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Le sommet Bush-Maliki : la Maison-Blanche rejette tout retrait de l’Irak

Par Patrick Martin
2 décembre 2006

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La rencontre au sommet de jeudi entre le président américain Bush et le premier ministre irakien Nouri al-Maliki a fait la démonstration de la crise de l’occupation américaine et des mesures réactionnaires que Washington prépare dans une tentative de garder sa poigne sur ce pays ravagé par la guerre.

La location du sommet avait en soi une signification symbolique : le chef d’Etat de la plus grande puissance militaire au monde ne pouvait pas visiter le pays qu’il a désigné pour invasion et occupation, plus de trois ans après avoir déclaré avec fanfare : « Mission accomplie ». Bush n’a même pas risqué de se rendre quelques heures dans la Zone verte fortifiée au centre-ville de Bagdad. Plutôt, la Maison-Blanche a organisé la rencontre à Amman, la capitale de la Jordanie voisine, un pays dont la monarchie règne sur une population majoritairement palestinienne à l’aide de subsides et d’armes américains.

Une visite de Bush à Bagdad non seulement aurait été un cauchemar quant à la sécurité, mais elle aurait aussi été une provocation politique et pourrait avoir fait tomber le gouvernement Maliki. La colère est telle dans la population majoritairement chiite envers les préparatifs américains pour une offensive dans Sadr City, un quartier largement chiite situé dans les banlieues est de Bagdad, qu’une large section de la coalition chiite au pouvoir a menacé de retirer son appui à Maliki si le premier ministre participait au sommet.

Maliki a annulé une réunion avec Bush et le roi Abdullah II de Jordanie, prévu pour mercredi, au moins en partie pour apaiser ses critiques chiites en Irak. Le premier ministre était aussi clairement en colère que la Maison-Blanche ait laissé coulé une note résumant la visite à Bagdad le mois passé du conseiller à la sécurité nationale Stephen Hadley, suggérant que le dirigeant irakien était soit incompétent, soit malhonnête parce qu’il s’opposait à un assaut militaire sur l’Armée du Mahdi, la milice chiite qui contrôle Sadr City.

Le sommet a finalement eu lieu jeudi matin. Bush et Maliki ont alors rencontré les journalistes pour une brève conférence de presse. Bush a prononcé une déclaration préparée qui était notable pour ignorer entièrement les réalités bien connues du terrain en Irak. Il décrivait Maliki comme un dirigeant élu choisi lors d’une élection où 12 millions de personnes avaient voté, même s’il est devenu premier ministre seulement après que les occupants américains ont demandé et obtenu le départ de son prédécesseur, Ibrahim Jafaari qui avait, lui aussi, été « librement choisi ». L’administration Bush a manœuvré pour écarter Jafaari parce qu’il refusait d’agir militairement contre les milices chiites, la même plainte faite aujourd’hui contre son successeur.

Le président américain a décrit Maliki comme le dirigeant d’un « gouvernement souverain », même s’il est le produit de l’occupation américaine, un régime fantoche dont le pouvoir est inexistant hors de la Zone verte. Maliki s’est plaint à plusieurs occasions qu’il ne contrôle pas une seule unité des forces américaines ou même irakiennes opérant sur le territoire de son pays.

Bush a louangé les progrès du comité mixte sur l’accélération du transfert de la responsabilité de la sécurité, un comité de liaison qui était obscur jusqu’à tout récemment qui organise prétenduement le transfert du commandement militaire du marionnettiste à la marionnette.

Bush a déclaré que « le succès en Irak exigeait un Irak uni où la démocratie est préservée, où le droit prévaut et où les droits des minorités sont respectés ». Selon ces critères, évidemment, l’intervention américaine est un échec colossal. L’Irak n’est ni uni, ni démocratique, mais un pays dont toute la structure sociale et politique a été détruite par l’intervention américaine, descendant rapidement dans la barbarie de la guerre civile.

La violation la plus effrontée de la « loi » a été l’invasion américaine elle-même, menée en violation du droit international et de l’opinion publique mondiale. Pour ce qui est des « droits des minorités », les Irakiens qui sont maintenant devenus des minorités dans leurs propres quartiers — les chiites vivant dans des zones majoritairement sunnites, et les sunnites dans les zones contrôlées par les chiites — sont obligés de fuir pour survivre alors qu’une forme particulièrement violente de nettoyage ethnique est maintenant devenue la norme. Le bilan des victimes du mois dernier, causées surtout par la violence sectaire, a dépassé 3700 et environ 655 000 personnes ont été tuées depuis que les premiers chars d’assaut américains ont traversé la frontière en mars 2003.

Même les serviles médias américains se sont vus obligés de contredire les efforts de l’administration Bush pour présenter l’Irak comme une démocratie en développement, alors que le réseau de télévision NBC et plusieurs importants journaux ont annoncé cette semaine qu’ils décriraient à partir de maintenant les conditions en Irak comme celles d’une guerre civile. Malgré le caractère tempéré de cette rebuffade à la Maison-Blanche, elle est d’une véritable signification politique : la définition mine la prétention de Bush que la guerre en Irak est principalement une lutte contre le terrorisme international.

Le seul élément important à avoir émergé du sommet d’Amman est une autre déclaration de Bush qu’il n’y aurait pas de changement de cap en Irak. Durant sa visite, d’abord au sommet de l’OTAN à Riga, en Lituanie, et ensuite en Jordanie, il a fait référence aux spéculations médiatiques bien répandues selon lesquelles le Groupe d’étude sur l’Irak, un comité bipartisan créé par le Congrès et dirigé par l’ancien secrétaire d’Etat James Baker, recommanderait au moins un retrait partiel des troupes américaines.

À Riga, Bush s’est donné du mal pour étouffer l’idée, affirmant, « il y a une chose que je ne ferai pas : je ne vais pas retirer les troupes du champ de bataille tant que la mission n’est pas complétée ». Il a réaffirmé cette position en arrivant à Amman mercredi, déclarant aux journalistes : « Il n’y a rien de réaliste dans tout ce discours à propos d’un retrait élégant. »  

Bush a abordé la question encore une fois à la conférence de presse de jeudi lorsque les journalistes l’ont questionné à plusieurs reprises, lui et Maliki, au sujet d’un échéancier pour le transfert des responsabilités de sécurité, tentant de relier cette question à une certaine forme de retrait des troupes. « On me pose cette question des échéanciers depuis le début », a déclaré Bush, visiblement irrité. « Tous les échéanciers sont des échéanciers pour un retrait de troupes », a-t-il ajouté. « Cela ne fait qu’entretenir de fausses attentes. »

Les articles de jeudi, basés sur des divulgations de membres du Groupe d’étude sur l’Irak, montrent que les recommandations du comité, qui devraient être dévoilées le 6 décembre, équivalent essentiellement à une prolongation illimitée de l’occupation américaine en Irak. Ce que les commentaires médiatiques qualifient de « retrait » n’est rien de plus qu’un redéploiement des forces américaines, à l’intérieur et en périphérie de l’Irak, afin que les troupes américaines jouent principalement un rôle de réserve et d’entraînement, avec certaines unités disponibles pour des offensives militaires particulières, alors que les forces irakiennes patrouilleraient au front. Même si les propositions du Groupe d’étude sur l’Irak étaient adoptées par l’administration Bush, ce qui est loin d’être sûr, il pourrait encore y avoir 70 000 soldats américains ou plus en Irak dans dix ans.

Il n’existe aucun appui sérieux, ni dans les médias et ni dans le Parti démocrate — à la veille de prendre le contrôle du Congrès à la suite des élections du 7 novembre — pour un retrait des troupes américaines dans un avenir rapproché. L’ancien président Bill Clinton a réaffirmé sa propre opposition à un échéancier pour un retrait des troupes dans une déclaration qu’il a faite jeudi.

Selon un article du Los Angeles Times du 29 novembre, le Pentagone prépare sa plus grande demande de crédits d’urgence à ce jour pour financer les guerres en Irak et en Afghanistan et les « autres opérations militaires liées à la guerre contre le terrorisme de l’administration Bush ». Les dirigeants du Congrès se sont fait dire que la somme demandée serait comprise dans la fourchette de 127 à 150 milliards $, le chiffre exact sera déterminé lorsque la loi sera publique en février prochain.

Le Times a noté que les démocrates n’avaient que des objections sur les questions de procédure, voulant limiter les crédits supplémentaires à 80 à 100 milliards $, non pas en réduisant les dépenses, mais en transférant le financement sur la loi des crédits régulière. Le journal concluait : « il n’y a aucun doute qu’un grand supplément sera adopté ont dit des sources démocrates ».

Il faut noter comment les deux partis ont complètement répudié le verdict des électeurs du 7 novembre, qui ont retiré le contrôle des deux chambres du Congrès aux républicains dans une puissante démonstration d’opposition à la guerre en Irak qui fut renforcée par la colère sur les conditions de vie se détériorant au pays. Les sondages à la sortie des scrutins ont établi que 55 pour cent de ceux qui avaient voté favorisaient un retrait immédiat de tout ou d’une partie des troupes hors de l’Irak. C’est le retrait immédiat et complet des troupes qui représentait l’option la plus populaire (29 pour cent).

Mais dans les semaines qui ont suivi le vote, ce fut une proposition après l’autre pour l’augmentation du nombre des soldats en Irak, la plus récente étant les plans du Pentagone pour transférer de 3000 à 18 000 soldats dans le pays, principalement pour renforcer les patrouilles à Bagdad, en préparation d’un assaut de l’Armée du Mahdi.

Comme le chroniqueur en ligne du Washington Post sur les affaires militaires William Arkin l’a noté dans un commentaire parmi d’autres sur ce sujet : « De la façon folle qui caractérise Washington, depuis que les élections ont fait soufflé un vent démocrate sur le pays causé par le mécontentement public envers la guerre en Irak, le mouvement dans les halls vides a été pour le développement de la présence militaire américaine en Irak. »

L’administration Bush est dans une crise désespérée, affaiblie par sa répudiation électorale, mais plus fondamentalement par la faillite de son intervention en Irak. Le but de son aventure militaire n’était pas de parrainer la « démocratie » au Moyen-Orient, le dernier et peut-être moins crédibles des mensonges de la Maison-Blanche. Le but était de contrôler un pays qui possède les deuxièmes plus grandes réserves en pétrole au monde et d’établir un bastion stratégique au Moyen-Orient. Combiné avec le contrôle de l’Afghanistan et une présence militaire américaine de plus en plus importante en Asie centrale, l’impérialisme américain serait ensuite en position de dominer les régions qui fournissent le gros du pétrole mondial.

Le Parti démocrate, peu importe ses critiques de l’incompétence militaire et politique de l’administration Bush pour la façon dont elle a menée la guerre en Irak, défend l’impérialisme américain tout autant que les républicains. C’est ce qui explique l’accord parmi les dirigeants démocrates, peu importe leurs divergences sur les questions tactiques, qu’il ne peut être question de la légitimité et de la légalité de la guerre en Irak, et qu’on ne peut même suggéré les raisons prédatrices qui se cache derrière elle. Ils s’entendent tous à considérer la guerre comme une erreur, pas comme un crime.

(Article original anglais paru le 1er décembre 2006)

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