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Menaces américaines contre l'Iran: le spectre de la barbarie nucléaire

Déclaration du comité de rédaction du WSWS

Le 13 avril 2006

La révélation que le gouvernement des États-Unis prépare une campagne de bombardement contre l'Iran impliquant l'usage possible d'armes nucléaires représente la menace la plus sérieuse qui soit dans une situation internationale de plus en plus instable.

L'impérialisme américain a emprunté une trajectoire qui conduira, s'il n'est pas stoppé, à une catastrophe historique mondiale auprès de laquelle la seconde guerre mondiale ferait pâle figure.

Le fait qu'un tel acte puisse même être envisagé par la Maison Blanche de Bush devrait frapper de stupeur et d'horreur tous ceux qui sont préoccupés par le sort du monde et l'avenir de l'humanité. Un peu plus de six décennies après que l'impérialisme américain ait largué les premières bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki, crime horrible que des générations ont depuis juré ne devait plus se reproduire, Washington envisage sérieusement l'usage de ces terribles armes une fois de plus, cette fois-ci sans provocation préalable ou preuve crédible d'une future menace. Un tel acte aurait pour conséquence de criminaliser les États-Unis en tant que pays et en tant que société.

Ces projets ne sont pas seulement réels, mais font déjà l'objet de mesures concrètes, comme en attestent le Washington Post ainsi que Seymour Hersh dans un article publié cette semaine dans le magazine New Yorker. Les préparatifs comprennent le déploiement de commandos spéciaux en Iran pour repérer des cibles et la tenue d'exercices aériens au-dessus de la mer d'Arabie, simulant des frappes de missiles équipés de têtes nucléaires contre des installations nucléaires iraniennes.

La menace de guerre s'est accrue depuis la publication de ces articles, le gouvernement iranien annonçant mardi qu'il avait réussi à enrichir de l'uranium pour son programme d'énergie nucléaire. Téhéran a une fois de plus insisté sur le fait que son programme n'était destiné qu'à des fins pacifiques et des experts ont confirmé que le pas franchi laissait quant même l'Iran loin d'être en mesure de produire le taux d'enrichissement d'uranium nécessaire pour la mise au point d'une arme nucléaire.

Il existe sans doute un fort élément de témérité dans les actions entreprises par le gouvernement de Téhéran. Celui-ci poursuit ses propres objectifs politiques à courte vue dans la confrontation sur la question nucléaire en utilisant le ressentiment nationaliste d'une vaste couche de la population iranienne à l'encontre de l'intimidation américaine comme moyen de détourner l'attention des tensions sociales et politiques régnant en Iran. Les actions des factions bourgeoises qui contrôlent le gouvernement iranien n'ont nullement contribué à défendre le peuple iranien contre la menace de guerre. En fait, elles ont fait le jeu de la clique militariste de droite qui contrôle la Maison Blanche.

Les calculs politiques internes jouent un rôle majeur dans les nouveaux préparatifs de guerre des États-Unis. L'effondrement du soutien populaire pour la politique de Bush, signe de la profonde crise sociale aux États-Unis, a encouragé le gouvernement à se diriger vers une autre campagne d'agression militaire comme un moyen d'intimider l'opinion publique et de noyer les voix dissidentes.

Comme on pouvait s'y attendre, le gouvernement Bush a répondu à la récente annonce de Téhéran en renouvelant ses menaces belliqueuses. La secrétaire d'Etat, Condoleezza Rice, a déclaré mercredi que le Conseil de sécurité des Nations unies doit prendre de «fortes mesures» contre l'Iran pour «sauvegarder la crédibilité de la communauté internationale.» Elle a ajouté: «Nous ne pouvons laisser cela continuer.»

Le secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, a décrit l'Iran comme étant «un pays qui soutient des terroristes.» Il a continué en disant: «C'est un pays qui a fait connaître son intérêt pour la possession d'armes de destruction massive.»

Le gouvernement suit littéralement le même scénario que celui ayant mené à la guerre contre l'Irak. Il lance des avertissements sombres et non fondés d'une supposée menace imminente venant d'«armes de destruction massive» qui ne pourrait être stoppée que par un «changement de régime» sur initiative américaine. Une fois de plus, Washington repousse du revers de la main la surveillance du programme nucléaire iranien effectuée par les Nations unies comme étant inutile et il ne fait aucun doute que face au refus presque certain de la Russie, de la Chine et peut-être d'autres membres du Conseil de sécurité de soutenir une action militaire, la Maison Blanche de Bush va une fois de plus qualifier les Nations unies de non pertinentes et se lancer dans sa propre action unilatérale.

Dans un discours prononcé à l'École des études internationales avancées de l'Université Johns Hopkins, Bush a réitéré sa condamnation belliqueuse de 2002 plaçant l'Iran dans «l'axe du mal» aux côtés de la Corée du Nord et de l'Irak maintenant sous occupation américaine.

Bush a déclaré que sa stratégie par rapport à l'Iran était basée sur une «doctrine de prévention». Dans le langage de la raison d'état dans les affaires internationales, une guerre préventive est une guerre d'agression déclenchée dans le but d'empêcher une force perçue comme rivale de prendre le pouvoir ou d'acquérir un avantage stratégique pour l'avenir. Selon le précédent établi lors du procès des responsables nazis allemands à Nuremberg, ceci constitue un crime de guerre.

Le World Socialist Web Site a attiré l'attention sur les parallèles frappants qui existent entre la politique poursuivie par le gouvernement américain et les méthodes employées par les dirigeants du Troisième Reich allemand dans les années 1930 et 1940. Le mépris absolu pour la loi internationale, l'agression militaire sur la base de faux prétextes et le recours à une force écrasante contre des victimes relativement impuissantes sont communs aux deux régimes. Certains de nos lecteurs ont peut-être écarté de telles comparaisons comme étant exagérées. Compte tenu des récentes révélations au sujet des projets de guerre américains contre l'Iran, une telle complaisance n'est plus tenable.

Il y a un puissant élément de témérité et même d'insanité dans la menace américaine d'utiliser des armes nucléaires, pour la première fois depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale, prétendument dans le but d'empêcher l'Iran d'acquérir la technologie qui pourrait servir à produire des armes nucléaires.

Pétrole et avantage stratégique

Ce qui sous-tend toutefois cette apparente folie est une politique déterminée qui est poursuivie par l'impérialisme américain. Comme pour l'Irak, l'objectif premier qui se cache derrière les menaces de guerre contre l'Iran n'est pas les armes de destruction massive, mais le pétrole. Le programme nucléaire iranien n'est pas vu en réalité par Washington comme une énorme menace. Comme pour l'Irak, les armes de destruction massive servent de casus belli pour une action militaire visant d'autres objectifs.

Nous ne soutenons pas les efforts du gouvernement iranien pour obtenir des armes nucléaires en raison du principe fondamental qu'ils ne contribuent nullement à faire avancer la lutte des travailleurs en Iran ou ailleurs dans la région. Toutefois, même si l'Iran venait à acquérir une arme nucléaire, ce n'aurait aucune signification militaire importante vu la force énorme détenue par les États-Unis.

L'Iran est, après tout, entouré de pays possédant de telles armes, la Russie, Israël, le Pakistan, l'Inde, certains d'entre eux les ayant obtenues avec le soutien de Washington. Si la dictature du Shah appuyée par les Etats-Unis n'avait pas été renversée, le programme nucléaire qu'elle a commencé avec le soutien direct de gens comme Cheney et Rumsfeld aurait sans doute produit des bombes il y a longtemps.

Le gouvernement américain ne fait qu'exploiter la méconnaissance par la population de la véritable situation et la servilité de la presse pour créer un écran de fumée derrière lequel il poursuit des intérêts bien déterminés. L'Iran possède la deuxième réserve de gaz naturel et la quatrième réserve de pétrole au monde et on s'attend à ce que l'Iran produise encore du pétrole des décennies après que les réserves pétrolières de l'Arabie saoudite se soient épuisées. De plus, Washington est confronté au fait politique que l'Iran pourrait devenir le principal bénéficiaire de l'invasion américaine en Irak, menaçant de déjouer la tentative américaine d'établir une hégémonie incontestée sur le Golfe persique et les ressources énergétiques stratégiques de la région.

Les liens croissants de l'Iran avec la Russie, la Chine et l'Europe sont vus comme une menace encore plus importante pour les intérêts américains. Washington n'a aucunement l'intention de permettre à ses principaux rivaux économiques de récolter un avantage économique du fait de sa politique de sanctions économiques imposée contre l'Iran durant des décennies. Ce sont tout spécialement les liens entre l'Iran et la Russie qui sont considérés comme un obstacle à la poussée des États-Unis pour un contrôle des énormes réserves de pétrole et de gaz naturel inexploitées qui se trouvent dans les anciennes républiques soviétiques d'Asie centrale.

En dernière analyse, la menace d'une guerre d'agression contre l'Iran et de l'utilisation d'armes nucléaires exprime la crise historique du capitalisme américain et mondial et le déséquilibre croissant de tout le système d'états-nations sur lequel repose le capitalisme. Ce déséquilibre, et son malveillant produit dérivé qu'est le danger d'une nouvelle guerre mondiale, a été exacerbé à la fois par l'effondrement de l'Union soviétique et le déclin relatif de la position du capitalisme américain au sein de l'économie mondiale.

Ces développements parallèles ont encouragé, au sein de l'oligarchie dirigeante américaine, un consensus stratégique pour exploiter la supériorité militaire de l'impérialisme américain dans le but de réorganiser l'économie mondiale selon les intérêts des banques et des entreprises transnationales des États-Unis. Ceci signifie la saisie de positions et de ressources stratégiques, comme dans le Golfe Persique, et le recours au militarisme et à la guerre pour prévenir l'émergence de tout rival, même sur le plan régional, qui défierait les visées d'hégémonie des États-Unis.

Bush a beau nier les plans de frappes nucléaires rapportés dans la presse, il existe des preuves abondantes que ce qui était autrefois impensable au sein de l'élite dirigeante politique américaine est à présent considéré comme une option viable. Foreign Affairs, revue qui reflète le point de vue de l'establishment américain en politique étrangère, a publié dans son numéro courant un article intitulé «La montée de la suprématie nucléaire américaine». Cet article soutient qu'une guerre nucléaire peut être gagnée grâce aux avancées technologiques dans le système d'armements américain et à la détérioration de l'arsenal nucléaire de l'ancienne Union soviétique.

«Aujourd'hui, pour la première fois depuis près de 50 ans, les États-Unis sont sur le point d'atteindre la suprématie nucléaire», soutient l'article. «Il sera probablement bientôt possible aux États-Unis de détruire l'arsenal nucléaire de longue portée de la Russie ou de la Chine par une première frappe.»

Une frappe nucléaire contre l'Iran, pays limitrophe de la Russie, représenterait un premier pas vers l'expérimentation de cette stratégie. Elle servirait non seulement à dévaster l'Iran et infliger d'énormes pertes humaines à ce pays, mais aussi à menacer la Russie, la Chine et toute autre puissance qui pourrait faire obstacle aux objectifs impérialistes américains.

Les États-Unis s'embarquent dans une voie menant inexorablement à une guerre encore plus catastrophique qui coûterait la vie à des centaines de millions de gens. Quant au prochain acte d'agression militaire américaine, la seule question à poser n'est pas si, mais quand.

L'Irak a déjà démontré qu'il n'existe, dans le cadre de la structure politique américaine existante, aucun moyen de bloquer cette menace. Sur la question de la guerre contre l'Iran, le Parti démocrate est resté quasi silencieux.

Dans son article paru dans le New Yorker, Hersh a cité un membre de la Chambre des Représentants disant qu'«Il n'y a pas de pression venant du Congrès» contre le déclenchement d'une nouvelle guerre.

Il n'y a eu aucun appel de la part d'aucune section de la direction du Parti démocrate pour réclamer des audiences publiques afin d'examiner les implications politiques, militaires, juridiques et morales des plans relatés dans la presse en vue d'une guerre qui pourrait impliquer l'utilisation d'armes nucléaires. Il n'y a aucune raison de croire que le Congrès et les Démocrates ne soient pas moins complices dans ce nouvel acte criminel qu'ils ne l'ont été pour l'invasion et l'occupation de l'Irak.

L'éditorial publié dans l'édition de mardi du New York Times sous le titre complaisant de «Fantaisies militaires sur l'Iran» est un symptôme de la réaction amorphe des libéraux d'hier.

«Le Congrès et le public doivent imposer le genre de débat national sérieux qui n'a jamais eu lieu avant l'invasion américaine de l'Irak», affirme le Times tout en notant que le gouvernement profère des menaces «d'une future action militaire américaine dans des termes qui rappellent par moments des déclarations faites avant l'invasion de l'Irak.»

L'appel lancé par l'éditorial pour un «débat national sérieux» sur une nouvelle guerre d'agression répète précisément le langage employé par le Times durant les mois qui ont précédé l'invasion de l'Iraq. À cette époque, le journal a invité le gouvernement à continuer de présenter une justification pseudo-légale pour la guerre et préconisé un «débat» pour préparer le public à cet effet. Lorsque la Maison Blanche a toutefois donné l'ordre d'envahir l'Irak sans l'aval des Nations unies, le journal a quand même soutenu sa décision.

Ce dernier éditorial met en garde sur d'éventuelles implications défavorables de frappes aériennes contre l'Iran pour les troupes américaines en Irak, et se demande si des frappes pourraient vraiment «détruire l'ensemble des installations nucléaires iraniennes», en qualifiant une guerre avec l'Iran de «folie téméraire». Mais le journal ne dénonce pas la perspective d'attaques aériennes non provoquées et l'éventuelle utilisation d'armes nucléaires pour ce qu'elles sont, à savoir: des crimes de guerre. Clairement, les rédacteurs en chef considèrent de telles choses comme tout à fait possibles.

État policier au pays

Les implications d'un tel acte de guerre sur la société américaine même sont énormes. De telles attaques susciteraient indubitablement des représailles que le gouvernement de Washington mettrait à profit pour intensifier de façon radicale la «guerre contre le terrorisme» par une amplification de l'escalade militaire à l'extérieur et par l'élimination des droits démocratiques fondamentaux à l'intérieur.

L'utilisation des armes nucléaires par les États-Unis provoquerait l'indignation et l'horreur au sein de la population américaine et déclencherait une opposition de masse. Le gouvernement y répondrait par des actions de représailles pures et dures. La perspective pour le peuple américain d'avoir à faire face à une dictature militaire fasciste à la suite d'une telle attaque militaire est tout à fait réelle.

Les nouvelles menaces de guerre contre l'Iran posent l'alternative fondamentale de notre époque historique: socialisme ou barbarie. Une lutte contre cette nouvelle menace et la guerre qui se déroule en Irak ne peut être menée que par la mobilisation indépendante de la classe ouvrière américaine, aux côtés des travailleurs et des peuples opprimés de par le monde. Elle doit prendre la forme d'une lutte politique contre l'oligarchie financière américaine et ses deux partis politiques.

Le danger réside dans le fait que la crise capitaliste et le recours au militarisme et à la guerre qui s'ensuit se développent très rapidement et que les moyens politiques pour s'y opposer sont à la traîne. Ce danger doit être surmonté par une reconnaissance consciente de la contradiction qui existe entre l'énormité des questions posées et l'absence de toute alternative politique au sein du système capitaliste des deux partis.

Un nouveau mouvement révolutionnaire de masse doit se développer en se basant sur l'unité de la classe ouvrière dans la lutte pour le socialisme et contre le système dépassé des états-nations sur lequel repose l'impérialisme. Le Parti de l'égalité socialiste et le World Socialist Web Site luttent pour établir les fondements politiques indispensables au développement d'un tel mouvement.


 

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