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La Cour suprême américaine se prononce contre les fonctionnaires qui signalent des abus

Par Don Knowland et Barry Grey
5 juin 2006

Le 30 mai, la Cour suprême des États-Unis s’est prononcée dans l’affaire qui oppose Garetti à Ceballos à savoir que les employés du gouvernement qui signalent des abus à leurs supérieurs hiérarchiques dans le cadre de leurs «fonctions officielles» n’étaient pas protégés par le premier amendement à la Constitution américaine qui garantit la liberté d’expression.

Ce jugement réactionnaire a annulé une décision de la Cour d’appel du 9ème circuit. Il va faire réfléchir à deux fois les employés du secteur public qui voudraient dénoncer les abus et encourager la manie du secret dans le gouvernement en lui faisant savoir qu’il n’aura pas à répondre de ses actes.

Le vote de cinq voix contre quatre en faveur de la décision du juge Anthony Kennedy a fait que le bloc des quatre de l’aile droitière, représenté par Antonin Scalia, Clarence Thomas et deux juges dernièrement nommés par Bush (le président de la Cour suprême John Roberts et le juge Samuel Alito) s’est aligné contre l’aile plus modérée composée de Ruth Bader Ginsburg, David Souter, Stephen Breyer et John Paul Stevens.

Il s’agit de la première affaire majeure reflétant l’accentuation du virage à droite suite à l’élévation de Roberts et d’Alito à la Cour suprême, notamment l’accession d’Alito au poste laissé vacant suite au départ à la retraite de la juge Sandra Day O’Connor. Cette dernière était connue pour être une «voix bascule» se ralliant dans de nombreux cas à la minorité plus à gauche.

En 2000, M. Ceballos, procureur fédéral de Los Angeles, adressait un mémorandum à ses supérieurs disant que des adjoints du sheriff avaient fait de fausses déclarations dans un affidavit appuyant un mandat de perquisition et une poursuite criminelle ultérieure. Après avoir parlé à la police, les supérieurs du procureur au bureau du procureur de l’État ont continué la poursuite judiciaire Suite à cela, Ceballos a poursuivi en justice ses supérieurs en affirmant que ses droits constitutionnels avaient été violés du fait de sa mutation et du refus d’un avancement de carrière en raison de son rapport.

Durant des décennies, la Cour suprême et les jugements des cours d’appel fédérales avaient reconnu que les employés gouvernementaux ne perdaient pas leurs droits de citoyens en divulguant de mauvaises pratiques ayant trait au secteur public. Ils soutenaient que si de telles divulgations étaient raisonnables dans les circonstances données, les mesures de représailles prises par l’employeur contre de telles divulgations violeraient le premier amendement à la Constitution américaine garantissant la liberté d’expression et le droit de pétitionner le gouvernement pour la réparation des torts subis.

En 1979, par exemple, le président de la Cour suprême de l’époque, William Rehnquist, avait statué au nom d’une Cour suprême unanime qu’un enseignant qui  critiquait les pratiques de recrutement racistes de son supérieur ne pouvait être sanctionné.

Dans son jugement sur l’affaire Ceballos, Kennedy a dit que les tribunaux et les jurés ne devraient jamais essayer d’anticiper les décisions des employeurs quant au bien-fondé du rapport de l’employé ou si l’employé devait être discipliné, si l’employé s’exprimait dans le cadre de ses fonctions plutôt que comme personne privée

Se positionnant clairement derrière le «droit» des employeurs à discipliner leurs subalternes, Kennedy a argumenté qu’on ne pouvait admettre le risque de perturbations pouvant se produire sur le lieu de travail en raison d’accusations non fondées même si pour cela il fallait museler des rapports fondés Il a aussi ajouté que maintenir les poursuites de Ceballos représenterait une intrusion illégitime des tribunaux dans les relations entre employeurs et employés et produirait un énorme «affaiblissement juridique du pouvoir discrétionnaire des cadres dirigeants»

Les implications d’une portée considérable de cette décision sont soulignées par les questions de libertés civiques qui sous-tendent cette affaire. La plainte adressée par Ceballos à ses supérieurs au sujet de fausses déclarations faites par la police et qui ont abouti à une poursuite criminelle illégale a eu lieu en plein scandale policier des Ramparts à Los Angeles qui a exposé au grand jour la brutalité de la police et les coups montés à l’encontre, le plus souvent, des habitants pauvres et immigrés.

Dans des déclarations dissidentes formulées conjointement par les juges Souter, Stevens, Ginsburg et Breyer, ces derniers ont critiqué la nouvelle interprétation faite par la majorité, qui a complètement renversé la logique et la politique publique préconisant le signalement d’abus; d’abord, parce que cela impliquait que les employés qui exposaient au grand jour des abus étaient protégés alors que ceux qui essayaient de les corriger à huis clos ne l’étaient pas; ensuite parce que l’intérêt public, dans la divulgation des abus, requérait que les employés qui faisaient des révélations dont ils avaient connaissance du fait de leur travail, devraient bénéficier de plus de protection.

En commentant ce jugement, Ceballos a dit que le message était le suivant: «Ne pas faire de remous. Et ne rien dire»

L’affaire avait d’abord été débattue après que la juge O’Connor ait annoncé son départ à la retraite mais avant qu’elle n’ait été remplacée par Alito. L’affaire a ensuite été débattue à nouveau, fait qui laisse supposer que la cour était partagée 4 voix contre 4 et que le vote d’Alito avait été décisif.

Faisant l’éloge de ce jugement, George Will, chroniqueur de droite du Washington Post, a célébré l’accentuation du virage à droite de la cour dans un article paru le 4 juin dans la rubrique «éditorial et opinions». «Quel était l’enjeu des batailles de confirmation menées par Roberts et Alito? Cela même», concluait-il.



 

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