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Congrès annuel du TUC

Déclin et décadence des syndicats britanniques

Par Chris Marsden
Le 20 septembre 2005

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Cette année, le congrès annuel du TUC (Confédération syndicale britannique) fut un rassemblement des désespérés politiques.

Les syndicats sont confrontés à une perte continue d'adhérents qui menace la survie même du TUC. En 1979, les syndicats comptaient un total de 13, 7 millions de membres. Aujourd'hui, il tourne autour de 6,5 millions. La Chambre de Commerce britannique estime qu'environ 300 000 salariés ont quitté le mouvement syndical au cours de ces huit dernières années.

L'un des moyens par lequel la bureaucratie essaie de sauvegarder son avenir est par une série de fusions de syndicats. La dernière en date concerne les trois principaux syndicats britanniques, le Transport & General Workers Union (syndicat des transports), le General Municipal and Boilermakers (syndicat des chaudronniers municipaux) et l'Amicus (principale centrale syndicale des services en GB), qui est lui aussi le résultat de fusions antérieures. Avec plus de deux millions et demi de membres, cela représente quelque 40 pour cent de l'ensemble des affiliés au TUC. Ce fait à lui seul rend le TUC de plus en plus superflu, même du point de vue de la bureaucratie.

Mais, à long terme, les fusions ne contribueront pas à sauver les syndicats concernés. Selon l'avertissement du secrétaire général du TUC, Brendan Barber lui-même, la fusion envisagée n'apporterait pas « un seul membre supplémentaire Ver.di (syndicat allemand des services) constitué en 2001 comme le plus important syndicat avec quelques 3 millions de membres n'en compte plus qu'environ 2, 5 millions quatre plus tard.

L'Observatoire européen des relations industrielles remarque qu'avant les fusions les prédécesseurs d'Amicus avaient perdu plus de 80 000 membres depuis 1999 et le TGWU 46 000. Il explique que les fusions relèvent en grande partie d'une stratégie défensive dans le contexte d'un déclin général L'élection du Parti travailliste au gouvernement en 1997, avait laissé espérer un avenir plus brillant pour le mouvement syndical. Cependant, l'incapacité à revenir à un niveau de croissance plus significatif des adhésions, en dépit d'une situation avoisinant le plein emploi et d'introduction de nouvelles lois favorisant la reconnaissance syndicale, signifie que des fusions ' défensives ' supplémentaires sont vraisemblables. »

Le fait que ni le plein emploi, ni l'élection d'un gouvernement travailliste n'ait aucunement amélioré le triste sort des syndicats n'est pas difficile à expliquer.

D'abord les salariés, notamment dans les secteurs économiques à croissance dans le domaine des services et qui se caractérisent par des conditions de travail et de rémunération extrêmement mauvaises, n'adhèreront pas aux syndicats en raison de leur politique de soutien au patronat. Ensuite, l'un des plus gros problèmes auquel ont à faire face les dirigeants syndicaux c'est de justifier leur alliance avec un gouvernement qui n'a cessé de s'en prendre à la population ouvrière dans sa course pour enrichir ses soutiens dans les grandes entreprises.

La bureaucratie syndicale est confrontée à des difficultés croissantes dans ses tentatives de supprimer toute opposition à la constante érosion du niveau de vie et des conditions de travail. Après des années durant lesquelles les mouvements de grève avaient été à un niveau historiquement bas, le nombre de jours de grève décompté l'an dernier était passé à près d'un million, un accroissement substantiel donc. Il représentait presque le double de celui enregistré en 1993. L'Office national des statistiques rapportait que 904 000 jours de travail avaient été perdus en 1994 ; près de 300 000 salariés avaient été concernés et donc le double du nombre de 1993.

Ceci ne signifie nullement que les syndicats ont cessé d'étouffer des grèves. Le nombre exact des débrayages au cours de l'année 2004 était tombé à 130, niveau le plus bas jamais enregistré. Seuls 12 400 jours furent perdus en raison de grèves entre janvier et mars 2005, lors de 18 débrayages regroupant plus de 10 000 salariés.

A long terme, le tableau est encore plus dévastateur et révèle comment les syndicats ont empêché l'émergence de toute opposition au patronat et au gouvernement. Au cours des années 1970, 12,9 millions de jours de travail étaient perdus en moyenne par an. Du fait de la grève des mineurs de 1984-85, ce chiffre se maintint à 7,2 millions au cours des décennies suivantes. Et ceci en dépit des efforts de la part des syndicats pour maintenir les lois antisyndicales des conservateurs, représentées par le Employment Act de 1980 (loi sur l'emploi) qui, entre autres, frappait d'illégalité toute grève de solidarité.

À titre de comparaison, le nombre moyen de jours perdus par an entre 1994 et 2004 n'atteignait que 560 000.

Néanmoins, d'importantes grèves dans le secteur public ­ domaine où les salariés se trouvent eux-mêmes directement confrontés au gouvernement travailliste comme par exemple le licenciement de 100 000 fonctionnaires et une nouvelle vague de privatisations ­ montrent que les syndicats sont assis sur une bombe à retardement qui pourrait exploser à tout moment. C'est pourquoi, le secrétaire général du TGWU, Tony Woodley, dit en toute franchise en réponse à une question de la BBC quant aux raisons pour lesquelles les syndicats n'étaient pas en mesure de convaincre les travailleurs de les rejoindre, « parce qu'à leurs yeux, nous semblons avoir été trop proches des patrons, trop proches du gouvernement. »

Les salariés de Gate Gourmet isolés

Rien de ce que le TUC fit lors de la conférence qu'il tint la semaine passée ne modifiera cette évaluation parfaitement correcte.

La semaine démarra par une manifestation, devant le Centre de conférence de Brighton, des employés licenciés de Gate Gourmet, le restaurateur de Heathrow qui fabrique des repas pour British Airways. Le licenciement sans préavis de 670 salariés déclencha une grève de solidarité de 24 heures par plus de 1 000 bagagistes, chauffeurs de bus et employés au sol de BA qui a paralysé l'aéroport.

Ce fut le TGWU qui vint à la rescousse de Gate Gourmet et de BA en ordonnant à ses membres de respecter les lois antisyndicales, isolant ainsi les grévistes en les laissant impuissants face à leur employeur.

La manifestation du 12 septembre a souligné pour la population ouvrière les conséquences qu'auront à la fois le programme pro patronal des dirigeants syndicaux et leur alliance avec le gouvernement travailliste qui a laissé intactes les lois antisyndicales instaurées par les Tories. Les manifestants qui protestaient dehors le faisait après que le TGWU ait accepté l'ensemble des licenciements exigés par Gate Gourmet et créé les conditions où 300 grévistes et 400 salariés qui continuèrent à travailler aient accepté la perte de leur emploi. L'entreprise déclara à plusieurs reprises ne pas vouloir réembaucher ceux qu'elle considère être des « militants » et des « agitateurs ».

Les dirigeants syndicaux, se sentant politiquement exposés, se sont vus obligés de monter une mise en scène d'opposition au gouvernement au sujet de son maintien des lois antisyndicales, de sa politique des retraites et ainsi de suite.

Le même jour, les bureaucrates réunis votèrent à l'unanimité une résolution d'urgence du TGWU et du Rail Maritime and Transport union (RMT - syndicat national des travailleurs du rail) en faveur des 667 salariés licenciés. La motion exigeait du gouvernement qu'il décrète une loi de liberté syndicale appuyant « les actions de solidarité légales», une protection légale des salariés dès leur première journée de travail et la réduction du préavis du vote de la grève.

Il y avait vraiment quelque chose de pathétique dans les efforts du TUC à afficher sa bonne foi dans sa qualité de défenseur de la population laborieuse. Il sait qu'il n'y a absolument aucune chance que le gouvernement travailliste passe une telle loi. Et donc, le lendemain les dirigeants syndicaux ne pouvaient que manifester leur mécontentement face au discours du ministre des Finances, Gordon Brown, confirmant cet état de fait.

L'on évoque partout la possibilité que Brown puisse remplacer Tony Blair en tant que premier ministre et la presse pro-travailliste faits des efforts constants pour le dépeindre comme étant plus en phase avec les valeurs traditionnelles du parti. Son allocution du 13 septembre à la conférence démentit de telles affirmations.

Le ministre des Finances parla de « Tony Blair et moi » avant d'avertir la conférence de Brighton qu'il n'y avait « nulle part où se cacher » de la mondialisation et de la nécessité d'être compétitif face a la Chine et à l'Inde.

Il promit que dans les deux années à venir le gouvernement instaurerait son pacte pré-électoral avec les syndicats, le « Warwick Agreement » promettant des mesures telles que de meilleures conditions de congé, de sécurité au travail, des indemnités de licenciement améliorées, des négociations collectives plus étendues et la création d'une nouvelle agence des droits au travail. Mais tout ceci n'était que promesses en l'air.

Il poursuivit en disant « A aucun moment, depuis la révolution industrielle, la restructuration de l'économie mondiale n'a été aussi dramatique ; à aucun moment il n'a existé un tel changement dans la production. L'Asie se déplaçant de la marge vers le centre du nouvel ordre économique mondial ; et à aucun moment dans toute notre histoire les changements techniques ne se sont faits à une vitesse aussi rapide et n'ont été aussi omniprésents. En ce qui me concerne, rien au cours de ces prochaines années ne sera plus important que la préparation et l'équipement de notre nation en vue de relever ces défis mondiaux qui nous attendent. »

Ceci signifie la collaboration des syndicats avec le patronat et le gouvernement. « Aujourd'hui, j'adresse une invitation au TUC et aux syndicats ici présents, ainsi qu'aux patrons d'entamer des discussions avec le ministère des Finances et le gouvernement pour voir comment une Grande Bretagne plus experte, plus adaptable et plus audacieuse pourra prendre les décisions correctes à long terme et réussir dans l'étape suivante de l'économie mondiale », précisa Brown.

Bien qu'il se donnât beaucoup de mal pour nier que ceci équivaudrait à une « course vers le bas » avec la Chine, c'est précisément ce qui attend la classe ouvrière à qui il se sera demandé d'accepter des salaires et des conditions de travail compétitifs par rapport à l'Asie. Par-dessus tout, ceci rend nécessaire que les syndicats contrôlent plus efficacement leurs membres. Brown insista sur le fait que « nous avons besoin de stabilité dans notre politique industrielle, de stabilité dans nos relations avec le monde du travail Et à tout moment nous devons lutter contre les dangers pour la stabilité et la croissance. »

Après son discours adressé à la conférence, Brown fut encore plus explicite quand il déclara à la chaîne Sky News de Rupert Murdoch, « Il n'y aura pas de retour aux vieux conflits inutiles du passé, ou au désordre ou encore aux grèves de solidarité du passé. »

Blair souligna le message de Brown lors du dîner organisé le soir même par le TUC. « Il serait malhonnête de dire qu'un gouvernement travailliste, quel qu'il soit, passera une loi en faveur d'un retour aux actions de solidarité. Cela ne se produira pas », dit-il.

Il n'y aura pas non plus d'intervention de l'Etat pour protéger la retraite et les emplois du secteur industriel. Les syndicats auront à trouver des solutions « basées sur la réalité » et devront se rendre compte qu'ils opèrent « dans un marché au même titre que n'importe qui ».

« Ce que nous voulons éviter c'est une autre série de comptes-rendus de revendications faites au gouvernement travailliste, accompagnée des fins de non-recevoir habituelles », poursuivit-il. Il annonça que des réformes programmées concernant la retraite dans le secteur public seraient engagées.

La Chine et l'Inde « nous imposeront une pression compétitive qu'il sera inutile de nier. C'est la réalité. Et donc, reconnaissons-le et travaillons en partenariat. L'alternative n'est absolument pas une alternative. C'est une décision à rejeter, » lança-t-il comme avertissement.

Avant Brighton, plusieurs dirigeants syndicaux avaient déclaré que Blair devait partir et que Brown ne récolterait leur soutien que s'il avait une ligne différente à leur soumettre. Woodley avait affirmé, « Je ne veux plus que ça continue. Je ne veux pas de Blair 2. » Mais c'est exactement ce qui est proposé.

La conférence du lendemain fut dominée par les menaces qu'un projet gouvernemental de rehausser l'âge de la retraite à 65 ans dans le secteur public pourrait provoquer une grève à laquelle participeraient trois millions de travailleurs réunis dans treize syndicats. Et une fois de plus, Adair Turner, président de la Commission des retraites, dit à la conférence du TUC que le gouvernement ne céderait pas.

La mondialisation de la production

Malgré l'actuelle rhétorique combative de la bureaucratie, les syndicats se sont révélés être tout à fait incapables de défendre les intérêts les plus élémentaires de leurs membres, sans parler de ceux des millions de salariés non syndiqués. Ceci n'est pas uniquement le résultat de quelques dirigeants corrompus, quoique la position sociale de la bureaucratie, caste de fonctionnaires bien payée, fait en sorte qu'elle exprime sa loyauté exclusivement envers la classe dirigeante.

La mondialisation de la production ­ dont Blair et Brown se servent comme d'une matraque ­ se trouve en effet au coeur même de l'actuelle impuissance et de la dégénérescence politique des syndicats. De par le passé, les syndicats avaient été en mesure d'obtenir certaines concessions des employeurs au moyen de grèves et de négociations collectives vu que ceci était considéré être le prix à payer pour maintenir la production au sein d'installations qui étaient principalement ancrées dans l'économie nationale. Jusqu'aux années 1970, même des entreprises multinationales avaient tendance à développer des plateformes de production nationales intégrées dans leur empire mondial.

Le dernier quart de siècle a connu une intégration mondiale sans précédent de la production des entreprises et le développement massif de nouvelles capacités de production dans des régions telle la Chine et l'Inde de la part de groupes vraiment transnationaux. La mobilité mondiale du capital à laquelle s'ajoute la mise en place d'un nivellement international de plus en plus bas des salaires a mortellement touché les syndicats qui ont comme point de départ l'existence du système de profit basé sur la propriété privée des moyens de production et qui, du point de vue de l'organisation et du programme, sont ancrés dans l'Etat-nation. Les syndicats ne sont plus à même de concilier la défense du capitalisme, dont dépendent les privilèges de la bureaucratie ou leur engagement dans le succès de « l'économie britannique », avec une lutte pour assurer de meilleures conditions de travail et des réformes sociales. Au lieu de cela, ils ne sont devenus rien de plus que la police du patronat chargée d'imposer baisses de salaire et cadences accélérées afin de rester compétitifs sur le marché international.

Pour ne pas être mis en compétition avec des salariés moins payés en d'autres coins du monde et pour lutter contre la menace de délocalisation et autres formes d'approvisionnement à l'extérieur, il faut que les salariés britanniques adoptent une perspective politique entièrement nouvelle, l'internationalisme socialiste. Le seul moyen pour les salariés britanniques de défendre leurs emplois c'est l'alliance avec les salariés de Chine et non pas la concurrence avec eux car cela ne sert que les intérêts des employeurs. La mondialisation de la vie économique apparaît pour le moment aux yeux des travailleurs n'être qu'un développement menaçant. Mais la mondialisation pose les fondations les plus puissantes pour unir la classe ouvrière internationale dans une lutte commune pour un nouveau système économique basé sur une production pouvant satisfaire les besoins sociaux les plus essentiels de la population : emploi, logement, éducation, soins de santé et une retraite convenables.

Un tel tournant politique ne peut être pris qu'au moyen d'une opposition implacable contre la bureaucratie syndicale, indépendamment du fait que tel ou tel bureaucrate est supposé être de gauche ou pas. Les travailleurs seront également directement confrontés au gouvernement travailliste qui, pour réprimer tout mouvement contre les employeurs, mobilisera la police et la justice avec la même violence et le même mépris des normes légales et démocratiques dont il a fait preuve dans la guerre contre l'Iraq.

La classe ouvrière ne peut plus tolérer les efforts entrepris par les dirigeants syndicaux pour maintenir la domination politique incontestée du Parti travailliste. La mutation du Parti travailliste en un instrument droitier de l'élite patronale est complète et ne peut plus être inversée. La question n'est pas le départ de Blair ou ce qui doit être exigé de Brown ­ ou de quiconque. La population laborieuse a besoin de son propre parti ­ un authentique parti socialiste et internationaliste ­ qui défende ses intérêts contre le grand capital. Faute de quoi, il n'y aura que davantage de défaites du type de celle de Gate Gourmet et plus d'attaques encore contre les droits sociaux et démocratiques ­ infligées conjointement par le TUC et le gouvernement Blair.


 

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