque.

L'inculpation de Libby suit la tentative par la Maison blanche de discréditer l'ancien diplomate Joseph Wilson. En juillet 2003, après que les forces d'occupation américaines aient échoué à fournir une quelconque preuve de l'existence d'armes de destruction massive irakiennes et que l'insurrection anti-américaine ait commencé à prendre de l'ampleur, Wilson publia un article dans le New York Times exposant comme un mensonge l'une des principales «preuves» offertes par Bush et d'autres hauts responsables de l'administration pour défendre leurs histoires d'un régime terroriste à Bagdad possédant l'arme nucléaire: Saddam Hussein avait cherché à acheter de l'uranium au Niger.

Wilson révéla qu'il avait été envoyé au Niger par la CIA, l'année précédente, pour enquêter sur ces allégations à propos de l'uranium et qu'il avait découvert qu'elles étaient fausses. Il accusa l'administration Bush de «déformer» les renseignements qu'on lui avait transmis dans le but d'entraîner le peuple américain dans une guerre.

L'administration a réagi en faisant couler dans la presse l'information que la femme de Wilson, Valerie Plame Wilson, était un agent de la CIA, et suggérant qu'elle avait joué un rôle dans l'assignation de Wilson pour vérifier l'histoire de l'uranium africain. L'objectif était d'entacher Wilson et de dissuader tout autre dénonciateur d'exposer les mensonges du gouvernement.

Ce complot pour faire taire un opposant à la guerre n'est qu'une petite partie d'un immense enchevêtrement de criminalité et de mensonges. Il découlait du crime central: l'invasion non provoquée de l'Irak, justifiée par la tromperie systématique et délibérée du peuple américain. Si l'on devait appliquer les principes établis par les procès de Nuremberg, cette conspiration pour mener une guerre d'agression aurait comme résultat pour Bush, Cheney, Libby et les autres de connaître la peine capitale.

Avec sa doctrine de la «guerre préventive», l'administration Bush a repris les prémisses illégales sur lesquelles elle a basée la guerre en Irak pour en faire les fondements de sa politique étrangère, rejetant ainsi ouvertement le droit international. Cette politique a sous-tendu l'usage généralisé de la torture, la pratique de faire «disparaître» les supposés terroristes et l'établissement de goulags américains dans diverses parties du monde.

En considérant l'énormité de ces crimes et l'ampleur des mensonges utilisés pour les justifier ou les cacher, il est remarquable, non qu'un petit aspect de la conspiration ait été éclairci et qu'un des coupables ait été inculpé, mais plutôt qu'il ait fallu des années pour que l'administration subisse des conséquences importantes.

On parle ici d'un gouvernement qui fait l'usage de dissimulation une fois après l'autre après l'autre. Il a masqué son rôle dans les présumés «ratés des services de renseignement» qui ont permis à un groupe de terroristes islamistes de faire sauter le World Trade Center et le Pentagone. Il a dissimulé sa politique de torture des détenus dans sa soi-disant «guerre au terrorisme». Il a conspiré pour entraîner le pays dans une guerre illégale qui a déjà coûté la vie à des centaines de milliers d'Irakiens et à plus de 2 000 soldats américains.

De plus, c'est un gouvernement qui est parvenu au pouvoir sur la base de l'escroquerie et de la suppression de votes.

Malgré tout, ce gouvernement n'a souffert d'aucune entrave de la part du Parti démocrate, du Congrès, des tribunaux ni des médias. L'enquête sur la fuite de la CIA qui a résulté en l'inculpation de Libby n'a pas été instituée en réponse aux pressions du Parti démocrate, suite à des enquêtes du Congrès ou suite à des investigations de la presse de l'establishment.

L'enquête sur Libby fut plutôt le résultat de tensions grandissantes et de conflits d'attributions entre la CIA et le Département d'État d'un côté et la Maison Blanche, Cheney et le Pentagone de l'autre. La CIA est amère et en colère devant le mépris avec lequel Cheney et Rumsfeld ont traité l'agence et son personnel. Insatisfait des rapports que lui donnait la CIA sur les armes de destructions massives irakiennes, Cheney tenta d'intimider les analystes de la CIA pour qu'ils lui fournissent des renseignements pouvant justifier une invasion et, simultanément, il mit sur pied son propre service de renseignement afin de court-circuiter les voies normales et produire en quantité les rapports les plus sinistres.

Lorsque l'administration révéla que Valerie Plame Wilson était un agent secret, la bureaucratie de la CIA a été abasourdie que le gouvernement viole à des fins politiques un principe de base fondamental de l'appareil d'espionnage. Elle décida de contre-attaquer. Ce fut en fait une requête officielle de la CIA pour une investigation sur la révélation de Wilson qui força le ministre de la Justice de l'époque, John Ashcroft, à ordonner un conseil spécial pour mener une enquête.

L'establishment politique et médiatique était au fait que les déclarations de l'administration sur les armes de destruction massives en Irak étaient, ou bien de grossières exagérations, ou bien de purs mensonges. Même les inspecteurs de l'ONU et de l'Agence internationale de l'énergie atomique avaient réfuté les affirmations de Washington. De plus, il était bien connu que l'administration Bush était dominée par des néo-conservateurs qui, depuis la première guerre du Golfe en 1991, faisaient campagne pour une nouvelle guerre afin de renverser Saddam Hussein et de transformer l'Irak, avec ses vastes ressources en pétrole, en un protectorat américain.

Des défenseurs de la guerre et de l'administration Bush rappelle sans cesse le fait, qui prouve supposément que la Maison Blanche n'a pas menti délibérément, que l'administration démocrate précédente de Bill Clinton avait insisté que l'Irak était en train de développer des armes de destruction massive. Clinton utilisa cette affirmation pour justifier une pression américaine incessante sur le régime baasiste, incluant le lancement d'attaques aériennes et le maintien de sanctions qui détruisirent les infrastructures du pays et qui conduisirent à la mort des centaines de milliers de ses citoyens.

L'argument selon lequel les deux partis firent la promotion du mythe des armes de destruction massives irakiennes est évidemment vrai. Ce qu'il démontre, toutefois, ce n'est pas l'innocence de Bush, mais plutôt le degré avec lequel le canard des armes de destruction massive irakiennes a servi pour une décennie comme prémisse essentielle de la politique étrangère impérialiste des États-Unis. Ce mensonge est devenu si central qu'il en a développé une vie propre et n'a pu être contesté.

Le consensus bipartite entourant ce mensonge, ainsi que ses inévitables et sanglantes conséquences, ont été clairement démontrés durant la campagne électorale de 2004 par James Rubin, un haut fonctionnaire du Département d'État de l'ère Clinton et conseiller du candidat démocrate à la présidence John Kerry. Rubin déclara que même si le démocrate Al Gore avait gagné l'élection de 2000, les États-Unis auraient quand même envahi l'Irak.

Ces faits politiques montrent que toutes les institutions du capitalisme américain sont impliquées dans le crime de la guerre d'agression, ainsi que dans une de ses composantes essentielles, la conspiration contre les droits démocratiques du peuple américain. Toutefois, aussi complices et prosternés que puissent être le Parti démocrate et les médias, engager le pays dans une guerre sur la base de mensonges constitue une entreprise très téméraire et chargée de conséquences non envisagées par ceux qui ont conspiré pour la mettre en uvre.

En bout de ligne, ce qui a produit l'inculpation de Libby et la plus vaste crise du système politique américain est l'échec de l'armée des États-Unis de n'avoir pu éliminé la résistance irakienne et l'opposition à la guerre qui se développe chez le peuple américain. La croissance de l'opposition populaire a été accentuée par la réaction désastreuse du gouvernement à l'ouragan Katrina et par l'escalade de l'assaut de la grande entreprise sur les emplois et les conditions de vie de la classe ouvrière.

Chacun de ceux ayant conspiré pour envahir et occuper l'Irak mérite amplement toute punition légale qui pourrait lui être éventuellement infligée. Par contre, le militarisme, l'assaut sur les droits démocratiques et sur les conditions de vie ne seront pas arrêtés par les institutions du système même qui est responsable pour ces crimes.

Au contraire, le peuple américain fait face au danger que l'élite dirigeante, en réaction à ses problèmes insurmontables et grandissants, frappera à l'étranger et sur son territoire. Peu importe jusqu'où l'armée américaine s'embourbera ou devra prolonger son occupation en Irak et en Afghanistan, la solution sera d'accroître la guerre au Moyen-Orient.

La page éditoriale du New York Times du 29 octobre est instructive. Une journée après l'inculpation de Libby, le Times, qui joua un rôle clé en faisant la promotion des mensonges de l'administration et de sa campagne pour la guerre contre l'Irak, publia un éditorial sur l'Iran qui affirmait que «le problème est que l'Iran possède un programme d'armes nucléaires»

Cette affirmation, qui a été rejetée par l'Agence internationale de l'énergie atomique et pour laquelle on ne donne pas la moindre preuve, joue le même rôle dans les préparatifs à l'action militaire contre l'Iran que l'a joué l'invention des armes de destruction massive en Irak.

La seule base pour mettre un terme aux guerres en Iraq et en Afghanistan et pour empêcher de futures et encore plus sanglantes catastrophes est la mobilisation politique indépendante de la classe ouvrière en opposition au système bipartite et à l'aristocratie financière dont les intérêts sont servis par ce dernier.




 

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