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Tel-Aviv et le massacre de Cana : Anatomie d’une campagne de propagande

par Rick Kelly
4 août 2006

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Le gouvernement israélien a réagi à son massacre de près de 60 civils, dont 37 enfants, dans le village libanais de Cana par un barrage de mensonges, falsifications et calomnies impudents contre les victimes innocentes du bombardement.

Sans même chercher à être logique, le gouvernement israélien et les porte-parole militaires ont déclaré diversement que : la destruction du bâtiment avait été causée par les explosifs du Hezbollah ; les missiles israéliens, visant les lance-roquettes du Hezbollah avaient accidentellement touché le bâtiment d’habitation dans lequel étaient réfugiés les civils libanais ; les forces aériennes israéliennes avaient visé et détruit le bâtiment, mais avaient eu raison de le faire parce que les civils tués avaient été avertis qu’ils devaient quitter Cana ; les femmes et les enfants étaient retenus comme « boucliers humains » dans le bâtiment par le Hezbollah.

Tous ces mensonges ont pour but de dissimuler la réalité que le massacre de Cana était une attaque criminelle calculée dont l’objectif était de terroriser la population libanaise et de déplacer de façon permanente la population à grande majorité chiite des régions sud du pays. Avec le plein soutien de l’administration Bush, le gouvernement israélien d’Ehoud Olmert a pour objectif de réduire le Liban au statut de protectorat dégradé.

Israël a commis d’innombrables crimes de guerre dans son attaque du Liban de ces trois dernières semaines. Des centaines de civils ont été tués et des milliers blessés, tandis que plus de trois quarts d’un million de personnes ont été contraints de quitter leur maison et sont devenus des réfugiés. Le massacre de Cana n’est que la pire atrocité d’une campagne qui a vu des convois de civils bombardés, des ambulances prises pour cibles et des travailleurs des Nations Unies tués.

Tandis que la nouvelle des morts de civils à Cana émergeait dimanche matin, le gouvernement israélien mobilisait rapidement ce que le Jerusalem Post a décrit comme une « équipe en or » de porte-parole civils et militaires pour « s’occuper de la presse internationale ». La campagne de propagande a suivi l’habituelle façon de procéder israélienne après chaque atrocité commise par les Forces de défense israéliennes — aucun mensonge n’est trop gros et aucune reconnaissance de culpabilité n’est autorisée.

La porte-parole du gouvernement Miri Eisen a été interviewée sur CNN peu après la diffusion des images de femmes et d’enfants que l’on tirait des décombres. « Il est clair qu’il s’agit d’une erreur », a-t-elle déclaré. « Nous n’avons pas visé ce bâtiment… Le bâtiment lui-même n’était pas visé, comme je l’ai dit. Le bâtiment était tout près des sites de lancement de roquettes et nous visons tous les sites de lancement de roquette. Il s’agit d’une erreur, Israël regrette profondément ce qui s’est passé. »

Prétendre qu’il s’agit d’une frappe accidentelle est absurde. L’armée de l’air israélienne dispose de missiles de précision fournis par les Etats-Unis et qui frappent les cibles avec une précision dévastatrice. Cela a été démontré ces dernières semaines en Cisjordanie et à Gaza, où un certain nombre de Palestiniens ont reçu des appels téléphoniques de la part de militaires israéliens les avertissant que leur maison serait bientôt bombardée en représailles de leurs activités militantes alléguées. Quelques minutes après ces appels, les forces aériennes lancent une bombe qui détruit les maisons visées, qui sont souvent dans des régions à forte densité de population. De plus, ces dernières années, les missiles israéliens ont été utilisés pour assassiner un grand nombre de militants palestiniens qui se trouvaient dans des véhicules en marche.

A Cana, il y a eu au moins cinq foyers d’habitation détruits dimanche soir en conséquence des attaques israéliennes soutenues d’artillerie et de missiles. S’il n’y a pas eu beaucoup plus de civils tués c’est seulement du fait que la quasi-totalité des 12 000 habitants de la ville avait fui, craignant pour leur sécurité.

Des preuves supplémentaires sont apparues montrant que les Israéliens savaient que des enfants et d’autres civils utilisaient le bâtiment bombardé comme refuge. Des survivants du bombardement ont dit au Los Angeles Times que leurs enfants jouaient à côté du bâtiment lorsque des drones de reconnaissance israéliens avaient survolé l’endroit. « C’est sûr que les drones ont dû reconnaître qu’il y avait des enfants qui jouaient là », dit Mohsen Hashem, un habitant de 30 ans.

Après l’interview de Eisen à CNN, des porte-parole militaires israéliens ont davantage brodé sur cette histoire. Le brigadier général Amir Eshel dit à des journalistes au ministère de la Défense de Tel-Aviv que les avions israéliens avaient touché le bâtiment entre minuit et une heure du matin, mais qu’il ne s’était pas écroulé, tuant ses occupants, avant huit heures du matin. « L’intervalle entre le moment de l’effondrement du bâtiment et celui où il a été touché n’est pas clair », a-t-il déclaré. « Il se peut qu’à l’intérieur du bâtiment, on avait mis des choses qui pouvaient finalement causer une explosion, des choses que nous n’avons pas pu faire exploser durant l’attaque et qui sont restées là. »

Tous les apologistes les plus impudents d’Israël se sont immédiatement jetés sur ce soi-disant « intervalle ». Un site web populaire de droite sioniste, Israel Insider, a décrit le massacre de Cana comme « Hezbollywood » et accusé les combattants de la résistance libanaise de placer dans le bâtiment des corps sans vie puis de procéder à une démolition contrôlée afin d’en rejeter la responsabilité à l’Etat sioniste.

L’ambassadeur israélien aux Nations unies, Dan Gillerman, a répété cette affirmation grotesque lorsqu’il a parlé à «Meet the Press» sur le réseau NBC. «Cette haineuse, brutale et cynique organisation terroriste est bien capable d’avoir retenu ces gens contre leur gré après que nous leurs ayons demandé de quitter à plusieurs reprises, afin de se servir d’eux comme boucliers humains, et même, aussi tiré par les cheveux que cela puisse paraître, afin que tout ceci se produise, car cela ne fait l’affaire de personne, sauf du Hezbollah et de l’Iran,» a-t-il déclaré.

Toutefois, la tentative de Tel-Aviv de nier toute responsabilité pour la destruction du bâtiment a été rapidement réfutée par les faits sur place. Tous les survivants et les résidents de Cana ont rejeté avec colère les affirmations d’Israël et ont insisté que l’effondrement du bâtiment avait immédiatement suivi l’attaque au missile israélienne. Le directeur de la Croix-Rouge dans la ville du Liban sud de Tyr a aussi rapporté avoir reçu des nouvelles de l’atrocité à 7h du matin, soit au moins une heure avant que le bâtiment s’effondre selon l’armée israélienne. Des ambulances et des équipes médicales ont mis environ une heure à se rendre dans la zone à cause des frappes aériennes israéliennes continues et de la destruction des routes et des ponts.

Dimanche soir, il était clair que les désaveux d’Israël à propos de sa responsabilité pour les morts de Cana ne servaient à rien, causant, selon la description d’un journal de Tel-Aviv, un « désastre de relations publiques ». Le gouvernement et l’armée ont par la suite adopté une autre défense, à laquelle ils se sont tenus jusqu’à maintenant, et qui dit que le bombardement était justifié, car des roquettes du Hezbollah avaient été tirées de Cana et les civils avaient été précédemment avertis de quitter les lieux.

Israël a rendu public des extraits vidéo qui montreraient des roquettes du Hezbollah être tirées de Cana et des camions transportant prétendument des armes dans des bâtiments civils. On révéla par la suite que cette séquence avait été filmée le 28 juillet, deux jours avant la mort des civils. Israël a aussi admis qu’aucune des séquences vidéo ne montrait le bâtiment bombardé le 30 juillet. Les représentants n’ont toujours pas expliqué le lien entre l’enregistrement et le bâtiment. De plus, aucune preuve d’une utilisation de l’endroit pour fins militaires n’a été retrouvée plus tard dans les décombres.

 « La séquence vidéo que nous voyons ne concorde pas », a affirmé Andrew Brookes, de l’Institut international d’études stratégiques, au bulletin de nouvelles britannique de Channel 4. « Nous apercevons un camion ici, nous verrons un missile être tiré là. Mais nous ne voyons encore aucun mécanisme nous permettant d’affirmer que cela a rapport à ce tas de débris, que ceci est en lien avec la terrible catastrophe là-bas où des personnes ont été mutilées et tuées. Nous ne voyons aucune trace de camions lance-missiles qui auraient explosé, nous n’avons aucune preuve d’une quelconque capacité de tir de missiles.»

La défense de Tel-Aviv de son attaque sur Cana témoigne de la criminalité sans bornes du gouvernement israélien. Même s’il était vrai que le Hezbollah tirait des roquettes du bâtiment civil, la frappe israélienne demeurerait une atrocité et un crime de guerre.

« Même si l’armée israélienne a averti les civils de quitter Cana, cela ne lui donne pas carte blanche pour attaquer à l’aveugle », a noté Kenneth Roth de Human Rights Watch. « L’armée israélienne semble considérer toute personne encore dans la région comme un combattant qui est une proie facile à attaquer. Ne pas distinguer de façon constante entre les combattants et les civils est un crime de guerre. »

Le journaliste Robert Fisk, basé à Beyrouth, a dit à Democracy Now !: « En sommes-nous rendus aujourd’hui à ce que vous soyez condamné à mort dans le cas où vous habitez près d’un endroit où quelqu’un a lancé un missile ? Est-ce ce qu’Israël croit que cette guerre devrait être ? Je suis assis ici, par exemple, dans ma maison et dans le noir (il n’y a pas d’électricité) à côté d’un parc de stationnement. Et si quelqu’un lançait un missile de ce parc ? Est-ce que je dois mourir pour autant ? Est-ce une sentence de mort pour moi ? Est-ce ainsi qu’Israël mène sa guerre ? S’il y a des enfants au sous-sol, est-ce qu’ils doivent mourir à cause de cela ? »

On peut imaginer l’outrage à Tel-Aviv et à Washington si le Hezbollah, ou des militants palestiniens, devaient lancer un avertissement à un million d’Israéliens de quitter leurs maisons pour ensuite justifier le meurtre au hasard de civils sur la base que les victimes ont reçu les avertissements d’usage.

De plus, la prétention que le Hezbollah a utilisé des régions civiles à Cana pour lancer des roquettes ne peut être acceptée sans critiques. Les résidants locaux et les travailleurs de la Croix-Rouge ont dit à l’agence de presse IPS qu’aucune roquette n’avait été lancée avant le raid de bombardement israélien.

« Nous n’avons trouvé aucune trace de combattants du Hezbollah à Cana, a dit Kassem Shaulan, un secouriste et responsable de l’entraînement pour Croix-Rouge. Lorsque nous sauvons des gens ou récupérons les corps dans les villages, nous trouvons habituellement des lanceurs de roquettes ou des combattants du Hezbollah s’ils sont là, mais à Cana, je peux dire que le village était à cent pour cent exempt de l’un et de l’autre. »

Pas un autre Etat-nation n’est aussi versé dans la pratique du « grand mensonge » qu’Israël. Incapable d’admettre publiquement la nature criminelle de ses ambitions géopolitiques au Liban et au Moyen-Orient, Tel-Aviv est forcé de faire usage de couvertures et de falsifications flagrantes après chaque atrocité. La campagne de propagande du gouvernement d’Olmert suit une longue tradition de telles opérations dans l’histoire de l’Etat sioniste.

 

 

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