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Le sommet de l’Union européenne et des États-Unis à Vienne: Les dirigeants de l’Europe serrent les rangs autour de Bush

 

Par Stefan Steinberg
24 juin 2006

Mardi, le président américain, George Bush, a atterri à Vienne pour le sommet annuel des dirigeants des États-Unis et de l’Union européenne (UE). Après de brefs pourparlers à Vienne, Bush devait se rendre jeudi à Budapest pour le 50ème anniversaire du soulèvement hongrois de 1956.

Le voyage de Bush en Europe est le premier d’une série de visites au cours des prochaines semaines. Le mois prochain, il retournera en Europe pour rencontrer la chancelière allemande Angela Merkel à Straslund, avant de se diriger vers la Russie pour une rencontre avec le président Vladimir Poutine, juste avant le sommet du G-8 à Saint-Pétersbourg, du 15 au 17 juillet.

Partout où Bush se déplace, les mesures de sécurité sont énormes et dérangent, et Vienne ne fut pas l’exception. Un convoi de 60 véhicules a transporté le président et la secrétaire d’État Condoleezza Rice de l’aéroport à l’hôtel Intercontinental de Vienne. Sur l’autoroute, qui avait été fermée pour toute autre circulation, Bush avait sa propre limousine blindée extra-longue qui avait été spécialement transportée par avion. Les forces de sécurité autrichiennes se sont opposées à leurs homologues américains qui avaient demandé de faire évacuer toutes les maisons et tous les appartements adjacents à l’autoroute durant le passage rapide du président vers son hôtel.

Bush était accompagné d’agents des services secrets américains et de membres de la police d’élite autrichienne Cobra. L’escorte de sécurité de Bush était constituée de 500 agents de la CIA, certains d’entre eux accompagnant le président, d’autres s’étant installés dans la ville plusieurs semaines avant la visite. Au total, 3.000 policiers autrichiens ont aussi été déployés pour protéger le président durant son séjour de 20 heures. De la matinée de mardi jusqu’à jeudi après-midi, un large secteur autour de la capitale a été interdit pour les avions privés

Le sommet s’est tenu au Palais impérial de Vienne, et de larges sections du centre-ville furent fermées à la circulation. Quelque 300 commerces, restaurants et attractions touristiques durent aussi fermer. La première Dame Laura Bush fit de brefs arrêts au centre-ville, sous haute sécurité, et sous la présence de tireurs d’élite placés stratégiquement.

Les opérations policières et militaires entourant la visite de Bush coûteront un million d’euros aux contribuables autrichiens.

Les manifestations contre la visite de Bush avaient commencé la semaine dernière alors que des manifestants étaient montés sur le toit d’un bloc d’appartements près du centre-ville et avaient installé une énorme affiche déclarant: «Bush, retourne chez toi» La même demande avait été inscrite sur une énorme bannière brandie par des manifestants, lundi, devant la cathédrale de Saint-Stephan au centre-ville de Vienne.

Mercredi, en fin de journée, une foule estimée à 10.000 personnes, dont la plupart était des jeunes, est sortie dans la rue pour manifester contre la présence de Bush. La délégation des États-Unis a été soigneusement isolée de la manifestation, qui elle, a été contenue par des centaines de policiers et limitée à un parcours qui ne passait pas près du palais impérial.

La transformation du coeur de Vienne en une forteresse armée pour deux jours a été essentiellement réalisée dans le but d’isoler le politicien le plus méprisé au monde de la colère de millions de citoyens européens. Quelques jours seulement avant que Bush n’atterrisse à Vienne, le journal britannique Financial Times publia un sondage qui révélait que 36 pour cent de tous les Européens percevaient la politique étrangère des États-Unis comme la plus grande menace à la paix mondiale. Dans le sondage, l’Iran venait en deuxième place, avec un certain écart entre les deux.

D’après la courte durée des délibérations entre la délégation des États-Unis et les dirigeants de l’UE, il était garantit qu’aucun des problèmes mondiaux urgents, incluant les nombreux domaines conflictuels entre l’Europe et les États-Unis (l’arrêt des pourparlers sur le commerce mondial, la croissance du protectionnisme économique, la politique d’immigration des États-Unis, l’environnement, la menace de crise monétaire mondiale, les affrontements à propos des zones d’influence du Moyen-Orient à l’Afrique, de l’Europe de l’Est et de l’ancienne Union soviétique) ne seraient discutés en profondeur.

Remarquablement, les discussions et les conférences de presse qui ont suivi n’ont pas mentionné la guerre en Irak. Malgré les doutes des cercles politiques européens sur le désastre en Irak et dans un contexte où les membres de la soi-disant «coalition des volontaires» comme l’Italie et le Japon cherchent à retirer leurs troupes de l’Irak aussi rapidement que possible, les chefs d’État européens ne réussirent que difficilement à exclure ce sujet des discussions. Plutôt, Bush s’est servi du sommet pour augmenter la pression sur les États de l’Union européenne pour plus d’aide financière et de soutien logistique pour l’occupation américaine en Irak ainsi que pour augmenter la pression diplomatique sur l’Iran.

Les critiques de violations des droits de l’homme par les Américains, qui ont été soulevées en Europe au cours des derniers mois, n’ont été que très faiblement exprimées dans le document du sommet et dans les déclarations qui ont suivi la réunion. Les chefs d’État européens étaient déterminés à présenter un front unique avec Washington.

Dans leurs remarques d’ouverture lors de la conférence de presse de mercredi, Wolfgang Schüssel, le chancelier autrichien et président en exercice du Conseil européen et Jose Manuel Barroso, le président de la Commission européenne ont insisté sur les points où l’accord existe entre l’Europe et les États-Unis. Schüssel a déclaré que l’UE était prête à appuyer la campagne de Bush pour des sanctions contre l’Iran et  Barroso a souligné la «bonne entente» qui régnait entre les partenaires de l’Atlantique. Barroso a continué en énumérant une liste de résolutions vagues et sans conséquence sur l’énergie, le commerce et le piratage des marchandises sur lesquelles il y avait eu entente lors du sommet.

Schüssel a souligné que c’était Bush et non les représentants européens qui avaient soulevé la question de la prison de Guantanamo, alors que Bush a réitéré son «souhait» de voir le camp fermé. Le problème, a dit Bush, ce sont les autres pays qui ne sont pas prêts à recevoir les prisonniers selon les conditions dictées par les États-Unis. Les commentaires de Bush ont été bien reçus et acceptés par les dirigeants européens.

Malgré les efforts de Bush, Schüssel et Barroso pour présenter leurs discussions sous le meilleur jour et de mettre l’accent sur leur solidarité sur les questions essentielles, les dirigeants réunis n’ont pu éviter les questions portant sur l’important déclin de l’appui public en Europe pour la politique américaine.

Le correspondant du Financial Time a questionné Bush sur le récent sondage de son quotidien. «Absurde» a explosé Bush en réponse. «Nous nous défendrons. C’est une déclaration absurde», a-t-il répété, avant de passer, en colère, à la prochaine question.

À un certain moment, un journaliste autrichien a demandé aux dirigeants des États-Unis et de l’Europe s’ils pouvaient offrir l’assurance qu’il n’y aurait plus d’enlèvements par la CIA avec la connaissance et le consentement des gouvernements européens. Le journaliste a noté qu’un récent sondage avait montré que les Autrichiens se méfiaient encore plus de la politique américaine que la population européenne en général. Seulement 14 pour cent des citoyens autrichiens appuient l’actuelle politique américaine alors que 64 pour cent pensaient que les États-Unis jouaient un rôle régressif dans la politique mondiale. Le journaliste a ensuite continué en remarquant que même dans le pays de l’allié le plus loyal de Bush, le Royaume-Uni de Tony Blair, la majorité de la population était opposée à la politique américaine. «Où avez-vous échoué?» a-t-il directement demandé.

Habitué à la complaisance des médias américains, Bush a été tout simplement ébranlé par la question. Il a répondu qu’au contraire d’autres pays, «Nous sommes une démocratie transparente». Il a ensuite continué en précisant sa conception d’une «démocratie transparente» comme étant un régime dans lequel les dirigeants politiques ne se plient pas devant le sentiment populaire. «Je ne gouverne pas avec des sondages, a dit Bush. Je fais ce que je crois juste de faire… Je vais agir selon mes croyances. Je suis le président des États-Unis.»

Schüssel, faisant étalage de sa connaissance des classiques de la Grèce antique, a dû venir à la rescousse d’un président américain semi-illettré et de plus en plus agité. Dans ses remarques à la fin de la conférence de presse, Schüssel a déclaré «Il est grotesque de prétendre que les États-Unis représentent une menace.» Évitant de mentionner les politiques américaines actuelles, il a fait la leçon aux médias sur la soi-disant munificence des États-Unis envers l’Europe dans la période qui a suivi la Deuxième Guerre mondiale.

La servilité des chefs d’État européens face au président américain pourrait sembler illogique, étant donnée la crise de l’administration Bush et les conséquences désastreuses de ses politiques.

Le gouvernement Bush est confronté à la désintégration de sa politique en Irak et à la dissolution de sa «coalition des volontaires». La situation en Afghanistan empire sur une base régulière, les rebelles menant de nouvelles offensives contre les troupes alliées.

Malgré un accord sur une politique commune envers l’Iran, les chefs européens craignent toujours les conséquences de la politique américaine de la ligne dure face au pays riche en pétrole, ainsi que des tensions grandissantes entre les États-Unis et la Chine. Les États-Unis ont fait pression sur l’Europe pour qu’elle soutienne sa politique au Moyen-orient visant à exclure politiquement le mouvement Hamas, mais il n’y a d’aucun côté la moindre attente quant à la stabilité ou la paix dans la région.

Les marchés boursiers de par le monde ont été secoués par les craintes croissantes d’instabilité monétaire internationale. La plupart des marchés européens, y compris le DAX allemand, ont vu les gains faits au cours de cette année s’évaporer dans une rafale de ventes d’actions, les actionnaires et spéculateurs réagissant à l’inflation américaine, aux hausses additionnelles des taux d’intérêt et à l’énorme niveau d’endettement du pays.

Pas une seule politique viable pour résoudre aucun de ces problèmes n’a été mis de l’avant ou même discuté au sommet de Vienne. En fait, si les chefs européens sont disposés à épauler Bush, c’est parce qu’ils appliquent leurs propres politiques de droite menant à un mécontentement populaire à l’intérieur de leurs propres frontières, et craignent les implications économiques et sociales explosives d’une crise prononcée au sein des États-Unis.

La cote de popularité au plus bas de Bush a pour pendant l’impopularité de Tony Blair en Grande-Bretagne et de Jacques Chirac en France. Plusieurs des plus proches alliés de Bush en Europe de l’Est se retrouvent encore plus bas dans les sondages. D’importantes institutions européennes sont discréditées et la constitution européenne a été rejetée de manière décisive par l’électorat.

Au même moment, la quasi-totalité des États européens sont impliqués dans les crimes de l’impérialisme américain. Le récent rapport par le parlementaire suisse Dick Marty a révélé qu’un total de 14 pays européens ont trempé dans le transfert secret de terroristes suspects par les États-Unis. D’autres pays tels que l’Allemagne aidaient activement l’armée américaine en Irak par le biais de leurs services de renseignement.

Tandis qu’en 2003 un certain nombre de pays européens, y compris l’Allemagne et la France, ont exprimé une opposition à la guerre en Irak, le front unique derrière le président Bush à Vienne montre clairement que cette opposition très limitée s’est complètement dissipée. Dans une période d’énormes tensions internationales, le rassemblement de chefs américains et européens dans une forteresse armée a plus qu’une signification symbolique. Complètement inaptes et peu disposés à présenter la moindre politique de rechange, la bourgeoisie européenne répond à sa propre crise en cherchant à renflouer son vis-à-vis de l’autre côté de l’Atlantique.



 

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