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La presse britannique tente de ressusciter le Parti conservateur

Par Chris Marsden et Julie Hyland
Le 8 octobre 2005

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Les média britanniques ont lancé une recherche pour un nouveau graal sacré ­ un Parti conservateur viable

Des journaux couvrant l'ensemble du spectre politique se sont associés pour proclamer le besoin d'une opposition crédible au Parti Travailliste. La compétition au sein du Parti conservateur pour le poste de dirigeant est donc devenu l'occasion de la part de tous de donner un conseil amical concernant le choix du candidat le mieux à même de ressusciter le parti de l'oubli électoral et de fournir une alternative au gouvernement travailliste de plus en plus impopulaire.

Ceci fut reflété dans l'attention considérable et sans précédent qui fut porté au congrès du Parti conservateur de cette année à Blackpool et dans le nombre de colonnes publiées analysant les discours donnés par les cinq candidats en lice pour la direction du parti.

Les élections commencent le 8 octobre et devraient durer jusqu'en décembre. Dans une première étape, les députés choisiront deux candidats sur les cinq lesquels seront soumis au vote de quelque 200 000 membres du parti. Ceci sera accompagné d'un maquignonnage pour gagner les voix de ceux qui seront forcés de se retirer.

Cette compétition fut dépeinte comme un affrontement entre conservateurs traditionalistes à outrance du style de Thatcher et soi-disant modernisateurs désireux de rendre le parti plus attractif pour les électeurs.

David Davies, ministre fantôme de l'Intérieur (de l'opposition) est encore à ce jour donné favori pour remporter le vote des députés. Partisan endurci de la politique de Thatcher, il fait grand cas de son milieu social (issu d'une famille monoparentale il passa sa jeunesse dans une cité du sud de Londres) et ressasse la rhétorique « du capitalisme populaire » de son mentor -décrivant le libéralisme comme la panacée à tous les maux de la planète. Son message, adressé au congrès, fut que le parti cesse de s'excuser pour les années passées au pouvoir et s'attelle à la tâche de changer la Grande-Bretagne.

Ceci se révéla être peu enthousiasmant pour un parti qui est dans le marasme depuis 1997, et ne donne aucun signe de guérison. Précédant le discours de Davies, le congrès put entendre l'avertissement lancé par le chef du parti, Francis Maude, selon lequel les conservateurs n'avaient « pas de droit divin à la survie » et le porte-parole pour la culture, Theresa May, qui insista pour qu'il se débarrasse de son image de « méchant parti ».

Elle envoya un message en direction de la « petite minorité » du parti qui « n'accepte pas les femmes - ou les noirs ou les homosexuels ­ comme ses égaux ne vous imaginez pas pouvoir trouver ici un refuge pour fuir le monde moderne ; il n'y a pas de place pour vous dans notre Parti conservateur. Car chaque jour où nous refuserons d'accepter un avenir où tous les hommes et toutes les femmes se respectent les uns les autres comme des égaux absolus, sera un jour de plus où nous serons tenus à l'écart du gouvernement. »

Le candidat le plus populaire de l'opinion publique, Ken Clarke, n'a que peu de chance de gagner car l'aile droite du parti ne lui pardonnera jamais ses idées pro-européennes. Et même au cas où il serait en bonne position au premier tour, les partisans du candidat de la droite la plus dure, le ministre fantôme des Affaires étrangères (de l'opposition), Liam Fox, de la tendance « Cornerstone », se tourneront vers n'importe quel autre candidat dans le but de l'évincer.

Le cinquième candidat, Malcolm Rifkind, ministre fantôme du Travail et des Retraites (de l'opposition), passe pour quelqu'un qui n'a aucune chance.

Le fait que le candidat dont le discours fut le mieux accueilli ait été David Cameron, âgé de 38 ans, donne une idée de l'intensité avec laquelle les média aspirent à voir le Parti conservateur revitalisé. Député depuis à peine quatre ans, Cameron dit, « le vrai changement consiste à changer notre culture et notre identité pour les adapter à notre époque ».

Bien que l'accent et le vocabulaire de cet ancien élève du prestigieux lycée privé d'Eton se prête difficilement à un appel populaire, ses partisans le font passer pour le Tony Blair du Parti conservateur ­ l'homme capable de redorer le blason du parti et de faire qu'il redevienne le parti qui représente une « politique du centre ».

En dépit d'un discours relativement insignifiant, il fut nommé vedette montante du parti par d'importantes sections de la presse conservatrice, tel le Sun et le Telegraph et qui, dans les mêmes proportions, dénigrent Davies.

Si l'on faisait confiance aux média, l'on serait enclin à croire que Cameron est un radical audacieux, alors qu'en réalité sa politique économique et sociale s'écarte à peine de celle de Davies ­ ou même de Liam Fox.

L'on peut dire la même chose de tous les autres candidats, chacun d'entre eux soumettant des propositions destinées à réduire les impôts pour les grandes entreprises et les riches, tout en imposant des coupes dans les dépenses publiques. Ce qui est révélateur c'est que l'archi« traditionaliste » Fox et son adversaire modernisateur Cameron, soutiennent tous deux la flat rate tax (impôt unique). Cette proposition, qui eut un tel effet dévastateur pour l'Union chrétienne-démocrate en Allemagne lors des dernières élections, devrait bénéficier à tout juste trois millions des contribuables les plus riches de Grande-Bretagne aux dépens directs de 27 millions de perdants.

Pour comprendre pourquoi Cameron est mis en avant, il faut savoir que tout passe par la présentation plutôt que par l'essentiel ou mieux encore, que la présentation est nécessaire pour cacher l'essentiel.

La crainte qu'éprouvent les média pour le Parti conservateur, et tout spécialement les journaux Sun et Times, dont le propriétaire est Rupert Murdoch, vient de l'inquiétude qu'ils éprouvent face à l'impopularité croissante du premier ministre, Tony Blair, et de la perte de soutien pour son gouvernement.

Blair sert de modèle à Cameron car il personnifie le remaniement du Parti Travailliste en une entité néo-thatchérienne. C'est lui qui a supervisé l'abandon final de l'ancien programme réformiste du Parti travailliste et qui, au moment où il existait une opposition massive contre les Tories, offrit un nouvel instrument pour pousser de l'avant l'offensive de Thatcher contre l'Etat-providence et sa privatisation du secteur public.

En ce qui concerne la classe dirigeante, le succès initial du New Labour consistant à emballer ses remèdes sociaux et économiques de droite dans un langage pseudo-progressiste reste la gloire couronnée de lauriers du premier ministre. Et elle observe avec perplexité le dénouement des fictions de Blair et l'hostilité grandissante contre son mandat de premier ministre.

Le consensus général des média est que c'est le messager qui est impopulaire et qu'une alternative politique doit être trouvée ­ soit sous la houlette du Parti travailliste conduit par le chancelier de l'Echiquier, Gordon Brown, soit, au cas où cela échouerait, par un Parti conservateur remodelé ­ qui puisse continuer à imposer un programme libéral favorable aux patrons.

Un autre point de vue est qu'aucun moyen politique n'existe qui puisse canaliser le mécontentement social et politique dans des voies sûres. Il existe une crainte répandue selon laquelle le succès du New Labour, en marginalisant les Tories, en fasse la seule option possible. Et, une fois cette option épuisée, qui sait ce qu'il adviendra ?

Il est également frappant de voir qu'il n'y a pas plus ardent défenseur d'un renouveau des Tories que les principaux partisans du New Labour dans les journaux Guardian et l'Observer. La raison en est que leur vraie loyauté va au programme économique du New Labour plutôt qu'à Blair où à son parti.

L'éditorial du Guardian, consacré au congrès des conservateurs, est paru sous le titre bienveillant de « Le retour de la confiance en soi ».

« Un grand nombre de Tories influents, passés et présents, redoutent le discours prononcé la semaine passée par M. Blair à Brighton. A présent, après les trois victoires successives du Parti travailliste, les Tories ont enfin compris quelques-unes des vraies raisons pour lesquelles M. Blair les bat et pourquoi, sans modération et sans modernité de leur part, ils vont tout simplement perdre une fois de plus.

« Si M. Blair avait fait un discours lors de cette conférence il aurait sûrement fait un discours du genre de celui fait par M. Cameron. »

Dans le numéro du 2 octobre de l'Observer, Andrew Rawnsley soutint même encore plus ouvertement Blair, en affirmant, « le blairisme vit ­ au sein des conservateurs .» Il écrivit : « Il aura fallu trois échecs électoraux, pour que Parti travailliste comprenne qu'il ne serait à nouveau dans la course que s'il se conformait au thatchérisme. Il aura fallu trois humiliations cuisantes aux élections pour que les conservateurs commencent à comprendre qu'ils ne seront à nouveau des concurrents sérieux pour le pouvoir que s'ils reconnaissent la réalité du phénomène Blair».

« J'ai quitté le congrès du Parti travailliste à Brighton sans savoir jusqu'à quel point le blairisme survivra à Blair. Mais peut-être était-ce là le mauvais endroit où chercher une réponse. Il se peut que ce soit le congrès des Tories à Blackpool qui fournisse la réponse. »

La quête des média pour un parti blairiste alternatif ­ dans leur poursuite de créer un parti thatchérien alternatif ­ est vouée à l'échec. Ce n'est pas simplement le messager, Blair, qui connaît une opposition politique grandissante, mais le message lui-même.

Même si Cameron réussissait à se modeler lui-même en une nouvelle version de Blair, il ne récolterait que le soutien des milieux sociaux raréfiés sur lesquels l'actuel gouvernement repose et pour lesquels les média s'expriment. Les deux partis se trouvent en fait en compétition pour gagner le soutien de la même couche privilégiée.

Un rapport, commandé par les conservateurs, fait remarquer qu'il n'y a pas un seul député Tory dans six des plus grandes villes en dehors de Londres et que le parti est surtout présent dans la région la plus prospère du sud-est. Le rapport signale tout spécialement que New Labour bénéficie à présent du soutien de près des deux-tiers des professions libérales et des cadres qui constituaient autrefois les circonscriptions naturellement pro Tory.

Les Tories misent sur le fait que l'attirance naturelle de ces couches serait acquise à leur politique économique s'ils étaient capables de dépasser leur image misogyne, homophobe et raciste. C'est pourquoi, Boris Johnson, tenant de la ligne dure, expliquant qu'il soutenait Cameron, avertit que « l'astuce de ces prochaines années sera de montrer que vous pouvez avoir une politique compatissante qui privilégie le monde des affaires et des entreprises et que vous êtes capable de vous attaquer progressivement aux dépenses publiques et aux impôts d'une manière qui profite à tout le monde. »

Il démontra toutefois l'impossibilité d'une telle tâche en attaquant le Parti travailliste pour avoir failli à sa promesse de supprimer 84 000 emplois dans le secteur public. De façon un tant soit peu malhonnête, il admit, « L'on aurait tort bien sûr d'entrer dans les prochaines élections en promettant une purge considérable des emplois dans le secteur public, et se serait une sottise du point de vue électoral. »

Il vaut mieux être élu d'abord et le faire ensuite !

Le fait que l'élite dirigeante est sincèrement convaincue de pouvoir avancer une alternative au New Labour en se contentant de remodeler les Tories en un New Labour bis témoigne à quel point elle est éloignée des aspirations de la vaste majorité de la population.

Qui, en dehors d'eux-mêmes, serait enclin à soutenir une telle alternative ? Et qui, à part eux-mêmes, serait enclin à apprendre à aimer les Tories à nouveau ?

L'objectif de la classe dirigeante et de ses média est de rendre acceptable une politique pour laquelle il ne peut pas y avoir de mandat populaire.

Ce qui pour le moment prend la forme d'une hostilité informe contre Blair et le New Labour est en réalité la manifestation d'antagonismes de classe en plein développement ayant des racines objectives profondes.

Pour la population laborieuse, les vingt-cinq dernières années représentent une expérience sociale et politique aux conséquences désastreuses. Une nation qui autrefois disposait d'un vaste système de sécurité sociale destiné à endiguer les excès les plus terribles du capitalisme, est devenue un terrain de jeux pour les super-riches. Le monde des affaires s'est enrichi dans des proportions identiques précisément à l'érosion constante du niveau de vie.

Ceci n'a été possible qu'en refusant à la classe ouvrière une représentativité politique et en garantissant qu'il n'existerait aucune possibilité de défier l'orthodoxie thatchérienne avancée à la fois par les Tories et le New Labour. Les tentatives entreprises à présent pour empêcher que le Parti conservateur ne tombe dans l'oubli sont loin d'être un effort noble pour la restauration d'un choix politique et d'une démocratie saine proclamée par la presse. Elles sont plutôt destinées à perpétuer le monopole politique dont bénéficie le monde des affaires.

Ce n'est pas sur cette voie que l'on trouvera une issue. Plus les grandes entreprises établissent leur hégémonie totale, plus la politique officielle devient un exercice de ré-étiquetage et de ré-emballage de ce qui est haï et inacceptable, plus les institutions de la démocratie bourgeoise sont discréditées alors plus la population laborieuse cherchera une alternative en dehors et en opposition aux partis qui se disputent le soutien du capital.

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