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Canada : Le commandant en chef des Forces armées reprend la rhétorique belliqueuse de l'administration Bush

Par David Adelaide
Le 17 août 2005

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Le plus haut gradé militaire du Canada, le chef d'état-major de la Défense, le général Rick Hillier, s'est retrouvé au centre d'un blitz médiatique suite à une série d'apparitions publiques belliqueuses. Adoptant ouvertement la rhétorique militariste de l'administration Bush, le général a ragé en conférence de presse que les objectifs visés par le déploiement accru des Forces armées canadiennes (FC) en Afghanistan étaient «des meurtriers et de détestables ordures» qui «détestent notre liberté... notre société... [et] notre mode de vie».

Le but immédiat de la sortie de Hillier est d'accroître le soutien du public au déploiement de troupes canadiennes hors des environs immédiats de Kaboul, siège du régime fantoche des États-Unis de Hamid Karzai. Nul doute que les propos agressifs de Hillier sont également destinés à préparer le public canadien à l'inévitabilité de pertes au combat.

À la mi-juillet, 250 soldats d'Edmonton ont été déployés dans la région explosive de Kandahar où la résistance aux forces d'occupation étrangères est particulièrement féroce. Au début de 2006, 1100 soldats canadiens de plus arriveront à Kandahar pour se joindre à une brigade de l'OTAN. Les FC occupent déjà un rôle important au sein de la Force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS) - une force militaire forte de 5000 hommes dirigée par l'OTAN et placée sous mandat de l'Organisation des Nations Unies pour soutenir le régime de Karzai. Ainsi, aux 700 soldats canadiens déjà déployés dans la capitale Kaboul, 700 autres viendront bientôt se rajouter afin de renforcer l'imposture des élections générales de septembre 2005.

Le général Hillier a justifié cette présence canadienne accrue par une affirmation absurde selon laquelle la résistance afghane à l'occupation étrangère représente une menace pour les Canadiens ordinaires. Les FC, a t-il promis, «ne vont pas laisser ces radicaux meurtriers et assassins dépouiller qui que ce soit, et surtout pas les laisser dépouiller le Canada».

Assurément il y a peu à apprendre d'une analyse attentive des propos du général. Politiquement en revanche, ce qu'il y a de plus significatif à propos des remarques de Hillier, ce ne sont pas ses remarques mêmes, mais plutôt l'importance du niveau de sympathie exprimé par tout l'establishment politique canadien, y compris le Nouveau Parti démocratique (NPD) social-démocrate.

Le chef du NPD, Jack Layton, s'est empressé d'appuyer le général Hillier, en opinant que «la colère contrôlée, compte tenu des événements, est une réaction appropriée» et l'a louangé comme étant «un homme très dévoué et équilibré à la tête de nos forces armées... qui n'a pas peur d'exprimer la passion sous-jacente à la mission que le personnel au front va devoir entreprendre».

De façon prévisible, le Globe & Mail conservateur a salué la bile de Hillier en publiant en éditorial que ses «propos belliqueux» étaient justifiés par la nécessité de protéger la nouvelle démocratie fragile de l'Afghanistan contre al-Qaïda et les talibans, et parce que les gens du pays ont besoin d'aide alors qu'ils essaient de reconstruire leur foyer et leur vie après un quart de siècle de guerre civile et de désordre». Reconnaissant de façon tacite la réalité que des opérations militaires en Afghanistan exposent la population canadienne à un risque accru de représailles terroristes, les éditeurs poursuivent :

«Est-ce que notre présence accrue pourrait augmenter les possibilités que le Canada devienne une cible? Bien sûr. Bien qu'il soit impossible de connaître les motifs des esprits tordus des terroristes qui ont frappé à Londres, il est bien possible que ceux-ci l'aient fait à cause du rôle important que le Royaume-Uni occupe dans la guerre en Irak, tout comme il est bien possible que les terroristes qui ont frappé à Madrid l'an passé l'ont fait à cause de la présence des troupes espagnoles dans ce pays. Mais le terrorisme a également frappé dans d'autres pays tels que l'Indonésie, la Turquie et le Maroc, des pays qui n'ont rien à voir avec l'Irak. N'oublions pas que la première attaque survenue le 11 septembre 2001 a précédé l'Irak ou l'Afghanistan».

Les éditeurs du Globe & Mail sont assurément pleinement conscients que les attaques terroristes contre le World Trade Center et le Pentagone n'ont fait que servir de prétexte pour appliquer les plans conçus depuis longtemps pour envahir l'Irak et accroître la présence militaire des États-Unis dans la région stratégique qu'est l'Asie centrale où se trouve l'Afghanistan. Le sophisme du Globe & Mail selon lequel le militarisme provoque le terrorisme mais est justifié de toutes façons à cause du... terrorisme, souligne à quel point la classe dominante canadienne considère de plus en plus pratique d'utiliser la menace du terrorisme dans la poursuite de ses propres intérêts géopolitiques.

Au cours des dernières semaines, la ministre Anne McLellan de la Sécurité publique et de la Protection civile du Canada, a publiquement pris à partie le public canadien pour sa complaisance face à la menace terroriste. McLellan a déclaré aux médias «ne pas croire que les Canadiens sont aussi psychologiquement préparés à la possibilité d'attaques terroristes qu'ils ne devraient l'être», et que «nous pensons, depuis peut être trop longtemps, que ce genre de choses n'arrive qu'ailleurs».

Les remarques de McLellan surviennent immédiatement après cette déclaration publique de Ward Elcock, qui vient de prendre sa retraite en tant que directeur du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) : «ce n'est plus une question de savoir si, mais bien quand et où nous seront spécifiquement visés». Toujours selon le Globe & Mail, McLellan a spécifiquement demandé l'assistance des médias pour lancer une discussion publique sur le terrorisme «de façon non pas à effrayer les Canadiens, mais à les informer et à les motiver à un niveau de compréhension qui nous aidera - Dieu nous en protège -si jamais quelque chose de terrible survenait».

La menace contenue dans les paroles de McLellan doit être relevée : la ministre du gouvernement responsable de la sécurité publique prévoit explicitement que la population canadienne sera victime d'attaques terroristes. Il ne fait aucun doutes que des éléments de l'élite canadienne accueilleraient positivement une telle éventualité, car cela extirperait les Canadiens de leur supposée «complaisance», c'est-à-dire qu'elle donnerait au gouvernement un prétexte pour accroître les pouvoirs de l'État.

Le problème du «maintien de la paix»

L'étendue du consensus de l'élite derrière Hillier et ses remarques agressives n'est pas un accident historique. La classe dominante canadienne n'a pas l'intention d'être maintenue à l'écart de la nouvelle «grande chasse» qui a débuté avec les assauts contre la Yougoslavie, l'Afghanistan et l'Irak - toutes des agressions perpétrées par les États-Unis en premier lieu et appuyées d'une façon ou d'une autre par le gouvernement canadien.

L'impérialisme américain, qui n'est plus restreint militairement par l'existence de l'Union Soviétique, cherche à utiliser son énorme supériorité militaire pour désamorcer toute crise sociale et économique au pays en s'assurant du contrôle des ressources essentielles et en exerçant sa prédominance géopolitique dans le monde entier. Les autres puissances ont été laissées derrière à tenter de développer des stratégies géopolitiques et militaires pour s'opposer aux États-Unis alors que ceux-ci n'obéissent déjà plus au système des relations et des institutions internationales créé au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale. Les États-Unis ont maintenant l'intention de rediviser le monde dans l'intérêt du capital américain

Pour la classe dominante canadienne, cette situation s'accompagne de défis particulièrement importants. Dans les années 1960 et 1970, plusieurs gouvernements canadiens successifs ont énormément investis dans les institutions multilatérales internationales pour faire contrepoids à la toute puissance politique des États-Unis. Une composante importante de cette stratégie était l'idéologie d'un Canada «pacifiste», selon laquelle le rôle prédominant des Forces armées canadiennes était le «maintien de la paix». Mais compte tenu de l'actuelle lutte pour les ressources et l'influence géopolitique, l'idéologie du «maintien de la paix» qui servait si bien autrefois l'élite canadienne est de plus en plus perçue par cette dernière comme une menace, pour ne pas dire un danger.

Depuis la première guerre du Golfe de 1991, les militaires, les conservateurs, et de plus en plus les libéraux et le reste de l'establishment politique, tentent de refaçonner le rôle des FC «gardiennes de la paix» par le biais d'opérations militaires offensives. Un des éléments non négligeables de cette réorientation est l'action concertée pour tenter d'encourager la fierté nationale dans le rôle du Canada au cours des deux guerres mondiales. Les funérailles nationales de l'ancien combattant de la Deuxième Guerre mondiale Ernest Smokey Smith et l'attention somptueuse que les médias ont accordés à cet événement en sont des exemples récents.

La promotion de Hillier au plus haut poste militaire du pays et la salutation de sa soif de sang reflètent une accélération substantielle de l'actuelle campagne pour remodeler le rôle des militaires au Canada. Lorsque le Globe & Mail et le NPD ont louangé Hillier pour «ne faire que son travail», la signification précise de cette accolade est que son travail est justement de promouvoir la force militaire canadienne comme étant une force destinée à participer à des expéditions agressives à l'étranger.

Le premier ministre libéral Paul Martin a nommé Hillier au rang de chef d'état-major de la Défense en janvier 2005, passant ainsi par dessus la tête de deux candidats plus anciens. Le curriculum vitae de Hillier comprend de l'expérience de commandement en Afghanistan et un tour en tant que commandant adjoint du IIIe Corps de l'Armée américaine basé à Fort Hood (Texas). gé de 49 ans, Hillier a la réputation d'être un partisan résolu d'une «modernisation» des Forces armées canadiennes privilégiant les interventions dans les États dits «en déroute» plutôt que les opérations de maintien de la paix.

Cette nomination aurait été faite suite aux recommandations du ministre de la Défense Bill Graham. Le chroniqueur du Globe & Mail Hugh Winsor a cité dans un article le commentaire d'un des «confidents» de Graham : «Nous nous attendons à ce que Rick Hillier fasse sérieusement bouger les choses».

Hillier a hérité du commandement des Forces armées canadiennes au même moment où le gouvernement Martin s'est engagé à augmenter de 5000 hommes et femmes les troupes régulières et de 3000 autres les troupes de la Réserve, un engagement évalué à une augmentation des dépenses militaires de l'ordre de 400 millions de dollars par année. Le budget libéral de février 2005 comprend un plan de 12,8 milliards de dollars pour accroître et renforcer les FC, notamment par la mise sur pied d'une force de déploiement rapide pouvant être utilisée en cas de crise internationale.

Toutes les factions de l'establishment politique canadien sont derrière l'expansion du militarisme canadien. Mais ce programme ne signifie aucunement qu'il reçoit l'appui de larges couches de la population. Bien au contraire, hors des cercles de la grande bourgeoisie, une profonde méfiance règne à l'endroit de la décision du gouvernement Martin de se faire le défenseur des militaires, de ses flatteries à l'égard de l'administration Bush et de sa volonté toujours plus évidente de jouer la carte du «terrorisme».

Lors d'un récent discours à Toronto, le général Hillier a explicitement appelé à une collaboration plus étroite entre les Forces armées canadiennes et la grande entreprise, notamment dans l'occupation actuelle de l'Afghanistan. Selon le National Post, Hillier prône une «approche à la Équipe Canada», expliquant que «nous avons besoin de l'entreprise privée... vous pouvez venir et faire de l'argent avec nous en construisant nos camps, en obtenant des contrats ou encore en effectuant nos travaux de maintenance, puis dans 10 ans, quand tout sera stabilisé et sécuritaire, vous pourrez venir faire des affaires».

Tel est le sinistre avenir envisagé par cette «Équipe Canada», dont les membres proviennent de tout le spectre politique canadien officiel, des conservateurs au NPD - un avenir rempli de guerres de type coloniales s'étendant sur des décennies et menées afin de pouvoir «faire des affaires».

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